Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 436059, lecture du 8 février 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:436059.20210208

Décision n° 436059
8 février 2021
Conseil d'État

N° 436059
ECLI:FR:CECHS:2021:436059.20210208
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Sébastien Gauthier, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats


Lecture du lundi 8 février 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1701129 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX03366 du 23 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 2019 et 17 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, son avocat, une somme de 3 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 ". Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative applicable aux contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". L'article R. 776-9-1 du code de justice administrative dispose toutefois que " Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables en Guyane, en Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ". Selon l'article R. 811-5 de ce code " Les délais supplémentaires de distance prévus aux articles 643 et 644 du nouveau code de procédure civile s'ajoutent aux délais normalement impartis (...) ". En vertu de l'article R. 421-7 du même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises (...) ".

2. Il résulte de ces dispositions que l'article R. 776-9-1 du code de justice administrative rendant inapplicables en Guyane les dispositions de l'article R. 776-9 du même code qui fixent à un mois le délai d'appel contre les jugements rendus en matière de décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français, y sont applicables les règles de droit commun de la procédure administrative et contentieuse, notamment relatives au délai de recours et au délai d'appel, éventuellement augmenté du délai de distance prévu aux articles R. 421-7 et R. 811-5 du code de justice administrative.

3. Il résulte de ce qui précède qu'en rejetant comme tardif l'appel de M. B..., enregistré le 6 septembre 2018 à son greffe, dirigé contre le jugement du 1er juin 2018 du tribunal administratif de la Guyane rejetant sa demande d'annulation d'une décision refusant de renouveler son titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, régulièrement notifié à M. B... le 27 juin 2018 en application des dispositions de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. Par suite, M. B... est fondé à en demander l'annulation.

4. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy.


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 23 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B..., une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.