Conseil d'État
N° 498528
ECLI:FR:CECHS:2025:498528.20250630
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
Mme Maud Vialettes, présidente
Mme Camille Belloc, rapporteure
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public
SCP D AVOCATS SAIDJI ET MOREAU, avocats
Lecture du lundi 30 juin 2025
Vu la procédure suivante :
Par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés le 21 octobre 2024, les 10 et 11 février et le 16 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 août 2024 par lequel la présidente de l'université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis a prononcé à son encontre une mesure de suspension d'une durée maximale de douze mois à titre conservatoire à compter du 13 septembre 2024 sans privation de traitement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 19 août 2024, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis a suspendu à titre conservatoire pour une durée maximale de douze mois, sans privation de traitement, M. B..., professeur des universités affecté à cet établissement. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement. "
3. La mesure de suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur, prise sur le fondement de ces dispositions, revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement universitaire où il exerce ses fonctions présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. En l'absence de poursuites pénales, son maintien en vigueur ou sa prorogation sont subordonnés à l'engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction.
4. Une telle mesure a pour effet de suspendre l'exercice par l'intéressé de ses fonctions au sein de l'établissement, en particulier ses activités d'enseignement et de recherche. Elle emporte nécessairement la suspension du droit, attaché à l'exercice des fonctions, d'accéder aux locaux de l'établissement. En revanche, elle est en principe sans effet sur l'exercice d'un mandat électif attaché à la qualité de membre du personnel de l'enseignement supérieur.
5. En outre, eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère grave et vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte. L'administration est en revanche tenue d'abroger la décision en cause si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la vraisemblance des faits à l'origine de la mesure n'est plus satisfaite.
6. En premier lieu, les décisions de suspension prononcées sur le fondement de l'article L. 951-4 du code de l'éducation étant des mesures conservatoires, prises dans le souci de préserver le bon fonctionnement du service public universitaire, elles ne sont pas au nombre de celles qui doivent être motivées. Par suite, le moyen présenté par M. B... tiré de ce que la décision qu'il attaque n'est pas motivée ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en l'état des informations dont elle disposait à la date de la décision attaquée, procédant notamment du rapport, remis le 2 février 2024, d'une commission d'enquête qu'elle avait mandatée, pour laquelle le requérant n'établit pas, en tout état de cause, qu'elle aurait été irrégulièrement conduite, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis a pu légalement considérer, sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, que les faits de harcèlement moral, imputés au requérant à l'égard d'enseignants-chercheurs, d'agents de l'université et d'étudiants, commis sur une longue période et susceptibles de perdurer, présentaient, à la date de l'arrêté attaqué, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite par l'intéressé de ses activités au sein de l'établissement emportait des inconvénients suffisamment sérieux pour le service pour qu'il soit fait application de ces dispositions.
8. En dernier lieu, dès lors que la légalité d'un acte administratif s'apprécie, dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de celui-ci, à la date de son édiction, la circonstance que M. B... a été placé en congé de maladie à compter du 2 septembre 2024 pour une durée d'un mois, lequel congé a été prolongé, par plusieurs autres arrêts de travail, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 19 août 2024.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 19 août 2024 qu'il attaque.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge, d'une part, de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, d'autre part, de l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis, laquelle n'a été appelée à la cause que pour produire des observations, l'arrêté litigieux ayant été pris au nom de l'Etat les conclusions présentées au même titre par l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée à l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis.
N° 498528
ECLI:FR:CECHS:2025:498528.20250630
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
Mme Maud Vialettes, présidente
Mme Camille Belloc, rapporteure
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public
SCP D AVOCATS SAIDJI ET MOREAU, avocats
Lecture du lundi 30 juin 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et trois mémoires en réplique, enregistrés le 21 octobre 2024, les 10 et 11 février et le 16 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 août 2024 par lequel la présidente de l'université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis a prononcé à son encontre une mesure de suspension d'une durée maximale de douze mois à titre conservatoire à compter du 13 septembre 2024 sans privation de traitement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'université Paris VIII - Vincennes Saint-Denis la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- l'arrêté du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 10 février 2012 portant délégation de pouvoirs en matière de recrutement et de gestion de certains personnels enseignants des établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 19 août 2024, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis a suspendu à titre conservatoire pour une durée maximale de douze mois, sans privation de traitement, M. B..., professeur des universités affecté à cet établissement. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 951-4 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'enseignement supérieur peut prononcer la suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur pour un temps qui n'excède pas un an, sans suspension de traitement. "
3. La mesure de suspension d'un membre du personnel de l'enseignement supérieur, prise sur le fondement de ces dispositions, revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l'intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l'intéressé au sein de l'établissement universitaire où il exerce ses fonctions présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. En l'absence de poursuites pénales, son maintien en vigueur ou sa prorogation sont subordonnés à l'engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction.
4. Une telle mesure a pour effet de suspendre l'exercice par l'intéressé de ses fonctions au sein de l'établissement, en particulier ses activités d'enseignement et de recherche. Elle emporte nécessairement la suspension du droit, attaché à l'exercice des fonctions, d'accéder aux locaux de l'établissement. En revanche, elle est en principe sans effet sur l'exercice d'un mandat électif attaché à la qualité de membre du personnel de l'enseignement supérieur.
5. En outre, eu égard à la nature de l'acte de suspension prévu par les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère grave et vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l'administration postérieurement à sa décision, ne peuvent ainsi, alors même qu'ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l'acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d'un recours en excès de pouvoir contre cet acte. L'administration est en revanche tenue d'abroger la décision en cause si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la vraisemblance des faits à l'origine de la mesure n'est plus satisfaite.
6. En premier lieu, les décisions de suspension prononcées sur le fondement de l'article L. 951-4 du code de l'éducation étant des mesures conservatoires, prises dans le souci de préserver le bon fonctionnement du service public universitaire, elles ne sont pas au nombre de celles qui doivent être motivées. Par suite, le moyen présenté par M. B... tiré de ce que la décision qu'il attaque n'est pas motivée ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en l'état des informations dont elle disposait à la date de la décision attaquée, procédant notamment du rapport, remis le 2 février 2024, d'une commission d'enquête qu'elle avait mandatée, pour laquelle le requérant n'établit pas, en tout état de cause, qu'elle aurait été irrégulièrement conduite, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis a pu légalement considérer, sans commettre d'erreur d'appréciation ni méconnaître les dispositions de l'article L. 951-4 du code de l'éducation, que les faits de harcèlement moral, imputés au requérant à l'égard d'enseignants-chercheurs, d'agents de l'université et d'étudiants, commis sur une longue période et susceptibles de perdurer, présentaient, à la date de l'arrêté attaqué, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite par l'intéressé de ses activités au sein de l'établissement emportait des inconvénients suffisamment sérieux pour le service pour qu'il soit fait application de ces dispositions.
8. En dernier lieu, dès lors que la légalité d'un acte administratif s'apprécie, dans le cadre d'un recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de celui-ci, à la date de son édiction, la circonstance que M. B... a été placé en congé de maladie à compter du 2 septembre 2024 pour une durée d'un mois, lequel congé a été prolongé, par plusieurs autres arrêts de travail, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 19 août 2024.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 19 août 2024 qu'il attaque.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge, d'une part, de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, d'autre part, de l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis, laquelle n'a été appelée à la cause que pour produire des observations, l'arrêté litigieux ayant été pris au nom de l'Etat les conclusions présentées au même titre par l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée à l'université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis.