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Ariane Web: Conseil d'État 438256, lecture du 4 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:438256.20211004

Décision n° 438256
4 octobre 2021
Conseil d'État

N° 438256
ECLI:FR:CECHR:2021:438256.20211004
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du lundi 4 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien, M. P... A..., M. D... I..., Mme N... S..., Mme Q... J..., M. B... K..., M. C... L..., M. M... E..., Mme T... H..., M. V..., Mme F... G..., Mme R... O... et M. U... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans un premier temps, d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet des Ardennes a délivré à la société Ferme éolienne de La Hotte une autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation de huit éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Fraillicourt, Rocquigny, Rubigny et Vaux-lès-Rubigny et, dans un second temps, d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet des Ardennes a modifié l'autorisation délivrée le 3 octobre 2017.

Par une ordonnance n° 1800258-1901030 du 27 mai 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a renvoyé ces demandes à la cour administrative d'appel de Nancy, qui les a enregistrées le 28 mai 2019 sous les n° 19NC01647 et 19NC01648.

L'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres ont demandé au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur le fondement des articles L. 123-16 du code de l'environnement et L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des arrêtés du 3 octobre 2017 et du 28 décembre 2018 jusqu'à ce qu'il soit statué sur leur légalité. Par une ordonnance du 4 octobre 2019, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 19NC01647, 19NC01648 du 6 décembre 2019, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy a donné acte à l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres du désistement de leurs requêtes en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 5 février et 9 avril 2020, l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la société Ferme éolienne de la Hotte la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Ferme éolienne de la Hotte ;



Considérant ce qui suit :

1. L'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans un premier temps, par une demande enregistrée le 5 février 2018, d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel le préfet des Ardennes a délivré à la société Ferme éolienne de La Hotte une autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation de huit éoliennes et trois postes de livraison et, dans un second temps, par une demande enregistrée le 29 avril 2019, d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le préfet des Ardennes a modifié l'autorisation délivrée le 3 octobre 2017. Le tribunal administratif a joint ces demandes et les a transmises à la cour administrative d'appel de Nancy, compétente pour statuer en premier ressort sur la seconde demande en application des dispositions de l'article R. 311-5 du code de justice administrative en vigueur depuis le 2 décembre 2018. Après le rejet d'une nouvelle demande tendant à la suspension de l'exécution de ces deux arrêtés présentée devant le juge des référés de la cour administrative d'appel par l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres, le premier vice-président de cette cour, faisant application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, a donné acte à l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres de leur désistement des requêtes enregistrées sous les numéros 19NC01647 et 19NC01648 tendant à l'annulation des deux arrêtés, par l'ordonnance attaquée du 6 décembre 2019.

2. Par une décision du 23 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé qu'aucun des moyens soulevés n'était de nature à permettre l'admission des conclusions autres que celles dirigées contre l'article 2 de cette ordonnance. Par suite, il n'y a lieu de statuer que sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'ordonnance du 6 décembre 2019 en tant qu'elle donne acte aux requérants du désistement de leur requête n° 19NC01647 tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 octobre 2017.

3. Aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l'urbanisme : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. (...) ". Il résulte du I de l'article 9 du même décret du 17 juillet 2018 que cet article est applicable aux requêtes à fin d'annulation ou de réformation enregistrées à compter du 1er octobre 2018.

4. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Nancy que, ainsi qu'il a été dit au point 1, le juge des référés de cette cour, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés préfectoraux des 3 octobre 2017 et 28 décembre 2018 par une ordonnance du 4 octobre 2019, au motif qu'aucun des moyens soulevés n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ces arrêtés. Il n'est pas contesté qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, les requérants ont été informés, lors de la notification de cette ordonnance, le 4 octobre 2019, qu'à défaut de confirmer dans le délai d'un mois le maintien de leurs conclusions à fin d'annulation de ces arrêtés, ils seraient réputés s'en être désistés. En l'absence de confirmation de leur part, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy a donné acte à l'association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres de leur désistement, par l'ordonnance attaquée du 6 décembre 2019 mettant fin aux instances engagées contre chacun des arrêtés litigieux.

5. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 octobre 2017 avait été introduite devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 5 février 2018. En vertu de l'article 9 du décret du 17 juillet 2018 mentionné au point 2, les dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative ne lui étaient pas applicables. La seule circonstance qu'elle ait été renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy en même temps que celle tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 décembre 2018, au titre de la connexité, est sans incidence sur le champ d'application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative. Par suite, en faisant application de ces dispositions pour prononcer le désistement d'office des requérants dans l'instance concernant l'arrêté du 3 octobre 2017, la cour a entaché son ordonnance d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle prononce le désistement d'office de l'Association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres dans l'instance n° 19NC01647.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Association Plein Ciel Thiérache et Porcien et autres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy est annulée en tant qu'elle prononce le désistement d'office de l'Association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres dans l'instance n° 19NC01647.
Article 2 : La demande de l'Association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2017 du préfet des Ardennes est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Les conclusions de l'Association Plein Ciel en Thiérache et Porcien et autres et de la société Ferme éolienne de la Hotte présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Plein Ciel de la Thiérache et Porcien, première dénommée, pour l'ensemble des requérants et à la société Ferme éolienne de la Hotte.
Copie sera transmise à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités.