Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 451849, lecture du 30 avril 2021, ECLI:FR:CEORD:2021:451849.20210430

Décision n° 451849
30 avril 2021
Conseil d'État

N° 451849
ECLI:FR:CEORD:2021:451849.20210430
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats


Lecture du vendredi 30 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 451849, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 19, 27 et 29 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme DM... BU..., Mme AB... DN..., Mme DF... N..., M. H... O..., M. Q... P..., Mme BH... BA..., Mme AQ... AV..., Mme BM... AN..., Mme DB... BT..., Mme BD... DJ..., Mme CK... AZ..., Mme DW... CU..., M. BG... DA..., Mme GO..., Mme CI... AO..., épouse BZ..., demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 16 avril 2021 en ce qu'elle prévoit le maintien des épreuves terminales de la session 2020-2021 du brevet de technicien supérieur (BTS) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, il est urgent et impératif d'assurer une lisibilité aux étudiants ainsi qu'aux personnels de l'enseignement supérieur quant à l'organisation des épreuves du BTS dans la mesure où ces épreuves doivent débuter le 10 mai 2021, voire le 26 avril 2021 s'agissant les oraux de langue, en deuxième lieu, ni la date, ni les modalités des rattrapages annoncés par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ne sont encore définis et, en dernier lieu, le maintien des épreuves peut avoir des conséquences irrémédiables sur la santé des élèves et des personnels des centres d'examen ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'elle a pour effet de créer une discrimination entre les candidats à la session 2020-2021 du BTS et, d'une part, les candidats à la session 2019-2020 du BTS qui, dans un contexte sanitaire similaire, ont bénéficié du contrôle continu et, d'autre part, les candidats à la session 2020-2021 du baccalauréat qui, dans un contexte sanitaire identique, bénéficient du contrôle continu ;
- elle a également pour effet de créer une discrimination au sein même des candidats à la session 2020 2021 du BTS dès lors que, en premier lieu, si le BTS est un examen national, les candidats ont connu, en fonction de leur situation personnelle, de leur classe et de leur établissement, des périodes de confinement ou des modalités de continuité pédagogique variables, en deuxième lieu, un candidat testé positif à la Covid-19 au moment des épreuves terminales ne pourra s'y présenter et obtiendra donc la note de zéro et, en dernier lieu, certains candidats a` l'examen sont actuellement a` l'étranger et sont dans l'incapacité de rejoindre la métropole afin de se présenter a` leur examen à la suite de la fermeture des frontières ou des refus des consulats, d'autres se trouvent déjà en métropole mais sont convoqués pour passer leurs épreuves dans des régions différentes de celles ou` ils résident et, s'agissant de certaines spécialités telles que le BTS Agricole, les épreuves terminales ont d'ores et déjà été annulées ;
- elle méconnaît le droit à la santé dès lors que, d'une part, l'organisation au mois de mai 2021 d'épreuves terminales pour le BTS, imposant la présence des étudiants et personnels, va a` l'encontre de toutes les mesures de distanciation sociale prises par le gouvernement afin de limiter la propagation de l'épidémie et les établissements scolaires ne peuvent pas garantir la sécurité des étudiants, et ce, malgré la mise en place des protocoles sanitaires et, d'autre part, le fait de passer des épreuves pratiques dans certaines spécialités, telles que la spécialité esthétique avec des épreuves de coiffure et maquillage sur mannequins ou encore la spécialité diététique avec des épreuves de cuisine, augmentera le risque de contamination.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 avril 2021, l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête. Elle soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens de la requête.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 avril 2021, le Mouvement national lycéen (MNL) conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête. Il soutient que son intervention est recevable et s'associe aux moyens de la requête.


II. Sous le n° 451991, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 et 28 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme Morgane Bajard, Mme Loumeau Laure, Mme Labdi Ikram, Mme Boussy Amelie, Mme Lacroix Sarah, Mme Bras Marine, Mme Bertrand Camille, M. Gambier Romain, Mme Rodrigues Ines, Mme Biston Helene, Mme Pereira Marine, M. Gouriou Quentin, Mme Zakhiyya Vavra, Mme Chougrani Andréa, M. Houzeau Joey, Mme Mauplot Emilie, Mme Le Roux Lisa, Mme Muylaert Alicia, Mme Neang Maryka, M. Sylvain Loucas, M. Bauer Valentin, Mme Avenel Marie, Mme Robin Aurelie, Mme Cardona Manon, Mme Linise Moreen, Mme Figari Laura, M. Loubignac Hugo, Mme Mille Laurine, Mme Dugardin Hélène, M. Fourage Lucas, M. Rocher Paul, M. Compain Antoine, Mme Guillemin Mélanie, Mme Combe-Felappi Stéphanie, M. Doukally Zineb, Mme Kane Deffa, Mme Colantuono Amélia, Mme Guazzone Laurine, Mme Marinczer Lisa, Mme Gedik Mélissa, Mme Ammari Layla, Mme Perruccio Paola, Mme Lemacon Selya, M. Akikasap Kevin, Mme Karpinski Lia, M. Bobo Dylan, M. Mboreha Anis, Mme Daligault Olivia, Mme Moullet Elsa, Mme Allel Kenza, Mme Hani Sirine, Mme Berassen Alexia, Mme Chiarandini Abélyna, Mme Desgres Julie, Mme Machto Yamina, Mme Caron Claire, Mme Fontenier Stella, M. Czapnick Jean-Eudes, Mme Adem Aya, M. Hecquet Antonin, Mme Lusseau Cléo, M. Rhalem Enzo, Mme Meskouri Mariam, Mme Goldmann Julie, M. Kostic Scekic Vladan, Mme Mahuan Faiza, M. Potdevin Corentin, Mme Durand Malvina, Mme Labeye Médellys, M. Adelaida Adrien, Mme Raimbeault Loriane, Mme Mescle Laurine, Mme Coussot Coraline, Mme Pennarrubia Marina, Mme Tahhane Léna, M. Fourage Lucas, Mme Donot Kathleen, Mme Idrissi Yasmine, Mme Aubert Maëva, M. Koenig Mathieu, Mme Lecot Marion, M. Florent Thomas, Mme Lorans Pauline, Mme Dambies Alizee, Mme Simula Anaïs, Mme Da Silva Martins Alexandra, M. Lenoir Paul, Mme Pierron Alexia, Mme Courgez Camille, Mme Youssef Marina, Mme Froud Aurore, Mme Machto Imane, M. Guerrier Hugo, M. Perseille Alexis, Mme Regent Romane, Mme Tabane Chadia, Mme Facqueur Tiphany, M. Faure Kévin, Mme Loureau Léa, M. Lenoble Gino, Mme Scialom Sarith, Mme Aubry-Girot Amandine, Mme Bernet Marie, Mme Caffray Lauren, M. Temirkhaev Daoud, Mme Paci Lindsay, Mme Benyahia Océane, Mme Baiocco Axelle, Mme Decroix Alexandra, Mme Moustafa Ferial, Mme Desrey Emilie, M. Bordes Jonathan, Mme Desfachelles Emma, Mme Masse-Ferriero Léa, M. Le Floch Yoann, Mme Barbarus Gamze, Mme Revardeau Salomé, Mme Neyroud Marine, Mme Ritigamawattege Elodie, Mme Doidi Pauline, Mme Garry Sandrine, Mme Tchicaya Myriam, Mme Lelievre Léa, M. Pechiodat Lucas, M. Ferry Tanguy, Mme Donne Amandine, M. Dumet Nicolas, M. Koc Caner, M. Dejob-Iparraguirre Adrien, Mme Prey Laurine, M. Hazgui Bilel, M. Collet Clément, Mme Leno Marjorie, Mme Carfantan Agathe, M. Massieux Dylan, Mme Alem Tiphen, Mme Chahrour Hayat, Mme Lopez Léana, M. Hauty Kevin, Mme Thomas Anaïs, Mme Ghouar Tatiana, Mme Ndombaxi Venie, Mme Geldhof Eva, M. Foura Fernand, Mme Sissoko Gwladys, Mme Bouchikhi Ines, Mme Jennequin Laurie, Mme Banlier Claudie, Mme Cadet-Petit Coralie, Mme Bordereau Rebecca, M. Palmer Tanguy, Mme Bittou Walid, M. Schleifer Guillaume, M. Abdel-Kader Kamîl, Mme Loiseau Andréa, Mme Benard Léa, Mme Fernandez-Palha Sarah, Mme Bahami Myriam, Mme Boulinguez Pauline, M. Monnier Virgile, Mme Warnakulasuriya Don Fernando Shahani, M. Catel Arthur, Mme Mallouk Amira, Mme Tailliez-Divry Lorène, M. Le Floch Florian, M. Baudouin Kevin, Mme Ramassamy Mélissa, Mme Runser Virginie, Mme Bouziane Célia, Mme Louis Mariella, Mme Di Carlo Camille, Mme Bott Louise, Mme Deletang Sabrina, M. Benallal Fawaz, Mme Beugin Jade, Mme Tendero Léa, Mme Maximoff Anna, Mme Chevalier Marine, M. Martinez Alexandre, M. Kari Yannis, M. Sacko Bachir, Mme Emanuelli Camille, Mme Aidoud Sarah, Mme Zazoui Nohaila, M. Druart Hugo, Mme Gaboreau Gaëlle, Mme Dehos Laure, Mme Proust Valentine, Mme Jaeger Mélina, Mme Belkharroubi Chahrazed, Mme Elarabi Lina, Mme Paquin Typhaine, M. Chebani Nassim, Mme Benharbit Yannis, Mme Jacques Kimberley, M. Coutant Baptiste, Mme Qazzih Nidal, Mme El Faqyh Safae, Mme Magalhaeq Florine, Mme Goncalves Margaux, Mme Bensouici Brinda, Mme Pasquier Anaïs, M. Billet Gatien, Mme Cloez Paloma, Mme Legrand Léa, Mme Ortis Caroline, Mme Ribeiro Shannon, M. Hadoux Alexandre, Mme Rauth Eliane, Mme Chouf Naïda, Mme Chanceau Amandine, Mme Medjoub Camille, Mme Leduc Zoé, Mme Comellec Maëlys, Mme Priot Cécile, M. El Hadji Salim, M. Lunardi Enzo, Mme Herres Sandra, Mme Oliveira Marina, Mme Evrard Anne Gabrielle, Mme Bertin Pauline, M. Catteau Étienne, M. Béass Marwin, Mme Sergent Marie, Mme Verheirstraeten Mathilde, M. Jaafoury Anis, Mme Razzano Mélodie, Mme Denieul Romy, M. Muller Benjamin, Mme Sanchez Marine, Mme Zuccarelli Agathe, Mme Yerres Colamaria Prescillia, M. Debarre Manolo, Mme Chateigner Mathilde, Mme Mayffret Lupna, Mme Redon Maëva, M. Kaidi Adam, M. Traverso Pierre, M. Nicolas Dimitri, Mme Mabileau Cloé, Mme Viguié Manon, l'association Victimes Coronavirus Covid-19 France et l'association Collectif C19 demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au pouvoir réglementaire d'adopter un décret permettant la validation du diplôme national du brevet de technicien supérieur au seul vu des notes de contrôle continu de l'étudiant obtenues au cours de l'année scolaire 2020-2021, ainsi que, si nécessaire, d'épreuves ou sous-épreuves ponctuelles orales ou pratiques, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.


Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, les épreuves du brevet de technicien supérieur (BTS) ont été maintenues et devant se tenir à compter du 10 mai 2021, ils doivent recevoir une réponse définitive quant à leur demande de validations des notes de l'examen du BTS en contrôle continu pour leur permettre de s'organiser au mieux dans leurs révisions ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie des candidats au BTS dès lors que, en premier lieu, les établissements scolaires sont dans l'incapacité matérielle de garantir le respect des protocoles sanitaires, de telle sorte que les modalités de passage de l'examen du BTS imposent aux élèves de se réunir dans des conditions leur faisant courir un grave risque sanitaire, en deuxième lieu, les candidats peuvent être amenés à passer plusieurs épreuves dans des établissements éloignés de leur domicile, y compris dans des zones plus à risque, ce qui peut constituer une source de brassage, en troisième lieu, eu égard au risque sanitaire et aux conditions d'enseignement, ils sont dans la même situation que les lycéens passant le baccalauréat pour qui les épreuves de spécialités ont été annulées, et, en dernier lieu, les motifs qui ont conduit la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à valider le diplôme du BTS par voie de contrôle continu pour la session 2019-2020 demeurent pertinentes pour justifier, s'agissant de la session 2020-2021, l'attribution du diplôme au vu des notes obtenues en cours de formation.

Par deux mémoires en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 et 27 avril 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut au rejet des requêtes. Elle soutient que les requêtes ne sont pas recevables, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'éducation ;
- l'ordonnance n° 2020-1694 du 24 décembre 2020 ;
- le décret n° 2021-417 du 9 avril 2021 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Brucker, Mme Bajard ainsi que les autres requérants et, d'autre part, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 28 avril 2021, à 11 heures :

- Me Rousseau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme Bajard et des autres requérants ;

- Me Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Union nationale des étudiants de France, intervenant ;

- les représentants de Mme Brucker et des autres requérants ;

- Mme Mathilde Plet et M. Hugo Rabu ;

- la représentante de l'Union nationale des étudiants de France ;

- les représentants de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 29 avril 2021 à 12 heures.


Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1, L. 521-2 et L. 521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en oeuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.

Sur le cadre juridique du litige :

4. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 24 décembre 2020 relative à l'organisation des concours et examens pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19, prise sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et de l'article 10 de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire : " Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, les autorités compétentes pour la détermination des modalités d'accès aux formations de l'enseignement supérieur dispensées par les établissements relevant des livres IV et VII du code de l'éducation ainsi que pour la détermination des modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur, y compris le baccalauréat, peuvent apporter à ces modalités les adaptations nécessaires à leur mise en oeuvre. / S'agissant des épreuves des examens ou concours, ces adaptations peuvent porter, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d'organisation, qui peut notamment s'effectuer de manière dématérialisée. "

5. Sur le fondement de ces dispositions, un décret du 9 avril 2021 a adapté les modalités de délivrance du brevet de technicien supérieur (BTS) en raison de l'épidémie de covid-19 au titre de l'année scolaire 2020-2021. Ce décret a notamment modifié les modalités de validation des stages ou le calendrier des épreuves évaluées par contrôle en cours de formation. Il a laissé inchangées les autres conditions de délivrance, fixées par les dispositions des articles D. 643-1 et suivants du code de l'éducation, en particulier l'existence d'épreuves terminales. Un communiqué de presse de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 16 avril dernier a rappelé le maintien de ces épreuves.

Sur les interventions :

6. Le Mouvement national lycéen et l'Union nationale des étudiants de France justifient d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête n°451849. Ainsi leur intervention est recevable.

Sur la demande en référé :

7. Il résulte de l'instruction que les épreuves terminales de la session 2021 du BTS ont débuté, pour certaines, au mois d'avril et doivent se poursuivre à compter du 10 mai prochain jusqu'au mois de juin. Les requérants et les intervenants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre le déroulement de ces épreuves et d'enjoindre au pouvoir réglementaire d'adopter un décret permettant la validation du diplôme sur la base du contrôle continu et, le cas échéant, d'épreuves ponctuelles orales ou pratiques. Ils soutiennent que le maintien des épreuves porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, à la santé, au principe d'égalité et à l'égal accès à l'instruction.

8. En premier lieu, si la situation sanitaire reste très préoccupante en France, il résulte des données publiées par Santé publique France les plus récentes que le nombre de cas positifs est en baisse depuis la mi-avril, avec une diminution des taux d'incidence et de dépistage. Un protocole sanitaire, venant s'ajouter aux règles sanitaires générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, a été mis en place dans les établissements scolaires, reposant sur les prescriptions émises par le ministère des solidarités et de la santé au vu notamment des recommandations émises par le Haut conseil de la santé publique. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a en outre adressé aux rectrices et recteurs, le 23 avril, des consignes particulières précises s'agissant des centres d'examen, qui sont implantés dans les établissements scolaires, et relatives aux mesures à mettre en oeuvre au stade de la préparation des épreuves et au cours de leur déroulement, prévoyant le cas échéant la modification des dates des examens en fonction de la situation. Des protocoles propres à certaines épreuves pratiques ont enfin également été diffusés ou sont sur le point de l'être.

9. Dans ces conditions, si plus de 180 000 candidats devraient se présenter à ces épreuves, le nombre de lieux d'examen, de l'ordre de deux mille selon l'administration, les effectifs mobilisés pour mettre en oeuvre les mesures de préparation et veiller au bon déroulement des épreuves, en particulier dans les grands centres d'examen, et l'étalement des épreuves sur plusieurs semaines doivent permettre à celles-ci de se dérouler sans qu'il soit porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie ou à la santé.

10. En second lieu, les requérants font valoir que des modalités de validation du BTS différentes, prenant en considération les notes de contrôle continu, ont été définies pour la session 2020, ainsi que pour la session du baccalauréat 2021, alors que les situations en cause ne sont pas différentes. Ils en déduisent une méconnaissance du principe d'égalité. Ils soutiennent également que le maintien des épreuves terminales alors que les élèves ont connu des scolarités et des conditions de préparation très différentes serait contraire à ce principe comme à l'égal accès à l'instruction, garanti par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

11. Toutefois, d'une part, la différence de traitement par rapport à la session 2020 du BTS correspond à une différence de situation pertinente, au regard de la situation sanitaire à la mi-mai 2020 et des mesures alors en vigueur, alors d'ailleurs que des épreuves ont eu lieu en septembre 2020. D'autre part, si certaines épreuves du baccalauréat général et technologique seront évaluées à partir du contrôle continu, l'évaluation des autres résultera d'épreuves terminales et pour un nombre de candidats très nettement supérieur à celui des candidats au BTS. En outre, a été prévue, en particulier pour les candidats se trouvant dans l'impossibilité de se déplacer ou de participer aux épreuves, une session de rattrapage au mois de juillet ainsi qu'un dispositif d'accompagnement personnalisé. Enfin, s'il est indéniable que les conditions de déroulement des études et de préparation des épreuves ont été globalement difficiles et variables d'un étudiant à l'autre, ces différences de situations sont sans incidence sur la légalité du maintien des épreuves. Au vu de ces différents éléments, il n'apparaît pas, en tout état de cause, que le maintien des épreuves porterait une atteinte grave et manifestement illégale tant au principe d'égalité qu'au principe d'égal accès à l'instruction.

12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense par la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, les conclusions des requêtes tendant à la suspension des épreuves terminales de la session 2021 du BTS doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions à fin d'injonction et de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
------------------

Article 1er : Les interventions de l'Union nationale des étudiants de France et du Mouvement national lycéen sont admises.
Article 2 : Les requêtes de Mme Brucker et Mme Bajard sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Bénédicte Brucker et à Mme Morgane Bajard, premières requérantes dénommées, ainsi qu'à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.