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Ariane Web: Conseil d'État 450097, lecture du 13 septembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:450097.20210913

Décision n° 450097
13 septembre 2021
Conseil d'État

N° 450097
ECLI:FR:CECHR:2021:450097.20210913
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Sébastien Ferrari, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
BALAT ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES, avocats


Lecture du lundi 13 septembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Voies navigables de France (VNF) a déféré, par deux requêtes, au tribunal administratif de Marseille, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, à raison de l'occupation irrégulière du domaine public fluvial par le bateau portant la devise " Forez " en rive gauche du Rhône en Arles (Bouches-du-Rhône), d'une part, Mme D... C... et M. E... B..., d'autre part, M. F... et Mme A..., et a demandé au tribunal de les condamner à une amende de 1 000 euros au titre de l'action publique, de leur enjoindre de libérer le domaine public fluvial dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte, passé ce délai, de 75 euros par jour de retard et de mettre à leur charge la somme de 400 euros correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal du 26 février 2016 et de sa notification, au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1603061, 1603062 du 7 août 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux demandes, a condamné Mme C... et M. B... à payer une amende de 1 000 euros, leur a enjoint, s'ils ne l'avaient déjà fait, d'évacuer dans un délai d'un mois le bateau portant la devise " Forez " du domaine public fluvial de la commune d'Arles, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du jugement, mis à leur charge la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un arrêt n° 18MA04420 du 24 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille, a relaxé Mme C... et M. B... des fins de toute poursuite engagée contre eux par le procès-verbal de contravention de grande voirie du 26 février 2016 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 février et le 25 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Voies Navigables de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... et M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Ferrari, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de Voies navigables de France et à Me Balat, avocat de M. B... et de Mme C... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que Mme C... et M. B... ont, par acte sous seing privé du 23 septembre 2015, vendu le bateau portant la devise " Forez " dont ils étaient propriétaires à Mme A... et M. F.... Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 26 février 2016 à leur encontre, au motif que ce bateau stationnait sans autorisation en rive gauche du Rhône au poste d'attente " Barriol " du chantier naval d'Arles. Un autre procès-verbal de contravention de grande voirie a été émis, le même jour, à l'encontre de M. F... et de Mme A.... Par deux requêtes distinctes, Voies Navigables de France a déféré au tribunal administratif de Marseille comme prévenus d'une contravention de grande voirie au titre du stationnement de ce bateau, d'une part, M. F... et Mme A... et, d'autre part, Mme C... et M. B.... Par un jugement du 7 août 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille, après avoir joint les deux requêtes, a condamné Mme C... et M. B... à une amende de 1 000 euros, leur a enjoint d'évacuer, dans un délai d'un mois, le bateau portant devise " Forez " du domaine public fluvial de la commune d'Arles, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification du jugement, a mis à leur charge la somme de 50 euros au titre des frais d'établissement du procès-verbal et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes. Par un arrêt du 24 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé les articles 1er à 3 de ce jugement, a relaxé Mme C... et M. B... des fins de toute poursuite engagée contre eux par le procès-verbal de contravention de grande voirie du 26 février 2016 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ".

3. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.

4. Aux termes de l'article L. 4111-1 du code des transports : " Tout bateau de marchandises dont le port en lourd est égal ou supérieur à vingt tonnes ou tout autre bateau dont le déplacement est égal ou supérieur à dix mètres cubes, circulant en France, doit être immatriculé par son propriétaire. ( ... ) ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " Tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels sur un bateau mentionné à l'article L. 4111-1 est rendu public par une inscription faite à la requête de l'acquéreur ou du créancier, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation. Il n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette inscription ".

5. La cour administrative d'appel de Marseille, après avoir relevé que la vente du bateau portant la devise " Forez " au profit de M. F... et de Mme A... était intervenue par acte du 23 septembre 2015, soit antérieurement à l'établissement du procès-verbal de contravention de grande voirie, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'alors même que les formalités prescrites par les dispositions précitées de l'article L. 4121-2 du code des transport, lesquelles incombent à l'acquéreur, n'avaient pas été accomplies, Mme C... et M. B..., qui avaient au demeurant effectué toutes démarches, y compris contentieuses, pour que les acquéreurs les accomplissent, ne pouvaient plus être regardés, à la date du procès-verbal, comme les personnes ayant commis l'infraction de stationnement sans autorisation, ni comme les personnes pour le compte desquelles cette infraction a été commise, ni comme les personnes ayant la garde du bateau, cause de la contravention. Par suite, Voies navigables de France n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme C... et M. B... qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Voies navigables de France la somme de 3 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Voies navigables de France est rejeté.
Article 2 : Voies navigables de France versera la somme de 3 000 euros à Mme C... et M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Voies navigables de France, à Madame D... C... et à Monsieur E... B....


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