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Ariane Web: Conseil d'État 449708, lecture du 16 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:449708.20221216

Décision n° 449708
16 décembre 2022
Conseil d'État

N° 449708
ECLI:FR:CECHR:2022:449708.20221216
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 16 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2017 du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Saint-Pierre portant tableau annuel d'avancement au grade d'attaché hors classe au titre de l'année 2017, ensemble la décision du 11 décembre 2017 du président du CCAS de Saint-Pierre refusant de l'inscrire sur ledit tableau et, d'autre part, d'enjoindre au même président de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1800069 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Par un arrêt n° 18BX04132 du 14 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février et 11 mai 2021, 31 janvier et 13 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Saint-Pierre la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. B... A... et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du centre communal d'action sociale de Saint-Pierre ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., attaché principal depuis le 1er août 1994 et directeur territorial depuis le 1er janvier 1999, responsable du service financier de la commune de Saint-Pierre (La Réunion) de 1990 à 2001, a ensuite été affecté au centre communal d'action sociale (CCAS) de cette commune et a bénéficié d'une décharge totale d'activité pour l'exercice d'un mandat syndical. En réponse à sa demande d'inscription sur le tableau d'avancement au grade d'attaché hors classe, le président du CCAS de Saint-Pierre lui a indiqué, par courrier du 11 décembre 2017, qu'il ne remplissait pas les conditions d'une telle inscription, n'ayant exercé ses fonctions de responsable du service financier de la commune, au grade requis, que pendant sept ans et quatre mois. Par arrêté en date du 14 décembre 2017, le président du CCAS a fixé le tableau annuel d'avancement au grade d'attaché hors classe au titre de l'année 2017, sans y inscrire M. A.... Ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 décembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté de son appel contre le jugement par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2017 et de l'arrêté du 14 décembre 2017.

2. Aux termes des dispositions de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifiées aux articles L. 212-1 à L. 212-7 du code général de la fonction publique, dans leur rédaction applicable au litige, issues de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : " I.- Sous réserve des nécessités du service, le fonctionnaire en position d'activité ou de détachement qui, pour l'exercice d'une activité syndicale, bénéficie d'une décharge d'activité de services ou est mis à la disposition d'une organisation syndicale, est réputé conserver sa position statutaire. / II.- Le fonctionnaire qui bénéficie, depuis au moins six mois au cours d'une année civile, de l'une des mesures prévues au I et qui consacre la totalité de son service à une activité syndicale a droit, dès la première année, à l'application des règles suivantes : / 1° Son avancement d'échelon a lieu sur la base de l'avancement moyen, constaté au sein de la même autorité de gestion, des fonctionnaires du même grade ; / 2° Lorsqu'il réunit les conditions fixées par le statut particulier de son corps ou cadre d'emplois pour bénéficier d'un avancement d'échelon spécial, ce fonctionnaire est inscrit, de plein droit, au tableau d'avancement de cet échelon spécial, au vu de l'ancienneté acquise dans l'échelon immédiatement inférieur et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires détenant le même échelon, relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, à l'échelon spécial ; / 3° Lorsqu'il réunit les conditions fixées par le statut particulier de son corps ou cadre d'emplois pour bénéficier d'un avancement de grade au choix, ce fonctionnaire est inscrit, de plein droit, au tableau d'avancement de grade, au vu de l'ancienneté acquise dans ce grade et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires titulaires du même grade relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, au grade supérieur. / (...) V.- Les compétences acquises dans l'exercice d'une activité syndicale sont prises en compte au titre des acquis de l'expérience professionnelle. (...) ".

3. Aux termes de l'article 21 du décret du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux : " I. - Peuvent être nommés au grade d'attaché hors classe, au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, (...) les directeurs territoriaux ayant atteint au moins le troisième échelon de leur grade. / Les intéressés doivent justifier: (...) / 3° Soit de huit années d'exercice, dans un cadre d'emplois de catégorie A de fonctions de direction, d'encadrement, de conduite de projet, ou d'expertise, correspondant à un niveau élevé de responsabilité : / (...) b) Du niveau hiérarchique immédiatement inférieur à celui des emplois fonctionnels de direction dans les communes de 40 000 à moins de 150 000 habitants (...) ; (...) / Les services pris en compte au titre des conditions prévues au 1°, 2° et 3° doivent avoir été effectués en qualité de titulaire d'un grade d'avancement du cadre d'emplois des attachés territoriaux ou d'un corps ou cadre d'emplois comparable ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983, citées au point 2, que les fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux sont inscrits de plein droit au tableau d'avancement à un échelon spécial, au vu de l'ancienneté acquise dans l'échelon immédiatement inférieur et de celle dont justifient en moyenne les fonctionnaires détenant le même échelon, relevant de la même autorité de gestion et ayant accédé, au titre du précédent tableau d'avancement et selon la même voie, à l'échelon spécial, sous réserve de remplir les conditions fixées par le statut particulier de leur corps ou cadre d'emplois pour bénéficier d'un avancement d'échelon spécial. Pour l'appréciation des conditions d'avancement au grade d'attaché hors classe, telles que fixées par les dispositions de l'article 21 du décret du 30 décembre 1987 citées au point 3, les fonctionnaires en cause peuvent demander à ce que l'exercice des mandats syndicaux pour lesquels ils bénéficient d'une décharge totale de service soit pris en compte, au titre des acquis de l'expérience professionnelle, pour le calcul de la durée d'exercice de fonctions correspondant à un niveau élevé de responsabilité requise par ces dispositions, lorsqu'ils ont préalablement exercé des fonctions correspondant à celles énumérées par ces dispositions et que les responsabilités ensuite exercées dans le cadre de leurs mandats syndicaux peuvent être regardées comme d'un niveau comparable à celles correspondant aux fonctions ainsi énumérées.

5. La cour administrative d'appel de Bordeaux, en recherchant si les fonctions syndicales exercées par M. A... pouvaient être regardées comme des fonctions de direction, d'encadrement, de conduite de projet, ou d'expertise, correspondant à un niveau élevé de responsabilité, susceptibles d'être prises en compte en complément des sept ans et quatre mois d'exercice de ses responsabilités à la tête des services financiers de la commune de Saint-Pierre, a fait une exacte application des dispositions citées aux points 2 et 3. Toutefois, en estimant que M. A... n'avait pas apporté d'éléments significatifs permettant d'apprécier les compétences acquises dans l'exercice de ses fonctions syndicales, la cour a dénaturé les pièces du dossier, dès lors qu'il ressort de ces dernières, notamment, que l'intéressé préside depuis 2008, après avoir été membre de son bureau puis vice-président, le syndicat autonome de la fonction publique territoriale de La Réunion, principal syndicat de la fonction publique territoriale de La Réunion, qu'il est, depuis 2010, secrétaire général de la Fédération générale autonome des fonctionnaires de La Réunion, et que les responsabilités ainsi exercées peuvent être regardées comme d'un niveau comparable à celles correspondant aux fonctions énumérées par l'article 21 du décret du 30 décembre 1987.

6. Il résulte ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Saint-Pierre une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le CCAS de Saint-Pierre versera une somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le CCAS de Saint-Pierre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Saint-Pierre.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.


Rendu le 16 décembre 2022.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin


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