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Ariane Web: Conseil d'État 438617, lecture du 6 décembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:438617.20211206

Décision n° 438617
6 décembre 2021
Conseil d'État

N° 438617
ECLI:FR:CECHR:2021:438617.20211206
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Cyril Martin de Lagarde, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats


Lecture du lundi 6 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Madame B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009. Par un jugement nos 1401858, 1402068 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser des intérêts moratoires à Mme A... en exécution des dégrèvements prononcés et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n°17BX01650 du 12 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 4 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n°2008-146 du 15 février 2008 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de Mme A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... était titulaire de l'office de greffier du tribunal de commerce de Marennes jusqu'au 1er janvier 2009, date à laquelle cette juridiction a été supprimée en vertu du décret du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de commerce. Le ressort du tribunal supprimé ayant été réparti entre celui du tribunal de commerce de La Rochelle et celui du tribunal de commerce de Saintes, Mme A... a perçu une indemnité dont le paiement a été pris en charge par les greffiers de ces deux tribunaux. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause le régime d'exonération partielle prévu par l'article 238 quindecies du code général des impôts dont Mme A... s'était prévalue au titre de l'année 2008 et estimé que la plus-value professionnelle réalisée par Mme A... devait être imposée non pas au titre de l'année 2008 mais au titre de l'année 2009. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 décembre 2019 qui a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 à la suite de cette rectification.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 743-169 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " Les indemnités qui peuvent être dues, par suite des modifications de ressorts prévues à l'article R. 743-158, entre les greffiers des tribunaux de commerce et les anciens greffiers des tribunaux de commerce non remplacés ou leurs ayants droit sont évaluées et réparties après la deuxième année civile suivant celle au cours de laquelle sont intervenues ces modifications. / Le montant et la répartition de ces indemnités sont fixés par le garde des sceaux, ministre de la justice, soit après accord des parties qui en avisent le procureur général près la cour d'appel, soit sur proposition d'une commission dont la composition est fixée à l'article R. 743-170. / (...) ". Aux termes de l'article R. 743-172 du même code : " Lorsque les activités d'un greffe supprimé sont reprises par plusieurs greffes, la charge de l'indemnité, dont le montant est déterminé dans les conditions prévues à l'article R. 743-171, est répartie entre ceux-ci en fonction de l'avantage résultant pour chacun d'eux de cette suppression, en prenant en compte notamment le nombre moyen d'immatriculations au registre du commerce et des sociétés et de modifications apportées à ce registre au cours des cinq années précédant la demande d'indemnisation ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 39 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. 1. (...) le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 % ". Aux termes de l'article 93 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 238 quindecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité autres que celles mentionnées au V sont exonérées pour / 1° La totalité de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole est inférieure ou égale à 300 000 euros / 2° Une partie de leur montant lorsque la valeur des éléments transmis servant d'assiette aux droits d'enregistrement mentionnés aux articles 719, 720 ou 724 ou des éléments similaires utilisés dans le cadre d'une exploitation agricole est supérieure à 300 000 euros et inférieure à 500 000 euros (...) ". Aux termes de l'article 724 du même code : " I. - Les traités ou conventions ayant pour objet la transmission à titre onéreux d'un office sont soumis à un droit d'enregistrement déterminé selon le tarif prévu à l'article 719. / Le droit d'enregistrement est perçu sur le prix exprimé dans l'acte de cession et le capital des charges qui peuvent ajouter au prix. (... ) / III. - En cas de suppression d'un titre d'office, lorsqu'à défaut de traité, le décret qui prononce l'extinction fixe une indemnité à payer au titulaire de l'office supprimé ou à ses héritiers, l'expédition de ce décret doit être enregistrée dans le mois de la délivrance. / Le droit est perçu sur le montant de l'indemnité, au tarif fixé au I ".

5. En premier lieu, en retenant au vu de l'instruction qu'aucun accord sur le montant de l'indemnité entre Mme A... et les greffiers des tribunaux de commerce de La Rochelle et de Saintes ne pouvait être regardé comme étant intervenu avant la conclusion de l'acte de " cession " du 8 janvier 2009 prévoyant le versement d'une indemnité de 576 000 euros et en jugeant par suite, que l'administration était fondée à imposer la plus-value en litige au titre de l'année 2009, la cour, qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, s'est, sans erreur de droit, livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.

6. En second lieu, l'indemnité versée en cas de suppression d'un office de greffier de tribunal de commerce compense la perte d'un élément d'actif et, à ce titre, est, en principe, imposable selon le régime des plus-values professionnelles. Cette indemnité ne peut bénéficier de l'exonération qui a été prévue par l'article 238 quindecies du code général des impôts pour les cas de transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité, quand bien même elle serait versée, en application de l'article R. 743-172 du code du commerce cité au point 2, par les greffiers des tribunaux de commerce ayant repris les activités de l'office supprimé.

7. Par suite, en jugeant que l'indemnité perçue par Mme A... ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par l'article 238 quindecies du code général des impôts au motif que l'office de greffier dont elle était titulaire avait cessé d'exister avec la suppression du tribunal de commerce de Marennes, la cour n'a entaché son arrêt ni de dénaturation des faits et des pièces du dossier, ni d'une erreur de qualification juridique, ni d'erreur de droit.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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