Conseil d'État
N° 491738
ECLI:FR:CECHS:2025:491738.20250703
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Jean-Philippe Mochon, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du jeudi 3 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Gavalières a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 septembre 2000 par laquelle la préfète de la région Bretagne a refusé de lui accorder une autorisation d'exploiter des parcelles cadastrées nos A 616, A 346, A 374, A 381, A 615, A 617, A 618, A 386, A 609, A 85, A 259, A 167, A 168, A 251, A 252, A 255, A 316, A 317, A 329, A 625 et A 626 situées dans la commune de Bléruais ainsi que la décision ayant implicitement rejeté son recours gracieux. Par un jugement n° 2100996 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23NT00240 du 15 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du GAEC des Gavalières, annulé ce jugement ainsi que la décision de la préfète de la région Bretagne du 28 septembre 2020 et a enjoint à la préfète de réexaminer la demande du GAEC des Gavalières dans un délai de deux mois.
Par un pourvoi enregistré le 14 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Il soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en distinguant, pour le calcul de l'indicateur de dimension économique (IDE) des grandes surfaces, entre les surfaces destinées à la consommation interne de l'exploitation et celles destinées à la vente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le GAEC des Gavalières conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3 600 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le pourvoi ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du Gaec des Gavalieres.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Gavalières a présenté le 11 mars 2020, en application de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles situées dans plusieurs communes du département d'Ille-et-Vilaine, afin d'agrandir son exploitation. Par une décision du 28 septembre 2020, la préfète de la région Bretagne a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur les parcelles cadastrées nos A 616, A 346, A 374, A 381, A 615, A 617, A 618, A 386, A 609, A 85, A 259, A 167, A 168, A 251, A 252, A 255, A 316, A 317, A 329, A 625 et A 626, situées à Bléruais, qui avaient fait l'objet d'une demande concurrente par le GAEC La Hesnière, lequel a été estimé prioritaire. Par un jugement du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du GAEC des Gavalières tendant à l'annulation de cette décision. Le ministre de l'agriculture se pourvoit contre l'arrêt du 15 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que la décision de la préfète de la région Bretagne du 28 décembre 2020, en tant qu'ils portent sur toutes les parcelles précitées excepté la parcelle A 85.
2. Aux termes du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ". L'article L. 331-3-1 du même code dispose que " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ". Le schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne définit, à son article 3, onze rangs de priorité et précise que : " En cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixées à l'article 5 (...) Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction de sous-priorités ". L'article 5 du schéma définit ainsi des " critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental ", lesquels constituent des " sous-priorités " au sein de chaque rang de priorité.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les deux demandes concurrentes du GAEC des Gavalières et du GAEC La Hesnière ont été regardées comme relevant, toutes deux, de la priorité 9 portant sur la réunion ou l'agrandissement d'exploitations et ont été départagées en fonction de la " sous-priorité " 9.6 définie par le 3 de l'article 5 du schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne, soit en faveur de l'exploitation qui présentait l'indicateur de dimension économique par unité de travail annuel (IDE/UTA) le moins élevé.
4. Aux termes des dispositions combinées de l'article 4 et de l'annexe 3 du schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne, l'indicateur de dimension économique est calculé par référence à un barème " par production " qui fixe un indice à l'unité pour quinze catégories d'élevage, par type d'animaux, et trois catégories de cultures, outre les cultures sous serres en verre, soit les " grandes cultures ", les " légumes d'industrie " et les " légumes frais de plein champs ", l'indice à l'unité ainsi défini devant être multiplié, pour les activités d'élevage, par le nombre des animaux ou le nombre de places autorisées, et, pour les cultures, par la superficie des terres.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler le refus d'autorisation opposé au GAEC des Gavalières, la cour administrative d'appel a jugé que la circonstance que les terres dédiées aux " grandes cultures " seraient destinées à la consommation interne de l'exploitation faisait obstacle à ce que l'administration puisse légalement appliquer à leur surface la valeur attribuée à de telles terres dans le calcul de l'indicateur de dimension économique de l'exploitation. Toutefois, aucune disposition du schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne ne prévoit, pour les exploitations qui exercent une activité mixte d'élevage et de cultures, que ne sont pas prises en compte la valeur de surfaces de " grandes cultures " qui seraient dédiées à la consommation interne de l'exploitation, alors que, même si le produit de ces cultures n'est pas commercialisé, il participe de la valeur économique de l'exploitation et que la destination de ce produit peut, de surcroît, varier en fonction des choix de l'exploitant. En particulier la mention figurant au point 3.1 de l'annexe 3 selon laquelle " Pour la détermination des IDE relatifs aux productions animales, il a été retiré des résultats des groupes la valeur concernant les cultures de ventes " ne témoigne que de la méthode de calcul du barème et n'a pas pour objet de régir les conditions de son application. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit et, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées nos A 616, A 346, A 374, A 381, A 615, A 617, A 618, A 386, A 609, A 259, A 167, A 168, A 251, A 252, A 255, A 316, A 317, A 329, A 625 et A 626.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 décembre 2023 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au GAEC des Gavalières.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 3 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet
N° 491738
ECLI:FR:CECHS:2025:491738.20250703
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Jean-Philippe Mochon, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats
Lecture du jeudi 3 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Gavalières a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 28 septembre 2000 par laquelle la préfète de la région Bretagne a refusé de lui accorder une autorisation d'exploiter des parcelles cadastrées nos A 616, A 346, A 374, A 381, A 615, A 617, A 618, A 386, A 609, A 85, A 259, A 167, A 168, A 251, A 252, A 255, A 316, A 317, A 329, A 625 et A 626 situées dans la commune de Bléruais ainsi que la décision ayant implicitement rejeté son recours gracieux. Par un jugement n° 2100996 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23NT00240 du 15 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du GAEC des Gavalières, annulé ce jugement ainsi que la décision de la préfète de la région Bretagne du 28 septembre 2020 et a enjoint à la préfète de réexaminer la demande du GAEC des Gavalières dans un délai de deux mois.
Par un pourvoi enregistré le 14 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Il soutient que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en distinguant, pour le calcul de l'indicateur de dimension économique (IDE) des grandes surfaces, entre les surfaces destinées à la consommation interne de l'exploitation et celles destinées à la vente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2024, le GAEC des Gavalières conclut au rejet du pourvoi et à ce que la somme de 3 600 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le pourvoi ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du Gaec des Gavalieres.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Gavalières a présenté le 11 mars 2020, en application de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, une demande d'autorisation d'exploiter des terres agricoles situées dans plusieurs communes du département d'Ille-et-Vilaine, afin d'agrandir son exploitation. Par une décision du 28 septembre 2020, la préfète de la région Bretagne a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur les parcelles cadastrées nos A 616, A 346, A 374, A 381, A 615, A 617, A 618, A 386, A 609, A 85, A 259, A 167, A 168, A 251, A 252, A 255, A 316, A 317, A 329, A 625 et A 626, situées à Bléruais, qui avaient fait l'objet d'une demande concurrente par le GAEC La Hesnière, lequel a été estimé prioritaire. Par un jugement du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du GAEC des Gavalières tendant à l'annulation de cette décision. Le ministre de l'agriculture se pourvoit contre l'arrêt du 15 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que la décision de la préfète de la région Bretagne du 28 décembre 2020, en tant qu'ils portent sur toutes les parcelles précitées excepté la parcelle A 85.
2. Aux termes du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes :
1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. (...) ". L'article L. 331-3-1 du même code dispose que " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ". Le schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne définit, à son article 3, onze rangs de priorité et précise que : " En cas de demandes concurrentes relevant du même rang de priorité, les candidatures sont classées au regard des critères et règles fixées à l'article 5 (...) Au sein d'une même priorité, on départagera les demandes en fonction de sous-priorités ". L'article 5 du schéma définit ainsi des " critères d'appréciation de l'intérêt économique et environnemental ", lesquels constituent des " sous-priorités " au sein de chaque rang de priorité.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les deux demandes concurrentes du GAEC des Gavalières et du GAEC La Hesnière ont été regardées comme relevant, toutes deux, de la priorité 9 portant sur la réunion ou l'agrandissement d'exploitations et ont été départagées en fonction de la " sous-priorité " 9.6 définie par le 3 de l'article 5 du schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne, soit en faveur de l'exploitation qui présentait l'indicateur de dimension économique par unité de travail annuel (IDE/UTA) le moins élevé.
4. Aux termes des dispositions combinées de l'article 4 et de l'annexe 3 du schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne, l'indicateur de dimension économique est calculé par référence à un barème " par production " qui fixe un indice à l'unité pour quinze catégories d'élevage, par type d'animaux, et trois catégories de cultures, outre les cultures sous serres en verre, soit les " grandes cultures ", les " légumes d'industrie " et les " légumes frais de plein champs ", l'indice à l'unité ainsi défini devant être multiplié, pour les activités d'élevage, par le nombre des animaux ou le nombre de places autorisées, et, pour les cultures, par la superficie des terres.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour annuler le refus d'autorisation opposé au GAEC des Gavalières, la cour administrative d'appel a jugé que la circonstance que les terres dédiées aux " grandes cultures " seraient destinées à la consommation interne de l'exploitation faisait obstacle à ce que l'administration puisse légalement appliquer à leur surface la valeur attribuée à de telles terres dans le calcul de l'indicateur de dimension économique de l'exploitation. Toutefois, aucune disposition du schéma directeur des structures agricoles de la région Bretagne ne prévoit, pour les exploitations qui exercent une activité mixte d'élevage et de cultures, que ne sont pas prises en compte la valeur de surfaces de " grandes cultures " qui seraient dédiées à la consommation interne de l'exploitation, alors que, même si le produit de ces cultures n'est pas commercialisé, il participe de la valeur économique de l'exploitation et que la destination de ce produit peut, de surcroît, varier en fonction des choix de l'exploitant. En particulier la mention figurant au point 3.1 de l'annexe 3 selon laquelle " Pour la détermination des IDE relatifs aux productions animales, il a été retiré des résultats des groupes la valeur concernant les cultures de ventes " ne témoigne que de la méthode de calcul du barème et n'a pas pour objet de régir les conditions de son application. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit et, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées nos A 616, A 346, A 374, A 381, A 615, A 617, A 618, A 386, A 609, A 259, A 167, A 168, A 251, A 252, A 255, A 316, A 317, A 329, A 625 et A 626.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 décembre 2023 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au GAEC des Gavalières.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 3 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet