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Ariane Web: Conseil d'État 463604, lecture du 5 juillet 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:463604.20230705

Décision n° 463604
5 juillet 2023
Conseil d'État

N° 463604
ECLI:FR:CECHR:2023:463604.20230705
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Pierre Boussaroque, rapporteur
M. Thomas Janicot, rapporteur public
SCP JEAN-PHILIPPE CASTON, avocats


Lecture du mercredi 5 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, les arrêtés des 13 et 28 novembre 2019 par lesquels le maire de Colombes a délivré à la société anonyme Parthena un permis de construire un immeuble de trente-sept logements sur six niveaux et la décision du 28 mars 2020 de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 7 avril 2021 par lequel ce maire a délivré un permis de construire modificatif pour la réalisation du même projet à la société PLR Promotion. Par un jugement n° 2007008 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique, un mémoire en réplique rectificatif et un nouveau mémoire en réplique, enregistrés les 29 avril et 29 juillet 2022 et les 3 mars, 24 avril et 12 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Colombes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme B..., à la SARL Cabinet Briard, avocat de la commune de Colombes et à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Parthena, de la société PLR Promotion et de la société Eiffage Immobilier IDF ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 novembre 2019, rectifié par un arrêté du 28 novembre suivant, le maire de Colombes a accordé à la société Parthena un permis de construire un immeuble à usage d'habitation collective comprenant trente-sept logements, qui a ensuite été transféré à la société PLR Promotion par un arrêté du 4 mars 2021 et a fait l'objet d'un permis modificatif le 7 avril 2021, puis a été transféré à la société Eiffage Immobilier IDF. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des arrêtés des 13 et 28 novembre 2019 ainsi que de celui du 7 avril 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité son jugement en ne répondant pas au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UD 7.2 du règlement du plan local d'urbanisme, qui définit les modalités de calcul des retraits dont l'article UD 7.1 impose le respect par rapport aux limites séparatives, ce moyen étant inopérant dès lors que, la rue des Chalets étant une voie publique, elle ne pouvait constituer une limite séparative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme : " Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu./ De même, lorsqu'une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s'appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, dès l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. (...) " Aux termes de l'article R. 431-22 du même code : " Lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier sur un terrain inclus dans un lotissement, la demande est accompagnée, s'il y a lieu, du ou des certificats prévus à l'article R. 442-11 " et aux termes de l'article R. 442-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la répartition de la surface de plancher maximale est effectuée par le lotisseur, celui-ci fournit aux attributaires de lots un certificat indiquant la surface de plancher constructible sur le lot. / Dans ce cas, lorsque le versement pour sous-densité prévu à l'article L. 331-36 est institué dans le secteur où est situé le projet, le lotisseur fournit également aux attributaires de lots un certificat indiquant la surface de plancher résultant du seuil minimal de densité. / Ces certificats sont joints à la demande de permis de construire. "

4. En jugeant que la requérante ne pouvait utilement se prévaloir de ce que le dossier de demande du permis de construire litigieux était incomplet faute de comporter le certificat prévu à l'article R. 442-11 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet n'était pas au nombre de ceux pour lesquels la surface de plancher maximale par lot avait été répartie par le lotisseur, une telle répartition n'étant pas prévue en 1927, date à laquelle l'une des parcelles constituant le terrain d'assiette a été incluse dans le lotissement, et en jugeant en outre que les éventuelles règles d'urbanisme contenues dans les documents de ce lotissement étaient devenues caduques, la commune de Colombes étant couverte par un plan local d'urbanisme, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit dans l'application des dispositions citées au point précédent. Il n'a pas méconnu son office en en jugeant ainsi sans préciser à quelle date ce plan, qui avait été approuvé par une délibération du conseil municipal du 30 janvier 2013, était entré en vigueur, question qui ne faisait devant lui l'objet d'aucune contestation.

5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article UD 6.3.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Colombes : " Les constructions doivent être implantées en retrait de l'alignement. Le retrait, exception faite des saillies ne peut être inférieur à 5 mètres, comptés perpendiculairement par rapport à la limite d'emprise de la voie ou de l'emprise publique telle que définie à l'article 6.2.1 ".

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le terrain d'assiette du projet litigieux est composé de quatre parcelles se situant, pour les trois premières, en zone UA et, pour la dernière, en zone UD, le terrain d'assiette jouxtant une voie cadastrée relevant de la zone UD. En jugeant que la règle d'implantation par rapport aux voies publiques fixée par les dispositions applicables en zone UD citées au point précédent ne s'appliquait pas à la construction litigieuse, dès lors que celle-ci s'implante intégralement sur les parcelles classées en zone UA du terrain d'assiette, alors même que ce terrain d'assiette est bordé par une voie située en zone UD, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, les dispositions de l'article 6 du règlement du plan local d'urbanisme fixent les règles de retrait de l'implantation des constructions par rapport aux voies ouvertes à la circulation. Aux termes des dispositions de l'article UA 6.1 de ce règlement : " Les dispositions du présent article s'appliquent aux constructions implantées le long des voies et des emprises publiques existantes (...) et des voies privées ouvertes à la circulation générale (véhicules ou cycles ou piétons) ". Par ailleurs, les dispositions de l'article 7 fixent les règles d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives.

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la venelle qui jouxte le projet litigieux dans sa partie située à l'est constitue une voie privée ouverte à la circulation des cycles et piétons. Elle doit ainsi être regardée comme étant ouverte à la circulation générale au sens de l'article UA 6.1 cité au point précédent, de sorte que l'implantation de la partie du projet longeant cette venelle est régie par les règles de retrait fixées par les dispositions de l'article UA 6. Par suite, en jugeant que la requérante ne pouvait utilement invoquer la méconnaissance des règles d'implantation des constructions fixées par les dispositions de l'article UA 7, qui s'appliquent aux constructions implantées sur un terrain jouxtant une parcelle générant une limite séparative, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa des dispositions de l'article UA 7.1.1 du règlement du plan local d'urbanisme : " L'implantation des constructions varie selon qu'elles se situent dans l'emprise de la bande de constructibilité principale (définie en annexe) ou au-delà. La bande de constructibilité principale de 16 mètres d'épaisseur est définie en bordure des voies d'une largeur supérieure ou égale à 6 mètres ou en limite du retrait imposé au document graphique ou admis dans le cas d'une implantation en retrait. "

10. Il n'est pas contesté que la rue des Chalets, située en zone UD, qui jouxte la parcelle section BF n° 62 située au nord du terrain d'assiette, génère une bande de constructibilité principale. Si la requérante soutient que cette bande de constructibilité principale ne couvre pas le projet litigieux dès lors qu'il est séparé de la rue des Chalets par cette parcelle qui, selon elle, ne supporterait aucune construction, la profondeur de la bande de constructibilité principale générée par la rue des Chalets doit cependant s'apprécier au regard de l'unité foncière que représentent les quatre parcelles constituant le terrain d'assiette du projet. Par suite, en jugeant que la rue des Chalets générait une bande de constructibilité principale à l'intérieur de laquelle se situait la partie du projet litigieux, implantée en zone UA, dont la requérante soutenait qu'elle méconnaissait les règles applicables dans cette zone aux constructions situées hors bande de constructibilité principale, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Colombes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la requérante la somme qu'elle réclame à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante, au titre des mêmes dispositions, d'une part, une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Colombes et, d'autre part, une somme de 500 euros à verser à la société Parthena, à la société PLR Promotion et à la société Eiffage Immobilier IDF chacune.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 2 : Mme B... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Colombes et une somme de 500 euros chacune à la société Parthena, à la société PLR Promotion et à la société Eiffage Immobilier IDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., à la commune de Colombes et à la société anonyme Parthena, première dénommée, pour les trois sociétés défenderesses.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, ; M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux et M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat ; M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 5 juillet 2023.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber



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