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Décision n° 458876
14 décembre 2021
Conseil d'État

N° 458876
ECLI:FR:CEORD:2021:458876.20211214
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés


Lecture du mardi 14 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

I. Sous le n° 458876, par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Via - La Voie du Peuple demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret attaqué porte une atteinte irréversible au droit au respect de la vie privée et au principe de non-discrimination en ce qu'il réduit la durée de validité du passe sanitaire et introduit des critères supplémentaires pour sa délivrance ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- le décret attaqué méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale et l'article L. 1111-4 du code de la santé publique dès lors que, en premier lieu, il rend impossible pour les personnes non-vaccinées d'accéder à la plupart des lieux de la vie courante et constitue ainsi implicitement une obligation vaccinale, notamment du fait du coût prohibitif des tests, en deuxième lieu, il est matériellement difficile pour certains professionnels d'obtenir un test toutes les 24 heures et, en dernier lieu, les vaccins administrés ne font l'objet que d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle ;
- ce décret porte une atteinte disproportionnée aux principes d'égalité, de non-discrimination et d'égal accès aux soins dès lors que, en premier lieu, la durée de validité des tests pour l'obtention d'un passe sanitaire est réduite de 72 heures à 24 heures, en deuxième lieu, il conditionne l'accès des hôpitaux à la présentation d'un passe sanitaire et, en dernier lieu, la vaccination n'empêche pas la transmission du virus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


II. Sous le n° 458955, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 novembre et le 7 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le cercle droit et liberté, premier requérant dénommé, et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, la réduction de la durée de validité des tests porte une atteinte grave à leurs libertés fondamentales et, d'autre part, ils subissent les conséquences de cette réduction de manière particulièrement forte en ce que le passe sanitaire leur est nécessaire pour exercer leur activité professionnelle ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- le décret attaqué est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors qu'il a pour objectif implicite d'imposer la vaccination contre la Covid-19 aux personnes non-vaccinées ;
- ce décret porte une atteinte disproportionnée au droit de disposer de son corps garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, en premier lieu, il est matériellement difficile pour certains professionnels pour lesquels le passe sanitaire est obligatoire d'obtenir un test toutes les 24 heures, en deuxième lieu, il n'existe pas de besoin social impérieux justifiant de vacciner toute la population alors que seule une partie de la population est à risque, en troisième lieu, aucune objection de conscience ne permet d'échapper à cette obligation et, en dernier lieu, l'efficacité des vaccins est limitée ;
- à titre subsidiaire, la fin de la validité du passe sanitaire à compter du 15 décembre 2021 pour les personnes vaccinées de plus de soixante-cinq ans porte une atteinte disproportionnée à leurs libertés fondamentales ;
- le dispositif du passe sanitaire porte atteinte au principe d'égalité en ce que, d'une part, les personnes vaccinées ne sont pas soumises à l'obligation de réaliser un test, dès lors que la vaccination n'empêche pas la transmission du virus et, d'autre part, il n'inclut pas les personnes présentant un test sérologique positif à la Covid-19.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


III. Sous le n° 458965, par une requête, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 novembre, le 1er décembre, le 6 décembre et le 7 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme BH... AF..., Mme AH... BK..., Mme C... F..., M. AB... BO..., Mme BR... AX... et l'association BonSens.org demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, elle doit être regardée comme présumée en cas d'atteinte à la liberté d'aller et venir et, d'autre part, ils sont placés dans des situations de particulière vulnérabilité ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- le décret attaqué est entaché d'incompétence dès lors que, d'une part, le A du II de l'article 1er de la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 n'a pas fait l'objet d'un décret d'application précisant si la situation sanitaire justifie la mise en oeuvre du passe sanitaire, eu égard à la circulation virale et à ses conséquences sur le système de santé et, d'autre part, il étend le champ d'application de l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relatif à l'obligation vaccinale ;
- ce décret est entaché de vices de forme et de procédure dès lors que, d'une part, il mentionne dans ses visas l'avis du comité scientifique du 20 novembre 2021, sans préciser lequel des deux avis rendus ce jour est visé et, d'autre part, la Haute Autorité de santé n'a pas été saisie de la question du raccourcissement de la durée de validité des tests de dépistage ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que le décret attaqué a pour objectif implicite d'imposer la vaccination contre la Covid-19 aux personnes non-vaccinées ;
- le décret attaqué porte une atteinte disproportionnée aux principes d'égalité et de non-discrimination, au droit au respect de la vie privée et familiale et à la liberté d'aller et venir dès lors que, en premier lieu, la vaccination n'empêche pas la transmission du virus, en deuxième lieu, la réduction de la durée de validité des tests pour obtenir un passe sanitaire, corrélée à l'absence de remboursement de ces derniers, a pour conséquence de faire peser sur les personnes non-vaccinées une lourde charge financière et, en dernier lieu, le rapport entre le bénéfice et le risque de la vaccination n'est pas favorable pour l'ensemble de la population ;
- ce décret porte une atteinte disproportionnée au droit du travail en ce que, d'une part, il empêche les personnes dont l'exercice professionnel est conditionné à la présentation d'un passe sanitaire de continuer à travailler dans de bonnes conditions et, d'autre part, il conduit à les priver de leur emploi ;
- ce décret est entaché d'une erreur quant à l'exactitude matérielle des faits dès lors que les documents visés pour l'adoption de ces mesures ne justifient en aucun cas du risque de retentissement sur le système de santé d'une cinquième vague épidémique ;
- il porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au territoire national dès lors que les français résidant aux Antilles ou dans les autres territoires d'Outre-mer doivent justifier d'un motif impérieux pour se rendre en métropole s'ils ne sont pas vaccinés ;
- ce décret méconnaît l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que l'obligation de présentation du passe sanitaire pour toutes les activités de la vie courante présente les mêmes effets qu'une obligation de soin, et peut par conséquent s'interpréter comme une sanction ;
- il méconnaît le principe de sécurité juridique eu égard à la modification imprévisible de la définition d'un " schéma vaccinal complet " ;
- le décret attaqué porte atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il prive les personnes non-vaccinées de toute activité, les marginalise et occasionne par conséquent des souffrances psychologiques graves.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 6 décembre 2021, Mme AI... AK..., Mme BA... AV..., Mme O... R... épouse AN..., M. BB... BV..., Mme BJ... AV... épouse BV..., M. U... AZ..., Mme BC... AN... épouse AV..., Mme Z... AA..., M. BM... K..., Mme AL... AJ..., M. AC... BI..., M. BM... E..., Mme BQ... BZ..., M. CD... BP..., Mme BQ... P..., Mme BL... D... et M. AS... BN... concluent, en premier lieu, à la suspension de l'exécution du décret n° 2021-699 du 25 novembre 2021, en deuxième lieu, à ce qu'il soit constaté que la prolongation du passe sanitaire est privée de base légale et, en dernier lieu, à la suspension de l'usage du passe sanitaire. Ils soutiennent que leur intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 6 décembre 2021, Mme AO... G..., M. BU... H..., Mme T... BY..., Mme CE... BS..., Mme AW... BE..., M. AM... CG..., Mme AT... BF..., Mme L... B..., Mme BL... AQ..., Mme J... AR..., Mme BW... AE..., M. I... M..., Mme BG... AG..., M. V... N..., Mme CA... CH... et M. CC... concluent, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-699 du 25 novembre 2021 et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que leur intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 6 décembre 2021, l'association Réaction 19 conclut, en premier lieu, à la suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de suspendre cet article et, en dernier lieu, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que leur intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 7 décembre 2021, Mme BJ... AY... et Mme Y... AP... concluent, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en ce qu'il inclut les femmes enceintes dans les personnes parmi les citoyens devant se voir inoculer une troisième dose de vaccin contre la Covid-19 pour demeurer titulaire de leur passe sanitaire et, d'autre part, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que leur intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 7 décembre 2021, M. X... BD..., premier requérant dénommé, et autres concluent, en premier lieu, à la suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de suspendre cet article et, en dernier lieu, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que leur intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 7 décembre 2021, Mme CF..., première requérante dénommée, et autres, s'associent aux moyens de la requête.

Par un mémoire en intervention volontaire, Mme Q... BT..., Mme BL... AD... et Mme CB... AU..., rassemblées au sein du collectif " Les Blouses Blanches " et M. BX... W..., rassemblé au sein du collectif " Les pendus " concluent, en premier lieu, à la suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint au Premier ministre de suspendre cet article et, en dernier lieu, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que leur intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 7 décembre 2021, l'association Réinfo Liberté conclut, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'article 1er du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en ce qu'il exempte les personnes vaccinées contre la Covid-19 de présenter un test de dépistage négatif de cette maladie toutes les 24 heures pour accéder aux lieux et services soumis à la présentation d'un passe sanitaire et , d'autre part, à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que son intervention est recevable, que la condition d'urgence est satisfaite et qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


IV. Sous le n° 459037, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er et le 7 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association de défense de la santé publique et de l'environnement (ADSPE) et M. CI... A... S... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en ce qu'il ne prévoit pas la désactivation du passe sanitaire pour les personnes vaccinées et testées positives à la Covid-19 ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 en ce qu'il instaure une différence de traitement entre les personnes vaccinées et non-vaccinées, et d'enjoindre à l'administration d'imposer le délai de vingt-quatre heures comme délai de validité d'un test PCR ou antigénique pour les personnes vaccinées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, le décret contesté est contraire à l'objectif de protection de la santé publique et au principe d'égalité en ce qu'il permet aux personnes vaccinées de se déplacer sur l'ensemble du territoire et de transmettre le virus sans faire l'objet de tests et, d'autre part, il instaure une quasi-obligation vaccinale en ce qu'il fait peser une charge financière très importante sur les individus non-vaccinés ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- le décret contesté est entaché d'illégalité en ce que, d'une part, il ne répond pas à l'objectif de santé publique fixé par le législateur et, d'autre part, la réduction du délai de validité des tests de dépistage à 24 heures porte une atteinte disproportionnée aux droits et libertés fondamentaux des personnes non-vaccinées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


V. Sous le n° 459053, par une requête, enregistrée le 1er décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle présente les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui de la requête n° 458955.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


VI. Sous le n° 459124, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 et le 7 décembre 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée à l'exercice de ses libertés fondamentales ;

2°) de suspendre l'exécution du a) du 5° de l'article 1 du décret du 25 novembre 2021.


Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la réduction de la durée de validité des tests porte une atteinte grave à la liberté des familles qui ne peuvent plus accéder aux activités pour lesquelles un passe sanitaire est requis, ni emprunter les transports en commun ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- le décret attaqué méconnaît le droit au respect de la vie privée et le droit à disposer de son corps dès lors qu'il prive les individus qui se sont fait dépister depuis plus de 24 heures d'accéder à un certain nombre d'établissements, lieux, services et évènements ;
- ce décret porte une atteinte disproportionnée au principe d'égalité dès lors qu'il fait peser une charge financière démesurée sur les seules personnes non-vaccinées qui travaillent dans un établissement soumis à la présentation d'un passe sanitaire ;
- la réduction du délai de validité des tests de dépistage, d'une part, conduit à créer une quasi-obligation vaccinale à l'encontre de la population et, d'autre part, ne permet pas aux individus d'accéder aux activités nécessitant un passe sanitaire eu égard au délai d'obtention des résultats qui dépasse les 6 heures ;
- la division par trois de la durée de validité des tests de dépistage est, d'une part, dépourvue de justification scientifique dès lors que la Haute Autorité de santé et le Conseil scientifique n'ont pas émis d'avis sur la question et, d'autre part, disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Via - La Voie du Peuple, l'association Le cercle droit et liberté et autres, Mme AF... et autres, l'Association de défense de la santé publique et de l'environnement, M. A... S..., l'association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France et la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques, et d'autre part, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 8 décembre 2021, à 9 heures 30 :

Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation, avocat de Mme AF... et autres ;

- les représentants de l'association Via - La Voie du Peuple ;

- les représentants de l'association Cercle Droit et Liberté et autres et de l'association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France ;

- les représentants de Mme AF... et autres ;

- les représentants de la Confédération nationale des associations familiales catholiques ;

- les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. Les requêtes visées ci-dessus, qui sont présentées, pour cinq d'entre elles, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour l'autre, sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code, tendent à la suspension de l'exécution des mêmes dispositions du décret n° 2021-1521 du 25 novembre 2021. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

3. Les personnes ayant présentées des interventions au soutien de la requête n° 458965 ont intérêt à la suspension de l'exécution du décret du 25 novembre 2021. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

Sur le cadre juridique du litige :

4. Le A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021, prévoit que : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 :1° Imposer aux personnes âgées d'au moins douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution, ainsi qu'aux personnels intervenant dans les services de transport concernés, de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ; / 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements (...) ". Aux termes de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant du décret du 14 octobre 2021 : " Pour l'application du présent décret : / 1° Sont de nature à justifier de l'absence de contamination par la covid-19 un examen de dépistage RT-PCR ou un test antigénique d'au plus 72 heures dans les conditions prévues par le présent décret. Le type d'examen admis peut être circonscrit aux seuls examens de dépistage RT-PCR ou à certains tests antigéniques si la situation sanitaire, et notamment les variants du SARS-CoV-2 en circulation, l'exige. / 2° Un justificatif du statut vaccinal est considéré comme attestant d'un schéma vaccinal complet : a) De l'un des vaccins contre la covid-19 ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne après évaluation de l'Agence européenne du médicament ou dont la composition et le procédé de fabrication sont reconnus comme similaires à l'un de ces vaccins par l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé :- s'agissant du vaccin "COVID-19 Vaccine Janssen", 28 jours après l'administration d'une dose ; / - s'agissant des autres vaccins, 7 jours après l'administration d'une deuxième dose, sauf en ce qui concerne les personnes ayant été infectées par la covid-19, pour lesquelles ce délai court après l'administration d'une dose ;/ b) D'un vaccin dont l'utilisation a été autorisée par l'Organisation mondiale de la santé et ne bénéficiant pas de l'autorisation ou de la reconnaissance mentionnées au a, à condition que toutes les doses requises aient été reçues, 7 jours après l'administration d'une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager bénéficiant d'une telle autorisation ou reconnaissance ; / 3° Un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 est délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours et moins de six mois auparavant. Ce certificat n'est valable que pour une durée de six mois à compter de la date de réalisation de l'examen ou du test mentionnés à la phrase précédente. ". Aux termes du I de l'article 47-1 : " Les personnes majeures et, à compter du 30 septembre 2021, les personnes mineures âgées d'au moins douze ans et deux mois doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III, présenter l'un des documents suivants : / 1° Le résultat d'un examen de dépistage ou d'un test mentionné au 1° de l'article 2-2 réalisé moins de 72 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement. Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 1° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ; / 2° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ; / 3° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2. / La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l'article 2-3. / A défaut de présentation de l'un de ces documents, l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement est refusé, sauf pour les personnes justifiant d'une contre-indication médicale à la vaccination dans les conditions prévues à l'article 2-4. " En vertu du IV de ce même article : " IV.- Le présent article est applicable, à compter du 30 août 2021, aux salariés, agents publics, bénévoles et aux autres personnes qui interviennent dans les lieux, établissements, services ou évènements concernés, lorsque leur activité se déroule dans les espaces et aux heures où ils sont accessibles au public, à l'exception des activités de livraison et sauf intervention d'urgence. ". Par le décret du 25 novembre 2021 dont les requérants demandent la suspension de tout ou de certaines des dispositions, le Premier ministre a notamment, en premier lieu, modifié le a) du 2° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 pour prévoir qu'à partir du 15 décembre 2021, le schéma vaccinal ne serait regardé comme complet, pour les personnes ayant reçu le vaccin " COVID-19 Vaccine Janssen " et pour celles de soixante-cinq ou plus ayant reçu un autre vaccin mentionné au a) qu'à la condition d'avoir reçu une dose complémentaire d'un vaccin à acide ribonucléique (ARN) messager remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent a) entre 1 et 2 mois suivant l'injection de la dose initiale, s'agissant du vaccins Janssen, entre 5 et 7 mois suivant l'injection de la dernière dose requise, s'agissant des autres vaccins. En deuxième lieu, le décret attaqué modifie, aux I à IV bis de l'article 23-2 du 1er juin 2021, les conditions pour les déplacements entre les collectivités d'outre-mer et le reste du territoire national. En troisième lieu, le décret porte, à l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, de 72 à 24 heures la durée de validité du résultat d'un examen de dépistage ou d'un test mentionné au 1° de l'article 2-2.

Sur les demandes en référé :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient Mme AF... et autres, en habilitant le Premier ministre à prendre les mesures qu'elles prévoient " dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 ", les dispositions citées au point 4 de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 n'ont pas subordonné l'exercice de cette compétence à l'édiction préalable de mesures réglementaires.

6. En second lieu, le 2ème alinéa du J du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée dispose que " Un décret détermine, après avis de la Haute Autorité de santé et du comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique, les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, le justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, s'agissant de la durée de validité des examens de dépistage virologique, ces avis ne sont requis que préalablement à la détermination de la durée pendant laquelle un résultat négatif peut être considéré comme ne concluant pas à une contamination par la covid-19. En revanche, ces dispositions n'imposent pas la consultation de ces autorités préalablement à la fixation d'une durée inférieure à celle qu'elles ont estimé de nature à établir cette absence de contamination. Le comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 du code de la santé publique et la Haute autorité de santé ont ainsi, par des avis rendus respectivement les 5 et 6 août 2021, été consultés sur le passage de 48 à 72 h pour la durée fixée à l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 permettant d'être considéré comme non infecté après un test virologique négatif. Le Premier ministre n'était donc pas tenu de consulter de nouveau ces autorités avant de fixer une durée inférieure de validité des résultats des examens de dépistage pour l'accès à certaines activités.

En ce qui concerne les moyens de légalité interne :

S'agissant de la durée de validité des examens de dépistage :

7. Les requérants soutiennent que la décision de réduire à moins de 24 heures la durée pendant laquelle le résultat négatif d'un test ou d'un examen de dépistage permet aux personnes qui ne peuvent justifier ni d'un schéma vaccinal complet ni d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 d'accéder aux établissements, lieux, services et événements mentionnés aux II et III de l'article 47-1 du décret porte une atteinte illégale aux libertés d'aller et venir, d'exercer une activité professionnelle et d'entreprendre ainsi qu'au droit au respect de la vie privée dès lors qu'elle aggrave, sans aucune justification sanitaire et de manière disproportionnée, l'atteinte à ces droits et libertés que constitue l'obligation pour accéder à certains lieux et activités de détenir un certificat de vaccination ou de rétablissement ou une justification de dépistage récent (" passe sanitaire ").

8. Il résulte de l'instruction que la circulation du virus SARS-CoV-2 s'est considérablement accélérée ses dernières semaines sur le territoire métropolitain, avec, selon les données publiées par Santé publique France, plus de 59 000 nouveaux cas confirmés à la date du 7 décembre 2021, un taux de reproduction effectif de 1,4 pour la semaine du 29 novembre et une forte augmentation du taux d'incidence qui, si elle touche toutes les classes d'âge, est particulièrement élevée chez les personnes entre 12 et 17 ans et entre 30 et 49 ans, qui sont également celles qui présentent le plus faible taux de vaccination. Cette forte reprise épidémique risque de se traduire, à court terme, par une augmentation des hospitalisations, y compris en soins critiques, alors qu'ainsi qu'il a été dit au cours de l'audience publique les lits en réanimation sont déjà occupés à hauteur de 46 % par des patients atteints du virus et que les établissements hospitaliers de plusieurs régions ont commencé à déprogrammer des interventions afin de permettre l'hospitalisation de malades de la covid. Ce risque est accru par l'apparition d'un nouveau variant dont les effets sont encore mal connus.

9. En premier lieu, la loi du 31 mai 2021 modifiée a donné au Premier ministre le pouvoir de prendre les mesures citées au point 2, au nombre desquelles celle consistant à " subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements, services ou évènements ". Si la présentation de l'un de ces trois documents suffit à permettre l'accès à ces lieux et activités, où les risques de transmission du virus sont particulièrement élevés, les garanties dont ils attestent au regard du risque sanitaire ne sont pas les mêmes. Ainsi, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que la vaccination, si elle ne la supprime pas, diminue la contagiosité de la personne vaccinée et réduit de manière importante le risque qu'elle développe une forme grave de la maladie, le résultat négatif d'un examen de dépistage établit uniquement que la personne n'est pas porteuse du virus au moment où l'examen a été réalisé. En décidant, compte tenu des circonstances particulières de forte reprise épidémique décrites au point précédent, de réduire la durée pendant laquelle une personne non vaccinée justifiant du résultat négatif d'un examen de dépistage est susceptible d'avoir été contaminée postérieurement à cet examen et, par conséquent, en se rendant sur les lieux et en participant aux activités soumises à l'exigence d'un passe sanitaire, de contaminer d'autres personnes vaccinées ou justifiant seulement d'un test négatif, exposant ces dernières à un risque plus élevé de développer une forme grave de la maladie, le Premier ministre n'a pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, fondé cette mesure sur des considérations étrangères à la lutte contre la propagation de l'épidémie et à la protection de la santé publique.

10. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le délai pour obtenir les résultats d'un test ou d'un examen de dépistage serait tel qu'il serait matériellement impossible ou extrêmement difficile de pouvoir justifier d'un résultat négatif tôt le matin ou le lendemain d'un dimanche ou d'un jour férié. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des débats au cours de l'audience publique, que si les résultats d'un test PCR peuvent prendre plusieurs heures et être difficiles à obtenir tôt le matin, il n'en va pas de même des tests antigéniques, qui peuvent être réalisés en pharmacie et dont le résultat est délivré moins d'une demi-heure après sa réalisation.

11. En troisième lieu, les requérants font valoir que l'obligation pour les personnes ne pouvant justifier de l'une des deux autres conditions permettant l'obtention du passe sanitaire de présenter le résultat négatif d'un examen ou d'un test de dépistage réalisé moins de 24 h avant de se rendre sur les lieux, événements ou d'exercer une activité pour lesquels il est exigé fait peser sur elles une contrainte matérielle et financière d'une importance telle que l'atteinte qu'elle représente aux droits et libertés qu'ils invoquent est disproportionnée et équivaut à une obligation illégale à la vaccination. La mesure litigieuse représente effectivement une contrainte matérielle accrue ainsi qu'une charge financière réelle, en particulier pour les personnes qui, parce qu'elles exercent un emploi soumis à la possession du passe sanitaire, doivent y recourir quotidiennement. Toutefois, compte tenu, d'une part, de ce que, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, le contexte sanitaire justifie des mesures de précaution plus importantes, d'autre part, de ce que l'arrêté du 14 octobre 2021 ayant supprimé le remboursement des examens et des tests de dépistage a maintenu leur gratuité dans un certain nombre de cas et notamment pour les mineurs, des conséquences de l'absence de présentation du " passe sanitaire " qui ne peut être opposée à l'accès aux biens et services de première nécessité et qui conduit, pour les salariés, à la mise en place de solutions de substitution, lorsqu'elles sont possibles et, enfin, de ce qu'il n'existe plus aujourd'hui de difficultés pour les personnes qui le peuvent et le souhaitent de se faire vacciner gratuitement, la décision de réduire à moins de 24 heures la durée de validité d'un résultat négatif d'un examen de dépistage, qui ne saurait être regardée comme ayant pour objet de contraindre à la vaccination, n'a pas pour effet de rendre l'exigence de présentation du passe sanitaire dans certaines circonstances disproportionnée au regard des objectifs de santé publique qu'elle poursuit. Pour les mêmes motifs et en tout état de cause, cette décision ne saurait, comme le soutiennent Mme AF... et autres, constituer une peine infligée à ceux qui ne souhaitent pas se faire vacciner ou les exposer à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En quatrième et dernier lieu, il résulte des dispositions précitées du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 que l'accès à certains lieux, activités et événements ne peut être subordonné qu'à l'un des trois documents qu'elles mentionnent. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le Premier ministre aurait méconnu le principe d'égalité de traitement en n'imposant pas aux personnes vaccinées la justification d'un résultat négatif à un examen de dépistage, au motif que la vaccination ne supprime pas toute contagiosité ou en ne prévoyant pas la désactivation de leur passe sanitaire lorsqu'elles sont testées positives, circonstance qui au demeurant les contraint à demeurer chez elles pendant au moins sept jours. N'est pas plus sérieux, pour le même motif, le moyen tiré de ce que le Premier ministre aurait méconnu le même principe en ne prévoyant pas le cas des personnes présentant un test sérologique positif.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les moyens des requêtes dirigés contre le décret litigieux en tant qu'il porte à moins de 24 heures la durée pendant laquelle le résultat négatif à un examen de dépistage permet l'accès aux lieux, événements et activités soumis à la présentation du passe sanitaire ne sont de nature ni à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité, ni à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

S'agissant de l'obligation, pour les personnes de 65 ans ou plus, de recevoir une dose complémentaire de vaccin pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet :

14. Mme AF... et autres soutiennent qu'en imposant aux personnes justifiant un schéma vaccinal complet de recevoir une troisième dose pour que leur schéma vaccinal reste reconnu comme complet à compter du 15 décembre, le Premier ministre aurait méconnu le principe de sécurité juridique. Toutefois, la nécessité de ce rappel vaccinal, recommandé par toutes les autorités de santé, dont la Haute Autorité de santé dans son avis du 18 novembre, en raison de la diminution progressive des défenses immunitaires apportées par le vaccin, a été annoncé suffisamment à l'avance pour que les personnes ayant reçu leur deuxième dose sept mois avant cette date puissent recevoir une troisième dose avant celle-ci. Les requérantes n'allèguent d'ailleurs pas que quiconque aurait eu des difficultés pour recevoir cette troisième dose en temps utile. Ce moyen n'est par suite, en l'état de l'instruction, pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette disposition. Il en va de même de l'affirmation du Cercle droit et libertés et autres, selon laquelle la nécessité d'un rappel vaccinal remettrait en cause la proportionnalité de l'atteinte aux droits et libertés fondamentales résultant de l'obligation de présenter un passe sanitaire pour l'accès à certains lieux, événements et activités.

S'agissant des conditions posées pour les déplacements outre-mer :

15. Le 2° de l'article 1er du décret litigieux fixe de nouvelles conditions pour les personnes souhaitant se déplacer entre les collectivités d'outre-mer ou entre celles-ci et le reste du territoire national.

16. Mme AF... et autres soutiennent qu'en subordonnant les déplacements entre Saint-Barthélemy, Saint-Martin, la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Guyane, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et le reste du territoire national des personnes ne justifiant pas d'un schéma vaccinal complet à la justification que leur déplacement est fondé sur un motif impérieux d'ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l'urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé, le Premier ministre a porté une atteinte disproportionnée aux droits des Français d'avoir accès au territoire national. Ce moyen n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette condition qui ne concerne que certains déplacements à l'intérieur du territoire national.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que les demandes des requérants tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 et de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du décret du 25 novembre 2021 ne peuvent qu'être rejetées.


O R D O N N E :
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Article 1er : Les requêtes de l'association Via - La Voie du Peuple, de l'association Le cercle droit et liberté et autres, de Mme AF... et autres, de l'Association de défense de la santé publique et de l'environnement et de M. A... S..., de l'association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France et de la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Via la Voie du Peuple, l'association Le cercle droit et liberté, première requérante dénommée de la requête n° 458955, Mme AF..., première requérante dénommée de la requête n° 458965, l'Association de défense de la santé publique et de l'environnement, M. A... S..., l'association Victimes du Coronavirus - victimes Covid-19 France et la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques, au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée à Mme AI... AK..., Mme AO... G..., l'association Réaction 19, Mme BJ... AY..., M. X... BD..., Mme CF..., Mme Q... BT... et l'association Réinfo Liberté, premiers intervenants dans la requête n° 458965.

Fait à Paris, le 14 décembre 2021
Signé : Gilles Pellissier