Conseil d'État
N° 458924
ECLI:FR:CECHS:2022:458924.20220228
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Cyril Martin de Lagarde, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats
Lecture du lundi 28 février 2022
Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 29 novembre 2021 et 7 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Ricoh France demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 18VE03192 du 28 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 et son Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société Ricoh France ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du 1 du II de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes de l'article 1586 sexies du même code, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " I.- Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / b) Et, d'autre part : (...) / -les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 132-1 du code de commerce : " Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant. (...). "
3. La société Ricoh France soutient que les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts précitées, si elles devaient être interprétées, ainsi que l'a fait l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'elle attaque, comme impliquant, dans le cas d'un schéma de " location mandatée ", la prise en compte des loyers perçus des clients finals dans l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, prévue à l'article 1586 ter du même code, d'un commissionnaire au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce précité, sans que ce dernier ne puisse déduire leur reversement aux organismes financeurs, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de cette même Déclaration.
4. Toutefois, par sa décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 1586 sexies du code général des impôts, à la seule exception des mots : " et la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au vingt et unième alinéa de son paragraphe I et des mots : " et de la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI. Aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel.
5. Par suite, les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée soit renvoyée au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Ricoh France.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Ricoh France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 28 février 2022.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...
N° 458924
ECLI:FR:CECHS:2022:458924.20220228
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Cyril Martin de Lagarde, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE, avocats
Lecture du lundi 28 février 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par deux mémoires, enregistrés les 29 novembre 2021 et 7 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Ricoh France demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 18VE03192 du 28 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 et son Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société Ricoh France ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du 1 du II de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes de l'article 1586 sexies du même code, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " I.- Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires (...) / b) Et, d'autre part : (...) / -les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 132-1 du code de commerce : " Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant. (...). "
3. La société Ricoh France soutient que les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts précitées, si elles devaient être interprétées, ainsi que l'a fait l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles qu'elle attaque, comme impliquant, dans le cas d'un schéma de " location mandatée ", la prise en compte des loyers perçus des clients finals dans l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, prévue à l'article 1586 ter du même code, d'un commissionnaire au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce précité, sans que ce dernier ne puisse déduire leur reversement aux organismes financeurs, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de cette même Déclaration.
4. Toutefois, par sa décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conforme à la Constitution l'article 1586 sexies du code général des impôts, à la seule exception des mots : " et la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au vingt et unième alinéa de son paragraphe I et des mots : " et de la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI. Aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel.
5. Par suite, les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée soit renvoyée au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Ricoh France.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Ricoh France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 28 février 2022.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
La secrétaire :
Signé : Mme B... A...