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Ariane Web: Conseil d'État 468954, lecture du 29 novembre 2022, ECLI:FR:CEORD:2022:468954.20221129

Décision n° 468954
29 novembre 2022
Conseil d'État

N° 468954
ECLI:FR:CEORD:2022:468954.20221129
Inédit au recueil Lebon

SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du mardi 29 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association autisme espoir vers l'école (AEVE) demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 2022.0149/DC/SBP du 28 avril 2022 par laquelle le collège de la Haute Autorité de santé (HAS) a adopté le document intitulé " Troubles du spectre de l'autisme - Evaluation de la méthode 3i " ;

2°) de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la décision de la Haute Autorité de santé est de nature à préjudicier gravement à la poursuite de son activité, en tant qu'elle éloigne de l'association des familles et des psychologues, en deuxième lieu, certaines entités lui ayant accordé des subventions conditionnent désormais leur soutien à une modification de la position de la Haute Autorité de santé et, en dernier lieu, les familles ayant opté pour la méthode des 3i ne peuvent bénéficier, en raison du refus de la Haute Autorité de santé de recommander cette méthode, du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision de la Haute Autorité de santé a méconnu l'autorité de la chose jugée de la décision n° 428284 du Conseil d'Etat dès lors qu'elle n'a pas exécuté l'obligation d'élaborer un référentiel méthodologique permettant d'assurer une évaluation indépendante des méthodes soumises à son examen ;
- la décision contestée est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en ce qu'elle a méconnu les dispositions de la charte de l'expertise sanitaire, opposable à la Haute Autorité de santé et prévue par l'article L. 1452-2 du code de la santé publique ;
- la Haute autorité de santé a méconnu le principe d'impartialité en ce qu'une opposante déclarée à la méthode des 3i a participé à l'élaboration du document adopté le 28 avril 2022 ;
- la décision contestée est entachée de nombreuses erreurs de fait ;
- la Haute Autorité de santé a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la détermination du niveau de preuve en exigeant nécessairement une étude contrôlée, " randomisée " ou non, au soutien d'une demande de réévaluation, et conduit à une rupture d'égalité dans l'examen des différentes méthodes, en tant qu'elle rend impossible l'émergence de nouvelles méthodes comme celle des 3i.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2013-413 du 21 mai 2013 ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit, enfin, être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés statue.

3. Pour justifier de l'existence d'une situation d'urgence, l'association requérante soutient que, en premier lieu, la décision de la Haute Autorité de santé est de nature à préjudicier gravement à la poursuite de son activité, en tant qu'elle éloigne de l'association des familles et des psychologues, en deuxième lieu, certaines entités lui ayant accordé des subventions conditionnent désormais leur soutien à une modification de la position de la Haute Autorité de santé et, en dernier lieu, les familles ayant opté pour la méthode des 3i ne peuvent bénéficier, en raison du refus de la Haute Autorité de santé de recommander cette méthode, du complément de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

4. Toutefois, si le refus par la Haute Autorité de santé de recommander la méthode des 3i est en effet de nature à dissuader certaines familles d'avoir recours aux services de l'association, de rendre le recrutement de psychologues plus difficiles ou de tarir certaines sources de financement, l'association n'établit pas plus l'ampleur du risque à court terme pour sa situation financière que l'impact sur sa capacité à assurer l'accompagnement des enfants dont elle a déjà la charge. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l'impact pour l'association ou les enfants concernés serait de nature à justifier l'intervention, en urgence, du juge des référés du Conseil d'Etat.

5. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête de l'Association autisme espoir vers l'école, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du même code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'Association autisme espoir vers l'école est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association autisme espoir vers l'école.
Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention.
Fait à Paris, le 29 novembre 2022
Signé : Thomas Andrieu