Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 454477, lecture du 15 novembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:454477.20221115

Décision n° 454477
15 novembre 2022
Conseil d'État

N° 454477
ECLI:FR:CECHR:2022:454477.20221115
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats


Lecture du mardi 15 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un autre mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 juillet 2021, 8 octobre 2021, 28 mars 2022 et 4 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices (CAAP) et la Ligue des auteurs professionnels demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les articles 4, 5, 9, 11 et 12 de l'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 portant transposition du 6 de l'article 2 et des articles 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 ;
- la convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 9 juillet 1948 ;
- la convention n° 135 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 23 juin 1971 ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 ;
- le décret n° 2020-875 du 15 juillet 2020 ;
- la décision du 28 décembre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices et la Ligue des auteurs professionnels ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du Comite pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices et de la Ligue des auteurs professionnels ;


Considérant ce qui suit :

1. Les dispositions du 2° du I de l'article 34 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ont autorisé le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de sa promulgation, à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code de la propriété intellectuelle en vue de transposer en droit français le 6 de l'article 2 et les articles 17 à 23 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.

2. Sur le fondement de cette habilitation, qui est arrivée à son terme le 3 juin 2021, a été adoptée l'ordonnance du 12 mai 2021 portant transposition du 6 de l'article 2 et des articles 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE. Le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices (CAAP) ainsi que la Ligue des auteurs professionnels (LAP) demandent, dans le dernier état de leurs écritures, l'annulation pour excès de pouvoir des articles 4, 5, 9, 11 et 12 de cette ordonnance.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la culture :

3. Le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices, d'une part, et la Ligue des auteurs professionnels, d'autre part, ayant pour objet la défense des intérêts des artistes-auteurs, le premier dans le domaine des arts visuels et la seconde dans celui du livre, n'ont un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'ordonnance qu'ils attaquent que dans cette seule mesure. Il s'ensuit que leurs conclusions dirigées contre les articles 11 et 12 relatifs aux artistes-interprètes ne sont pas recevables.

Sur la légalité externe :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 13 et 19 de la Constitution les ordonnances sont signées par le Président de la République et contresignées par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres " responsables ". Dès lors que n'incombent au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion à titre principal, ni la préparation, ni l'application de l'ordonnance attaquée, la seule circonstance que le décret du 15 juillet 2020 relatif à ses attributions lui confie la préparation et la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement dans le domaine du dialogue social n'est pas de nature à faire regarder ce ministre comme responsable au sens de ces dispositions. Le moyen tiré du défaut de contreseing de ce ministre doit donc être écarté.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre les articles 5 et 9 de l'ordonnance attaquée :

5. Aux termes de l'article L. 131-5-1 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'article 5 de l'ordonnance attaquée : " I.- Lorsque l'auteur a transmis tout ou partie de ses droits d'exploitation, le cessionnaire lui adresse ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, au moins une fois par an, des informations explicites et transparentes sur l'ensemble des revenus générés par l'exploitation de l'oeuvre, en distinguant les différents modes d'exploitation et la rémunération due pour chaque mode d'exploitation, sous réserve des articles L. 132-17-3 et L. 132-28. Cette obligation est sans préjudice de celle prévue à l'article L. 132-28-1./ Sous réserve des accords professionnels satisfaisant aux conditions du présent article pris en application de l'article L. 132-17-8 du présent code et des articles L. 213-28 à L. 213-37 et L. 251-5 à L. 251-13 du code du cinéma et de l'image animée, les conditions dans lesquelles s'exerce la reddition des comptes, en particulier sa fréquence et le délai dans lequel l'envoi par voie électronique s'effectue peuvent être précisées par un accord professionnel conclu dans les conditions prévues au II du présent article pour chaque secteur d'activité. Cet accord peut également prévoir des conditions particulières de reddition des comptes pour les auteurs dont la contribution n'est pas significative ainsi que les conditions de transmission des informations mentionnées à l'article L. 132-28-1./ En l'absence d'accord professionnel applicable, le contrat précise les modalités et la date de la reddition des comptes./ II.- Lorsque les informations mentionnées au premier alinéa du I sont détenues par un sous-cessionnaire et que le cessionnaire ne les a pas fournies en intégralité à l'auteur, ces informations sont communiquées par le sous-cessionnaire. Sous réserve de l'article L. 132-17-3 du présent code et des articles L. 213-28 et L. 251-5 du code du cinéma et de l'image animée, un accord professionnel conclu entre, d'une part, les organismes professionnels d'auteurs ou les organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III du présent code, et, d'autre part, les organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné, fixe les conditions dans lesquelles l'auteur peut obtenir communication des informations. Cet accord détermine en particulier si l'auteur s'adresse directement au sous-cessionnaire ou indirectement par l'intermédiaire du cessionnaire pour obtenir les informations manquantes. / III.- Tout accord mentionné au I et au II peut être étendu à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture (...) ". Aux termes de l'article L. 131-5-2 du même code, également issu de l'article 5 de l'ordonnance attaquée : " I.- Lorsque l'auteur a transmis à titre exclusif tout ou partie de ses droits, il peut, en l'absence de toute exploitation de son oeuvre, résilier de plein droit la transmission de tout ou partie de ces droits./ II.- Les modalités d'exercice du droit de résiliation mentionné au I sont définies par voie d'accord professionnel conclu entre, d'une part, les organismes professionnels d'auteurs ou les organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III du présent code et, d'autre part, les organisations représentatives des cessionnaires du secteur concerné./ Cet accord définit le délai à partir duquel l'auteur peut exercer le droit de résiliation./ III.- Tout accord mentionné au II peut être étendu à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture (...) ".

6. L'article 9 de la même ordonnance insère dans le même code un article L. 132-25-2, relatif au contrat de production audiovisuelle, dont le I est ainsi rédigé : " Un ou plusieurs accords relatifs à la rémunération des auteurs conclus entre les organismes professionnels d'auteurs, les organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III de la présente partie, les organisations professionnelles représentatives des producteurs et, le cas échéant, les organisations représentatives d'autres secteurs d'activité fixent les modalités de détermination et de versement de la rémunération proportionnelle par mode d'exploitation ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles des auteurs peuvent bénéficier d'une rémunération complémentaire après amortissement du coût de l'oeuvre, ainsi que les modalités de calcul de cet amortissement et la définition des recettes nettes y contribuant. / La durée de ces accords est comprise entre un et cinq ans. / Ces accords sont étendus à l'ensemble des intéressés par arrêté du ministre chargé de la culture. "

7. Il résulte ainsi des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance attaquée que des accords professionnels concernant, pour chaque secteur d'activité, les conditions dans lesquelles s'exerce la reddition des comptes que les cessionnaires doivent aux artistes-auteurs, les conditions dans lesquelles l'artiste-auteur peut obtenir communication des informations détenues par le sous-cessionnaire ainsi que les modalités d'exercice du droit de résiliation peuvent être conclus, d'une part, par les organismes professionnels d'auteurs ou par les organismes de gestion collective et, d'autre part, par les organisations représentatives du secteur concerné. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 9 de la même ordonnance qu'en matière de production audiovisuelle, un ou plusieurs accords relatifs à la rémunération des auteurs conclus entre les organismes professionnels d'auteurs, les organismes de gestion collective, les organisations professionnelles représentatives des producteurs et, le cas échéant, les organisations représentatives d'autres secteurs d'activité, fixent les modalités de détermination et de versement de la rémunération due aux auteurs par mode d'exploitation.

8. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle : " I. -Les organismes de gestion collective sont des personnes morales constituées sous toute forme juridique dont l'objet principal consiste à gérer le droit d'auteur ou les droits voisins de celui-ci pour le compte de plusieurs titulaires de ces droits, tels que définis aux livres Ier et II du présent code, à leur profit collectif, soit en vertu de dispositions légales, soit en exécution d'un contrat. / Ces organismes doivent : / 1° Soit être contrôlés par leurs membres titulaires de droits mentionnés au premier alinéa ; /2° Soit être à but non lucratif. / Ils agissent au mieux des intérêts des titulaires de droits qu'ils représentent et ne peuvent leur imposer des obligations qui ne sont pas objectivement nécessaires pour protéger leurs droits et leurs intérêts ou pour assurer une gestion efficace de leurs droits (...) ". L'article L. 321-2 du même code leur donne notamment compétence " pour défendre les intérêts matériels et moraux de leurs membres, notamment dans le cadre des accords professionnels les concernant ".

9. En premier lieu, si les requérants soutiennent que l'article 5 de l'ordonnance attaquée porterait atteinte à la liberté syndicale en conférant une compétence en matière de négociation collective aux organismes de gestion collective, les dispositions critiquées n'ont ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité pour des auteurs de choisir d'adhérer à un syndicat de leur choix ou de constituer un syndicat, ni même de limiter la possibilité pour un tel syndicat de participer aux accords professionnels qu'elles prévoient. Il ne résulte ni de l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, de l'article 6 de la charte sociale européenne, des conventions n° 87 et 135 de l'organisation internationale du travail ou de la décision n° 123/2016 du 12 décembre 2018 du Comité européen des droits sociaux un droit, pour les auteurs, à la " négociation collective " des conditions dans lesquelles sont gérés les droits d'exploitation qu'ils cèdent à des tiers, un tel droit ne concernant que les relations entre les travailleurs et les employeurs. Dès lors, les moyens tirés de ce que la possibilité pour les organismes de gestion collective de conclure de tels accords professionnels porterait atteinte à la liberté syndicale et au droit à la négociation collective des auteurs ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 132-17-8 du code de la propriété intellectuelle : " I.- Lorsque les organisations professionnelles représentatives des auteurs et des éditeurs du secteur du livre concluent un accord portant sur toutes les dispositions mentionnées au II, cet accord peut être rendu obligatoire à l'ensemble des auteurs et des éditeurs de ce secteur par arrêté du ministre chargé de la culture ". Si les requérants soutiennent qu'en autorisant les organismes de gestion collective à conclure des accords professionnels relatifs respectivement à la reddition des comptes et à l'exercice du droit de résiliation en cas d'absence d'exploitation, d'une part, et à la rémunération des auteurs en matière de production audiovisuelle, d'autre part, alors que dans le secteur du livre, l'article L. 132-17-8 du code de la propriété intellectuelle ne donne compétence en la matière qu'aux seules organisations professionnelles représentatives, les articles 5 et 9 de l'ordonnance attaquée portent atteinte au principe d'égalité en tant que principe général du droit de l'Union européenne, un tel moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté dès lors que cette différence de traitement, qui résulte de la spécificité du secteur du livre, lequel n'est pas structuré autour d'organismes de gestion collective, est fondé sur un critère objectif et rationnel au regard du but poursuivi.

11. En troisième lieu, si les requérants soutiennent que les dispositions de l'article L. 132-25-2 du code de la propriété intellectuelle, citées au point 6, issues de l'article 9 de l'ordonnance attaquée, méconnaissent le principe d'égalité, en tant que principe général du droit de l'Union européenne, dans la mesure où elles ne prévoiraient qu'une rémunération proportionnelle des droits d'exploitation en ce qui concerne les auteurs, alors que le II de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit une rémunération appropriée et proportionnelle en ce qui concerne les artistes-interprètes, le moyen ne peut qu'être écarté dès lors que l'article L. 132-25-2 ne fixe pas les règles relatives à la rémunération des auteurs, mais qu'il a seulement pour objet de prévoir que des accords professionnels doivent intervenir en la matière.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'ordonnance attaquée a insuffisamment transposé la directive 2019/790 :

12. Aux termes de l'article 18 de la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE : " 1. Les États membres veillent à ce que, lorsque les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants octroient sous licence ou transfèrent leurs droits exclusifs pour l'exploitation de leurs oeuvres ou autres objets protégés, ils aient le droit de percevoir une rémunération appropriée et proportionnelle. / 2. Aux fins de la mise en oeuvre en droit national du principe énoncé au paragraphe 1, les États membres sont libres de recourir à différents mécanismes et tiennent compte du principe de la liberté contractuelle et d'un juste équilibre des droits et des intérêts. " Aux termes de l'article 20 de la même directive : " 1. En l'absence d'accord collectif applicable prévoyant un mécanisme comparable à celui énoncé dans le présent article, les États membres veillent à ce que les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants ou leurs représentants aient le droit de réclamer à la partie avec laquelle ils ont conclu un contrat d'exploitation des droits ou aux ayants droits de cette partie, une rémunération supplémentaire appropriée et juste lorsque la rémunération initialement convenue se révèle exagérément faible par rapport à l'ensemble des revenus ultérieurement tirés de l'exploitation des oeuvres ou des interprétations ou exécutions (...) ".

13. L'article 4 de l'ordonnance attaquée remplace l'article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle par les dispositions suivantes : " I.- En cas de cession du droit d'exploitation, lorsque l'auteur a subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l'oeuvre, il peut provoquer la révision des conditions de prix du contrat. / Cette demande ne peut être formée que dans le cas où l'oeuvre a été cédée moyennant une rémunération forfaitaire. / " La lésion est appréciée en considération de l'ensemble de l'exploitation par le cessionnaire des oeuvres de l'auteur qui se prétend lésé. / II.- L'auteur a droit à une rémunération supplémentaire lorsque la rémunération proportionnelle initialement prévue dans le contrat d'exploitation se révèle exagérément faible par rapport à l'ensemble des revenus ultérieurement tirés de l'exploitation par le cessionnaire. Afin d'évaluer la situation de l'auteur, il peut être tenu compte de sa contribution. / III.- Les I et II sont applicables en l'absence de disposition particulière prévoyant un mécanisme comparable dans le contrat d'exploitation ou dans un accord professionnel applicable dans le secteur d'activité. / La demande de révision est faite par l'auteur ou toute personne spécialement mandatée par lui à cet effet. / IV. -Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux auteurs de logiciels ". En revanche, l'ordonnance n'a pas modifié les dispositions de l'article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, aux termes desquelles : " La cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation. Toutefois, la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants : (...) ".

14. Il résulte des dispositions mentionnées au point 13 que si l'ordonnance attaquée a créé, à l'article L. 131-5 du code de la propriété intellectuelle, d'une part, une action en révision des conditions du contrat pour lésion ou prévision insuffisante des produits de l'oeuvre lorsque celle-ci a été cédée moyennant une rémunération forfaitaire et, d'autre part, pour la transposition de l'article 20 de la directive, un droit à rémunération complémentaire lorsque la rémunération proportionnelle initialement prévue se révèle exagérément faible, elle n'a pas prévu, contrairement à ce qu'exige la directive, que la rémunération soit, d'emblée, " appropriée ". Les requérants sont, par suite, fondés à en demander l'annulation dans cette mesure.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent qu'en tant qu'elle ne prévoit pas que les auteurs cédant leurs droits exclusifs pour l'exploitation de leurs oeuvres ont le droit de percevoir une rémunération appropriée.

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices (CAAP) et à la Ligue des auteurs professionnels d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'ordonnance du 12 mai 2021 portant transposition du 6 de l'article 2 et des articles 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE est annulée en tant qu'elle ne prévoit pas que les auteurs cédant leurs droits exclusifs pour l'exploitation de leurs oeuvres ont le droit de percevoir une rémunération appropriée.
Article 2 : L'Etat versera au Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices (CAAP) et à la Ligue des auteurs professionnels une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et des artistes-autrices, à la Ligue des auteurs professionnels, à la ministre de la culture et à la Première ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Alain Seban, M. Arno Klarsfeld, conseillers d'Etat et Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 15 novembre 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Lemesle

La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana