Conseil d'État
N° 488549
ECLI:FR:CECHR:2025:488549.20250519
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Olivier Saby, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteure publique
SCP LESOURD, avocats
Lecture du lundi 19 mai 2025
Vu la procédure suivante :
La société GBL Energy a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, le versement d'intérêts moratoires sur le montant d'une retenue à la source prélevée sur des dividendes perçus en 2008, restitué par l'administration fiscale le 13 décembre 2020, et, à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle. Par un jugement n° 2106993 du 4 juillet 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 23PA03878 du 22 septembre 2023, enregistrée le 26 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 29 août 2023 au greffe de la cour, formé par la société GBL Energy contre ce jugement.
Par ce pourvoi, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 28 novembre 2023 et les 14 mai et 25 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société GBL Energy demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 juillet 2023 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la société GBL Energy ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit luxembourgeois GBL Energy a demandé, par une réclamation du 8 décembre 2009, le remboursement de la retenue à la source, qui avait été prélevée, en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, sur des dividendes qu'elle avait perçus en 2008 d'une société française. Après le rejet de cette réclamation par l'administration fiscale, la société requérante a porté sa contestation devant le tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté sa demande, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, qui a rejeté ses conclusions d'appel par un arrêt du 1er décembre 2015. Par une décision n° 398427 du
17 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a rejeté le pourvoi en cassation de la société GBL Energy contre cet arrêt.
2. Toutefois, par un arrêt du 22 novembre 2018, Société Sofina et autres (aff. C-575/17), rendu sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l'objet d'une retenue à la source lorsqu'ils sont perçus par une société non-résidente, alors que, lorsqu'ils sont perçus par une société résidente, leur imposition selon le régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l'exercice au cours duquel ils ont été perçus qu'à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes. A la suite de cette décision, la société GBL Energy a demandé à l'administration fiscale, le 26 décembre 2018, de faire usage de la faculté qu'elle tient des dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales pour lui restituer la retenue à la source ayant fait l'objet du litige exposé au point 1, devant être regardée comme contraire au droit de l'Union. En l'absence de réponse de l'administration fiscale, la société requérante a porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil. Après que l'administration fiscale a, en cours d'instance, prononcé le dégrèvement de l'imposition en litige, la société GBL Energy a demandé à l'administration fiscale, le 27 janvier 2021, le versement des intérêts moratoires sur cette somme, remboursée le 13 décembre 2020. Par un jugement du 4 juillet 2023, ce tribunal a rejeté son recours dirigé contre le rejet implicite de cette dernière demande. Par une ordonnance du 22 septembre 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi de la société GBL Energy dirigé contre ce jugement.
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dans sa réaction applicable au litige : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ". Aux termes de l'article R. 211-1 du même livre : " La direction générale des finances publiques (...) peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d'instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; / 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; (...) ".
4. D'autre part, par arrêt du 13 janvier 2004, Kühne et Heitz NV (aff. C-453/00), la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que le principe de coopération loyale, aujourd'hui énoncé par le paragraphe 3 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne, " impose à un organe administratif, saisi d'une demande en ce sens, de réexaminer une décision administrative définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour lorsque / - il dispose, selon le droit national, du pouvoir de revenir sur cette décision ; / - la décision en cause est devenue définitive en conséquence d'un arrêt d'une juridiction nationale statuant en dernier ressort ; / - ledit arrêt est, au vu d'une jurisprudence de la Cour postérieure à celui-ci, fondé sur une interprétation erronée du droit communautaire adoptée sans que la Cour ait été saisie à titre préjudiciel (...) et / - l'intéressé s'est adressé à l'organe administratif immédiatement après avoir pris connaissance de ladite jurisprudence ". Par arrêt du 12 février 2008, Kempter c. / Hauptzollamt Hamburg-Jonas (aff. C-2/06), la Cour de justice a dit pour droit que " le droit communautaire n'impose aucune limite dans le temps pour introduire une demande visant au réexamen d'une décision administrative devenue définitive. Les États membres restent néanmoins libres de fixer des délais de recours raisonnables, en conformité avec les principes communautaires d'effectivité et d'équivalence ".
5. La décision de l'administration fiscale de faire usage du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, citées au point 3, revêt en principe un caractère purement gracieux, ce dont il résulte que le refus d'accorder un dégrèvement sur ce fondement est insusceptible de recours et qu'un recours pour excès de pouvoir formé par un contribuable à l'encontre de la décision implicite par laquelle l'administration a refusé de mettre en oeuvre cette faculté est irrecevable.
6. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne citée au point 4, que lorsque le rejet d'une réclamation relative à l'impôt est devenu définitif en conséquence d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort qui s'avère, au vu d'une jurisprudence de la Cour postérieure, fondée sur une interprétation erronée du droit de l'Union et que le contribuable intéressé, après avoir pris connaissance de cette jurisprudence, a demandé à l'administration fiscale le réexamen de sa situation, celle-ci est tenue de faire usage du pouvoir conféré par les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, dans le délai qu'elles prévoient, afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour. Il s'ensuit que dans un tel cas, la décision prise par l'administration ne peut être regardée comme revêtant un caractère gracieux et que les dégrèvements ou restitutions prononcés dans de telles circonstances doivent donner lieu au paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales cité au point 3. Il en résulte que le refus de procéder, dans un tel cas, au réexamen de la situation du contribuable et, le cas échéant, de verser les intérêts moratoires est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Il en résulte également qu'un tel litige n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le tribunal administratif statue, en vertu de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, en dernier ressort.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Versailles du 1er décembre 2015 mentionné au point 1 que les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source acquittées par la société GBL Energy au titre de l'année 2008 ont été rejetées sur la base d'une interprétation erronée du droit de l'Union, révélée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 novembre 2018 Société Sofina et autres, et que la société a demandé à l'administration fiscale, le 26 décembre 2018, de faire usage de la faculté conférée par les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales pour lui restituer ces retenues à la source. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la requête de la société GBL Energy dirigée contre le jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Montreuil présente le caractère non d'un pourvoi en cassation mais d'un appel, qui ressortit à la compétence de la cour administrative d'appel de Paris. Il y a lieu, par suite, d'en attribuer le jugement à cette cour.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement de la requête de la société GBL Energy est attribué à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société GBL Energy, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la présidente de la cour administrative d'appel de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 avril 2025 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge,
M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 19 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 488549
ECLI:FR:CECHR:2025:488549.20250519
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Olivier Saby, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteure publique
SCP LESOURD, avocats
Lecture du lundi 19 mai 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société GBL Energy a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, le versement d'intérêts moratoires sur le montant d'une retenue à la source prélevée sur des dividendes perçus en 2008, restitué par l'administration fiscale le 13 décembre 2020, et, à titre subsidiaire, de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle. Par un jugement n° 2106993 du 4 juillet 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 23PA03878 du 22 septembre 2023, enregistrée le 26 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 29 août 2023 au greffe de la cour, formé par la société GBL Energy contre ce jugement.
Par ce pourvoi, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 28 novembre 2023 et les 14 mai et 25 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société GBL Energy demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 4 juillet 2023 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la société GBL Energy ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit luxembourgeois GBL Energy a demandé, par une réclamation du 8 décembre 2009, le remboursement de la retenue à la source, qui avait été prélevée, en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, sur des dividendes qu'elle avait perçus en 2008 d'une société française. Après le rejet de cette réclamation par l'administration fiscale, la société requérante a porté sa contestation devant le tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté sa demande, puis devant la cour administrative d'appel de Versailles, qui a rejeté ses conclusions d'appel par un arrêt du 1er décembre 2015. Par une décision n° 398427 du
17 octobre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a rejeté le pourvoi en cassation de la société GBL Energy contre cet arrêt.
2. Toutefois, par un arrêt du 22 novembre 2018, Société Sofina et autres (aff. C-575/17), rendu sur renvoi préjudiciel du Conseil d'Etat, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l'objet d'une retenue à la source lorsqu'ils sont perçus par une société non-résidente, alors que, lorsqu'ils sont perçus par une société résidente, leur imposition selon le régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l'exercice au cours duquel ils ont été perçus qu'à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes. A la suite de cette décision, la société GBL Energy a demandé à l'administration fiscale, le 26 décembre 2018, de faire usage de la faculté qu'elle tient des dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales pour lui restituer la retenue à la source ayant fait l'objet du litige exposé au point 1, devant être regardée comme contraire au droit de l'Union. En l'absence de réponse de l'administration fiscale, la société requérante a porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil. Après que l'administration fiscale a, en cours d'instance, prononcé le dégrèvement de l'imposition en litige, la société GBL Energy a demandé à l'administration fiscale, le 27 janvier 2021, le versement des intérêts moratoires sur cette somme, remboursée le 13 décembre 2020. Par un jugement du 4 juillet 2023, ce tribunal a rejeté son recours dirigé contre le rejet implicite de cette dernière demande. Par une ordonnance du 22 septembre 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat le pourvoi de la société GBL Energy dirigé contre ce jugement.
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dans sa réaction applicable au litige : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ". Aux termes de l'article R. 211-1 du même livre : " La direction générale des finances publiques (...) peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d'instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) / 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; / 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; (...) ".
4. D'autre part, par arrêt du 13 janvier 2004, Kühne et Heitz NV (aff. C-453/00), la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que le principe de coopération loyale, aujourd'hui énoncé par le paragraphe 3 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne, " impose à un organe administratif, saisi d'une demande en ce sens, de réexaminer une décision administrative définitive afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour lorsque / - il dispose, selon le droit national, du pouvoir de revenir sur cette décision ; / - la décision en cause est devenue définitive en conséquence d'un arrêt d'une juridiction nationale statuant en dernier ressort ; / - ledit arrêt est, au vu d'une jurisprudence de la Cour postérieure à celui-ci, fondé sur une interprétation erronée du droit communautaire adoptée sans que la Cour ait été saisie à titre préjudiciel (...) et / - l'intéressé s'est adressé à l'organe administratif immédiatement après avoir pris connaissance de ladite jurisprudence ". Par arrêt du 12 février 2008, Kempter c. / Hauptzollamt Hamburg-Jonas (aff. C-2/06), la Cour de justice a dit pour droit que " le droit communautaire n'impose aucune limite dans le temps pour introduire une demande visant au réexamen d'une décision administrative devenue définitive. Les États membres restent néanmoins libres de fixer des délais de recours raisonnables, en conformité avec les principes communautaires d'effectivité et d'équivalence ".
5. La décision de l'administration fiscale de faire usage du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, citées au point 3, revêt en principe un caractère purement gracieux, ce dont il résulte que le refus d'accorder un dégrèvement sur ce fondement est insusceptible de recours et qu'un recours pour excès de pouvoir formé par un contribuable à l'encontre de la décision implicite par laquelle l'administration a refusé de mettre en oeuvre cette faculté est irrecevable.
6. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne citée au point 4, que lorsque le rejet d'une réclamation relative à l'impôt est devenu définitif en conséquence d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort qui s'avère, au vu d'une jurisprudence de la Cour postérieure, fondée sur une interprétation erronée du droit de l'Union et que le contribuable intéressé, après avoir pris connaissance de cette jurisprudence, a demandé à l'administration fiscale le réexamen de sa situation, celle-ci est tenue de faire usage du pouvoir conféré par les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, dans le délai qu'elles prévoient, afin de tenir compte de l'interprétation de la disposition pertinente retenue entre-temps par la Cour. Il s'ensuit que dans un tel cas, la décision prise par l'administration ne peut être regardée comme revêtant un caractère gracieux et que les dégrèvements ou restitutions prononcés dans de telles circonstances doivent donner lieu au paiement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales cité au point 3. Il en résulte que le refus de procéder, dans un tel cas, au réexamen de la situation du contribuable et, le cas échéant, de verser les intérêts moratoires est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Il en résulte également qu'un tel litige n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le tribunal administratif statue, en vertu de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, en dernier ressort.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Versailles du 1er décembre 2015 mentionné au point 1 que les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source acquittées par la société GBL Energy au titre de l'année 2008 ont été rejetées sur la base d'une interprétation erronée du droit de l'Union, révélée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 novembre 2018 Société Sofina et autres, et que la société a demandé à l'administration fiscale, le 26 décembre 2018, de faire usage de la faculté conférée par les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales pour lui restituer ces retenues à la source. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la requête de la société GBL Energy dirigée contre le jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de Montreuil présente le caractère non d'un pourvoi en cassation mais d'un appel, qui ressortit à la compétence de la cour administrative d'appel de Paris. Il y a lieu, par suite, d'en attribuer le jugement à cette cour.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement de la requête de la société GBL Energy est attribué à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société GBL Energy, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la présidente de la cour administrative d'appel de Paris.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 avril 2025 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Vincent Daumas, M. Nicolas Polge,
M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 19 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :