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Ariane Web: Conseil d'État 494233, lecture du 3 juillet 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:494233.20250703

Décision n° 494233
3 juillet 2025
Conseil d'État

N° 494233
ECLI:FR:CECHS:2025:494233.20250703
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. Jean-Philippe Mochon, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
M. Florian Roussel, rapporteur public
SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES, avocats


Lecture du jeudi 3 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) du Fer à Cheval a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Châtenet (Charente-Maritime) l'a mise en demeure de mettre en conformité son installation d'assainissement individuel. Par un jugement n° 2003192 du 24 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22BX02355 du 12 mars 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation de l'article 5 de l'arrêté du maire de Châtenet du 22 octobre 2020, ainsi que cet article 5 de l'arrêté du 22 octobre 2020.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai 2024 et 16 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Châtenet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a annulé l'article 5 de l'arrêté du maire de Châtenet du 22 octobre 2020 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions de la SCI du Fer à Cheval dirigées contre l'article 5 de l'arrêté du maire de la commune de Châtenet du 22 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la SCI du Fer à Cheval une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la commune de Châtenet et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat de la SCI du Fer à Cheval.


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le maire de Châtenet a demandé, en 2016, à la société civile immobilière du Fer à Cheval de réaliser dans un délai d'un an des travaux de mise aux normes du dispositif d'assainissement individuel de l'immeuble qu'elle possède dans cette commune, puis l'a mise en demeure, par un arrêté du 22 octobre 2020, de procéder à ces travaux dans un délai de trois mois, en prévoyant, à l'article 5 dudit arrêté, qu'à défaut d'exécution dans les délais ainsi impartis, la commune pourra procéder d'office aux travaux indispensables, aux frais de la société. Le tribunal administratif de Poitiers a rejeté, par un jugement du 24 juin 2022, la demande de la SCI du Fer à Cheval tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 12 mars 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'article 5 de cet arrêté, en jugeant qu'à la date de l'arrêté en litige, le maire n'était pas compétent pour prendre des mesures propres à la police spéciale en matière d'assainissement, les pouvoirs afférents à cette police ayant été transférés au président de la communauté de communes de la Haute-Saintonge entre le 1er janvier 2020 et le 25 janvier 2021. La commune de Châtenet se pourvoit en cassation contre cet arrêt dans cette mesure.

2. Aux termes de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au 1er janvier 2020 : " I. A. Sans préjudice de l'article L. 2212-2 du présent code et par dérogation à l'article L. 1311-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière d'assainissement, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement les attributions lui permettant de réglementer cette activité (...)./ II. (...) A la date du transfert des pouvoirs mentionnés au I, le président de l'établissement public de coopération intercommunale est substitué aux maires concernés dans tous les actes relevant des pouvoirs transférés./ III. Dans un délai de six mois (...) suivant la date à laquelle les compétences mentionnées au A du I ont été transférées à l'établissement ou au groupement, un ou plusieurs maires peuvent s'opposer, dans chacun de ces domaines, au transfert des pouvoirs de police. A cette fin, ils notifient leur opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition ". Le III de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales a été complété, aux termes de la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 par les dispositions suivantes : " Dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales, si le prédécesseur de ce dernier exerçait dans une commune l'un des pouvoirs de police mentionnés au A du I, le maire de cette commune peut s'opposer à la reconduction du transfert de ce pouvoir. La notification de cette opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales met fin au transfert. / Dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales, si le prédécesseur de ce dernier n'exerçait pas dans une commune l'un des pouvoirs de police mentionnés au A du I, le maire de cette commune peut s'opposer au transfert de ce pouvoir. Il notifie son opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. A défaut, le transfert devient effectif à l'expiration de ce délai ou, le cas échéant, du délai supplémentaire d'un mois prévu à la première phrase de l'avant-dernier alinéa du présent III. / Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales peut renoncer, dans chacun des domaines mentionnés au A du I, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres lui soient transférés de plein droit, dans un délai d'un mois suivant la fin de la période pendant laquelle les maires étaient susceptibles de faire valoir leur opposition. Il notifie sa renonciation à chacun des maires des communes membres. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police n'a pas lieu ou, le cas échéant, prend fin à compter de cette notification, sur l'ensemble du territoire de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. "

3. Il résulte de ces dispositions que le transfert de compétences en matière d'assainissement à un établissement public de coopération intercommunale emporte de plein droit transfert au président de cet établissement des pouvoirs de police des maires en cette matière, à la date du transfert de compétences, l'opposition de maires, dans le délai de six mois, ne pouvant leur permettre que de recouvrer leur compétence. Par ailleurs, à l'issue de l'élection d'un nouveau président de l'établissement public de coopération intercommunale, les maires peuvent, de nouveau, s'opposer au transfert à celui-ci de leurs pouvoirs de police spéciale, dans un délai de six mois. Dans ce cas, lorsque le précédent président n'exerçait pas ces pouvoirs, le transfert n'a pas lieu pour les communes dont les maires se sont opposés au transfert dans ce délai. Lorsque, à l'inverse, le précédent président disposait de ces pouvoirs, le transfert prend fin, pour les communes concernées, à la date à laquelle leurs maires s'opposent à sa reconduction. Enfin, le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut renoncer à exercer, pour l'ensemble du territoire de cet établissement public, ses pouvoirs de police spéciale dans un délai d'un mois suivant la fin de la période pendant laquelle les maires étaient susceptibles de faire valoir leur opposition.

4. Il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que la compétence en matière d'assainissement a été transférée à la communauté de communes de la Haute Saintonge à compter du 1er janvier 2020, conformément aux dispositions de l'article 64 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, et que le maire de Châtenet ne s'était pas opposé, à la suite de ce transfert, au transfert au président de la communauté de communes de ses compétences de police en la matière, opéré de plein droit en vertu du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a, en outre, suffisamment motivé son arrêt, en jugeant qu'à la date de l'arrêté litigieux, il ne ressortait pas des pièces du dossier que le maire de Châtenet avait, consécutivement à l'élection du président de la communauté de communes de la Haute Saintonge, recouvré une compétence que ce nouveau président était réputé détenir, à la date de son élection.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Châtenet n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châtenet le versement à la SCI du Fer à Cheval de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCI du Fer à Cheval, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Châtenet est rejeté.

Article 2 : La commune de Châtenet versera à la SCI du Fer à Cheval la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Chatenet et à la société civile immobilière du Fer à Cheval.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 3 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
Le rapporteur :
Signé : M. Pascal Trouilly
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet