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Ariane Web: Conseil d'État 431239, lecture du 12 février 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:431239.20210212

Décision n° 431239
12 février 2021
Conseil d'État

N° 431239
ECLI:FR:CECHR:2021:431239.20210212
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Alain Ménéménis, président
M. Bertrand Mathieu, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du vendredi 12 février 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 20 février 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin à son statut de réfugié en application du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une décision n° 18042277 du 2 avril 2019, la Cour nationale de droit d'asile a annulé cette décision.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 20 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la directive 2011/95/UE du parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°2014-1353 du 14 novembre 2014 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et à la SCP Boulloche, avocat de M. A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A..., de nationalité russe et d'origine tchétchène, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 25 août 2011. Par une décision du 20 février 2017 prise en application du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. A..., en estimant que, l'intéressé ayant fait l'objet de quatre condamnations pénales entre 2011 et 2016, dont une condamnation prononcée le 18 février 2015 par le tribunal correctionnel de Nice pour des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme, sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour la société. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 2 avril 2019 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et rétabli M. A... dans le statut de réfugié.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition des dispositions du 4. de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 : " Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque : (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société (...) ". Il résulte de ces dispositions que la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d'y mettre fin, qui est sans incidence sur le fait que l'intéressé a ou conserve la qualité de réfugié dès lors qu'il en remplit les conditions, est subordonnée à deux conditions cumulatives, dont l'une est d'avoir fait l'objet d'une des condamnations qui y sont limitativement énumérées.

3. Aux termes de l'article L 421-2-5 du code pénal, issu de la loi du 14 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme : " Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 ? d'amende. / Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 ? d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. / Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ". Si le délit d'apologie publique d'actes de terrorisme prévu par ces dispositions figure dans le chapitre du titre II du livre IV du code pénal intitulé " Des actes de terrorisme ", il n'a pas été qualifié, à la différence d'autres infractions du même chapitre, d'" acte de terrorisme ", ainsi, d'ailleurs, que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-706 QPC du 18 mai 2018.

4. Pour juger que la première condition posée par le 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à l'existence d'une des condamnations qui y sont énoncées, n'était pas remplie et en déduire qu'il ne pouvait être fait application de cette disposition pour mettre fin au statut de réfugié de M. A..., la Cour nationale du droit d'asile a relevé que les délits ayant donné lieu aux condamnations de celui-ci étaient punis de peines inférieures à dix ans d'emprisonnement et que les faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme pour lesquels il avait été condamné le 18 février 2015 ne constituaient pas un acte de terrorisme. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 qu'en statuant ainsi, la Cour n'a pas commis d'erreur de droit. Le moyen tiré de ce qu'elle aurait, en conséquence de son erreur de droit, inexactement qualifié les faits de l'espèce doit, dès lors, être également écarté.

5. En second lieu, les moyens contestant la décision litigieuse en tant qu'elle se prononce sur le maintien de la qualité de réfugié de M. A... et sur la seconde condition nécessaire pour mettre fin au statut de réfugié, tenant à la menace grave pour la société, sont dirigés contre des motifs surabondants de cette décision. Ils sont, par suite, inopérants.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFPRA n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque.

7. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à la SCP Boulloche, avocat de M. B..., d'une somme de 3 000 euros, au titre de ces dispositions, sous réserve que cette société renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'OFPRA est rejeté.

Article 2 : L'OFPRA versera à la SCP Boulloche, avocat de M. A..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée àà l'Office Français De Protection Des Refugies Et Apatrides et à M. C... D... A....




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