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Ariane Web: Conseil d'État 452095, lecture du 30 décembre 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:452095.20211230

Décision n° 452095
30 décembre 2021
Conseil d'État

N° 452095
ECLI:FR:CECHS:2021:452095.20211230
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
Mme Flavie Le Tallec, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public


Lecture du jeudi 30 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel le ministre de l'intérieur lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation. Par une ordonnance n° 2102510 du 16 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 28 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la requête de M. C....



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.



1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que M. D... C..., gardien de la paix titulaire depuis le 1er septembre 2008 et secrétaire général du syndicat Vigi-ministère de l'intérieur, a fait l'objet d'une sanction disciplinaire de révocation par un arrêté du 12 mars 2021, à la suite de la mise en ligne sur le site internet de ce syndicat, ainsi que sur ses comptes facebook et twitter, le 8 janvier 2020, d'un tract mettant gravement en cause le directeur général de la police nationale, ainsi que le ministre de l'intérieur et le directeur de cabinet du président de la République. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 avril 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de la décision de révocation prononcée à l'encontre de M. C....

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".

Sur l'urgence :

3. En premier lieu, le ministre de l'intérieur, qui ne produit aucun élément permettant de justifier que M. C... disposait, à la date à laquelle le juge des référés a statué sur la requête, de ressources effectives de nature à lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille, n'est pas fondé à soutenir qu'en jugeant que la sanction de révocation portait une atteinte grave et immédiate à la situation financière de M. C..., le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier.

4. En second lieu, pour retenir que la condition d'urgence était en l'espèce caractérisée, le juge des référés du tribunal administratif a écarté l'argumentation opposée par le ministre en défense, qu'il a analysée dans les visas et résumée dans les motifs de l'ordonnance, en jugeant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le comportement et la manière de servir de l'intéressé seraient susceptibles de porter gravement atteinte au fonctionnement de la police nationale. Par suite, le juge des référés, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués devant lui, n'a pas entaché son ordonnance d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit.

Sur le moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision :

5. En premier lieu, le juge des référés, qui n'a pas refusé, contrairement à ce qu'indique le pourvoi, de tenir compte de l'existence et du caractère exécutoire de la sanction prononcée précédemment à l'encontre de l'intéressé mais qui a seulement évalué la portée qu'il convenait de lui donner en prenant notamment en compte le caractère non définitif de cette première décision de sanction, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. En second lieu, en estimant qu'il ressortait de l'ensemble des circonstances de fait que le moyen tiré de la disproportion de la sanction par rapport aux faits reprochés à M. C... était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, le juge des référés, qui doit être regardé, eu égard à l'échelle des sanctions applicables, comme ayant implicitement procédé à la vérification que toutes les sanctions moins sévères que la sanction prononcée n'auraient pas été, en raison de leur insuffisance, hors de proportion avec les fautes commises, n'a dès lors pas commis d'erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'intérieur doit être rejeté.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. D... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 14 décembre 2021 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, assesseur, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 30 décembre 2021.

Le président :
Signé : M. F... A...
La rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. B... E...