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Ariane Web: Conseil d'État 453971, lecture du 19 juillet 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:453971.20220719

Décision n° 453971
19 juillet 2022
Conseil d'État

N° 453971
ECLI:FR:CECHR:2022:453971.20220719
Inédit au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Catherine Brouard-Gallet, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public


Lecture du mardi 19 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 453971, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juin et 27 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine (ADMR) demande au Conseil d'Etat à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir, les dispositions des articles 5, 6, 7, 8, 10, 12, 13, 14, les quatrième et cinquième alinéas du I de l'article 9 ainsi que du I de l'article 15 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, ou à titre subsidiaire, si les précédentes dispositions étaient jugées indivisibles d'autres dispositions de l'ordonnance, d'annuler l'ensemble des dispositions de cette ordonnance.


2° Sous le n° 454719, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 juillet, 16 septembre et 30 septembre 2021 et le 21 mars 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions des 23° et 24° de l'article 7 modifiant les articles L. 234-2-1 et L. 234-2-2 du code de justice administrative, les dispositions du 7° de l'article 7 modifiant l'article L. 133-5 du code de justice administrative, les dispositions du 11° de l'article 7 modifiant l'article L. 133-9 du code de justice administrative, les dispositions du 13° de l'article 7 créant les articles L. 133-12-1 à L. 133-12-5 du code de justice administrative, les dispositions du 17° du même article 7 modifiant l'article L. 233-2 du code de justice administrative, et en tant que de besoin, les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur ses conclusions et de saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une demande d'avis consultatif en application du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.


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3° Sous le n° 454775, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juillet, 2 août et 27 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat de la juridiction administrative demande au Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ou, à titre subsidiaire, d'annuler l'ensemble de ses dispositions à l'exception de celles introduites par les 14° et 15° de l'article 7 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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4° Sous le n° 455105, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 30 juillet et 24 septembre 2021, les 4 mars et 5 avril 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration (AAEENA) et M. P... AE..., M. AD... T..., M. R... AC..., Mme V... W..., M. P... G..., Mme AB... AJ..., M. O... X..., Mme AF... AH..., M. Z... D..., M. AD... AG..., M. AD... N..., M. Z... J..., M. M... L..., M. AD... B..., M. AI... C..., M. Y... I..., M. K... H..., M. A... F..., M. S... AA... et M. A... U... demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et renvoyer à la Cour européenne des droits de l'homme une demande d'avis sur la compatibilité des articles L. 133-5, L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative dans leur rédaction issue de l'article 7 de cette ordonnance, des articles L. 112-3-1, L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières dans leur rédaction issue de l'article 8 de cette ordonnance et des dispositions du I de l'article 9 du même texte, avec l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et plus spécialement le principe d'indépendance d'un tribunal ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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5° Sous le n° 455119, par une requête enregistrée le 1er août 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Q... E... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat et d'enjoindre à l'Institut national du service public (INSP) de créer un concours réservé aux travailleurs handicapés.


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6° Sous le n° 455150, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août, 11 août et 24 septembre 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des magistrats de la Cour des comptes (AMCC) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 8, 9 et 14 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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7° Sous le n° 455155, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août, 16 août et 24 septembre 2021, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des juridictions financières demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son protocole additionnel n° 1 et son protocole additionnel n° 16 ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code des juridictions financières ;
- la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 ;
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 ;
- le décret n° 2021-1556 du 1er décembre 2021 ;
- le décret n° 2022-335 du 9 mars 2022 ;
- la décision du 12 octobre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, soulevées par l'Union syndicale des magistrats administratifs, le syndicat de la juridiction administrative, l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale de l'administration et autres, l'Association des magistrats de la Cour des comptes, autres que celles portant sur les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, les dispositions du 13° de l'article 7 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative et du 16° de l'article 8 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières ;
- la décision du 24 novembre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat des juridictions financières ;
- la décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022 du Conseil constitutionnel statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par l'Union syndicale des magistrats administratifs, le syndicat de la juridiction administrative, l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale de l'administration et autres et l'Association des magistrats de la Cour des comptes ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du syndicat de la juridiction administrative, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, de M. P... AE..., de M. AD... T..., de M. R... AC..., de Mme V... W..., de M. P... G..., de Mme AB... AJ..., de M. O... X..., de Mme AF... AH..., de M. Z... D..., de M. AD... AG..., de M. AD... N..., de M. Z... J..., de M. M... L..., de M. AD... B..., de M. AI... C..., de M. Y... I..., de M. K... H..., de M. A... F..., de M. S... AA... et de M. A... U..., à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Association des magistrats de la Cour des Comptes et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat des juridictions financières ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à : / 1° Organiser le rapprochement et modifier le financement des établissements publics et services qui concourent à la formation des agents publics pour améliorer la qualité du service rendu aux agents et aux employeurs publics ; / 2° En garantissant le principe d'égal accès aux emplois publics, fondé notamment sur les capacités et le mérite, et dans le respect des spécificités des fonctions juridictionnelles, réformer les modalités de recrutement des corps et cadres d'emplois de catégorie A afin de diversifier leurs profils, harmoniser leur formation initiale, créer un tronc commun d'enseignements et développer leur formation continue afin d'accroître leur culture commune de l'action publique, aménager leur parcours de carrière en adaptant les modes de sélection et en favorisant les mobilités au sein de la fonction publique et vers le secteur privé ; / 3° Renforcer la formation des agents les moins qualifiés, des agents en situation de handicap ainsi que des agents les plus exposés aux risques d'usure professionnelle afin de favoriser leur évolution professionnelle. / Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance ". L'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat a été prise sur le fondement de l'habilitation prévue par les dispositions de cet article et prolongée par celles de l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. Un projet de loi de ratification de cette ordonnance a été déposé à l'Assemblée nationale le 29 juillet 2021. A la date de la présente décision, le délai d'habilitation est expiré et l'ordonnance n'a pas été ratifiée.

2. L'Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, l'Union syndicale des magistrats administratifs, le syndicat de la juridiction administrative, l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration à laquelle se sont joints vingt membres et anciens membres de corps d'inspection générale de l'Etat, M. E..., l'Association des magistrats de la Cour des comptes et le syndicat des juridictions financières demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir cette ordonnance, selon les cas, dans toutes ses dispositions ou dans seulement certaines d'entre elles. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une seule décision.

Sur l'exception aux fins de non-lieu opposée par la ministre de la transformation et de la fonction publiques :

3. Aux termes de l'article 6 de l'ordonnance attaquée : " Les nominations, parcours de carrière et mobilités au sein des services d'inspection générale dont les missions le justifient et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat sont régis par les dispositions qui suivent. / Les chefs de ces services sont nommés par décret en conseil des ministres pour une durée renouvelable. Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant le terme de cette durée qu'à leur demande ou en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques, après avis d'une commission dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. Le sens de cet avis est rendu public avec la décision mettant fin aux fonctions. / Les agents exerçant des fonctions d'inspection générale au sein des mêmes services sont recrutés, nommés et affectés dans des conditions garantissant leur capacité à exercer leurs missions avec indépendance et impartialité. / Lorsqu'ils ne sont pas régis par les statuts particuliers des corps d'inspection et de contrôle, ces agents sont nommés pour une durée renouvelable. Pendant cette durée, il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou, sur proposition du chef du service de l'inspection générale concernée, en cas d'empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. ".

4. D'une part, il résulte des motifs retenus par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-961 QPC du 14 janvier 2022 que les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance attaquée ne peuvent être regardées comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution à défaut pour celles-ci de mettre en cause des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'Etat qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il n'appartient qu'à la loi de fixer.

5. D'autre part, l'article 6 de l'ordonnance attaquée, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2022 en application des dispositions de l'article 11 de celle-ci, a été abrogé avant son entrée en vigueur par les dispositions du 74° de l'article 3 de l'ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique. Si les dispositions de l'article 6 de cette ordonnance ont été reprises à l'article L. 412-4 du code général de la fonction publique, ce dernier article a lui-même été abrogé par l'article 36 du décret en Conseil d'Etat et délibéré en Conseil des ministres du 9 mars 2022 relatif aux services d'inspection générale ou de contrôle et aux emplois au sein de ces services. Dans ces conditions, alors même que certaines dispositions de ce décret reprennent des dispositions figurant initialement à l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021, les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance attaquée doivent être regardées comme ayant été, en substance, modifiées avant d'avoir produit des effets juridiques.

6. Il s'ensuit qu'ainsi que le soutient la ministre de la transformation et de la fonction publiques, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions des requêtes tendant à l'annulation de l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.

Sur la légalité du surplus des dispositions de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne le régime contentieux applicable :

7. Une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution élargit de façon temporaire le pouvoir réglementaire dont le Gouvernement dispose, en l'autorisant à adopter des mesures qui relèvent du domaine normalement réservé à la loi, que ce soit en vertu de l'article 34 de la Constitution ou d'autres dispositions de celle-ci. Alors même que les mesures ainsi adoptées ont la même portée que si elles avaient été prises par la loi, les ordonnances prises en vertu de l'article 38 de la Constitution conservent le caractère d'actes administratifs, aussi longtemps qu'elles n'ont pas fait l'objet d'une ratification, qui ne peut être qu'expresse, par le Parlement. A ce titre, elles doivent respecter, outre les règles de compétence, de forme et de procédure qui leur sont applicables, les règles et principes de valeur constitutionnelle et les engagements internationaux de la France, elles ne peuvent intervenir dans le domaine de la loi, abroger ou modifier des lois ou y déroger que dans la limite de l'habilitation conférée par le législateur et, sauf à ce que cette habilitation ait permis d'y déroger, elles sont soumises au respect des principes généraux du droit s'imposant à toute autorité administrative. Leur légalité peut être contestée par voie d'action, au moyen d'un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux devant le Conseil d'Etat, compétent pour en connaître en premier et dernier ressort, qui peut en prononcer l'annulation rétroactive, ou par la voie de l'exception, à l'occasion de la contestation d'un acte ultérieur pris sur leur fondement, devant toute juridiction, qui peut en écarter l'application, sous réserve, le cas échéant, d'une question préjudicielle.

8. Toutefois, lorsque le délai d'habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi n'est recevable qu'au travers d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui doit être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel sont remplies.

9. Lorsque le Conseil d'Etat, saisi d'une demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé que les dispositions contestées relevaient du domaine de la loi mais refusé de transmettre la question soulevée au motif qu'elle n'était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux, le requérant ne peut plus invoquer, devant le juge de l'excès de pouvoir, la méconnaissance, par ces dispositions, de droits et libertés que la Constitution garantit. Il peut toutefois invoquer devant le juge de l'excès de pouvoir le moyen tiré de ce que le Gouvernement, agissant dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, est resté en-deçà de la compétence de l'autorité investie du pouvoir de prendre des mesures relevant du domaine de la loi dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'une telle incompétence négative porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

10. Enfin, le requérant a le choix des moyens qu'il entend soulever, en particulier lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des principes généraux du droit. A défaut de précision quant à la source du principe invoqué, il appartient au juge d'opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l'argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation.

En ce qui concerne la légalité externe :

11. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 13, 19 et 38 de la Constitution, les ordonnances visées par ce dernier article sont signées par le Président de la République et contresignées par le Premier ministre et, le cas échéant, par " les ministres responsables ". Les ministres responsables sont ceux auxquels incombent, à titre principal, la préparation et l'application des ordonnances dont il s'agit.

12. Il ressort des pièces des dossiers que, dans le prolongement de l'ordonnance du 3 mars 2021 favorisant l'égalité des chances pour l'accès à certaines écoles de service public, l'ordonnance portant réforme de l'encadrement supérieur de l'Etat, prise sur le fondement de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, pose le cadre de cette transformation en matière de formation et de déroulement des parcours de carrière de l'encadrement supérieur de l'Etat. Elle prévoit à cet égard le remplacement de l'Ecole nationale d'administration par l'Institut national du service public et comporte plusieurs mesures intégrant la mobilité dans les parcours de carrière de ces agents publics. Dans ces conditions, la circonstance que certaines des dispositions de l'ordonnance déclinent cette réforme pour l'accès aux fonctions ou aux corps des membres du Conseil d'Etat, des magistrats de la Cour des comptes, des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes et pour la mobilité des membres de ces corps, n'est pas de nature à faire regarder le garde des sceaux, ministre de la justice, comme un ministre responsable au sens de l'article 19 de la Constitution et devant à ce titre contresigner l'ordonnance attaquée.

13. En deuxième lieu, en prévoyant, à l'article 12 de l'ordonnance attaquée, de remplacer dans tous les textes législatifs et réglementaires en vigueur, à compter de l'entrée en vigueur du décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article 5 de cette même ordonnance et au plus tard le 1er janvier 2022, la référence à l'Ecole nationale d'administration par la référence à l'Institut national du service public créé par le même article 5 et en abrogeant à la même date, à l'article 15, l'ordonnance du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires et instituant une direction de la fonction publique et un conseil permanent de l'administration civile, l'ordonnance attaquée n'a modifié ni l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat, ni l'article 41 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature qui mentionnent l'Ecole nationale de l'administration. Par suite, le moyen tiré de ce que l'ordonnance serait entachée d'incompétence en ce qu'elle empièterait sur le domaine réservé à la loi organique ne peut qu'être écarté.

14. En troisième lieu, les dispositions d'habilitation de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, citées au point 1, en particulier celles du 2° de l'article 59 éclairées par les travaux parlementaires en ayant précédé l'adoption, qui indiquent que, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement pourra par ordonnance réformer les modalités de recrutement des corps et cadres d'emplois de catégorie A afin de diversifier leurs profils et aménager leurs parcours de carrière en favorisant les mobilités au sein de la fonction publique, en faisant expressément état du nécessaire respect des spécificités des fonctions juridictionnelles, permettaient de prendre des mesures ayant pour objet, pour celles figurant à l'article 7 de l'ordonnance attaquée, de modifier les dispositions statutaires du code de justice administrative relatives aux membres du Conseil d'Etat et aux magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, de fixer de nouvelles conditions d'accès et règles de recrutement pour les nominations au Conseil d'Etat et de soumettre l'avancement des magistrats administratifs à de nouvelles obligations de mobilité, pour celles figurant à l'article 8 de l'ordonnance attaquée, de modifier les dispositions statutaires du code des juridictions financières relatives aux magistrats de la Cour des comptes et aux magistrats des chambres régionales des comptes, de fixer de nouvelles règles de nomination et d'intégration à la Cour des comptes en refondant notamment le statut des rapporteurs extérieurs et en instaurant une mobilité statutaire obligatoire, pour celles figurant à l'article 9 de cette ordonnance, de créer, pour l'accès au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes, une voie d'accès à un stade particulier de la carrière d'administrateur de l'Etat. Enfin, ces mêmes dispositions d'habilitation de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique autorisaient le Gouvernement à prendre les mesures, figurant à l'article 10 de la même ordonnance, permettant à certains statuts d'emplois de déroger à des dispositions du statut général de la fonction publique qui ne correspondraient pas aux besoins des missions que les agents exerçant ces emplois, fonctionnaires ou contractuels, sont destinés à assurer, le nouvel article 10 bis ainsi inséré au chapitre Ier de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat visant à favoriser la mobilité des membres recrutés par la voie de l'Institut national du service public et des corps ou cadres d'emplois de niveau comparable. Par suite, les dispositions des articles 7, 8, 9 et 10 de l'ordonnance du 2 juin 2021 n'ont pas été édictées en méconnaissance du champ de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 59 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

15. En quatrième lieu, selon l'article L. 120-14 du code des juridictions financières dans sa version applicable à l'espèce, le Conseil supérieur de la Cour des comptes est consulté " sur toutes les questions relatives à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement de la Cour des comptes, sur les modifications des dispositions statutaires applicables aux magistrats, ainsi que sur toute question déontologique, d'ordre général ou individuel, relative à l'exercice des fonctions des magistrats, des conseillers maîtres et référendaires en service extraordinaire et des rapporteurs extérieurs ", et aux termes de l'article L. 220-12 du code des juridictions financières dans sa version applicable à l'espèce, " Tout projet de modification du statut défini par le présent code est soumis pour avis au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes./ Ce conseil est également consulté sur toute question relative à l'organisation, au fonctionnement ou à la compétence des chambres régionales " . D'une part, il résulte de ces dispositions que la consultation de ces instances ne s'imposait que pour les dispositions du projet d'ordonnance traitant des questions qu'elles mentionnent, de sorte qu'il ne peut être soutenu que ces instances auraient dû être saisies de la totalité du projet d'ordonnance, y compris en ce qu'il comporte des dispositions n'en relevant pas. D'autre part, si le Gouvernement a, postérieurement à la consultation de ces deux instances, apporté certaines modifications aux dispositions qui leur avaient été soumises, il ressort de la comparaison de l'ordonnance avec les textes ayant fait l'objet de la consultation que le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ont été mis à même d'exprimer leur avis sur l'ensemble des questions traitées par le projet de texte, notamment sur celles relatives à la participation aux missions juridictionnelles des conseillers maîtres en service extraordinaire à la Cour des comptes et des agents contractuels recrutés en qualité de magistrats au sein des chambres régionales des comptes, dès lors que si, postérieurement à leur consultation, des modifications ont été introduites au 4° et au 26° de l'article 8 pour en traiter, ces questions étaient déjà posées par d'autres dispositions du projet d'ordonnance soumis à leur avis, en particulier, par celles figurant au b) du 21° de l'article 9 et celles modifiant la rédaction de l'article L. 112-1 du code des juridictions financières. En outre, il ressort des pièces des dossiers que leurs avis, émis le 10 mai 2021, ont été transmis à la section de l'administration du Conseil d'Etat. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à l'édiction de l'ordonnance attaquée doit être écarté.

16. En cinquième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution : " Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat (...) ". Lorsque le Gouvernement prend des mesures par ordonnance, le texte qu'il retient ne peut être différent à la fois du projet qu'il a soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. En l'espèce, il ressort de la copie de la minute de l'assemblée générale du Conseil d'Etat, telle qu'elle a été versée au dossier n° 455105 par la ministre de la transformation et de la fonction publiques, que l'ordonnance attaquée ne contient pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par l'assemblée générale du Conseil d'Etat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets d'ordonnance doit être écarté.

17. Enfin, s'il résulte des dispositions combinées des articles 8 et 11 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution que les dispositions des projets de loi par lesquelles le Gouvernement demande au Parlement, en application de l'article 38 de la Constitution, l'autorisation de prendre des mesures par ordonnance doivent être accompagnées d'une étude d'impact, aucune disposition de cette loi ne prévoit que les projets d'ordonnances fassent l'objet d'une telle étude et il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux d'apprécier, à l'occasion du contrôle qu'il exerce sur la légalité d'une ordonnance prise sur ce fondement, la régularité de la procédure suivie au stade de l'adoption du projet de loi d'habilitation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'étude d'impact préalable à l'adoption de l'ordonnance attaquée ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant des articles 1er et 2 de l'ordonnance :

18. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance, codifié depuis le 1er mars 2022 à l'article L. 412-1 du code général de la fonction publique : " Les agents qui occupent, au sein des administrations de l'Etat, les emplois supérieurs mentionnés au 1° de l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée sont soumis aux dispositions des articles 2, 3 et 4. / Ces dispositions sont également applicables aux agents occupant les emplois de direction mentionnés au 1° bis du même article, ainsi qu'aux dirigeants des établissements publics de l'Etat exerçant la plus haute fonction exécutive mentionnée par les statuts de l'établissement, quel que soit leur titre, et aux agents occupant dans ces établissements des fonctions exécutives de haut niveau. / Sont soumis aux mêmes dispositions : / 1° Les agents qui exercent des fonctions supérieures de direction, d'encadrement, d'expertise ou de contrôle leur donnant vocation à occuper les emplois mentionnés au deuxième alinéa ; / 2° Les agents dont la nature des missions et le niveau de responsabilité, de recrutement, d'expertise ou d'autonomie leur permettent de prétendre aux emplois mentionnés au deuxième et au quatrième alinéa du présent article. / Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des emplois, corps, grades et fonctions mentionnés au deuxième alinéa et précise les critères de détermination des catégories d'agents mentionnés aux 1° et 2°. " L'article 2 de l'ordonnance, codifié depuis le 1er mars 2022 aux articles L. 413-4 et L. 413-5 du code général de la fonction publique, prévoit que : " Le Premier ministre édicte, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, des lignes directrices de gestion interministérielle des agents mentionnés à l'article 1er. / Ces lignes directrices déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines de ces agents et fixent les orientations générales les concernant en matière de recrutement, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de mobilité, de promotion, d'évaluation, de formation, de valorisation des parcours professionnels et d'accompagnement des transitions professionnelles. / Elles définissent les modalités selon lesquelles l'accomplissement d'une mobilité peut conditionner la promotion de grade ou l'accès aux emplois mentionnés au deuxième alinéa et aux 1° et 2° de l'article 1er ainsi que celles selon lesquelles le suivi d'une formation peut être pris en compte pour l'accès à ces mêmes emplois. / Les lignes directrices de gestion sont communiquées aux agents et rendues publiques. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article, notamment les modalités d'articulation des lignes directrices prévues au présent article avec celles mentionnées à l'article 18 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. "

19. En premier lieu, l'article 1er de l'ordonnance, qui donne une définition suffisante des critères permettant le rattachement de catégories d'agents à l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat, n'est pas resté en deçà de la compétence de l'autorité investie du pouvoir de prendre des mesures relevant du domaine de la loi en ce qu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation de la liste des emplois, corps, grades et fonctions mentionnés à son deuxième alinéa et la définition des critères de détermination des catégories d'agents mentionnés à ses 1° et 2°.

20. En second lieu, l'article 2 de l'ordonnance attaquée n'est pas davantage entaché d'incompétence négative en ce qu'il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les conditions d'application des lignes directrices de gestion interministérielle des agents mentionnés à l'article 1er et notamment leurs modalités d'articulation avec d'autres lignes directrices de gestion, dès lors qu'il prévoit ce que doivent contenir ces lignes directrices de gestion interministérielle des personnels relevant de l'encadrement supérieur de l'Etat. En outre, ces dispositions qui ne présentent pas de caractère imprécis ou équivoque, ne peuvent être considérées comme une source d'insécurité juridique. Enfin, ces lignes directrices ne sauraient, en tout état de cause, faire obstacle au respect des garanties fondamentales accordées à certains personnels relevant de l'encadrement supérieur de l'Etat, telles celles attachées à l'exercice de fonctions juridictionnelles au sein des juridictions administratives et financières.

S'agissant des articles 3 et 4 de l'ordonnance :

21. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance attaquée, codifié depuis le 1er mars 2022 à l'article L. 412-2 du code général de la fonction publique : " Sans préjudice des dispositions de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, les agents mentionnés à l'article 1er bénéficient à différents moments de leur parcours professionnel d'évaluations destinées à apprécier la qualité de leurs pratiques professionnelles et de leurs réalisations ainsi que leur aptitude à occuper des responsabilités de niveau supérieur. / Ces évaluations sont confiées à une instance collégiale ministérielle ou interministérielle. Elles sont communiquées à l'agent. / Cette instance apprécie les perspectives de carrière de l'intéressé et, le cas échéant, émet des recommandations de mobilité. Elle peut également recommander d'orienter les agents vers des actions de formation et d'accompagnement de nature à développer et à diversifier leurs compétences. Elle peut préconiser une transition professionnelle ainsi que les mesures d'accompagnement qui peuvent y être associées. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article, notamment la composition de l'instance collégiale, les modalités de son intervention ainsi que celles de la participation de l'agent à l'évaluation et de la prise en compte des recommandations relatives aux promotions de grade ou à l'accès aux emplois mentionnés à l'article 1er ". Enfin, à ceux de son article 4, dont les deux premiers alinéas sont codifiés depuis le 1er mars 2022 à l'article L. 412-3 du code général de la fonction publique : " Les agents mentionnés à l'article 1er pour lesquels l'évaluation prévue à l'article 3 a conduit l'instance collégiale à préconiser une transition professionnelle peuvent bénéficier des dispositifs prévus aux II et IV de l'article 62 bis de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Un accompagnement personnalisé leur est proposé afin de définir un projet personnel de transition professionnelle en vue de la poursuite de leur carrière, le cas échéant en leur proposant le recours à une rupture conventionnelle dans les conditions prévues à l'article 72 de la loi du 6 août 2019 susvisée. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. "

22. En premier lieu, les dispositions citées au point précédent ont pour objet d'instituer une nouvelle procédure d'évaluation des personnels relevant de l'encadrement supérieur de l'Etat, s'ajoutant à celles prévues à l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable et à l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 alors en vigueur, à l'issue de laquelle les instances collégiales chargées de cette évaluation peuvent recommander des mobilités et des actions pour développer et diversifier les compétences des agents concernés, mais aussi proposer, le cas échéant, un accompagnement vers une transition professionnelle. Une telle procédure ne met pas en cause, par elle-même, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat réservées à la loi par l'article 34 de la Constitution. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'elles seraient entachées d'incompétence négative pour avoir confié au pouvoir réglementaire le soin d'en prévoir les modalités d'application.

23. En second lieu, ce renvoi au pouvoir réglementaire n'a pas pour conséquence de faire regarder les dispositions des articles 3 et 4 comme présentant des difficultés particulières d'interprétation. Elles ne peuvent ainsi être considérées comme une source d'insécurité juridique à raison de leur ambiguïté ou de leur caractère imprécis et ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité ou l'exigence de clarté de la norme.

S'agissant de l'article 5 de l'ordonnance :

24. Aux termes de l'article 5 de l'ordonnance : " L'Institut national du service public est un établissement public de l'Etat chargé d'assurer la formation initiale de fonctionnaires destinés à accéder au corps des administrateurs de l'Etat ainsi qu'à d'autres corps de fonctionnaires ou de magistrats susceptibles d'exercer les fonctions mentionnées à l'article 1er. Il contribue à la formation continue des agents mentionnés au même article. / Il coordonne l'élaboration des programmes de formation initiale et continue destinés à accroître la culture commune de l'action publique des agents mentionnés à l'article 1er ou appartenant à des corps et cadres d'emplois comparables et assure le suivi de leur mise en oeuvre. / Il peut conduire des travaux de recherche en lien avec l'action publique. / L'Institut national du service public est administré par un conseil d'administration comprenant, outre des représentants de l'Etat, des personnalités qualifiées, des représentants de fédérations syndicales de fonctionnaires et des représentants élus du personnel et des élèves, un député et un sénateur ainsi qu'un représentant au Parlement européen élu en France. Il est dirigé par un directeur. / Les ressources de l'Institut national du service public sont notamment constituées par des subventions de l'Etat ou des autres personnes publiques, par les dons et legs faits à son profit et par toute recette provenant de l'exercice de ses activités. / Un décret en Conseil d'Etat précise les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'Institut national du service public. Il fixe la liste des corps mentionnés au premier alinéa. "

25. Aux termes mêmes des dispositions de l'article 5 citées au point 24, sont déterminés l'organe de direction de l'Institut national du service public, les catégories des personnes représentées au sein de son conseil d'administration, les ressources dont il peut bénéficier alors que, par ailleurs, les conditions de nomination de son directeur sont fixées par les dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat rendues applicables au directeur de l'Institut national du service public. Il en résulte que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance attaquée seraient entachées d'incompétence négative sur ces points ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

S'agissant de l'article 7 de l'ordonnance :

Quant aux dispositions du 2° de l'article 7 de l'ordonnance :

26. Le 2° de l'article 7 de l'ordonnance attaquée insère à l'article L. 131-6 du code de justice administrative, relatif aux attributions du collège de déontologie de la juridiction administrative, un 5° duquel il résulte qu'il est aussi chargé de rendre des avis préalables sur les affectations des magistrats " mentionnées au III de l'article L. 231-5 " du même code.

27. D'une part, aux termes de l'article L. 231-5 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 14° de l'article 7 de l'ordonnance : " Nul ne peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel s'il exerce ou a exercé depuis moins de trois ans dans le ressort de ce tribunal ou de cette cour : / 1° Une fonction publique élective ; néanmoins un représentant français au Parlement européen peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel à l'issue de son mandat ; / 2° Une fonction de représentant de l'Etat dans une région, ou de représentant de l'Etat dans un département ; / 3° Une fonction de directeur général des services dans l'administration d'une collectivité territoriale de plus de 100 000 habitants. "

28. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-5-1 du code de la justice administrative inséré après l'article L. 231-5 du même code par le 15° de l'article 7 de l'ordonnance : " (...) / Lorsqu'il est envisagé d'affecter un magistrat dans un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel dont le ressort comprend un département sur le territoire duquel le magistrat a exercé, au cours des trois années précédentes, l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 231-5 ou toute autre fonction placée sous l'autorité directe du représentant de l'Etat dans le département ou dans la région, le collège de déontologie de la juridiction administrative se prononce préalablement sur la compatibilité de cette affectation avec le respect des principes d'impartialité et d'indépendance et précise, en cas d'avis favorable, les obligations d'abstention à respecter et leur durée, eu égard à la nature des fonctions précédemment exercées et au ressort de la juridiction ".

29. Il est vrai, comme le soutiennent les requérants, que le 2° de l'article 7 est entaché d'une erreur matérielle en affectant l'intelligibilité, l'article L. 231-5 du code de justice administrative cité au point 27 ne comportant pas de III. Mais il résulte à l'évidence des dispositions du nouvel article L. 231-5-1 du code de justice administrative que c'est l'ensemble des fonctions énumérées à l'article L. 231-5 de ce code qui sont visées par le 5° de l'article L. 131-6. Il s'ensuit que le 5° de l'article L. 131-6 du code de justice administrative doit être lu comme prévoyant que le collège de déontologie de la juridiction administrative est chargé : " De rendre des avis préalables sur les affectations des magistrats mentionnées à l'article L. 231-5 ".

30. En l'absence de doute sur la portée du 5° de l'article L. 131-6 du code de justice administrative modifié par le 2° de l'article 7 de l'ordonnance attaquée, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, afin de donner le meilleur effet à sa décision, non pas d'annuler les dispositions erronées de cet article, mais de leur conférer leur exacte portée et de prévoir que le texte ainsi rétabli sera rendu opposable par des mesures de publicité appropriées, en rectifiant l'erreur matérielle commise et en prévoyant la publication au Journal officiel d'un extrait de sa décision.

Quant aux dispositions du 7° de l'article 7 et du 13° de l'article 7 en tant qu'il crée les articles L. 133-12-1 et L. 133-12-2 du code de justice administrative :

31. Aux termes de l'article L. 133-5 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 7° de l'article 7 de l'ordonnance : " Les auditeurs sont nommés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat afin d'exercer des fonctions consultatives et juridictionnelles pour une durée de trois ans non renouvelable. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 133-12-1 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. / Il ne peut être mis fin à leurs fonctions que pour motif disciplinaire et sur proposition de la commission supérieure du Conseil d'Etat mentionnée à l'article L. 132-1. "

32. Aux termes de l'article L. 133-12-1, introduit dans le code de justice administrative par le 13° de l'article 7 de l'ordonnance : " Le comité consultatif comprend deux membres du Conseil d'Etat en exercice nommés par le vice-président du Conseil d'Etat et deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences respectives dans les domaines du droit et des ressources humaines nommées respectivement par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la fonction publique et par le vice-président du Conseil d'Etat sur une liste établie par le ministre chargé de la fonction publique. / Le mandat des membres du comité est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / La composition du comité assure la représentation équilibrée des hommes et des femmes ".

33. Aux termes de l'article L. 133-12-2 introduit dans le code de justice administrative par le 13° de l'article 7 de l'ordonnance : " Le comité consultatif émet un avis sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice des fonctions consultatives et contentieuses au sein du Conseil d'Etat et à participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. / Pour exprimer cet avis, il procède à l'audition des candidats qu'il a sélectionnés après examen de leur dossier. / L'avis du comité est communiqué à l'intéressé sur sa demande ".

34. Aux termes de l'article L. 121-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, le Conseil d'Etat se compose du vice-président, des présidents de section, des conseillers d'Etat en service ordinaire, des conseillers d'Etat en service extraordinaire, des maîtres des requêtes, des maîtres des requêtes en service extraordinaire et des auditeurs.

35. En premier lieu, les dispositions citées aux points 31 à 33, relèvent, dès lors qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il en résulte, ainsi qu'il est dit aux points 8 et 9, que les requérants ne peuvent autrement qu'au travers de questions prioritaires de constitutionnalité, telles celles sur lesquelles le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, s'est prononcé le 12 octobre 2021 et le 24 novembre 2021, invoquer la méconnaissance par ces dispositions de l'ordonnance attaquée des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les moyens tirés d'une telle méconnaissance.

36. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 2 du traité sur l'Union européenne : " L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme (...) ". Aux termes de l'article 19 du même traité : " 1. (...) / Les Etats membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union. / (...) ". Aux termes de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, intitulé " droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial " : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt A.K. et autres du 10 janvier 2020 (C-585/18, C-624/18, C-625/18), que l'indépendance et l'impartialité d'une juridiction, telles que garanties par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, nécessitent l'existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l'instance, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d'abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d'écarter tout doute légitime, dans l'esprit des justiciables, quant à l'imperméabilité de cette instance à l'égard d'éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s'affrontent. En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt Repubblika du 20 avril 2021 (C-896/19) qu'un État membre ne saurait modifier sa législation de manière à entraîner une régression de la protection de la valeur de l'Etat de droit, valeur qui est concrétisée, notamment, par l'article 19 du traité sur l'Union européenne, les États membres étant ainsi tenus de veiller à éviter toute régression, au regard de cette valeur, de leur législation en matière d'organisation de la justice, en s'abstenant d'adopter des règles qui viendraient porter atteinte à l'indépendance des juges.

37. D'autre part, aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Il résulte à cet égard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment de son arrêt Gudmundur Andri Astradsson c/ Islande (n° 26374/18) du 1er décembre 2020 que la notion de " tribunal établi par la loi " implique de satisfaire une série d'exigences, par exemple, l'indépendance, en particulier à l'égard du pouvoir exécutif, l'impartialité, et la durée du mandat de ses membres. A cet égard, l'indépendance désigne tout à la fois un état d'esprit qui dénote l'imperméabilité du juge envers toute pression extérieure qu'un ensemble de dispositions institutionnelles et fonctionnelles - qui comprend à la fois une procédure permettant de nommer les juges d'une manière qui assure leur indépendance et des critères de sélection fondés sur le mérite -, de façon à offrir des garanties contre une influence abusive et/ou un pouvoir discrétionnaire illimité des autres autorités de l'État, tant au stade initial de la nomination d'un juge que pendant l'exercice par celui-ci de ses fonctions.

38. Il résulte des dispositions citées aux points 31 à 33 que la nomination des auditeurs par le vice-président du Conseil d'Etat ne peut intervenir qu'après avis donné par le comité consultatif, lequel est composé de deux membres du Conseil d'Etat nommés par le vice-président, et de deux autres personnes qualifiées dans les domaines du droit et des ressources humaines nommées respectivement par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la fonction publique et par le vice-président du Conseil d'Etat sur une liste établie par le ministre chargé de la fonction publique. L'avis du comité consultatif porte sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice de ces fonctions, à participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. En outre, durant l'exercice de leurs fonctions, les auditeurs sont soumis aux mêmes droits, garanties et obligations que les membres du Conseil d'Etat, et notamment à l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de fonctions juridictionnelles et au respect des principes déontologiques propres à l'exercice des fonctions de membre du Conseil d'Etat. Enfin, il ne peut être mis fin à leurs fonctions que pour motif disciplinaire et sur proposition de la commission supérieure du Conseil d'Etat. Par suite, la modification des modes de recrutement des auditeurs et de leur statut résultant des dispositions du 7° et de celles du 13° de l'article 7 de l'ordonnance en tant qu'elles créent les articles L. 133-12-1 et L. 133-12-2 du code de justice administrative, qui ne porte pas atteinte à l'indépendance nécessaires à l'exercice de fonctions juridictionnelles, n'est pas de nature à entraîner une régression de la protection de la valeur de l'État de droit concrétisée, notamment, par l'article 19 du traité sur l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne. Ces dispositions ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, les principes de protection juridictionnelle effective, d'indépendance et d'impartialité qu'imposent l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

39. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, ni d'adresser une demande d'avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions citées aux points 31 à 33 seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et seraient contraires à l'article 19 du traité sur l'Union européenne et à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi qu'à l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Quant aux dispositions du 13° de l'article 7 de l'ordonnance en tant qu'elles créent les articles L. 133-12-3 à L. 133-12-5 du code de justice administrative :

40. Aux termes de l'article L. 133-12-3 introduit dans le code de justice administrative par le 13° de l'article 7 de l'ordonnance : " La commission d'intégration comprend : / 1° Le vice-président du Conseil d'Etat, ou son représentant ; / 2° Un membre du Conseil d'Etat en exercice ayant au moins le grade de conseiller d'Etat et un membre du Conseil d'Etat en exercice ayant le grade de maître des requêtes, nommés par le vice-président du Conseil d'Etat ; /3° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République ; / 4° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine de l'action publique, nommée par le président de l'Assemblée nationale ; / 5° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine du droit, nommée par le président du Sénat ; / Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du vice-président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2° à 5° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. / Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts. "

41. Aux termes de l'article L. 133-12-4 introduit dans le code de justice administrative par les mêmes dispositions : " La commission d'intégration propose la nomination au grade de maître des requêtes des auditeurs et des maîtres des requêtes en service extraordinaire après audition des candidats. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire mentionnés aux articles L. 133-9 et L. 133-12 et pour les maîtres des requêtes en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. / Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein du Conseil d'Etat, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions consultatives et contentieuses et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. / A l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats retenus par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le vice-président. / Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. / Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission. "

42. Aux termes de l'article L. 133-12-5 introduit dans le code de justice administrative par ces mêmes dispositions de l'ordonnance attaquée : " La commission d'intégration émet un avis sur la nomination au grade de conseiller d'Etat des personnes mentionnées à l'article L. 133-3-1 et à l'article L. 133-7, après les avoir entendues. "

43. En premier lieu, par sa décision du 12 octobre 2021, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité visant les dispositions du 13° de l'article 7 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative. Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2020-961 QPC du 12 février 2021, considérant que la question prioritaire de constitutionnalité portait sur l'article L. 133-12-3 du code de justice administrative, a déclaré l'article L. 133-12-3 conforme à la Constitution, ses dispositions n'étant pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissant aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Il résulte de cette décision que les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 133-12-3 ainsi introduites par le 13° de l'article 7 de l'ordonnance seraient entachées d'une incompétence négative de nature à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ne peuvent qu'être écartés.

44. Les autres dispositions citées aux points 40 à 42, relèvent, dès lors qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi qu'il est dit au point 35, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les moyens, non invoqués par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tirés de la méconnaissance par ces dispositions de l'ordonnance attaquée des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

45. En second lieu, les dispositions citées aux points 40 à 42 prévoient que la commission d'intégration est composée de trois membres du Conseil d'État, dont le vice-président du Conseil d'Etat, et de trois personnalités qualifiées nommées, respectivement, par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, en raison de leurs compétences respectives dans les domaines des ressources humaines, de l'action publique et du droit et devant présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts. Elles prévoient en outre les attributions de la commission d'intégration, compétente, d'une part, pour proposer, après audition des candidats, la nomination au grade de maître des requêtes des auditeurs au sein du Conseil d'Etat et des maîtres des requêtes en service extraordinaire, les nominations étant ensuite prononcées dans l'ordre établi par la commission par un décret du Président de la République. La commission d'intégration est chargée, d'autre part, d'émettre un avis sur les nominations dans le grade de conseiller d'Etat mentionnées à l'article L. 133-3-1 du code de justice administrative, par décret du Président de la République pris sur proposition du vice-président du Conseil d'Etat, de personnes dont les compétences et les activités dans le domaine du droit ou de l'action publique les qualifient particulièrement pour l'exercice des fonctions de membre du Conseil d'Etat, de même que sur les nominations au tour extérieur par décret du Président de la République, pris après avis du vice-président, dans les grades de conseiller d'Etat et de maître des requêtes, prévues à l'article L. 133-7 de ce code. Ces dispositions précisent les règles essentielles du fonctionnement de la commission d'intégration et les critères sur la base desquels elle procède à l'évaluation des candidats à ces nominations, la commission devant ainsi prendre en compte l'aptitude des candidats à exercer les fonctions en cause, de même que leur compréhension des exigences déontologiques ainsi que leur sens de l'action publique, à la lumière, le cas échéant, de l'expérience résultant d'une période d'activité au sein du Conseil d'Etat.

46. Eu égard à l'ensemble des garanties rappelées au point précédent, et sans que n'ait d'incidence à cet égard l'absence de désignation par les dispositions précitées du président de la commission d'intégration et des règles de départage des voix de ses membres, les moyens tirés de la méconnaissance par les articles L. 133-12-3 et L. 133-12-4 du code de justice administrative des principes de protection juridictionnelle effective, d'indépendance et d'impartialité qu'imposent l'article 19 du traité sur l'Union européenne et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tels que respectivement interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelées aux points 36 et 37, ne peuvent qu'être écartés.

Quant aux dispositions du 11° de l'article 7 de l'ordonnance :

47. Aux termes de l'article L. 133-9 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 11° de l'article 7 de l'ordonnance : " Des fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l'Institut national du service public, des magistrats de l'ordre judiciaire, des professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, des administrateurs des assemblées parlementaires, des fonctionnaires civils ou militaires de l'Etat, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d'emplois de niveau comparable, des agents contractuels de droit public ainsi que des fonctionnaires de l'Union européenne de niveau comparable peuvent être nommés par le vice-président du Conseil d'Etat pour exercer, en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire, les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes pour une durée qui ne peut excéder quatre ans. / Peuvent également être nommées maîtres des requêtes en service extraordinaire les personnes dont la qualification et l'expertise particulières sont utiles aux activités et aux missions du Conseil d'Etat. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article ".

48. Ces dispositions relèvent, en tant qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi qu'il est dit au point 35, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les moyens, non invoqués par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tirés de la méconnaissance par les dispositions citées au point précédent des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Quant aux dispositions des 17°, 23° et 24° de l'article 7 de l'ordonnance :

49. Aux termes de l'article L. 233-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 17° de l'article 7 de l'ordonnance : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont recrutés au grade de conseiller, sous réserve des dispositions des articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 : / 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et justifiant d'au moins deux ans de service effectif en cette qualité, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Les élèves de l'Institut national du service public ayant exercé ce choix et qui justifient d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A sont directement nommés en qualité de magistrats. / 2° Et par voie de concours. / Les services effectifs accomplis en qualité d'administrateur de l'Etat sont pris en compte pour l'application de l'article L. 234-2-1 ".

50. Aux termes de l'article L. 234-2-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 23° de l'article 7 de l'ordonnance : " Peuvent être promus au grade de premier conseiller, les conseillers ayant accompli une mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans, qui justifient de trois années de services effectifs en qualité de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et ont atteint un échelon de leur grade déterminé par décret en Conseil d'Etat. / Les conseillers qui justifient, avant leur nomination en cette qualité, d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A, sont réputés avoir accompli la mobilité prévue à l'alinéa précédent. / Dans la limite de deux ans, les services rendus au titre de l'obligation de mobilité dans le grade de conseiller sont assimilés à des services effectifs dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ". Aux termes de l'article L. 234-2-2 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du 24° de l'article 7 de l'ordonnance : " Peuvent être promus au grade de président les premiers conseillers justifiant de huit ans de services effectifs et ayant accompli une mobilité statutaire d'au moins deux ans. / Dans la limite de deux ans, les services rendus au titre de l'obligation de mobilité dans le grade de premier conseiller sont assimilés à des services effectifs dans les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ".

51. En premier lieu, ces dispositions relèvent, en tant qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi qu'il est dit au point 35, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les moyens, non invoqués par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tirés de la méconnaissance par ces dispositions des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et du principe d'égalité devant la loi et de ce qu'elles seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à affecter des droits et libertés garantis par la Constitution.

52. En second lieu, les dispositions citées au point 50, qui instituent une obligation de mobilité en dehors du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pour l'avancement des magistrats administratifs au grade de premier conseiller et à celui de président - ce qui n'est pas le cas des dispositions de l'article L. 233-2 citées au point 49 qui imposent une expérience professionnelle préalable avant l'entrée dans le corps - , d'une part n'ont pas pour effet de porter atteinte à la protection de l'indépendance des magistrats administratifs, d'autre part ne sont pas de nature, par elles-mêmes, à susciter des doutes légitimes dans l'esprit des justiciables quant à l'indépendance et à l'impartialité de ces magistrats, enfin n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que ceux-ci entendent consacrer leur vie professionnelle à l'exercice de fonctions juridictionnelles. Elles n'ont pas été édictées en méconnaissance des principes de protection juridictionnelle effective, d'impartialité et d'indépendance qu'imposent l'article 19 du traité sur l'Union européenne et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tels qu'interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelées aux points 36 et 37. Ces dispositions ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, les principes de non-discrimination et d'égalité de traitement garantis par le droit de l'Union européenne et notamment par l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention, ou encore, en tout état de cause, le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de cette même convention.

53. Par suite, sans qu'il y ait lieu de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, ni d'adresser une demande d'avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement du protocole n°16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les moyens tirés de la contrariété des dispositions citées aux points 49 et 50 avec le droit de l'Union et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant de l'article 8 de l'ordonnance :

Quant aux dispositions du a) du 1° de l'article 8, du 2° et du 16° de l'article 8 en tant qu'elles créent les articles L. 122-7 et L. 122-8 du code des juridictions financières :

54. Aux termes de l'article L. 112-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 1° de l'article 8 de l'ordonnance : " La Cour des comptes est composée du premier président, de présidents de chambre, de conseillers maîtres et de conseillers référendaires. / Concourent également à l'exercice des missions de la Cour les auditeurs, les conseillers maîtres et les conseillers référendaires en service extraordinaire ". Aux termes de l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 2° de l'article 8 de l'ordonnance : " Les auditeurs sont nommés par arrêté du premier président pour une durée de trois ans non renouvelable. Ils peuvent exercer une activité juridictionnelle. / Ils sont nommés, après avis du comité consultatif mentionné à l'article L. 122-7 parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins deux ans de services publics effectifs en cette qualité. / Il en est de même des personnes mentionnées à l'article L. 4139-2 du code de la défense. / Il ne peut être mis fin à leurs fonctions que sur demande des intéressés ou pour motif disciplinaire et sur proposition du Conseil supérieur de la Cour des comptes ".

55. Aux termes de l'article L. 122-7 du code des juridictions financières introduit dans ce code par le 16° de l'article 8 de l'ordonnance : " Le comité consultatif comprend deux magistrats de la Cour des comptes en exercice nommés par le Premier président et deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences respectives dans les domaines, d'une part, des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, et d'autre part, des ressources humaines, nommées respectivement par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la fonction publique et par le premier président de la Cour des comptes sur une liste établie par le ministre chargé de la fonction publique. / Le mandat des membres du comité est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / La composition du comité assure la représentation équilibrée des hommes et des femmes ". Aux termes de l'article L. 122-8 du code des juridictions financières introduit dans ce code par le 16° de l'article 8 de l'ordonnance : " Le comité consultatif émet un avis sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice des fonctions de magistrat au sein des juridictions financières et à participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. / Pour exprimer cet avis, il procède à l'audition des candidats qu'il a sélectionnés après examen de leur dossier. / L'avis du comité est communiqué à l'intéressé sur sa demande ".

56. En premier lieu, les dispositions citées au point 54 et 55 relèvent, dès lors qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi qu'il est dit au point 35, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les moyens, non invoqués par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tirés de la méconnaissance par ces dispositions des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ou de ce qu'elles seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à des droits et libertés garantis par la Constitution.

57. En second lieu, il résulte des dispositions citées aux points 54 et 55 que la nomination des auditeurs par le premier président de la Cour des comptes ne peut intervenir qu'après avis donné par le comité consultatif, lequel est composé de deux magistrats de la Cour des comptes nommés par le premier président et de deux autres personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences dans les domaines, d'une part, des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, d'autre part, des ressources humaines, nommées respectivement par le Premier ministre sur proposition du ministre chargé de la fonction publique et par le premier président de la Cour des comptes sur une liste établie par ce même ministre. L'avis du comité consultatif porte sur l'aptitude des candidats à exercer les fonctions d'auditeur, compte tenu de leur capacité à acquérir les compétences requises pour l'exercice des fonctions de magistrat au sein des juridictions financières et à participer à des délibérations collégiales, de leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que de leur sens de l'action publique au vu notamment des services accomplis dans leurs fonctions précédentes. En outre, durant l'exercice de leurs fonctions, les auditeurs sont soumis aux mêmes droits, garanties et obligations que les membres de la Cour des comptes, et notamment à l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de fonctions juridictionnelles et au respect des principes déontologiques propres à l'exercice des fonctions de membre de la Cour des comptes. Enfin, il ne peut être mis fin à leurs fonctions que sur leur demande ou pour motif disciplinaire et sur proposition du Conseil supérieur de la Cour des comptes. Par suite, la modification du mode de recrutement des auditeurs et de leur statut résultant des dispositions du a) du 1° de l'article 8 et du 2° de l'article 8 en tant qu'elles créent l'article L. 112-3-1 du code des juridictions financières, qui ne portent pas atteinte a` l'indépendance nécessaire à l'exercice des fonctions juridictionnelles, n'est pas de nature à entraîner une régression de la protection de la valeur de l'État de droit concrétisée, notamment, par l'article 19 du traité sur l'Union européenne tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Ces dispositions ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, les principes de protection juridictionnelle effective, d'indépendance et d'impartialité qu'imposent l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. tels que respectivement interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelées aux points 36 et 37. Elles ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

58. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne ni d'adresser une demande d'avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement du protocole n°16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions citées aux points 54 et 55 seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et seraient contraires à l'article 19 du traité sur l'Union européenne et à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux ainsi qu'à l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Quant aux dispositions du 16° de l'article 8 de l'ordonnance en tant qu'elles créent les articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières :

59. Aux termes de L. 122-9 du code des juridictions financières créé par les dispositions du 16° de l'article 8 de l'ordonnance : " La commission d'intégration comprend : / 1° Le premier président de la Cour des comptes, ou son représentant ; / 2° Un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant au moins le grade de conseiller maître et un magistrat de la Cour des comptes en exercice ayant le grade de conseiller référendaire, nommés par le premier président de la Cour des comptes ; / 3° Deux personnes particulièrement qualifiées en raison de leurs compétences dans le domaine des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques, nommées par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ; / 4° Une personne particulièrement qualifiée en raison de ses compétences dans le domaine des ressources humaines, nommée par le Président de la République. / Le mandat des membres de la commission, à l'exception de celui du premier président est de quatre ans. Il n'est pas renouvelable immédiatement. / Les cinq membres de la commission mentionnés aux 2° à 4° comprennent au moins deux personnes de chaque sexe. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités permettant d'assurer le respect de cette règle. / Les membres de la commission doivent présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission ou tout conflit d'intérêts ".

60. Aux termes de l'article L. 122-10 du code des juridictions financières introduit dans ce code par les mêmes dispositions de l'ordonnance : " La commission d'intégration décide de la nomination au grade de conseiller référendaire des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire. Elle procède de manière distincte pour les auditeurs, pour les conseillers référendaires en service extraordinaire mentionnés à l'article L. 112-7 et pour les conseillers référendaires en service extraordinaire relevant de l'article 9 de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat et des règles de recrutement et de mobilité des membres des juridictions administratives et financières. / Elle prend en compte, au vu notamment de l'expérience résultant de la période d'activité au sein de la Cour des comptes, l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat et à participer à des délibérations collégiales, leur compréhension des exigences déontologiques attachées à ces fonctions ainsi que leur sens de l'action publique. Elle rend publiques les lignes directrices guidant son évaluation des candidats. / A l'issue des auditions, la commission arrête la liste des candidats par ordre de mérite dans la limite du nombre fixé par le Premier président. / Sur demande du candidat, elle lui communique les motifs pour lesquels elle a refusé de proposer son intégration. / Les nominations sont prononcées dans l'ordre établi par la commission. / Les modalités d'application du présent article sont précisées par un décret en Conseil d'Etat ".

61. Aux termes de l'article L. 122-11 introduit dans le code des juridictions financières par ces mêmes dispositions de l'ordonnance attaquée : " La commission d'intégration émet un avis simple sur la nomination au grade de conseiller maître des personnes mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 122-3 et à l'article L. 122-6 après appréciation de leurs mérites et leur audition. "

62. En premier lieu, par sa décision du 12 octobre 2021, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité visant les dispositions du 16° de l'article 8 de l'ordonnance en ce qu'elles créent les articles L. 122-9 et L.122-10 du code des juridictions financières. Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2020-883 QPC du 12 février 2021, considérant que la question prioritaire de constitutionnalité portait sur l'article L. 122-9 du code des juridictions financières, a déclaré cet article conforme à la Constitution, ses dispositions n'étant pas entachées d'incompétence négative et ne méconnaissant aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. Il résulte de cette décision que les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 122-9 du code des juridictions financières ainsi introduites par le 16° de l'article 8 de l'ordonnance seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à priver de garantes légales les exigences constitutionnelles découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles, ne peuvent qu'être écartés.

63. Les autres dispositions citées aux points 60 et 61 relèvent, dès lors qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Ainsi qu'il est dit au point 35, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le moyen, non invoqué par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité, tiré de la méconnaissance par ces dispositions de l'ordonnance attaquée des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

64. En second lieu, les dispositions citées aux points 59 à 61 prévoient que la commission d'intégration est composée de trois membres de la Cour des comptes, dont le premier président de la Cour des comptes, et de trois personnes qualifiées, nommées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, en raison de leurs compétences respectives dans les domaines des ressources humaines, des finances publiques et de l'évaluation des politiques publiques et devant présenter des garanties d'indépendance et d'impartialité propres à prévenir toute interférence des autorités législatives ou exécutives dans les délibérations de la commission d'intégration ou tout conflit d'intérêts. Elles prévoient en outre les attributions de la commission d'intégration, compétente, d'une part, pour décider de la nomination au grade de conseiller référendaire des auditeurs et des conseillers référendaires en service extraordinaire, les nominations étant ensuite prononcées dans l'ordre établi par la commission par un décret du Président de la République. La commission d'intégration est chargée, d'autre part, d'émettre un avis simple sur la nomination au grade de conseiller maître des personnes mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 122-3 et à l'article L. 122-6 du code des juridictions financières. Ces dispositions précisent les règles essentielles de fonctionnement de la commission d'intégration et les critères sur la base desquels elle procède à l'évaluation des candidats à ces nominations, la commission devant ainsi prendre en compte l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat et à participer à des délibérations collégiales, en particulier leur compréhension des exigences déontologiques ainsi que leur sens de l'action publique, au vu, le cas échéant, de l'expérience résultant d'une période d'activité au sein de la Cour des comptes. Eu égard à l'ensemble de ces garanties, et sans que n'ait d'incidence l'absence de désignation par les dispositions précitées du président de la commission et de règles de départage des voix de ses membres, les dispositions des articles L. 122-9 et L. 122-10 du code des juridictions financières ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, les principes de protection juridictionnelle effective, d'indépendance et d'impartialité qu'imposent l'article 19 du traité sur l'Union européenne, l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tels qu'interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelées aux points 36 et 37.

65. Par suite, sans qu'il y ait lieu d'adresser une demande d'avis consultatif à la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement du protocole n° 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les moyens tirés de la contrariété des dispositions citées aux points 59 à 61 avec le droit de l'Union et le droit européen ne peuvent qu'être écartés.

Quant aux dispositions des 4°, 5° et du b) du 7° de l'article 8 de l'ordonnance :

66. Aux termes de l'article L. 112-4 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 4° de l'article 8 de l'ordonnance : " Des fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères ou des personnes ayant exercé des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'Etat ou d'organismes soumis au contrôle des juridictions financières peuvent être nommés conseillers maîtres en service extraordinaire en vue d'assister la Cour des comptes dans l'exercice de ses compétences. Leur nombre ne peut être supérieur à douze. Ils sont affectés en chambre par le premier président. Ils peuvent exercer une activité juridictionnelle ".

67. Aux termes de l'article L. 112-5 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 5° de l'article 8 de l'ordonnance : " Des personnes dont l'expérience et l'expertise particulières sont nécessaires aux activités et missions de la Cour des comptes peuvent être nommées conseillers maîtres en service extraordinaire, dans la limite de six. / Ces conseillers sont affectés en chambre par le premier président. Ils peuvent exercer une activité juridictionnelle ".

68. Aux termes de l'article L. 112-7 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du b) du 7° du même article 8 : " Les magistrats de l'ordre judiciaire et les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l'Institut national du service public peuvent exercer les fonctions de conseillers référendaires en service extraordinaire auprès de la Cour des comptes dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Peuvent également être nommés conseillers référendaires en service extraordinaire : / 1° Des fonctionnaires appartenant à des corps de niveau comparable de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière, des agents contractuels de droit public, ainsi que, dans les conditions prévues par leur statut, des militaires et des administrateurs des assemblées parlementaires ; / 2° Des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale, ainsi que les personnes dont la qualification et l'expertise particulières sont nécessaires aux activités et aux missions de la Cour des comptes. / Les conseillers référendaires en service extraordinaire peuvent exercer une activité juridictionnelle. Ils sont nommés par arrêté du premier président de la Cour des comptes, pour une période de trois ans renouvelable une fois. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article ".

69. Ces dispositions relèvent, en tant qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il en résulte, ainsi qu'il est dit au point 35, qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le moyen, non invoqué par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tiré de la méconnaissance par ces dispositions de l'ordonnance attaquée des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Quant aux dispositions du b) du 13° de l'article 8 de l'ordonnance et du 22° et du 23° de l'article 8 de l'ordonnance :

70. Aux termes des dispositions introduites au I de l'article L. 122-3 du code des juridictions financières par le b) du 13° de l'article 8 de l'ordonnance attaquée : " Pour être nommés conseillers maîtres, les conseillers référendaires doivent avoir accompli une mobilité statutaire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. "

71. Aux termes de l'article L. 221-2-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 22° de l'article 8 de l'ordonnance attaquée : " I. - Peuvent être inscrits au tableau d'avancement de président de section les premiers conseillers. Toutefois, les magistrats recrutés au titre des articles L. 221-3 et L. 221-4 doivent avoir accompli une mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans. Les services rendus au titre de la mobilité sont assimilés à des services effectifs dans les chambres régionales des comptes. Sont considérés comme ayant accompli une mobilité les magistrats des chambres régionales des comptes recrutés avant la date de publication de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes. La nomination au grade de président de section ne peut être prononcée dans la chambre régionale des comptes dans laquelle le magistrat est affecté au moment de sa promotion. Les conditions d'application du présent article sont définies par un décret en Conseil d'Etat. / II. - Peuvent être inscrits au tableau d'avancement de premier conseiller les conseillers ayant accompli une mobilité statutaire d'une durée d'au moins deux ans soit dans un service, une juridiction, un organisme, une collectivité ou une entreprise publique pouvant accueillir, au titre de leur mobilité, les fonctionnaires des corps recrutés par la voie de l'Institut national du service public. / Les conseillers qui justifient, avant leur nomination en cette qualité, d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A, sont réputés avoir accompli la mobilité prévue à l'alinéa précédent. / Les services rendus au titre de la mobilité dans le grade de conseiller sont assimilés dans la limite de deux ans à des services effectifs dans les chambres régionales des comptes. "

72. Aux termes de l'article L. 221-3 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue du 23° de l'article 8 de l'ordonnance : " Les conseillers de chambre régionale des comptes sont recrutés, au grade de conseiller : / 1° Parmi les membres du corps des administrateurs de l'Etat ayant exercé ce choix à la sortie de l'Institut national du service public et préalablement affectés pendant une durée de deux ans dans les administrations de l'Etat ainsi que dans les établissements publics administratifs de l'Etat, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Les élèves de l'Institut national du service public ayant exercé ce choix et qui justifient d'une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d'une durée d'au moins quatre ans dans des fonctions d'un niveau équivalent à celles de la catégorie A sont directement nommés en qualité de magistrats. / 2° Et par voie de concours. / Les services effectifs accomplis en qualité d'administrateur de l'Etat sont pris en compte pour l'application de l'article L. 221-2-1 ". Aux termes de l'article L. 221-4 du même code issu du 25° de l'article 8 de l'ordonnance : " Peuvent être recrutés au grade de conseiller de chambre régionale des comptes des fonctionnaires civils ou militaires appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé, des magistrats de l'ordre judiciaire, des fonctionnaires appartenant à des corps de niveau comparable de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière justifiant, au 31 décembre de l'année considérée, d'une durée minimum de dix ans de services publics ou de services accomplis dans un organisme relevant du contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes. / Au cours d'une année civile déterminée, les nominations au titre du présent article, dont le nombre est fixé par arrêté du premier président de la Cour des comptes, ne peuvent excéder le nombre des places offertes au concours prévu à l'article L. 221-3. "

73. En premier lieu, les dispositions citées aux points 71 et 72 relèvent, en tant qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il en résulte, ainsi qu'il est dit au point 35, qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le moyen, non invoqué par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tiré de la méconnaissance par ces dispositions de l'ordonnance attaquée du droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

74. En second lieu, les dispositions citées aux points 70 à 72, en ce qu'elles instituent une obligation de mobilité en dehors du corps des magistrats de la Cour des comptes et des magistrats des chambres régionales des comptes, pour l'avancement respectivement au grade de conseiller maître et à ceux de premier conseiller et de président de section, d'une part n'ont pas pour effet de porter atteinte à la protection de l'indépendance de ces magistrats des juridictions financières et en particulier à leur inamovibilité, d'autre part ne sont pas de nature, par elles-mêmes, à susciter des doutes légitimes dans l'esprit des justiciables quant à leur indépendance et à leur impartialité. Elles ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, les principes de protection juridictionnelle effective, d'indépendance et d'impartialité qu'imposent l'article 19 du traité sur l'Union européenne et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tels qu'interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelées aux points 36 et 37. Ces dispositions ne méconnaissent pas davantage, par elles-mêmes, en tout état de cause, le droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, elles ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Quant aux dispositions du 26° de l'article 8 de l'ordonnance :

75. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 221-10 du code des juridictions financières inséré par le 26° de l'article 8 de l'ordonnance : " Peuvent exercer les fonctions de magistrats des chambres régionales des comptes, des agents contractuels justifiant d'une expérience professionnelle nécessaire aux [...] activités et [...] missions des chambres régionales et territoriales des comptes. Les agents contractuels doivent justifier d'au moins six années d'activités professionnelles les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes ". Il résulte des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 221-10 du même code que les agents contractuels susceptibles d'exercer les fonctions de magistrats des chambres régionales des comptes, au même titre que les personnes détachées dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes mentionnées au premier alinéa de cet article, sont soumis aux obligations et incompatibilités prévues aux articles L. 222-1 à L. 222-7 du code des juridictions financière et, durant l'exercice de leurs fonctions, aux mêmes droits, garanties et obligations que les magistrats des chambres régionales des comptes, et notamment à l'ensemble des règles qui régissent l'exercice de leurs fonctions juridictionnelles et au respect des principes déontologiques propres à l'exercice de leurs fonctions. Au nombre de celles-ci figurent en particulier celles prévues aux articles L. 220-5 et suivants du code des juridictions financières, qui instaurent notamment des règles relatives à la prévention des conflits d'intérêts.

76. Ces dispositions relèvent, en tant qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il en résulte, ainsi qu'il est dit au point 35, qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le moyen, non invoqué par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tiré de la méconnaissance par ces dispositions des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

77. Par ailleurs, les moyens tirés de ce que l'article 8 de l'ordonnance méconnaîtrait les engagements européens et internationaux de la France en matière de lutte contre la corruption, en particulier en ce qu'il permet à des agents contractuels d'exercer les fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes, ainsi que la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

S'agissant de l'article 9 de l'ordonnance attaquée :

78. Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance attaquée : " I. Le recrutement des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 133-9 du code de justice administrative et aux deux premiers alinéas de l'article L. 112-7 du code des juridictions financières dans leur rédaction issue de la présente ordonnance peut être effectué au moyen d'une procédure de sélection relevant de l'Institut national du service public et destinée à apprécier leurs compétences en matière d'action publique. Peuvent présenter leur candidature les personnes justifiant d'une durée minimale fixée par décret et au moins égale à six années de services publics effectifs en qualité d'administrateur de l'Etat, dans des corps et cadres d'emploi de niveau comparable, ou dans des fonctions d'un niveau équivalent. / Un jury sélectionne les candidats qui exercent leur choix entre les postes offerts par ordre de mérite. / Pour le Conseil d'Etat et pour la Cour des comptes, le nombre des recrutements effectués par la voie de cette procédure est fixé annuellement par arrêté du Premier ministre sur propositions du vice-président du Conseil d'Etat et du premier président de la Cour des comptes. / Les maîtres des requêtes en service extraordinaires recrutés au titre de cette procédure ayant exercé pendant dix-huit mois au moins peuvent être intégrés sur proposition de la commission d'intégration mentionnée à l'article L. 133-12-3 du code de justice administrative, qui se prononce dans les conditions fixées à l'article L. 133-12-4 de ce code. Pour l'application de l'article L. 133-12 du même code, au moins une nomination au grade de maître des requêtes est réservée à un maître des requêtes en service extraordinaire recruté en application de la présente procédure. / Les conseillers référendaires en service extraordinaires recrutés au titre de cette procédure ayant exercé pendant dix-huit mois au moins peuvent être intégrés sur proposition de la commission d'intégration mentionnée à l'article L. 122-9 du code des juridictions financières, qui se prononce dans les conditions fixées à l'article L. 122-10 de ce code. Pour l'application de l'article L. 122-5 du même code, au moins une nomination au grade de maître des requêtes [conseiller référendaire] est réservée à un conseiller référendaire en service extraordinaire recruté en application de la présente procédure. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent I. / (...) ".

79. En premier lieu, ces dispositions relèvent, en tant qu'elles édictent des règles concernant les garanties fondamentales accordées à une catégorie de fonctionnaires, du domaine de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Il en résulte, ainsi qu'il est dit au point 35, qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur le moyen, non invoqué par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité, tiré de la méconnaissance par ces dispositions de l'ordonnance attaquée des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

80. En deuxième lieu, ces dispositions, qui sont suffisamment claires, ne méconnaissent pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme.

81. En troisième lieu, ces dispositions prévoient une voie particulière d'accès aux fonctions de maître des requêtes en service extraordinaire au Conseil d'Etat et de conseiller référendaire en service extraordinaire à la Cour des comptes dans le cadre d'une procédure de sélection relevant de l'Institut national du service public, destinée à apprécier les compétences en matière d'action publique des candidats à ce recrutement, le nombre des postes ouverts au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes étant fixé par arrêté du Premier ministre sur proposition respectivement du vice-président du Conseil d'Etat et du premier président de la Cour des comptes. Ces dispositions confient à un jury le soin de sélectionner et de classer par ordre de mérite les candidats à cette voie de recrutement, lesquels choisissent, dans cet ordre, celles de ces deux fonctions qu'ils entendent exercer. En cas d'exercice de ces fonctions pendant dix-huit mois, ils peuvent être intégrés, selon le cas, comme maître des requêtes ou comme conseiller référendaire, sur proposition des commissions d'intégration mentionnées aux points 40 et 59 et dans les conditions prévues aux dispositions citées aux points 41 et 60. Il s'ensuit que ces dispositions ne méconnaissent pas les principes d'indépendance et d'impartialité qu'imposent l'article 19 du traité sur l'Union européenne, l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tels qu'interprétés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme rappelée aux points 36 et 37.

82. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions citées au point 78 méconnaîtraient les exigences résultant du droit de l'Union ou l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de l'article 10 de l'ordonnance :

83. Aux termes de l'article 10 bis ajouté, ainsi qu'il est dit au point 14, au chapitre Ier de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat par l'article 10 de l'ordonnance et codifié depuis le 1er mars 2022 à l'article L. 414-3 du code général de la fonction publique : " Afin de favoriser la mobilité des membres des corps recrutés par la voie de l'Institut national du service public et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable, des statuts d'emplois peuvent déroger, par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins des missions que les titulaires de ces emplois sont destinés à assurer. / Ces dispositions sont également applicables aux agents contractuels recrutés pour occuper ces emplois. "

84. L'article 10 de l'ordonnance n'est pas entaché d'incompétence négative en ce qu'il renvoie à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, la fixation des statuts d'emplois pouvant déroger à des dispositions du statut général de la fonction publique, dès lors qu'il encadre de façon suffisante la portée des dérogations qu'il autorise, celles-ci ne pouvant concerner que celles des dispositions du statut général qui ne correspondent pas aux besoins des missions que les membres des corps recrutés par la voie de l'Institut national du service public et des corps ou cadres d'emploi de niveau comparable sont destinés à assurer dans le cadre d'une mobilité et devant, en tout état de cause, respecter les exigences constitutionnelles ou conventionnelles.

85. Par suite, le moyen tiré de ce que le Gouvernement, agissant dans le cadre de l'article 38 de la Constitution, serait resté sur ces points, en-deçà de la compétence de l'autorité investie du pouvoir de prendre des mesures relevant du domaine de la loi, ne peut qu'être écarté.

S'agissant de l'article 11 de l'ordonnance :

86. Il résulte des termes mêmes de l'article 11 de l'ordonnance attaquée que les dispositions de son article 5, créant l'Institut national du service public et supprimant l'Ecole nationale d'administration, entrent en vigueur à la date du décret prévu par ces dispositions et au plus tard au 1er janvier 2022. Dès lors, M. Soret n'est pas fondé à soutenir que de telles dispositions seraient contraires au principe de sécurité juridique en ce qu'elles s'appliquent aux élèves commençant une scolarité à l'Institut national du service public le 1er janvier 2022. Il n'est pas davantage fondé à soutenir qu'elles méconnaîtraient le même principe en ce qu'elles s'appliquent aux élèves en cours de scolarité à l'Ecole nationale d'administration, la modification des règles de recrutement des auditeurs au Conseil d'Etat et à la Cour des comptes opérée par l'ordonnance attaquée, qu'il est la seule à faire valoir au soutien de ce moyen, ne leur étant en tout état de cause pas applicable, les règles antérieures continuant à s'appliquer à eux, ainsi qu'il résulte des articles 12 et 13 de l'ordonnance.

S'agissant des articles 13, 14 et 15 de l'ordonnance :

87. Les articles 13 et 14 de l'ordonnance fixent les dispositions transitoires propres aux dispositions de l'ordonnance relatives aux juridictions administratives et financières. L'article 15 de l'ordonnance prévoit l'abrogation de différents textes ou dispositions législatives, notamment de l'ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 relative à la formation, au recrutement et au statut de certaines catégories de fonctionnaires et instituant une direction de la fonction publique et un conseil permanant de l'administration civile, et la modification de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, en conséquence de certaines dispositions de l'ordonnance. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les moyens tirés de ce que les articles 13 à 15 de l'ordonnance devraient être annulés par voie de conséquence de l'annulation de l'ordonnance ou de certaines de ses dispositions ne peuvent qu'être écartés.

88. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, l'Union syndicale des magistrats administratifs, le syndicat de la juridiction administrative, l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration et autres, l'Association des magistrats de la Cour des comptes, le syndicat des juridictions financières ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions, autres que celles de son article 6, de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat. Il en va de même de M. Soret, qui n'est par ailleurs pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée abrogerait implicitement les dispositions du décret n° 2017-346 du 17 mars 2017 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans certains corps recrutant par la voie de l'Ecole nationale d'administration, de sorte que ses conclusions à fins d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées.

89. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes dirigées contre l'article 6 de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat.
Article 2 : Le 5° de l'article L. 131-6 du code de justice administrative modifié par le 2° de l'article 7 de l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat s'entend comme prévoyant que le collège de déontologie de la juridiction administrative est chargé : " De rendre des avis préalables sur les affectations des magistrats mentionnés à l'article L. 231-5 ".
Article 3 : Un extrait de la présente décision, comprenant l'article 2 de son dispositif et les motifs qui en sont le support nécessaire, sera publié au Journal officiel de la République française dans un délai d'un mois à compter de la réception par la Première ministre de la notification de cette décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes présentées par l'Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, par l'Union syndicale des magistrats administratifs, par le syndicat de la juridiction administrative, par l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration et autres, par M. Soret, par l'Association des magistrats de la Cour des comptes et par le syndicat des juridictions financières est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Association pour l'égal accès aux emplois publics et la défense de la méritocratie républicaine, à l'Union syndicale des magistrats administratifs, au syndicat de la juridiction administrative, à l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, première requérante désignée de la requête numéro 455105, à M. Thomas Soret, à l'Association des magistrats de la Cour des comptes, au syndicat des juridictions financières et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Copie en sera adressée à la Première ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 juin 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, présidente de chambre ; Mme Carine Soulay, M. Jean-Luc Nevache, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 19 juillet 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Alleil


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