Conseil d'État
N° 498514
ECLI:FR:CEORD:2024:498514.20241025
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du vendredi 25 octobre 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 septembre 2024 par laquelle la formation restreinte du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins a prononcé sa suspension de la pratique de la médecine générale et de la nutrition pour une durée de six mois à compter du 21 octobre 2024 et l'a soumis à une obligation de formation ;
2°) de mettre à la charge du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision porte atteinte à ses intérêts financiers en le privant des deux tiers de ses ressources, qu'eu égard à son âge, une suspension d'exercice de son activité de six mois l'expose à cesser définitivement son activité et qu'elle obligera ses patients à se tourner vers d'autres praticiens qui ne seront peut-être pas en capacité de les accueillir ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- cette décision est entachée d'incompétence, la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins l'ayant prise à une date à laquelle il était dessaisi de la demande du conseil départemental de l'ordre des médecins en vertu de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins ayant, sans qu'aucun élément ne puisse le justifier, substitué son appréciation, par ailleurs erronée, à celle, contraire, des experts, en retenant son insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession ;
- elle procède d'une discrimination à raison de l'âge.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Saisie par le conseil départemental de l'Isère de l'ordre des médecins à la suite de signalements de patients, la formation restreinte du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins a, sur le fondement de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, diligenté une expertise puis décidé, le 27 septembre 2024, de suspendre M. A..., né en 1951, de l'exercice de la médecine générale et de la nutrition pour une durée de six mois, à compter du 21 octobre 2024, pour insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession. Après avoir exercé le 11 octobre 2024 devant le Conseil national de l'ordre des médecins le recours préalable requis par les articles R. 4124-3-7 et R. 4124-3-2 du code de la santé publique combinés, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 27 septembre 2024.
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision soit suspendue sans attendre le jugement de la requête au fond, ou - lorsque l'exercice d'un recours administratif préalable est imposé avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir - sans attendre que l'administration ait statué sur ce recours préalable. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.
4. M. A... fait valoir que la décision en litige, en ce qu'elle le contraint à suspendre son exercice professionnel pendant une durée de six mois alors qu'il est âgé de soixante-treize ans et qu'il tire les deux tiers de ses ressources de son activité de médecin, emporte pour lui de graves conséquences financières, l'expose à la cessation définitive de son activité et va obliger ses patients à devoir se tourner vers un autre médecin pour poursuivre leur prise en charge, dont la continuité risquerait d'être affectée. Toutefois, s'il fait sommairement état des charges financières qui sont les siennes, il ne justifie pas des difficultés qu'il aurait pour y faire face pendant les quelques semaines pouvant le séparer de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins. Le risque qu'il soit exposé, du fait de la décision en litige, avant que le Conseil national de l'ordre des médecins se prononce, à cesser définitivement son activité ou que la continuité de la prise en charge de ses patients ne puisse être assurée pendant cette période n'est étayé par aucun élément et n'est, en l'état, pas davantage établi. Dans ces conditions, les effets de l'acte litigieux n'apparaissent pas, à la date de la présente décision, de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision du 27 septembre 2024 soit suspendue sans attendre que le Conseil national de l'ordre des médecins se soit prononcé.
5. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'ensemble des conclusions de la requête selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.
N° 498514
ECLI:FR:CEORD:2024:498514.20241025
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du vendredi 25 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 27 septembre 2024 par laquelle la formation restreinte du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins a prononcé sa suspension de la pratique de la médecine générale et de la nutrition pour une durée de six mois à compter du 21 octobre 2024 et l'a soumis à une obligation de formation ;
2°) de mettre à la charge du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision porte atteinte à ses intérêts financiers en le privant des deux tiers de ses ressources, qu'eu égard à son âge, une suspension d'exercice de son activité de six mois l'expose à cesser définitivement son activité et qu'elle obligera ses patients à se tourner vers d'autres praticiens qui ne seront peut-être pas en capacité de les accueillir ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- cette décision est entachée d'incompétence, la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins l'ayant prise à une date à laquelle il était dessaisi de la demande du conseil départemental de l'ordre des médecins en vertu de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, la formation restreinte du conseil régional de l'ordre des médecins ayant, sans qu'aucun élément ne puisse le justifier, substitué son appréciation, par ailleurs erronée, à celle, contraire, des experts, en retenant son insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession ;
- elle procède d'une discrimination à raison de l'âge.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. Saisie par le conseil départemental de l'Isère de l'ordre des médecins à la suite de signalements de patients, la formation restreinte du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins a, sur le fondement de l'article R. 4124-3-5 du code de la santé publique, diligenté une expertise puis décidé, le 27 septembre 2024, de suspendre M. A..., né en 1951, de l'exercice de la médecine générale et de la nutrition pour une durée de six mois, à compter du 21 octobre 2024, pour insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession. Après avoir exercé le 11 octobre 2024 devant le Conseil national de l'ordre des médecins le recours préalable requis par les articles R. 4124-3-7 et R. 4124-3-2 du code de la santé publique combinés, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 27 septembre 2024.
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision soit suspendue sans attendre le jugement de la requête au fond, ou - lorsque l'exercice d'un recours administratif préalable est imposé avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir - sans attendre que l'administration ait statué sur ce recours préalable. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce.
4. M. A... fait valoir que la décision en litige, en ce qu'elle le contraint à suspendre son exercice professionnel pendant une durée de six mois alors qu'il est âgé de soixante-treize ans et qu'il tire les deux tiers de ses ressources de son activité de médecin, emporte pour lui de graves conséquences financières, l'expose à la cessation définitive de son activité et va obliger ses patients à devoir se tourner vers un autre médecin pour poursuivre leur prise en charge, dont la continuité risquerait d'être affectée. Toutefois, s'il fait sommairement état des charges financières qui sont les siennes, il ne justifie pas des difficultés qu'il aurait pour y faire face pendant les quelques semaines pouvant le séparer de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins. Le risque qu'il soit exposé, du fait de la décision en litige, avant que le Conseil national de l'ordre des médecins se prononce, à cesser définitivement son activité ou que la continuité de la prise en charge de ses patients ne puisse être assurée pendant cette période n'est étayé par aucun élément et n'est, en l'état, pas davantage établi. Dans ces conditions, les effets de l'acte litigieux n'apparaissent pas, à la date de la présente décision, de nature à caractériser une urgence justifiant que l'exécution de la décision du 27 septembre 2024 soit suspendue sans attendre que le Conseil national de l'ordre des médecins se soit prononcé.
5. Il y a lieu, en conséquence, de rejeter l'ensemble des conclusions de la requête selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.