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Ariane Web: Conseil d'État 478494, lecture du 23 mai 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:478494.20250523

Décision n° 478494
23 mai 2025
Conseil d'État

N° 478494
ECLI:FR:CECHS:2025:478494.20250523
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Jean-Philippe Mochon, président
Mme Ségolène Cavaliere, rapporteure
M. Florian Roussel, rapporteur public


Lecture du vendredi 23 mai 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme C... B... et le conseil départemental de l'ordre des infirmiers des Bouches-du-Rhône ont porté plainte contre Mme D... A..., infirmière libérale, devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des infirmiers des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Corse. Par une décision n° 21-001, 21-002 du 8 juin 2021, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à Mme A... la sanction de l'interdiction d'exercice d'un an, assortie d'un sursis de trois mois.

Par une décision n°13-2021-00396 du 13 juin 2023, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers a rejeté l'appel formé par Mme A... et dit que la sanction infligée à Mme A... prendra effet du 1er octobre 2023 au 30 juin 2024.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un second mémoire, enregistrés les 7 août, 10 octobre et 31 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 13 juin 2023 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... et du conseil départemental de l'ordre des infirmiers des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de Mme A....



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... et le conseil départemental de l'ordre des infirmiers des Bouches-du-Rhône ont porté plainte contre Mme A..., infirmière libérale, devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des infirmiers des régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Corse. Par une décision du 8 juin 2021, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à Mme A... la sanction de l'interdiction d'exercice d'un an, assortie d'un sursis de trois mois. Par une décision du 13 juin 2023, contre laquelle Mme A... se pourvoit en cassation, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers a rejeté l'appel formé par Mme A... et dit que la sanction infligée à Mme A... prendra effet du 1er octobre 2023 au 30 juin 2024.

2. En premier lieu, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser.

3. Il ressort des pièces de la procédure suivie en appel que la note en délibéré présentée pour Mme B... le 5 juin 2023, après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiquée aux parties et n'a pas donné lieu à une réouverture de l'instruction. Or, il ressort du point 7 de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers s'est fondée, pour décrire les faits reprochés à Mme A..., sur des informations qui figuraient dans cette note en délibéré. La chambre disciplinaire a ainsi méconnu la règle énoncée ci-dessus et commis une irrégularité, sans qu'ait d'incidence la circonstance que la production de cette note avait été annoncée au cours de l'audience.

4. En deuxième lieu, il ressort du même point 7 de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers a également retenu, pour décrire les faits reprochés à Mme A..., des éléments concernant le projet de village de santé de Saint-Victoret qu'elle a tirés de la consultation du site internet de cette commune, sans les soumettre au contradictoire. En se fondant sur ces éléments, qui ne ressortaient pas par ailleurs des pièces soumises au contradictoire et qui ne peuvent être regardées comme des données publiques de référence, la chambre disciplinaire a commis une seconde irrégularité.

5. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental de l'ordre des infirmiers la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de Mme B... au titre de ces dispositions.



D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 13 juin 2023 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des infirmiers.

Article 3 : Le conseil départemental de l'ordre des infirmiers des Bouches-du-Rhône versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme D... A..., à Mme C... B... et au conseil départemental de l'ordre des infirmiers des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des infirmiers.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 avril 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 23 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras