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Ariane Web: Conseil d'État 453244, lecture du 15 novembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:453244.20211115

Décision n° 453244
15 novembre 2021
Conseil d'État

N° 453244
ECLI:FR:CECHR:2021:453244.20211115
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. François-René Burnod, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du lundi 15 novembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 2110049 du 27 mai 2020, enregistrée le 3 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application des dispositions des articles R. 311-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 10 mai 2020 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme C... I....

Par cette requête, Mme I... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la note de cinq sur vingt qui lui a été attribuée à l'issue de l'épreuve d'entretien du concours interne de l'Ecole nationale d'administration (ENA) ;

2°) d'annuler la délibération du jury de ce concours du 27 novembre 2020, en ce qu'elle ne figure pas parmi les candidats admis, ainsi que la décision du 4 mars 2020 par laquelle la ministre de la transformation et de la fonction publiques a rejeté son recours contre cette délibération;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 1 000 000 euros, 20 000 euros et 15 000 euros en réparation respectivement du préjudice financier, du préjudice de carrière et du préjudice moral qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2020-882 du 15 juillet 2020;
- le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'ENA ;


Considérant ce qui suit :

1. Mme I... demande l'annulation, d'une part, de la note de cinq sur vingt qui lui a été attribuée à l'épreuve d'entretien du concours interne de l'ENA et, d'autre part, de la délibération du jury de ce concours du 27 novembre 2020, en tant qu'elle ne figure pas parmi les candidats admis, ainsi que de la décision du 4 mars 2021 par laquelle la ministre de la transformation et de la fonction publiques a rejeté le recours qu'elle avait formé auprès d'elle contre cette délibération.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la note obtenue par Mme I... au grand oral :

2. Les décisions attribuant à un candidat une note aux différentes épreuves composant le concours d'entrée à l'ENA ne sont pas détachables de la décision du jury arrêtant la liste des candidats admis à ce concours. Par suite, Mme I... n'est, ainsi que le soutient à bon droit la ministre en défense, pas recevable à demander l'annulation de la décision de lui attribuer, au titre du grand oral, la note de cinq sur vingt.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet du recours formé par Mme I... auprès de la ministre de la transformation et de la fonction publiques :

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement: " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs ". Aux termes de l'article 4 du décret du 15 juillet 2020 relatif aux attributions de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, la ministre de la transformation et de la fonction publiques a, conjointement avec le Premier ministre, autorité sur la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme P... D... a été, par un arrêté du 10 avril 2020 publié au Journal officiel de la République Française le 12 avril 2020, nommée sous-directrice de l'encadrement, des statuts et des rémunérations à la direction générale de l'administration et de la fonction publique. Par suite, contrairement à ce que soutient Mme I..., Mme D... avait, en vertu des dispositions citées au point 3, reçu délégation pour signer la décision du 4 mars 2021 par laquelle la ministre de la transformation et de la fonction publiques a rejeté le recours formé auprès d'elle par Mme I....

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 27 novembre 2020 :

5. En premier lieu, il ressort du procès-verbal de la délibération du 27 novembre 2020, que l'Ecole nationale d'administration a produit en défense, que les moyens tirés de ce que cette délibération aurait été adoptée en méconnaissance des règles de quorum et ne porterait pas la signature du président du jury manquent en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 35 du décret du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales pour faire face à l'épidémie de Covid : " 4° Les établissements assurant la formation professionnelle des agents publics peuvent accueillir des stagiaires et élèves pour les besoins de leur formation ". Aux termes de l'article 36 du même décret : " I. - L'accueil des usagers dans les établissements mentionnés au présent chapitre est organisé dans des conditions de nature à permettre le respect des règles d'hygiène et de distanciation mentionnées à l'article 1er. (...) II. - Portent un masque de protection : (...) 4° Les collégiens, les lycéens et les usagers des établissements mentionnés aux articles 34 et 35 ". Il résulte de ces dispositions que les candidats au concours de l'ENA, dont les épreuves orales ont été organisées postérieurement à leur entrée en vigueur, avaient obligation, sans dérogation possible, de porter un masque de protection durant les épreuves, dès lors que celles-ci avaient lieu au sein d'un établissement assurant la formation professionnelle des agents publics. Mme I... n'est par suite pas fondée à soutenir qu'elle aurait illégalement été contrainte de porter un masque au cours de l'épreuve de grand oral qu'elle a subie.

7. En troisième lieu, si Mme I... soutient que les candidats dont l'épreuve d'entretien s'est tenue le 26 octobre 2020 dans les locaux de l'Ecole nationale d'administration ont été auditionnés par le jury sans être tenus de porter un masque et que cette obligation n'a été rendue effective qu'à partir du 27 octobre, la circonstance que les candidats ayant passé cette épreuve d'entretien le premier jour aient été autorisés, en méconnaissance des règles sanitaires en vigueur, à retirer leur masque de protection n'est pas de nature à avoir entraîné une rupture d'égalité entre les candidats. Par suite, le moyen tiré de ce que cette circonstance aurait entaché d'irrégularité le déroulement des épreuves doit être écarté.

8. En dernier lieu, si Mme I... soutient que la note de cinq sur vingt qu'elle a obtenue au grand oral résulte d'une discrimination dont elle aurait fait l'objet en raison de son origine et de sa double nationalité, les éléments qu'elle produit, tirés de sa réussite à d'autres concours ou des résultats obtenus par une autre candidate d'origine étrangère, ne sont pas de nature à établir la réalité de ces allégations.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par la ministre, que Mme I... n'est pas fondée à demander l'annulation de la délibération du jury du 27 novembre 2020.

10. En l'absence de faute de nature à entrainer la mise en jeu de la responsabilité de l'administration, les conclusions indemnitaires présentées par Mme I... ne peuvent qu'être rejetées.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de Mme I... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme I... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'ENA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C... I..., à la ministre de la transformation et de la fonction publiques et à l'Ecole nationale d'administration.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 octobre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. L... E..., M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. J... N..., M. K... H..., M. F... M..., M. A... O..., Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 novembre 2021.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. François-René Burnod
La secrétaire :
Signé : Mme B... G...