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Ariane Web: Conseil d'État 450025, lecture du 28 décembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:450025.20211228

Décision n° 450025
28 décembre 2021
Conseil d'État

N° 450025
ECLI:FR:CECHR:2021:450025.20211228
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Clément Tonon, rapporteur
M. Philippe Ranquet, rapporteur public


Lecture du mardi 28 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 février et le 16 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de régulation des transports n° 2020-085 du 22 décembre 2020 en tant qu'elle refuse l'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et de Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision de l'Autorité de régulation des transports n° 2021-010 du 11 février 2021 refusant l'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et de Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er avril 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,





Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2020-085 du 22 décembre 2020, l'Autorité de régulation des transports s'est opposée à l'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et de Lyon-Saint Exupéry, proposés par l'exploitant, la société Aéroports de Lyon, comprenant une augmentation de 9 % pour la période tarifaire du 1er avril 2021 au 31 mars 2022, sous réserve des tarifs de la redevance applicable aux personnes handicapées et à mobilité réduite pour la même période tarifaire, qu'elle a homologués. Par une décision n° 2021-010 du 11 février 2021, l'Autorité a rejeté une nouvelle demande d'homologation des mêmes tarifs pour la même période comprenant une augmentation de 4,9 %. La société Aéroports de Lyon demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions en tant qu'elles ont refusé l'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et de Lyon-Saint Exupéry pour la période tarifaire du 1er avril 2021 au 31 mars 2022.

Sur l'intervention :

2. L'Union des aéroports français et francophones associés justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des décisions attaquées. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur le cadre juridique :

3. Aux termes de l'article L. 6325-1 du code des transports : " Les services publics aéroportuaires rendus sur les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément au deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce. / Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis sur un périmètre d'activités précisé par voie réglementaire pour chaque aérodrome, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital estimé à partir du modèle d'évaluation des actifs financiers, des données financières de marché disponibles et des paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service. / Il peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire. / Le produit global de ces redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aérodrome ou sur le système d'aérodromes desservant la même ville ou agglomération urbaine concerné, système défini au sens du présent chapitre comme un groupe d'aérodromes desservant la même ville ou agglomération urbaine, géré par un même exploitant et désigné comme tel par l'autorité compétente de l'Etat. (...) " Aux termes de l'article L. 6327-2 du même code : " I.- L'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l'article L. 6325-1 et leurs modulations, dans les délais et conditions prévus par voie réglementaire. / II.- Lorsque l'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs et leurs modulations, elle s'assure : / - du respect de la procédure de consultation des usagers fixée par voie réglementaire ; / - que les tarifs et leurs modulations respectent les règles générales applicables aux redevances, qu'ils sont non discriminatoires et que leur évolution, par rapport aux tarifs en vigueur, est modérée ; / -lorsqu'un contrat a été conclu en application de l'article L. 6325-2, du respect des conditions de l'évolution des tarifs prévues par le contrat ; / - en l'absence de contrat pris en application de l'article L. 6325-2, que l'exploitant d'aérodrome reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités mentionné à l'article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital calculé sur ce périmètre, et que le produit global des redevances n'excède pas le coût des services rendus. / III.- Si la dernière homologation date de plus de vingt-quatre mois, l'Autorité de régulation des transports peut fixer les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l'article L. 6325-1 et leurs modulations. / La fixation des tarifs et de leurs modulations par l'Autorité de régulation des transports vaut homologation de ces tarifs et de ces modulations. ".

4. Aux termes de l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile : " Les tarifs des redevances sont fixés en tenant compte des prévisions d'évolution du trafic de passagers et de marchandises sur l'aérodrome ou les aérodromes considérés ainsi que des éléments suivants : / - les objectifs d'évolution des charges, tenant compte notamment de l'évolution de la qualité des services fournis aux usagers et de celle de la productivité de l'exploitant ; / - les prévisions d'évolution des recettes ; / - les programmes d'investissements et leur financement. / Il peut être aussi tenu compte des profits dégagés par des activités de l'exploitant autres que les services mentionnés à l'article R. 224-1. / L'exploitant d'aérodrome reçoit, compte tenu de ces éléments, une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités mentionné à l'article L. 6325-1 du code des transports, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur ce périmètre (...) ".

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 22 décembre 2020 et du 11 février 2021 :

5. En premier lieu, lorsqu'elle homologue les tarifs des redevances, il appartient à l'Autorité de régulation des transports de s'assurer notamment, en vertu de l'article L. 6327-2 du code des transports, " que leur évolution est modérée ", afin de protéger les usagers d'une hausse excessive de ces tarifs. S'il lui est possible, dans l'appréciation qu'elle porte, de prendre en considération, à titre de comparaison, à service similaire, les évolutions constatées dans d'autres aéroports, elle n'a à tenir compte ni des critères exposés à l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile, qui ont pour objet la fixation du tarif des redevances par les gestionnaires d'aéroport, ni du niveau de couverture des coûts, l'Autorité ayant pour seule obligation de s'assurer, en vertu de l'article L. 6327-2 du code des transports, que " le produit global des redevances n'excède pas le coût des services rendus ".

6. En outre, si l'Autorité doit notamment s'assurer, aux termes de l'article L. 6327-2 du code des transports, que l'exploitant " reçoit une juste rémunération des capitaux investis ", ces dispositions, qui n'ont ni pour objet ni pour effet de consacrer un supposé " principe de juste rémunération des capitaux investis ", lui imposent seulement de tenir compte, dans son examen de l'évolution tarifaire, de la rémunération du capital de l'exploitant, sans qu'il puisse être utilement soutenu qu'elle ne pourrait, pour ce faire, apprécier le niveau de rémunération du capital dans une perspective pluriannuelle.

7. Par suite, les moyens tirés de ce que l'Autorité aurait commis des erreurs de droit en ne tenant pas compte des critères mentionnés à l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile, du niveau de couverture des coûts et de la nécessité d'un taux de rémunération du capital investi suffisant sur la période tarifaire et en se fondant sur les taux d'évolution homologués pour d'autres aéroports doivent être écartés. En outre, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'Autorité aurait commis des erreurs de droit en prenant en compte le caractère conjoncturel de la crise du secteur aérien, qu'elle s'est bornée à rappeler à titre contextuel, ainsi que les modulations tarifaires proposées, mentionnées à titre surabondant dans les décisions attaquées.

8. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la seule circonstance que, par quatre précédentes décisions, l'Autorité a refusé d'homologuer une hausse de tarif fixée à 8,2 % et validé des hausses tarifaires fixées respectivement à 3 % et 3,1 %, ne saurait établir qu'elle aurait implicitement mais nécessairement et incompétemment instauré un seuil d'environ 3 % d'augmentation des tarifs de redevances aéroportuaires, au-delà duquel elle estimerait, par principe, que le critère de modération tarifaire énoncé à l'article L. 6327-2 du code des transports n'est pas respecté.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, d'une part, que les hausses de tarifs proposées par la société requérante ne s'accompagnaient pas d'une hausse du niveau de service proposé aux usagers mais au contraire d'une rationalisation de celui-ci pour faire face à une chute du trafic, d'autre part, que le taux de retour sur les capitaux investis par la société Aéroports de Lyon a excédé le coût moyen pondéré du capital sur la période 2015-2019. Dès lors, en estimant que les hausses proposées des tarifs, fixées respectivement à 9 % et 4,9 %, ne devaient pas être regardées comme modérées au sens des dispositions de l'article L. 6327-2 du code des transports, l'Autorité de régulation des transports n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste, sans que la requérante puisse utilement se prévaloir sur ce point des effets de la reconduction des tarifs en vigueur, dont le quatrième alinéa du III. de l'article R. 224-3-4 du code de l'aviation civile prévoit qu'ils demeurent applicables " dans le cas où les tarifs des redevances ou leurs modulations ne sont pas homologués ", sur le niveau de rémunération des capitaux investis.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Aéroports de Lyon doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Autorité de régulation des transports qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Union des aéroports français et francophones associés est admise.
Article 2 : La requête de la société Aéroports de Lyon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroports de Lyon et à l'Autorité de régulation des transports. Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et à l'Union des aéroports français et francophones associés.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er décembre 2021 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. H... I..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. B... G..., Mme A... J..., M. E... L..., M. F... K..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Clément Tonon, auditeur-rapporteur.

Rendu le 28 décembre 2021.


La Présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Clément Tonon
La secrétaire :
Signé : Mme C... D...



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