Conseil d'État
N° 491959
ECLI:FR:CECHS:2025:491959.20250708
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Isabelle de Silva, présidente
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du mardi 8 juillet 2025
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 491959, par une requête sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février, 21 mai, 1er juillet et 8 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2023-19 S du 22 décembre 2023 par laquelle la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, d'une part, dit que la société RSM Rhône-Alpes et M. B... ont commis des fautes disciplinaires au sens du 1° du I de l'article L. 824-1 du code de commerce et, précédemment, de l'article R. 822-32 de ce code, en tant que commissaires aux comptes respectivement titulaire et signataire du mandat de certification des comptes de la société Efigest Asset Management, d'autre part, prononcé à l'encontre de la société RSM Rhône Alpes un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros et à l'encontre de M. B... un blâme et une sanction pécuniaire de 15 000 euros, enfin dit que la décision sera publiée, sous forme non anonyme, sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu Haute autorité de l'audit, pour une durée de cinq ans ;
2°) de mettre à la charge de la Haute autorité de l'audit la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 491994, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 février et 21 mai 2024 et le 15 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RSM Rhône-Alpes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2023-19 S du 22 décembre 2023 par laquelle la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, d'une part, dit que la société RSM Rhône-Alpes et M. B... ont commis des fautes disciplinaires au sens du 1° du I de l'article L. 824-1 du code de commerce et, précédemment, de l'article R. 822-32 de ce code, en tant que commissaires aux comptes respectivement titulaire et signataire du mandat de certification des comptes de la société Efigest Asset Management, d'autre part, prononcé à l'encontre de la société RSM Rhône Alpes un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros et à l'encontre de M. B... un blâme et une sanction pécuniaire de 15 000 euros, enfin dit que la décision sera publiée, sous forme non anonyme, sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes, pour une durée de cinq ans ;
2°) de mettre à la charge de la Haute autorité de l'audit la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3°) à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en réduisant à de plus juste proportions la durée de sa publication, sous forme non anonyme, sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu la Haute autorité de l'audit.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B..., à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société RSM Rhône-Alpes et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la Haute autorité de l'audit ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes sont dirigées contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il résulte de l'instruction que M. B..., commissaire aux comptes, exerce au sein de la société RSM Rhône-Alpes, et que cette société et M. B... sont respectivement commissaires aux comptes titulaire et signataire de la société Efigest Asset Management, devenue Efigest Conseil depuis sa création en 2007. La société Efigest exerce une activité de gestion de portefeuille et gère notamment deux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et un fonds d'investissement alternatif. Par une lettre du 13 février 2020, le président de l'Autorité des marchés financiers a informé la présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu Haute autorité de l'audit, qu'un contrôle de l'activité de la société Efigest avait révélé de possibles problématiques ayant trait à la mission de commissariat aux comptes réalisée par la société RSM RA, en la personne de M. B..., présumant plus précisément un manque de diligence des commissaires aux comptes ayant pu contribuer à pérenniser plusieurs non-conformités significatives de cette société de gestion à ses obligations professionnelles. Le 8 février 2021, le rapporteur général a ouvert une enquête concernant les missions de certification des comptes de la société Efigest au titre des exercices 2015 à 2018 puis, par des lettres du 28 mars 2023, il a notifié aux personnes poursuivies une décision de la formation du Haut conseil statuant sur les cas individuels, aux termes de laquelle cette formation a décidé d'engager une procédure de sanction à l'encontre de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes. Par la décision du 22 décembre 2023, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, d'une part, estimé que la société RSM Rhône-Alpes et M. B... ont commis des fautes disciplinaires en certifiant que les comptes 2015, 2017 et 2018 de la société Efigest Asset Management étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'entité à la fin de l'exercice, alors qu'il ne résultait pas des dossiers d'audit qu'ils avaient communiqués qu'ils avaient obtenu l'assurance élevée que les comptes pris dans leur ensemble ne comportaient pas d'anomalies significatives, et a, d'autre part, prononcé à l'encontre de la société RSM Rhône-Alpes un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros et à l'encontre de M. B... un blâme et une sanction pécuniaire de 15 000 euros.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 824-8 du code de commerce, désormais transféré à l'article L. 821-77 du même code : " A l'issue de l'enquête et après avoir entendu la personne intéressée, le rapporteur général établit un rapport d'enquête qu'il adresse au Haut conseil. Lorsque les faits justifient l'engagement d'une procédure de sanction, le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée. La notification expose les faits passibles de sanction. Elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. / La personne intéressée peut consulter le dossier et présenter ses observations. Elle peut se faire assister par un conseil de son choix à toutes les étapes de la procédure. / Le rapporteur général établit un rapport final qu'il adresse à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée ". Aux termes de l'article R. 824-10 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le Haut conseil est saisi par le rapporteur général du rapport d'enquête mentionné à l'article L. 824-8, son président convoque les membres du collège, hors les membres de la formation restreinte, afin de délibérer sur les suites à donner au rapport. / Le rapporteur général ou l'enquêteur en charge du dossier est entendu si le collège l'estime nécessaire. / Le collège délibère à la majorité des voix des membres présents ". L'article R. 824-11 du même code dispose, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le collège, dans la formation mentionnée à l'article précédent, considère que les faits sont susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction, la lettre de notification des griefs mentionnée à l'article L. 824-8 informe la personne poursuivie qu'elle peut prendre connaissance du dossier et obtenir copie des pièces, le cas échéant par voie électronique, et qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 824-13 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Une copie de la notification des griefs accompagnée d'une copie du rapport d'enquête et du dossier d'enquête est transmise pour saisine par le rapporteur général au président de la formation restreinte dès son envoi à la personne poursuivie. / Le rapport final accompagné des observations de la personne poursuivie et de l'entier dossier est adressé par le rapporteur général au président de la formation restreinte. / Le rapporteur général adresse une copie du rapport final à la personne poursuivie, dans les conditions mentionnées à l'article R. 824-1 ".
4. Il résulte de l'instruction que la formation statuant sur les cas individuels du Haut conseil du commissariat aux comptes s'est réunie le 15 décembre 2022 pour délibérer sur le rapport d'enquête du rapporteur général relatif aux manquements reprochés aux requérants, puis qu'une décision n° 2023-003 FCI-E du 9 mars 2023 a été adressée à ces derniers, laquelle précisait annuler et remplacer une précédente décision n° 2022-023 FCI-E du 15 décembre 2022. Il est constant que la décision du 9 mars 2023 qui a été adressée aux requérants et transmise à la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes, fait état des mêmes faits et comporte les mêmes griefs que ceux retenus à l'issue de la délibération du 15 décembre 2022, en se bornant à ajouter le visa des normes d'exercice professionnel (NEP) 330 et 630 qui avait été mis dans la précédente version. Par suite, M. B... et la société RSM Rhône-Alpes ne sont pas fondés à soutenir que la saisine de la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes serait entachée d'une irrégularité faute d'avoir été prise après une nouvelle délibération.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 823-9 du code de commerce, transféré à l'article L. 821-53 du même code : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice (...) ". L'article L. 823-10 du même code, transféré à l'article L. 821-54 dispose que : " I. - Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur ". Aux termes de l'article L. 821-13 du même code, devenu article L. 821-11 : " I. - Le commissaire aux comptes exerce sa mission conformément aux normes d'audit internationales adoptées par la Commission européenne dans les conditions définies par l'article 26 de la directive 2006/43/ CE du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/ CEE et 83/349/ CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/ CEE du Conseil, ainsi que, le cas échéant, aux normes françaises venant compléter ces normes adoptées selon les conditions fixées au troisième alinéa du présent article. / En l'absence de norme d'audit internationale adoptée par la Commission, il se conforme aux normes adoptées par la Haute autorité de l'audit et homologuées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (...) ".
6. D'autre part, la NEP 700, transcrite à l'article A. 821-92 du code de commerce, dispose que : " 08. Le commissaire aux comptes formule une certification sans réserve lorsque l'audit des comptes qu'il a mis en oeuvre lui a permis d'obtenir l'assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit, et qualifiée, par convention, d'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives ". L'article A. 821-73 du même code, transcrivant la NEP 330, dispose que : " 21. Indépendamment de l'évaluation du risque d'anomalies significatives, le commissaire aux comptes conçoit et met en oeuvre des contrôles de substance pour chaque catégorie d'opérations, solde de compte et information fournie dans l'annexe, dès lors qu'ils ont un caractère significatif. / (...) 25. Le commissaire aux comptes conclut sur le caractère suffisant et approprié des éléments collectés afin de réduire le risque d'audit à un niveau suffisamment faible pour obtenir l'assurance recherchée. Pour ce faire, le commissaire aux comptes tient compte à la fois des éléments qui confirment et de ceux qui contredisent le respect des assertions. / 26. Si le commissaire aux comptes n'a pas obtenu d'éléments suffisants et appropriés pour confirmer un élément significatif au niveau des comptes, il s'efforce d'obtenir des éléments complémentaires. S'il n'est pas en mesure de collecter des éléments suffisants et appropriés, il formule une opinion avec réserve ou une impossibilité de certifier ". L'article A. 821-72 du code de commerce, transcrivant la NEP 315 dispose que : " est significatif l'élément dont l'omission ou l'inexactitude est susceptible d'influencer les décisions économiques ou le jugement fondés sur les comptes ". Il définit également l'anomalie significative comme " information comptable ou financière inexacte, insuffisante ou omise, en raison d'erreurs ou de fraude, d'une importance telle que, seule ou cumulée avec d'autres, elle peut influencer le jugement de l'utilisateur d'une information comptable ou financière ". Ce même article dispose par ailleurs que : " 12. La prise de connaissance de l'entité permet au commissaire aux comptes de constituer un cadre de référence dans lequel il planifie son audit et exerce son jugement professionnel pour évaluer le risque d'anomalies significatives dans les comptes et répondre à ce risque tout au long de son audit. / 13. Le commissaire aux comptes prend connaissance : / - du secteur d'activité de l'entité, de son environnement réglementaire, notamment du référentiel comptable applicable, et d'autres facteurs externes tels que les conditions économiques générales ; / - des caractéristiques de l'entité qui permettent au commissaire aux comptes d'appréhender les catégories d'opérations, les soldes des comptes et les informations attendues dans l'annexe des comptes. Ces caractéristiques incluent notamment la nature de ses activités, la composition de son capital et de son gouvernement d'entreprise, sa politique d'investissement, son organisation et son financement ainsi que le choix des méthodes comptables appliquées ; / - des objectifs de l'entité et des stratégies mises en oeuvre pour les atteindre dans la mesure où ces objectifs pourront avoir des conséquences financières et, de ce fait, une incidence sur les comptes ; / - de la mesure et de l'analyse des indicateurs de performance financière de l'entité (...) ". L'article A. 821-70 du même code, transcrivant la NEP 320, dispose que : " 2. La présente norme a pour objet de définir les principes relatifs à l'application par le commissaire aux comptes de la notion de caractère significatif lors de la planification et de la réalisation de l'audit (...) " et définit le seuil de signification comme le " montant au-delà duquel les décisions économiques ou le jugement fondé sur les comptes sont susceptibles d'être influencés ". Cet article dispose également que : " 8. La notion de caractère significatif est appliquée par le commissaire aux comptes pour planifier et réaliser son audit ainsi que pour prendre en compte l'incidence des anomalies relevées sur l'audit et, le cas échéant, évaluer l'incidence des anomalies non corrigées sur les comptes. Elle est également appliquée par le commissaire aux comptes pour émettre son opinion sur les comptes. / 9. Le commissaire aux comptes met en oeuvre la notion de caractère significatif dans le contexte de l'audit des comptes en considérant non seulement le montant des anomalies mais aussi leur nature. Il prend également en compte les circonstances particulières de leur survenance : en effet, les circonstances entourant certaines anomalies peuvent amener le commissaire aux comptes à les juger significatives quand bien même leur montant ne le serait pas. / 10. La détermination du caractère significatif des anomalies relève du jugement professionnel du commissaire aux comptes et est influencée par sa perception des besoins d'informations financières des utilisateurs des comptes (...) ".
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que pour certifier que les comptes annuels d'une société sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'entité contrôlée à la fin de cet exercice, il appartient au commissaire aux comptes de vérifier les valeurs et les documents comptables de cette entité et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. Dans ce cadre, il lui appartient notamment, indépendamment de l'évaluation du risque d'anomalies significatives, de mettre en oeuvre et de concevoir des contrôles de substance pour chaque catégorie d'opérations, solde de compte et information fournie dans l'annexe, dès lors qu'ils ont un caractère significatif. Si le commissaire aux comptes n'a pas obtenu d'éléments suffisants et appropriés pour confirmer un élément significatif au niveau des comptes, il lui appartient de s'efforcer d'obtenir des éléments complémentaires et, s'il n'est pas en mesure de collecter des éléments suffisants et appropriés, il formule une opinion avec réserve ou une impossibilité de certifier les comptes.
8. Il résulte de l'instruction que M. B... a défini des seuils d'appréciation du caractère significatif, respectivement à hauteur de 15 000, 14 000 et 13 000 euros pour la certification des comptes de 2015, 2017 et 2018. Tant le poste comptable " honoraires administratifs " que le poste " apport d'affaires " ont nettement excédé, sur ces trois exercices, les seuils ainsi définis. Il résulte de l'instruction que les dossiers d'audit remis par M. B... ne comprennent aucune indication sur la nature et l'étendue des diligences d'audit réalisées sur ces deux postes comptables, ni aucune appréciation sur les éventuels travaux que l'expert-comptable aurait effectués à leur sujet. M. B... s'est borné à vérifier, d'une part, s'agissant du poste " honoraires administratifs " et en particulier des prestations de services d'aides à la décision d'investissement et d'exécution (SADIE) facturées par la société Elamartia, que les montants comptabilisés dans la comptabilité de la société Efigest étaient également comptabilisés dans les comptes de la société Elamartia avec les factures associées, sans rechercher si des documents permettaient de justifier de la réalité des prestations rendues, ni si les montants facturés correspondaient aux stipulations de la convention conclue entre les parties. Il en résulte que les diligences entreprises par M. B... sur ces deux postes comptables ne permettent pas de conclure sur le respect des assertions relatives aux honoraires SADIE versées à la société Elamartia. D'autre part, s'agissant des commissions d'apports d'affaires, M. B... a entrepris les mêmes diligences, sans chercher à obtenir la convention mentionnée sur les factures adressées par Efigest à la société Elamartia, ni à comprendre les modalités de calcul des commissions et sans identifier et évaluer les contrôles associés permettant à Efigest de vérifier l'application de la convention. Il suit de là que c'est à bon droit que le Haut conseil du commissariat aux comptes a jugé caractérisé le manquement tiré de l'insuffisance des diligences entreprises par M. B... sur différents éléments de comptes de la société Efigest, sans qu'il y ait lieu pour la décision contestée de préciser les éléments susceptibles de laisser suspecter une anomalie significative. Par ailleurs, dès lors qu'en application de la NEP 315, transcrite à l'article A. 821-72 du code de commerce, le commissaire aux comptes doit, pour organiser son audit, prendre connaissance de l'entité contrôlée, notamment de son secteur d'activité et de son environnement réglementaire, c'est également à bon droit que la formation restreinte a relevé que la circonstance que la société Efigest opérait dans un secteur régulé constituait un motif de vigilance supplémentaire, sans faire de cette circonstance, par elle-même, un motif de caractérisation du manquement.
9. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 822-9 du code de commerce alors applicable, aujourd'hui repris à l'article L. 821-25 : " Dans les sociétés de commissaires aux comptes inscrites, les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées, au nom de la société, par les commissaires aux comptes personnes physiques associés, actionnaires ou dirigeants de cette société qui signent le rapport destiné à l'organe appelé à statuer sur les comptes (...) ". Dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, l'article R. 822-61 du code de commerce, désormais transféré à l'article R. 821-110, dispose que : " Sous réserve des articles R. 822-62 et R. 822-63, les dispositions du chapitre IV relatives à la discipline des commissaires aux comptes sont applicables à la société et aux actionnaires ou associés. / La société peut faire l'objet de poursuites disciplinaires indépendamment de celles qui seraient intentées contre les actionnaires ou associés ". Pour l'application de ces dispositions et en raison de la responsabilité qui incombe aux sociétés de commissaires aux comptes de veiller, notamment au travers de l'organisation et du contrôle des interventions de leurs associés et salariés, au respect des devoirs de la profession, les manquements commis non seulement par les dirigeants et représentants de ces sociétés mais aussi par leurs associés et salariés sont de nature à leur être directement imputés en leur qualité de personnes morales, sans que soit méconnu le principe constitutionnel de la responsabilité personnelle, dès lors que ces associés et salariés ont agi dans le cadre de leurs fonctions et au nom de la société conformément à l'article L. 822-9 précité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la formation restreinte a jugé que dès lors que M. B... exerçait ses fonctions de commissaire aux comptes au nom de la société RSM Rhône-Alpes, et que la société ne pouvait par ailleurs exercer que par l'intermédiaire de ses associés personnes physiques ayant qualité pour exercer la profession de commissaire aux comptes, les manquements disciplinaires commis par les associés signataires dans le cadre de leurs fonctions étaient de nature à être directement imputés à la société au nom de laquelle sont exercées les fonctions de commissaires aux comptes, sans qu'il soit nécessaire de caractériser un manquement distinct de la société.
10. En quatrième lieu, s'il ne saurait interdire de fixer des règles assurant une répression effective des infractions, le principe de nécessité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
11. L'article L. 824-13 du code de commerce, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, désormais transféré à l'article L. 821-84, dispose que : " La décision du Haut conseil est publiée sur son site internet. Le cas échéant, elle est également rendue publique dans les publications, journaux ou supports que le Haut conseil désigne, dans un format de publication proportionné à la faute ou au manquement commis et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La décision est publiée sous forme anonyme dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : / 1° Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne sanctionnée un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d'une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / 2° Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle en cours ". L'article R. 824-22 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, désormais transféré à l'article R. 821-225, dispose que : " La décision est publiée sur le site internet du Haut conseil pour une durée qui ne peut être inférieure à cinq ans. Elle peut être rendue publique dans les conditions prévues à l'article L. 824-13 ". Si ces dispositions fixent le principe de la publication, pendant une durée minimale, de la décision de sanction sur le site internet du Haut conseil, notamment à des fins d'information des tiers, elles ouvrent néanmoins la possibilité à l'autorité compétente de prendre en compte des circonstances propres à chaque espèce et, soit, d'amplifier la publicité de la sanction, en étendant la durée d'affichage sur le site internet ou en la faisant publier dans divers supports, soit de la réduire en la publiant sous forme anonymisée lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne sanctionnée un préjudice grave et disproportionné. Par suite, sans qu'il y ait lieu, en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité des dispositions de l'article 30 quater de la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil, dont les articles L. 824-13 et R. 824-22 assurent la transposition, au regard de l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le moyen tiré de ce que ces dispositions du code de commerce méconnaîtraient le principe d'individualisation des peines doit être écarté.
12. En dernier lieu, il résulte des énonciations de la décision attaquée que la formation restreinte a décidé de la publication de la sanction non anonymisée sur le site internet du Haut conseil pour une durée de cinq ans, soit la durée minimale prévue par les dispositions citées au point précédent, sans la rendre publique sur d'autres supports. Eu égard aux manquements reprochés à M. B... et dès lors que celui-ci a cessé son activité de commissaire aux comptes en faisant valoir ses droits à la retraite, ces modalités de publicité de la sanction n'apparaissent pas de nature à causer au requérant un préjudice grave et disproportionné, de nature à justifier son anonymisation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de la société RSM Rhône Alpes la somme de 1 500 euros à verser chacun à la Haute autorité de l'audit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes sont rejetées.
Article 2 : M. B... et la société RSM Rhône-Alpes verseront à la Haute autorité de l'audit une somme de 1 500 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société RSM Rhône-Alpes et à la Haute autorité de l'audit.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 juillet 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café
N° 491959
ECLI:FR:CECHS:2025:491959.20250708
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Isabelle de Silva, présidente
M. Cédric Fraisseix, rapporteur
Mme Maïlys Lange, rapporteure publique
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du mardi 8 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 491959, par une requête sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février, 21 mai, 1er juillet et 8 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2023-19 S du 22 décembre 2023 par laquelle la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, d'une part, dit que la société RSM Rhône-Alpes et M. B... ont commis des fautes disciplinaires au sens du 1° du I de l'article L. 824-1 du code de commerce et, précédemment, de l'article R. 822-32 de ce code, en tant que commissaires aux comptes respectivement titulaire et signataire du mandat de certification des comptes de la société Efigest Asset Management, d'autre part, prononcé à l'encontre de la société RSM Rhône Alpes un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros et à l'encontre de M. B... un blâme et une sanction pécuniaire de 15 000 euros, enfin dit que la décision sera publiée, sous forme non anonyme, sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu Haute autorité de l'audit, pour une durée de cinq ans ;
2°) de mettre à la charge de la Haute autorité de l'audit la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 491994, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 février et 21 mai 2024 et le 15 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RSM Rhône-Alpes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° FR 2023-19 S du 22 décembre 2023 par laquelle la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, d'une part, dit que la société RSM Rhône-Alpes et M. B... ont commis des fautes disciplinaires au sens du 1° du I de l'article L. 824-1 du code de commerce et, précédemment, de l'article R. 822-32 de ce code, en tant que commissaires aux comptes respectivement titulaire et signataire du mandat de certification des comptes de la société Efigest Asset Management, d'autre part, prononcé à l'encontre de la société RSM Rhône Alpes un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros et à l'encontre de M. B... un blâme et une sanction pécuniaire de 15 000 euros, enfin dit que la décision sera publiée, sous forme non anonyme, sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes, pour une durée de cinq ans ;
2°) de mettre à la charge de la Haute autorité de l'audit la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3°) à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en réduisant à de plus juste proportions la durée de sa publication, sous forme non anonyme, sur le site internet du Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu la Haute autorité de l'audit.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B..., à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la société RSM Rhône-Alpes et à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la Haute autorité de l'audit ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes sont dirigées contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il résulte de l'instruction que M. B..., commissaire aux comptes, exerce au sein de la société RSM Rhône-Alpes, et que cette société et M. B... sont respectivement commissaires aux comptes titulaire et signataire de la société Efigest Asset Management, devenue Efigest Conseil depuis sa création en 2007. La société Efigest exerce une activité de gestion de portefeuille et gère notamment deux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et un fonds d'investissement alternatif. Par une lettre du 13 février 2020, le président de l'Autorité des marchés financiers a informé la présidente du Haut conseil du commissariat aux comptes, devenu Haute autorité de l'audit, qu'un contrôle de l'activité de la société Efigest avait révélé de possibles problématiques ayant trait à la mission de commissariat aux comptes réalisée par la société RSM RA, en la personne de M. B..., présumant plus précisément un manque de diligence des commissaires aux comptes ayant pu contribuer à pérenniser plusieurs non-conformités significatives de cette société de gestion à ses obligations professionnelles. Le 8 février 2021, le rapporteur général a ouvert une enquête concernant les missions de certification des comptes de la société Efigest au titre des exercices 2015 à 2018 puis, par des lettres du 28 mars 2023, il a notifié aux personnes poursuivies une décision de la formation du Haut conseil statuant sur les cas individuels, aux termes de laquelle cette formation a décidé d'engager une procédure de sanction à l'encontre de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes. Par la décision du 22 décembre 2023, la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes a, d'une part, estimé que la société RSM Rhône-Alpes et M. B... ont commis des fautes disciplinaires en certifiant que les comptes 2015, 2017 et 2018 de la société Efigest Asset Management étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'entité à la fin de l'exercice, alors qu'il ne résultait pas des dossiers d'audit qu'ils avaient communiqués qu'ils avaient obtenu l'assurance élevée que les comptes pris dans leur ensemble ne comportaient pas d'anomalies significatives, et a, d'autre part, prononcé à l'encontre de la société RSM Rhône-Alpes un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros et à l'encontre de M. B... un blâme et une sanction pécuniaire de 15 000 euros.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 824-8 du code de commerce, désormais transféré à l'article L. 821-77 du même code : " A l'issue de l'enquête et après avoir entendu la personne intéressée, le rapporteur général établit un rapport d'enquête qu'il adresse au Haut conseil. Lorsque les faits justifient l'engagement d'une procédure de sanction, le Haut conseil délibérant hors la présence des membres de la formation restreinte arrête les griefs qui sont notifiés par le rapporteur général à la personne intéressée. La notification expose les faits passibles de sanction. Elle est accompagnée des principaux éléments susceptibles de fonder les griefs. / La personne intéressée peut consulter le dossier et présenter ses observations. Elle peut se faire assister par un conseil de son choix à toutes les étapes de la procédure. / Le rapporteur général établit un rapport final qu'il adresse à la formation restreinte avec les observations de la personne intéressée ". Aux termes de l'article R. 824-10 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le Haut conseil est saisi par le rapporteur général du rapport d'enquête mentionné à l'article L. 824-8, son président convoque les membres du collège, hors les membres de la formation restreinte, afin de délibérer sur les suites à donner au rapport. / Le rapporteur général ou l'enquêteur en charge du dossier est entendu si le collège l'estime nécessaire. / Le collège délibère à la majorité des voix des membres présents ". L'article R. 824-11 du même code dispose, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le collège, dans la formation mentionnée à l'article précédent, considère que les faits sont susceptibles de justifier l'engagement d'une procédure de sanction, la lettre de notification des griefs mentionnée à l'article L. 824-8 informe la personne poursuivie qu'elle peut prendre connaissance du dossier et obtenir copie des pièces, le cas échéant par voie électronique, et qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 824-13 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Une copie de la notification des griefs accompagnée d'une copie du rapport d'enquête et du dossier d'enquête est transmise pour saisine par le rapporteur général au président de la formation restreinte dès son envoi à la personne poursuivie. / Le rapport final accompagné des observations de la personne poursuivie et de l'entier dossier est adressé par le rapporteur général au président de la formation restreinte. / Le rapporteur général adresse une copie du rapport final à la personne poursuivie, dans les conditions mentionnées à l'article R. 824-1 ".
4. Il résulte de l'instruction que la formation statuant sur les cas individuels du Haut conseil du commissariat aux comptes s'est réunie le 15 décembre 2022 pour délibérer sur le rapport d'enquête du rapporteur général relatif aux manquements reprochés aux requérants, puis qu'une décision n° 2023-003 FCI-E du 9 mars 2023 a été adressée à ces derniers, laquelle précisait annuler et remplacer une précédente décision n° 2022-023 FCI-E du 15 décembre 2022. Il est constant que la décision du 9 mars 2023 qui a été adressée aux requérants et transmise à la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes, fait état des mêmes faits et comporte les mêmes griefs que ceux retenus à l'issue de la délibération du 15 décembre 2022, en se bornant à ajouter le visa des normes d'exercice professionnel (NEP) 330 et 630 qui avait été mis dans la précédente version. Par suite, M. B... et la société RSM Rhône-Alpes ne sont pas fondés à soutenir que la saisine de la formation restreinte du Haut conseil du commissariat aux comptes serait entachée d'une irrégularité faute d'avoir été prise après une nouvelle délibération.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 823-9 du code de commerce, transféré à l'article L. 821-53 du même code : " Les commissaires aux comptes certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l'entité à la fin de cet exercice (...) ". L'article L. 823-10 du même code, transféré à l'article L. 821-54 dispose que : " I. - Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur ". Aux termes de l'article L. 821-13 du même code, devenu article L. 821-11 : " I. - Le commissaire aux comptes exerce sa mission conformément aux normes d'audit internationales adoptées par la Commission européenne dans les conditions définies par l'article 26 de la directive 2006/43/ CE du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/ CEE et 83/349/ CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/ CEE du Conseil, ainsi que, le cas échéant, aux normes françaises venant compléter ces normes adoptées selon les conditions fixées au troisième alinéa du présent article. / En l'absence de norme d'audit internationale adoptée par la Commission, il se conforme aux normes adoptées par la Haute autorité de l'audit et homologuées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (...) ".
6. D'autre part, la NEP 700, transcrite à l'article A. 821-92 du code de commerce, dispose que : " 08. Le commissaire aux comptes formule une certification sans réserve lorsque l'audit des comptes qu'il a mis en oeuvre lui a permis d'obtenir l'assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit, et qualifiée, par convention, d'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives ". L'article A. 821-73 du même code, transcrivant la NEP 330, dispose que : " 21. Indépendamment de l'évaluation du risque d'anomalies significatives, le commissaire aux comptes conçoit et met en oeuvre des contrôles de substance pour chaque catégorie d'opérations, solde de compte et information fournie dans l'annexe, dès lors qu'ils ont un caractère significatif. / (...) 25. Le commissaire aux comptes conclut sur le caractère suffisant et approprié des éléments collectés afin de réduire le risque d'audit à un niveau suffisamment faible pour obtenir l'assurance recherchée. Pour ce faire, le commissaire aux comptes tient compte à la fois des éléments qui confirment et de ceux qui contredisent le respect des assertions. / 26. Si le commissaire aux comptes n'a pas obtenu d'éléments suffisants et appropriés pour confirmer un élément significatif au niveau des comptes, il s'efforce d'obtenir des éléments complémentaires. S'il n'est pas en mesure de collecter des éléments suffisants et appropriés, il formule une opinion avec réserve ou une impossibilité de certifier ". L'article A. 821-72 du code de commerce, transcrivant la NEP 315 dispose que : " est significatif l'élément dont l'omission ou l'inexactitude est susceptible d'influencer les décisions économiques ou le jugement fondés sur les comptes ". Il définit également l'anomalie significative comme " information comptable ou financière inexacte, insuffisante ou omise, en raison d'erreurs ou de fraude, d'une importance telle que, seule ou cumulée avec d'autres, elle peut influencer le jugement de l'utilisateur d'une information comptable ou financière ". Ce même article dispose par ailleurs que : " 12. La prise de connaissance de l'entité permet au commissaire aux comptes de constituer un cadre de référence dans lequel il planifie son audit et exerce son jugement professionnel pour évaluer le risque d'anomalies significatives dans les comptes et répondre à ce risque tout au long de son audit. / 13. Le commissaire aux comptes prend connaissance : / - du secteur d'activité de l'entité, de son environnement réglementaire, notamment du référentiel comptable applicable, et d'autres facteurs externes tels que les conditions économiques générales ; / - des caractéristiques de l'entité qui permettent au commissaire aux comptes d'appréhender les catégories d'opérations, les soldes des comptes et les informations attendues dans l'annexe des comptes. Ces caractéristiques incluent notamment la nature de ses activités, la composition de son capital et de son gouvernement d'entreprise, sa politique d'investissement, son organisation et son financement ainsi que le choix des méthodes comptables appliquées ; / - des objectifs de l'entité et des stratégies mises en oeuvre pour les atteindre dans la mesure où ces objectifs pourront avoir des conséquences financières et, de ce fait, une incidence sur les comptes ; / - de la mesure et de l'analyse des indicateurs de performance financière de l'entité (...) ". L'article A. 821-70 du même code, transcrivant la NEP 320, dispose que : " 2. La présente norme a pour objet de définir les principes relatifs à l'application par le commissaire aux comptes de la notion de caractère significatif lors de la planification et de la réalisation de l'audit (...) " et définit le seuil de signification comme le " montant au-delà duquel les décisions économiques ou le jugement fondé sur les comptes sont susceptibles d'être influencés ". Cet article dispose également que : " 8. La notion de caractère significatif est appliquée par le commissaire aux comptes pour planifier et réaliser son audit ainsi que pour prendre en compte l'incidence des anomalies relevées sur l'audit et, le cas échéant, évaluer l'incidence des anomalies non corrigées sur les comptes. Elle est également appliquée par le commissaire aux comptes pour émettre son opinion sur les comptes. / 9. Le commissaire aux comptes met en oeuvre la notion de caractère significatif dans le contexte de l'audit des comptes en considérant non seulement le montant des anomalies mais aussi leur nature. Il prend également en compte les circonstances particulières de leur survenance : en effet, les circonstances entourant certaines anomalies peuvent amener le commissaire aux comptes à les juger significatives quand bien même leur montant ne le serait pas. / 10. La détermination du caractère significatif des anomalies relève du jugement professionnel du commissaire aux comptes et est influencée par sa perception des besoins d'informations financières des utilisateurs des comptes (...) ".
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que pour certifier que les comptes annuels d'une société sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'entité contrôlée à la fin de cet exercice, il appartient au commissaire aux comptes de vérifier les valeurs et les documents comptables de cette entité et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur. Dans ce cadre, il lui appartient notamment, indépendamment de l'évaluation du risque d'anomalies significatives, de mettre en oeuvre et de concevoir des contrôles de substance pour chaque catégorie d'opérations, solde de compte et information fournie dans l'annexe, dès lors qu'ils ont un caractère significatif. Si le commissaire aux comptes n'a pas obtenu d'éléments suffisants et appropriés pour confirmer un élément significatif au niveau des comptes, il lui appartient de s'efforcer d'obtenir des éléments complémentaires et, s'il n'est pas en mesure de collecter des éléments suffisants et appropriés, il formule une opinion avec réserve ou une impossibilité de certifier les comptes.
8. Il résulte de l'instruction que M. B... a défini des seuils d'appréciation du caractère significatif, respectivement à hauteur de 15 000, 14 000 et 13 000 euros pour la certification des comptes de 2015, 2017 et 2018. Tant le poste comptable " honoraires administratifs " que le poste " apport d'affaires " ont nettement excédé, sur ces trois exercices, les seuils ainsi définis. Il résulte de l'instruction que les dossiers d'audit remis par M. B... ne comprennent aucune indication sur la nature et l'étendue des diligences d'audit réalisées sur ces deux postes comptables, ni aucune appréciation sur les éventuels travaux que l'expert-comptable aurait effectués à leur sujet. M. B... s'est borné à vérifier, d'une part, s'agissant du poste " honoraires administratifs " et en particulier des prestations de services d'aides à la décision d'investissement et d'exécution (SADIE) facturées par la société Elamartia, que les montants comptabilisés dans la comptabilité de la société Efigest étaient également comptabilisés dans les comptes de la société Elamartia avec les factures associées, sans rechercher si des documents permettaient de justifier de la réalité des prestations rendues, ni si les montants facturés correspondaient aux stipulations de la convention conclue entre les parties. Il en résulte que les diligences entreprises par M. B... sur ces deux postes comptables ne permettent pas de conclure sur le respect des assertions relatives aux honoraires SADIE versées à la société Elamartia. D'autre part, s'agissant des commissions d'apports d'affaires, M. B... a entrepris les mêmes diligences, sans chercher à obtenir la convention mentionnée sur les factures adressées par Efigest à la société Elamartia, ni à comprendre les modalités de calcul des commissions et sans identifier et évaluer les contrôles associés permettant à Efigest de vérifier l'application de la convention. Il suit de là que c'est à bon droit que le Haut conseil du commissariat aux comptes a jugé caractérisé le manquement tiré de l'insuffisance des diligences entreprises par M. B... sur différents éléments de comptes de la société Efigest, sans qu'il y ait lieu pour la décision contestée de préciser les éléments susceptibles de laisser suspecter une anomalie significative. Par ailleurs, dès lors qu'en application de la NEP 315, transcrite à l'article A. 821-72 du code de commerce, le commissaire aux comptes doit, pour organiser son audit, prendre connaissance de l'entité contrôlée, notamment de son secteur d'activité et de son environnement réglementaire, c'est également à bon droit que la formation restreinte a relevé que la circonstance que la société Efigest opérait dans un secteur régulé constituait un motif de vigilance supplémentaire, sans faire de cette circonstance, par elle-même, un motif de caractérisation du manquement.
9. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 822-9 du code de commerce alors applicable, aujourd'hui repris à l'article L. 821-25 : " Dans les sociétés de commissaires aux comptes inscrites, les fonctions de commissaire aux comptes sont exercées, au nom de la société, par les commissaires aux comptes personnes physiques associés, actionnaires ou dirigeants de cette société qui signent le rapport destiné à l'organe appelé à statuer sur les comptes (...) ". Dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, l'article R. 822-61 du code de commerce, désormais transféré à l'article R. 821-110, dispose que : " Sous réserve des articles R. 822-62 et R. 822-63, les dispositions du chapitre IV relatives à la discipline des commissaires aux comptes sont applicables à la société et aux actionnaires ou associés. / La société peut faire l'objet de poursuites disciplinaires indépendamment de celles qui seraient intentées contre les actionnaires ou associés ". Pour l'application de ces dispositions et en raison de la responsabilité qui incombe aux sociétés de commissaires aux comptes de veiller, notamment au travers de l'organisation et du contrôle des interventions de leurs associés et salariés, au respect des devoirs de la profession, les manquements commis non seulement par les dirigeants et représentants de ces sociétés mais aussi par leurs associés et salariés sont de nature à leur être directement imputés en leur qualité de personnes morales, sans que soit méconnu le principe constitutionnel de la responsabilité personnelle, dès lors que ces associés et salariés ont agi dans le cadre de leurs fonctions et au nom de la société conformément à l'article L. 822-9 précité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la formation restreinte a jugé que dès lors que M. B... exerçait ses fonctions de commissaire aux comptes au nom de la société RSM Rhône-Alpes, et que la société ne pouvait par ailleurs exercer que par l'intermédiaire de ses associés personnes physiques ayant qualité pour exercer la profession de commissaire aux comptes, les manquements disciplinaires commis par les associés signataires dans le cadre de leurs fonctions étaient de nature à être directement imputés à la société au nom de laquelle sont exercées les fonctions de commissaires aux comptes, sans qu'il soit nécessaire de caractériser un manquement distinct de la société.
10. En quatrième lieu, s'il ne saurait interdire de fixer des règles assurant une répression effective des infractions, le principe de nécessité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
11. L'article L. 824-13 du code de commerce, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, désormais transféré à l'article L. 821-84, dispose que : " La décision du Haut conseil est publiée sur son site internet. Le cas échéant, elle est également rendue publique dans les publications, journaux ou supports que le Haut conseil désigne, dans un format de publication proportionné à la faute ou au manquement commis et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. / La décision est publiée sous forme anonyme dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : / 1° Lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne sanctionnée un préjudice grave et disproportionné, notamment, dans le cas d'une sanction infligée à une personne physique, lorsque la publication inclut des données personnelles ; / 2° Lorsque la publication serait de nature à perturber gravement la stabilité du système financier, de même que le déroulement d'une enquête ou d'un contrôle en cours ". L'article R. 824-22 du même code, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, désormais transféré à l'article R. 821-225, dispose que : " La décision est publiée sur le site internet du Haut conseil pour une durée qui ne peut être inférieure à cinq ans. Elle peut être rendue publique dans les conditions prévues à l'article L. 824-13 ". Si ces dispositions fixent le principe de la publication, pendant une durée minimale, de la décision de sanction sur le site internet du Haut conseil, notamment à des fins d'information des tiers, elles ouvrent néanmoins la possibilité à l'autorité compétente de prendre en compte des circonstances propres à chaque espèce et, soit, d'amplifier la publicité de la sanction, en étendant la durée d'affichage sur le site internet ou en la faisant publier dans divers supports, soit de la réduire en la publiant sous forme anonymisée lorsque la publication de la décision est susceptible de causer à la personne sanctionnée un préjudice grave et disproportionné. Par suite, sans qu'il y ait lieu, en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la validité des dispositions de l'article 30 quater de la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil, dont les articles L. 824-13 et R. 824-22 assurent la transposition, au regard de l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le moyen tiré de ce que ces dispositions du code de commerce méconnaîtraient le principe d'individualisation des peines doit être écarté.
12. En dernier lieu, il résulte des énonciations de la décision attaquée que la formation restreinte a décidé de la publication de la sanction non anonymisée sur le site internet du Haut conseil pour une durée de cinq ans, soit la durée minimale prévue par les dispositions citées au point précédent, sans la rendre publique sur d'autres supports. Eu égard aux manquements reprochés à M. B... et dès lors que celui-ci a cessé son activité de commissaire aux comptes en faisant valoir ses droits à la retraite, ces modalités de publicité de la sanction n'apparaissent pas de nature à causer au requérant un préjudice grave et disproportionné, de nature à justifier son anonymisation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de la société RSM Rhône Alpes la somme de 1 500 euros à verser chacun à la Haute autorité de l'audit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B... et de la société RSM Rhône-Alpes sont rejetées.
Article 2 : M. B... et la société RSM Rhône-Alpes verseront à la Haute autorité de l'audit une somme de 1 500 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société RSM Rhône-Alpes et à la Haute autorité de l'audit.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juin 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 8 juillet 2025.
La présidente :
Signé : Mme Isabelle de Silva
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Magalie Café