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Ariane Web: Conseil d'État 464062, lecture du 12 mai 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:464062.20230512

Décision n° 464062
12 mai 2023
Conseil d'État

N° 464062
ECLI:FR:CECHR:2023:464062.20230512
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Guillaume Larrivé, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du vendredi 12 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Massonex a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler ou de résilier la convention de projet urbain partenarial conclue le 3 octobre 2018 entre la communauté de communes du pays de Gex, aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération du pays de Gex, et la société en nom collectif Eurocommercial Properties Taverny. Par un jugement n° 1809106 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette convention en tant qu'elle porte sur les travaux de dévoiement du réseau d'eau potable et prévoit à ce titre une contribution de la société d'un montant de 184 004,80 euros, ainsi que l'obligation pour la communauté de communes de réaliser le réseau correspondant, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 20LY02503 du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Massonex contre ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mai et 17 août 2022 et le 6 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Massonex demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du pays de Gex et de la société Eurocommercial Properties Taverny la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat de la société Massonex, au cabinet François Pinet, avocat de la communauté d'agglomération du pays de Gex et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Eurocommercial Properties Taverny ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 avril 2023, présentée par la société Massonex ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une convention de projet urbain partenarial a été conclue, le 3 octobre 2018, par la société Eurocommercial Properties Taverny, qui souhaite réaliser l'extension d'un centre commercial et créer un commerce de moyenne surface sur le territoire de la commune de Thoiry, et la communauté de communes du pays de Gex, devenue communauté d'agglomération. Par un jugement du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette convention, à la demande de la société civile immobilière Massonex agissant en qualité de contribuable local, en tant seulement qu'elle porte sur les travaux de dévoiement du réseau d'eau potable, prévoit une contribution de la société Eurocommercial Properties Taverny à ce titre ainsi que l'obligation pour la collectivité de réaliser le réseau correspondant. Par un arrêt du 15 mars 2022, contre lequel la société Massonex se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Massonex contre ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le cadre juridique applicable à la contestation de la validité d'une convention de projet urbain partenarial :

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution du contrat. Le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini. Les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office.

3. Aux termes du I de l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme : " Dans les zones urbaines et les zones à urbaniser délimitées par les plans locaux d'urbanisme ou les documents d'urbanisme en tenant lieu, lorsqu'une ou plusieurs opérations d'aménagement ou de construction nécessitent la réalisation d'équipements autres que les équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15, une convention de projet urbain partenarial prévoyant la prise en charge financière de tout ou partie de ces équipements peut être conclue entre les propriétaires des terrains, les aménageurs, les constructeurs et ", hormis dans le périmètre d'une opération d'intérêt national au sens de l'article L. 102-12 du code de l'urbanisme ou dans celui d'une grande opération d'urbanisme au sens de l'article L. 312-2 du même code, " la commune où l'établissement public compétent en matière de plan local d'urbanisme ". Une convention de projet urbain partenarial conclue sur le fondement de ces dispositions présente le caractère d'un contrat administratif dont la validité peut être contestée par un tiers dans les conditions énoncées au point 2.

Sur le pourvoi :

4. En premier lieu, aux termes respectivement des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, applicables à l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale en vertu de l'article L. 5211-1 de ce code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal./ Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur (...) " et " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les membres du conseil communautaire de la communauté de communes du pays de Gex ont reçu un projet de convention avant la séance du 27 septembre 2018 lors de laquelle la convention de projet urbain partenarial litigieuse a été approuvée et le président de la communauté de communes a été autorisé à la signer. La cour administrative d'appel a jugé, dans le cadre de son pouvoir souverain et sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que le projet de convention ainsi transmis permettait aux membres du conseil communautaire de disposer d'une information suffisante sur l'objet de cette convention et son équilibre financier et les mettait à même de délibérer de façon éclairée et de solliciter, le cas échéant, des explications complémentaires. En se fondant sur cette appréciation pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures dont elle était saisie et dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit.

6. En deuxième lieu, les dispositions du I de l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme, citées au point 3, issues de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, ont été complétées par un II, inséré par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové et modifié notamment par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, aux termes duquel : " Lorsque des équipements publics ayant vocation à faire l'objet d'une première convention de projet urbain partenarial desservent des terrains autres que ceux mentionnés dans le projet de ladite convention, par décision de leur organe délibérant, la commune ou l'établissement public compétent en matière de plan local d'urbanisme (...) fixe les modalités de partage des coûts des équipements et délimite un périmètre à l'intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui s'y livrent à des opérations d'aménagement ou de construction, participent, dans le cadre de conventions, à la prise en charge de ces mêmes équipements publics, qu'ils soient encore à réaliser ou déjà réalisés, dès lors qu'ils répondent aux besoins des futurs habitants ou usagers de leurs opérations. Les conventions successivement établies peuvent viser des programmes d'équipements publics différents lorsque les opérations de construction attendues dans chaque périmètre de convention ne nécessitent pas les mêmes besoins en équipements. / Le périmètre est délimité par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public (...) pour une durée maximale de quinze ans (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'une convention de projet urbain partenarial peut être conclue dès lors que les conditions définies au I de l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme sont remplies. Ne constitue pas un préalable à la conclusion d'une première convention, dans l'hypothèse où les équipements publics ayant vocation à faire l'objet d'une telle convention sont susceptibles de desservir des terrains autres que ceux qui y sont mentionnés, la détermination, en application du II du même article, par la commune ou l'établissement public compétent en matière de plan local d'urbanisme, des modalités de partage des coûts des équipements ainsi que la délimitation d'un périmètre à l'intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui s'y livrent à des opérations d'aménagement ou de construction seront le cas échéant appelés à participer, dans le cadre d'autres conventions, à la prise en charge des équipements publics concernés.

8. Il suit de là qu'en jugeant qu'à supposer que les équipements partiellement financés par la société Eurocommercial Properties Taverny puissent desservir d'autres terrains que ceux mentionnés par la convention de projet urbain partenarial litigieuse, la circonstance que la communauté de communes n'ait pas, avant de la conclure sur le fondement du I de l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme, délimité le périmètre prévu par le II de cet article à l'intérieur duquel les propriétaires, aménageurs ou constructeurs se livrant à des opérations participeraient à la prise en charge des équipements publics desservant plusieurs terrains était sans incidence sur la légalité de cette convention, la cour, qui a relevé à titre surabondant que l'incidence du vice allégué sur les finances de la communauté de communes n'était pas démontrée et qu'il ne résultait pas de l'instruction que la quote-part des travaux mise à la charge de la société cocontractante ne correspondrait pas à l'utilité des équipements pour le projet qu'elle envisage, n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique : " Les propriétaires des immeubles soumis à l'obligation de raccordement au réseau public de collecte des eaux usées (...) peuvent être astreints par la commune, (...) l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent en matière d'assainissement collectif, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire ou la mise aux normes d'une telle installation, à verser une participation pour le financement de l'assainissement collectif. (...) / Une délibération du conseil municipal, (...) ou de l'organe délibérant de l'établissement public détermine les modalités de calcul de cette participation (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions, combinées à celles de l'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme, que le propriétaire de l'immeuble qui contribue auprès de l'autorité compétente, compte tenu des stipulations d'une convention de projet urbain partenarial, au financement d'installations collectives d'évacuation ou d'épuration pour un montant égal ou supérieur au maximum légal prévu par l'article L. 1331-7 du code de la santé publique ne saurait être astreint, sur le fondement de cet article, à verser une participation pour le financement de l'assainissement collectif ayant le même objet.

11. En jugeant, après avoir retenu par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la convention de projet urbain partenarial litigieuse prévoyait que la société Eurocommercial Properties Taverny participe au financement des installations collectives d'évacuation ou d'épuration des eaux usées pour un montant déterminé, conformément au calcul effectué par la régie gessienne des eaux annexé à cette convention, en fonction du pourcentage des débits futurs provenant des ouvrages projetés par cette société sur le poste de refoulement des eaux devant être réalisé, que cette convention pouvait légalement mentionner que l'opération serait exonérée de la participation prévue à l'article L. 1331-7 du code de la santé publique, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Massonex n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération du pays de Gex et de la société Eurocommercial Properties Taverny qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Massonex une somme de 3 000 euros à verser à la communauté d'agglomération du pays de Gex et une somme de 3 000 euros à verser à la société Eurocommercial Properties Taverny au titre des mêmes dispositions.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Massonex est rejeté.
Article 2 : La société Massonex versera une somme de 3 000 euros à la communauté d'agglomération du pays de Gex et une somme de 3 000 euros à la société Eurocommercial Properties Taverny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Massonex, à la société en nom collectif Eurocommercial Properties Taverny et à la communauté d'agglomération du pays de Gex.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 avril 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Alain Seban, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et M. Guillaume Larrivé, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 12 mai 2023.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Guillaume Larrivé
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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