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Ariane Web: Conseil d'État 491635, lecture du 7 mai 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:491635.20250507

Décision n° 491635
7 mai 2025
Conseil d'État

N° 491635
ECLI:FR:CECHR:2025:491635.20250507
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Olivier Saby, rapporteur
M. Bastien Lignereux, rapporteur public
SAS BOUCARD, CAPRON, MAMAN, avocats


Lecture du mercredi 7 mai 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2014 à raison de la plus-value de cession des droits sociaux qu'ils détenaient dans la société Les Roses de Saint-Caprais, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1905791 du 3 juin 2021, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21BX03022 du 12 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boucard, Capron, Maman, avocat de M. B... et autres ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que lors du départ à la retraite de M. D... B..., associé-gérant de la société Les Roses de Saint-Caprais, qui exploite une maison de retraite, la totalité des actions que son épouse et lui-même détenaient, à parts égales, depuis la constitution de la société le 11 octobre 2000 a été cédée le
27 décembre 2012 pour un montant provisoire de 1 241 651, 91 euros, complété le 10 juin 2014, après détermination du prix définitif, d'une somme de 81 315,40 euros. M. B... n'a pas déclaré la plus-value résultant de cette opération, entendant se placer sous le régime de l'article 150-0 D ter du code général des impôts instituant un abattement en faveur des dirigeants des petites et moyennes entreprises cédant leur société lors de leur départ en retraite. A la suite d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme B..., l'administration a considéré que les conditions auxquelles était soumis le bénéfice de cet abattement n'étaient pas réunies et les a assujettis en conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2012 et 2014. M. C... B... et autres, qui ont déclaré reprendre l'instance engagée par M. et Mme C... et A... B..., se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par ces derniers contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 rejetant leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes du I de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I. 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci (...) ". Aux termes du I de l'article 150-0 D bis de ce code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2012, applicable au litige conformément à l'article 150-0 D ter de ce code : " 1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. L'abattement prévu à l'article 150-0 D bis, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, s'applique dans les mêmes conditions (...) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d'actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : / (...) 2° Le cédant doit : / a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...) ". Aux termes de l'article 885 O bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les parts et actions de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (...) sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : / 1° Être, soit gérant (...) d'une société à responsabilité limitée (...), soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions. / Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l'article 62 (...) ".

3. En premier lieu, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que la rémunération perçue par M. B... au titre de ses fonctions de dirigeant de la société Les Roses de Saint-Caprais pendant les cinq années précédant la cession de ses actions s'élevait, en moyenne, à 1 282 euros par mois et que cette rémunération était inférieure aux cinq rémunérations les plus élevées payées par la société au
31 décembre 2012. En se fondant sur l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment sur ces éléments ainsi que sur l'absence de difficultés financières de la société, pour juger qu'une telle rémunération ne pouvait être regardée comme une rémunération normale des fonctions de dirigeant au sens et pour l'application des dispositions du 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts, auxquelles renvoient celles de l'article 150-0 D ter du même code, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En second lieu, dès lors que le motif tiré de l'absence de caractère normal de la rémunération perçue par M. B... suffisait à justifier le refus du bénéfice de l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts, revêt nécessairement un caractère surabondant le motif par lequel la cour a, en outre, jugé qu'en l'absence de déclaration à l'impôt sur le revenu de la rémunération perçue en 2009 par M. B... au titre de ses fonctions de dirigeant, la condition tenant à ce que cette rémunération représente au moins la moitié de ses revenus professionnels imposables ne pouvait être regardée comme satisfaite. Il en résulte que l'erreur de droit dont ce motif est entaché, dès lors que pour l'application des dispositions en litige, le respect de la condition posée à la dernière phrase du 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts s'apprécie sans qu'il y ait lieu de rechercher si les revenus en cause ont été effectivement déclarés et imposés, ne saurait entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel administrative de Bordeaux qu'ils attaquent. Par suite, leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... et autres est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D... B..., premier requérant dénommé, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 28 mars 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,
Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge,
M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 7 mai 2025.


Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :