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Ariane Web: Conseil d'État 497681, lecture du 30 juin 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:497681.20250630

Décision n° 497681
30 juin 2025
Conseil d'État

N° 497681
ECLI:FR:CECHS:2025:497681.20250630
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
Mme Maud Vialettes, présidente
M. Julien Fradel, rapporteur
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public


Lecture du lundi 30 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner à l'université Côte d'Azur d'organiser une session de rattrapage, au titre de l'année universitaire 2023-2024, de l'examen sanctionnant la fin de la première année du diplôme universitaire intitulé " Réparation juridique du dommage corporel ". Par une ordonnance n° 2404619 du 23 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné à l'université d'organiser une telle session de rattrapage dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance et, dans l'attente des résultats de cette session, d'inscrire sans délai M. B..., à titre provisoire, en seconde année de ce diplôme au titre de l'année universitaire 2024-2025.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 et 23 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université Côte d'Azur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de l'université Côte d'azur ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que M. B..., inscrit à l'université Côte d'Azur en première année du cursus du diplôme universitaire intitulé " Réparation juridique du dommage corporel " au titre de l'année universitaire 2023-2024, ne s'est pas présenté à l'examen du 10 juin 2024, à la réussite duquel était conditionnée l'admission en seconde année de ce cursus. Ayant été informé par la responsable pédagogique du diplôme que l'université n'avait pas prévu d'organiser de session de rattrapage, il a demandé, en vain, au président de l'université, par des courriers reçus les 24 et 31 juillet 2024, d'organiser une telle session. Sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice, qui, par une ordonnance du 23 août 2024 contre laquelle l'université Côte d'Azur se pourvoit en cassation, a ordonné à l'université d'organiser une session de rattrapage dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance et, dans l'attente des résultats de cette session, d'inscrire sans délai M. B..., à titre provisoire, en seconde année du cursus en cause au titre de l'année universitaire 2024-2025.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. "

3. Saisi sur le fondement de ces dispositions d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. En raison du caractère subsidiaire du référé régi par l'article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge saisi sur ce fondement ne peut prescrire les mesures qui lui sont demandées lorsque leurs effets pourraient être obtenus par les procédures de référé régies par les articles L. 5211 et L. 521-2 du même code. Enfin, il ne saurait faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative, même celle refusant la mesure demandée, à moins qu'il ne s'agisse de prévenir un péril grave.

4. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-2 du code de l'éducation : " Les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours. " Il résulte de ces dispositions qu'une pleine autonomie est reconnue aux établissements d'enseignement supérieur en ce qui concerne les formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres.

5. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour faire droit à la demande de M. B..., le juge des référés du tribunal administratif s'est borné à relever que l'organisation d'une session de rattrapage, " certes non prévue par les modalités de contrôle des connaissances de cette formation ", ne serait pas de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement des candidats au passage en seconde année, alors que l'université Côte d'Azur faisait valoir devant lui que les modalités de contrôle des connaissances du diplôme universitaire en litige, fixées par elle et portées à la connaissance des étudiants, précisent, sous la rubrique " obtention de l'année ", que " si l'étudiant est absent lors des examens, il est ajourné ", mais qu'" il peut se réinscrire s'il le souhaite " et, sous la rubrique " redoublement ", qu'il n'existe " pas de rattrapage - réinscription possible sous réserve de repayer une nouvelle inscription ". En statuant ainsi, alors que la mesure demandée par M. B... se heurtait à une contestation sérieuse tirée de ce que l'université avait exclu, en exerçant son pouvoir d'organiser la formation au diplôme en litige, la tenue d'une session de rattrapage aux examens de fin d'année, le juge des référés a insuffisamment motivé son ordonnance et commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

7. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au titre de la procédure de référé en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande présentée en référé par M. B... :

8. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la demande de M. B... tendant à ce qu'il soit ordonné à l'université Côte d'Azur, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'organiser une session de rattrapage, au titre de l'année universitaire 2023-2024, de l'examen permettant le passage en seconde année du cursus du diplôme intitulé " Réparation juridique du dommage corporel " se heurte à une contestation sérieuse. Il s'ensuit que cette demande doit être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence à ordonner une telle mesure.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par l'université Côte d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 23 août 2024 est annulée.
Article 2 : La demande présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice par M. B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées devant le Conseil d'Etat par l'université Côte d'Azur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'université Côte d'Azur et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.