Conseil d'État
N° 492093
ECLI:FR:CECHS:2025:492093.20250627
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Isabelle de Silva, présidente
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SARL GURY & MAITRE, avocats
Lecture du vendredi 27 juin 2025
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 29 janvier 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé le retrait des autorisations qui lui avaient été délivrées en qualité de jockey professionnel, d'éleveur-bailleur et d'entraîneur public et sur le fondement de laquelle ces autorisations ont été retirées par les commissaires de l'association France Galop.
Par une ordonnance n° 2400297 du 8 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 février et 11 mars 2024 et les 29 avril, 20 mai et 3 juin 2025, M. B... demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;
- le code des courses au galop ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. B... et à la SARL Gury et Maître, avocat de l'association France Galop ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux : " Sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture. / Ces sociétés participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural. / Dans chacune des deux spécialités, course au galop et course au trot, une de ces sociétés de courses de chevaux est agréée comme société-mère. Chaque société-mère exerce sa responsabilité sur l'ensemble de la filière dépendant de la spécialité dont elle a la charge. Elle propose notamment à l'approbation de l'autorité administrative le code des courses de sa spécialité, délivre les autorisations qu'il prévoit, veille à la régularité des courses par le contrôle des médications, tant à l'élevage qu'à l'entraînement, et attribue des primes à l'élevage. / Les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret ". Aux termes du II de l'article 12 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, pris pour l'application de ces dispositions : " Les sociétés mères : / (...) / Délivrent les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver les chevaux de courses, selon les critères définis par leurs statuts et par le code des courses de chaque spécialité. Ces autorisations ne peuvent être accordées qu'après un avis favorable du ministre de l'intérieur émis au regard des risques de troubles à l'ordre public qu'elles sont susceptibles de créer. Elles peuvent être suspendues, pour une durée maximale de six mois ou être retirées par la société mère concernée à l'issue d'une procédure contradictoire engagée de sa propre initiative ou à la demande du ministre de l'intérieur. La société mère est tenue de suspendre ou de retirer l'autorisation si le ministre de l'intérieur maintient sa demande au vu des observations émises à l'occasion de la procédure contradictoire (...) ".
2. D'autre part, l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " I. - Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. / Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation sont précisées par décret. / II. - Il peut également être procédé à de telles enquêtes administratives en vue de s'assurer que le comportement des personnes physiques ou morales concernées n'est pas devenu incompatible avec les fonctions ou missions exercées, l'accès aux lieux ou l'utilisation des matériels ou produits au titre desquels les décisions administratives mentionnées au I ont été prises. / III. - Lorsque le résultat de l'enquête fait apparaître que le comportement de la personne bénéficiant d'une décision d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation est devenu incompatible avec le maintien de cette décision, il est procédé à son retrait ou à son abrogation, dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables ou, à défaut, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration. En cas d'urgence, l'autorisation, l'agrément ou l'habilitation peuvent être suspendus sans délai pendant le temps strictement nécessaire à la conduite de cette procédure ". Aux termes de l'article R. 114-3 de ce code : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article R. 114-1 les décisions suivantes relatives aux emplois privés ainsi qu'aux activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses : / 1° Autorisation : (...) / c) De faire courir, d'entraîner, de monter et driver des chevaux de course (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par une lettre du 19 décembre 2023, le service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire a informé l'association France Galop de son intention de se prononcer en faveur d'une suspension ou d'un retrait des autorisations délivrées à M. B... en qualité de jockey professionnel, d'éleveur-bailleur et d'entraîneur public. Le 29 janvier 2024, le service central des courses et jeux a sollicité, au nom du ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, le retrait desdites autorisations. Par une décision du même jour, les commissaires de France Galop ont procédé au retrait de ces autorisations. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 février 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 29 janvier 2024.
Sur l'intervention :
4. L'association France Galop justifie d'un intérêt au maintien de la décision attaquée. Par suite, son intervention en défense est recevable.
Sur le pourvoi :
5. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
6. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
7. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que pour juger non satisfaite la condition d'urgence, le juge des référés, après avoir relevé, d'une part, que M. B... faisait valoir les graves conséquences que la décision du 29 janvier 2024 faisait peser sur son entreprise et sa situation personnelle et, d'autre part, que la demande de retrait était fondée sur la circonstance que la réitération de faits pénalement répréhensibles, tels que la conduite en excès de vitesse d'un véhicule à moteur en ayant fait usage de produits stupéfiants en 2020, induisait une vulnérabilité personnelle incompatible avec l'exercice d'un métier sensible, a constaté que l'intéressé avait lui-même reconnu en 2020 devant les services de gendarmerie consommer de la cocaïne puis qu'il avait à nouveau été interpellé en 2023 pour des faits similaires et conclu que la situation de M. B... résultait de son propre comportement. En statuant ainsi, sans apprécier si l'exécution de la décision en cause portait atteinte de façon suffisamment grave et immédiate aux intérêts de M. B..., le juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
8. Il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
9. Pour justifier l'urgence de suspendre la décision contestée, M. B... fait valoir qu'elle préjudicie de manière suffisamment grave, immédiate et irrémédiable à la pérennité de son entreprise ainsi qu'à la situation de ses onze salariés mais aussi à son droit au travail. Le ministre de l'intérieur fait, pour sa part, valoir que M. B... est défavorablement connu des services de police pour plusieurs infractions d'usage et de conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants et que ce comportement représente un risque sérieux de trouble à l'ordre public, faisant craindre pour la sécurité et le bien-être des acteurs des courses de chevaux, ainsi que pour la régularité et le bon déroulement des courses hippiques et des paris. Il résulte notamment de la lettre du 19 décembre 2023 auquel renvoie la décision attaquée du 29 janvier 2024 que M. B... a reconnu en 2020, lors d'une audition, consommer de la cocaïne. Il résulte également de l'instruction qu'une procédure est en cours de traitement pour des faits de récidive de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de produits stupéfiants. Eu égard aux considérations ainsi mises en avant par le ministre de l'intérieur, qui établissent, en l'état de l'instruction, l'intérêt public à ce que la décision litigieuse puisse être exécutée, les éléments dont se prévaut M. B... ne permettent pas de caractériser une situation d'urgence nécessitant que l'exécution de la décision attaquée soit suspendue, dans l'attente du jugement de la demande au fond.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que M. B... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 29 janvier 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est prononcé pour un retrait des autorisations qui lui avaient été délivrées en qualité de jockey professionnel, d'éleveur-bailleur et d'entraîneur public.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention en défense de l'association France Galop est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 8 février 2024 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à l'association France Galop.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 juin 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café
N° 492093
ECLI:FR:CECHS:2025:492093.20250627
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Isabelle de Silva, présidente
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SARL GURY & MAITRE, avocats
Lecture du vendredi 27 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 29 janvier 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a demandé le retrait des autorisations qui lui avaient été délivrées en qualité de jockey professionnel, d'éleveur-bailleur et d'entraîneur public et sur le fondement de laquelle ces autorisations ont été retirées par les commissaires de l'association France Galop.
Par une ordonnance n° 2400297 du 8 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 23 février et 11 mars 2024 et les 29 avril, 20 mai et 3 juin 2025, M. B... demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;
- le code des courses au galop ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. B... et à la SARL Gury et Maître, avocat de l'association France Galop ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux : " Sont seules autorisées les courses de chevaux ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par des sociétés dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture. / Ces sociétés participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural. / Dans chacune des deux spécialités, course au galop et course au trot, une de ces sociétés de courses de chevaux est agréée comme société-mère. Chaque société-mère exerce sa responsabilité sur l'ensemble de la filière dépendant de la spécialité dont elle a la charge. Elle propose notamment à l'approbation de l'autorité administrative le code des courses de sa spécialité, délivre les autorisations qu'il prévoit, veille à la régularité des courses par le contrôle des médications, tant à l'élevage qu'à l'entraînement, et attribue des primes à l'élevage. / Les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret ". Aux termes du II de l'article 12 du décret du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel, pris pour l'application de ces dispositions : " Les sociétés mères : / (...) / Délivrent les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver les chevaux de courses, selon les critères définis par leurs statuts et par le code des courses de chaque spécialité. Ces autorisations ne peuvent être accordées qu'après un avis favorable du ministre de l'intérieur émis au regard des risques de troubles à l'ordre public qu'elles sont susceptibles de créer. Elles peuvent être suspendues, pour une durée maximale de six mois ou être retirées par la société mère concernée à l'issue d'une procédure contradictoire engagée de sa propre initiative ou à la demande du ministre de l'intérieur. La société mère est tenue de suspendre ou de retirer l'autorisation si le ministre de l'intérieur maintient sa demande au vu des observations émises à l'occasion de la procédure contradictoire (...) ".
2. D'autre part, l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : " I. - Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) soit les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. / Ces enquêtes peuvent donner lieu à la consultation de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Les conditions dans lesquelles les personnes intéressées sont informées de cette consultation sont précisées par décret. / II. - Il peut également être procédé à de telles enquêtes administratives en vue de s'assurer que le comportement des personnes physiques ou morales concernées n'est pas devenu incompatible avec les fonctions ou missions exercées, l'accès aux lieux ou l'utilisation des matériels ou produits au titre desquels les décisions administratives mentionnées au I ont été prises. / III. - Lorsque le résultat de l'enquête fait apparaître que le comportement de la personne bénéficiant d'une décision d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation est devenu incompatible avec le maintien de cette décision, il est procédé à son retrait ou à son abrogation, dans les conditions prévues par les dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables ou, à défaut, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration. En cas d'urgence, l'autorisation, l'agrément ou l'habilitation peuvent être suspendus sans délai pendant le temps strictement nécessaire à la conduite de cette procédure ". Aux termes de l'article R. 114-3 de ce code : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article R. 114-1 les décisions suivantes relatives aux emplois privés ainsi qu'aux activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses : / 1° Autorisation : (...) / c) De faire courir, d'entraîner, de monter et driver des chevaux de course (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par une lettre du 19 décembre 2023, le service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire a informé l'association France Galop de son intention de se prononcer en faveur d'une suspension ou d'un retrait des autorisations délivrées à M. B... en qualité de jockey professionnel, d'éleveur-bailleur et d'entraîneur public. Le 29 janvier 2024, le service central des courses et jeux a sollicité, au nom du ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, le retrait desdites autorisations. Par une décision du même jour, les commissaires de France Galop ont procédé au retrait de ces autorisations. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 février 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Caen, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer du 29 janvier 2024.
Sur l'intervention :
4. L'association France Galop justifie d'un intérêt au maintien de la décision attaquée. Par suite, son intervention en défense est recevable.
Sur le pourvoi :
5. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
6. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
7. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que pour juger non satisfaite la condition d'urgence, le juge des référés, après avoir relevé, d'une part, que M. B... faisait valoir les graves conséquences que la décision du 29 janvier 2024 faisait peser sur son entreprise et sa situation personnelle et, d'autre part, que la demande de retrait était fondée sur la circonstance que la réitération de faits pénalement répréhensibles, tels que la conduite en excès de vitesse d'un véhicule à moteur en ayant fait usage de produits stupéfiants en 2020, induisait une vulnérabilité personnelle incompatible avec l'exercice d'un métier sensible, a constaté que l'intéressé avait lui-même reconnu en 2020 devant les services de gendarmerie consommer de la cocaïne puis qu'il avait à nouveau été interpellé en 2023 pour des faits similaires et conclu que la situation de M. B... résultait de son propre comportement. En statuant ainsi, sans apprécier si l'exécution de la décision en cause portait atteinte de façon suffisamment grave et immédiate aux intérêts de M. B..., le juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
8. Il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.
9. Pour justifier l'urgence de suspendre la décision contestée, M. B... fait valoir qu'elle préjudicie de manière suffisamment grave, immédiate et irrémédiable à la pérennité de son entreprise ainsi qu'à la situation de ses onze salariés mais aussi à son droit au travail. Le ministre de l'intérieur fait, pour sa part, valoir que M. B... est défavorablement connu des services de police pour plusieurs infractions d'usage et de conduite en ayant fait usage de produits stupéfiants et que ce comportement représente un risque sérieux de trouble à l'ordre public, faisant craindre pour la sécurité et le bien-être des acteurs des courses de chevaux, ainsi que pour la régularité et le bon déroulement des courses hippiques et des paris. Il résulte notamment de la lettre du 19 décembre 2023 auquel renvoie la décision attaquée du 29 janvier 2024 que M. B... a reconnu en 2020, lors d'une audition, consommer de la cocaïne. Il résulte également de l'instruction qu'une procédure est en cours de traitement pour des faits de récidive de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de produits stupéfiants. Eu égard aux considérations ainsi mises en avant par le ministre de l'intérieur, qui établissent, en l'état de l'instruction, l'intérêt public à ce que la décision litigieuse puisse être exécutée, les éléments dont se prévaut M. B... ne permettent pas de caractériser une situation d'urgence nécessitant que l'exécution de la décision attaquée soit suspendue, dans l'attente du jugement de la demande au fond.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que M. B... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 29 janvier 2024 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est prononcé pour un retrait des autorisations qui lui avaient été délivrées en qualité de jockey professionnel, d'éleveur-bailleur et d'entraîneur public.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention en défense de l'association France Galop est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Caen du 8 février 2024 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à l'association France Galop.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 juin 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café