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Ariane Web: Conseil d'État 460534, lecture du 27 septembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:460534.20220927

Décision n° 460534
27 septembre 2022
Conseil d'État

N° 460534
ECLI:FR:CECHR:2022:460534.20220927
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Clément Tonon, rapporteur
M. Philippe Ranquet, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mardi 27 septembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 2 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... S..., M. K... Q..., Mme M... T..., Mme W... P..., M. D... O..., Mme V... G..., Mme X... H..., M. A... F..., Mme Y... C..., M. N... U..., Mme E... J..., M. R... L... et Mme I... B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les tarifs de l'offre " Colissimo outre-mer " fixés par le catalogue des offres commerciales de La Poste relevant du service universel ;

2°) d'enjoindre à La Poste de réexaminer les tarifs de l'offre " Colissimo outre-mer " à la lumière de la décision du Conseil d'Etat à intervenir en respectant l'article 12 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 et les principes du service universel et de publier de nouveaux tarifs de cette offre dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de La Poste ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service : " Les États membres veillent à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs ". L'article 12 de cette directive dispose que " Les États membres prennent des mesures pour que les tarifs de chacun des services faisant partie de la prestation du service universel soient conformes aux principes suivants : / - les prix sont abordables et doivent être tels que tous les utilisateurs, quel que soit le lieu géographique et compte tenu des conditions nationales spécifiques, aient accès aux services offerts (...), / - les prix sont orientés sur les coûts et fournissent des incitations à une prestation efficace du service universel. Lorsque des raisons liées à l'intérêt public l'imposent, les États membres peuvent décider qu'un tarif uniforme est appliqué sur l'ensemble de leur territoire national et/ou au courrier transfrontière pour des services prestés au tarif unitaire et pour d'autres envois postaux, / - l'application d'un tarif uniforme n'exclut pas le droit pour le ou les prestataires du service universel de conclure des accords tarifaires individuels avec les utilisateurs, / - les tarifs sont transparents et non discriminatoires (...) ". Ces dispositions ont été transposées aux 4ème à 6ème alinéas de l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques aux termes duquel : " Le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminée. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Les prix sont orientés sur les coûts et incitent à une prestation efficace, tout en tenant compte des caractéristiques des marchés sur lesquels ils s'appliquent. / Le service universel postal comprend des offres de services nationaux et transfrontières d'envois postaux d'un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu'à 20 kilogrammes, d'envois recommandés et d'envois à valeur déclarée. / Les services d'envois postaux à l'unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l'ensemble du territoire métropolitain. Le tarif appliqué aux envois de correspondance à l'unité en provenance et à destination des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises est celui en vigueur sur le territoire métropolitain lorsque ces envois sont d'un poids inférieur à 100 grammes. Le tarif appliqué aux envois de correspondance à l'unité relevant de la première tranche de poids en provenance du territoire métropolitain ou des collectivités précédemment mentionnées et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie est celui en vigueur sur le territoire métropolitain ".

2. M. S... et autres doivent être regardés comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler les tarifs de l'offre " Colissimo outre-mer " fixés par le catalogue des offres commerciales de La Poste relevant du service universel en date du 1er janvier 2022 et d'enjoindre à La Poste de réexaminer ces tarifs en respectant l'article 12 de la directive 97/67/CE et les principes du service universel et de publier de nouveaux tarifs du colis outre-mer relevant du service universel dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

3. En premier lieu, si les dispositions citées au point 1 de l'article 12 de la directive 97/67/CE prévoient, par dérogation au principe selon lequel les prix reflètent les conditions et les coûts du marché, que les États membres peuvent décider d'appliquer à certains services faisant partie de la prestation du service universel un tarif unique sur l'ensemble de leur territoire national, elles n'imposent pas que toute péréquation des tarifs prenne la forme d'un tarif uniforme sur l'ensemble de ce territoire. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le 6ème alinéa de l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, sur le fondement duquel les tarifs litigieux ont été adoptés, serait incompatible avec ces dispositions en ce qu'il prévoit que certains services d'envois postaux à l'unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l'ensemble du territoire métropolitain, et non sur l'ensemble du territoire national.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que les tarifs litigieux méconnaîtraient le principe de transparence mentionné à l'article 12 de la directive 97/67/CE n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. Enfin, si les requérants font valoir que les tarifs litigieux ont connu une hausse supérieure à celle des tarifs applicables à la métropole, et qu'ils présentent avec ces derniers des différences importantes et injustifiées, en particulier compte tenu du rétablissement des conditions du trafic aérien après la crise de la Covid-19 et de la dotation budgétaire versée à La Poste à compter de 2022, alors que les revenus moyens dans les outre-mer sont inférieurs à ceux de la métropole, il ne ressort pas des pièces du dossier que les tarifs de l'offre " Colissimo outre-mer " auraient été fixés à un niveau tel qu'ils la rendraient économiquement inabordable pour une partie de la population, et qu'ils seraient ainsi entachés d'une erreur manifeste au regard de l'exigence de prix abordables pour tous les utilisateurs, ou que ces tarifs méconnaîtraient manifestement le principe de concours à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des tarifs des colis outre-mer appliqués depuis le 1er janvier 2022. Leurs conclusions à fin d'injonction comme celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être rejetées. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste au titre de ces dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. S... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. S..., premier dénommé pour l'ensemble des requérants, à la société La Poste et à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.


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