Conseil d'État
N° 505670
ECLI:FR:CEORD:2025:505670.20250709
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
YOUNES, avocats
Lecture du mercredi 9 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 24 avril 2025 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour insuffisance professionnelle pour une durée de dix-huit mois et l'a astreint à une obligation de formation consistant à suivre un enseignement et à obtenir un diplôme universitaire de remise à niveau en médecine générale du type DESIU (diplôme d'études supérieures inter universitaires) " des connaissances à la pratique quotidienne en médecine " et à suivre une formation de remise à niveau sous la forme d'un stage de 120 journées, ou 240 demi-journées, de stage chez un maître de stage des universités en médecine générale ;
2°) d'enjoindre à la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, d'une part, de notifier la décision d'annulation au conseil départemental de la Ville de Paris et au conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins ainsi qu'au directeur de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France et, d'autre part, d'informer la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et le directeur de la mutualité sociale agricole d'Ile-de-France de la présente annulation ;
3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, d'une part, le contraint à fermer son cabinet, entraînant une perte de chance d'un diagnostic ou d'un traitement pour sa patientèle en zone d'intervention prioritaire, notamment s'agissant des affections longues et, d'autre part, le prive de ses revenus professionnels ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas reçu de convocation afin d'assister et de faire valoir ses observations écrites ou orales à la séance de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre de médecins, en méconnaissance des articles R. 4224-3-1 et R. 4124-2-7 du code de la santé publique ;
- faute de comporter les éléments de fait et de droit lui permettant de connaître les raisons qui ont conduit à sa suspension, la décision est insuffisamment motivée et a été prise en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle méconnaît les droits de la défense et le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas pu utilement critiquer l'avis du collège d'experts et qu'il n'était pas assisté d'un avocat ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle a été prise en contradiction avec l'avis du collège d'experts, qui ne conclut pas à une insuffisance professionnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
3. Par une décision du 5 mai 2025, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a suspendu M. B..., médecin généraliste dont le cabinet est installé à Paris (19ème), du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois, en raison d'une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine par l'intéressé et l'a astreint à une obligation de formation consistant à suivre un enseignement et à obtenir un diplôme universitaire de remise à niveau en médecine générale.
4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache à la suspension de cette décision, M. B... fait état, d'une part, du nécessaire suivi de sa patientèle dont notamment une partie est prise en charge au titre d'une affection de longue durée et de la faible densité médicale dans l'arrondissement de Paris où il exerce, de la protection des droits sociaux de nombreux patients ainsi que, d'autre part, de la perte de ressources au regard de ses charges professionnelles et personnelles. Toutefois, la suspension temporaire de l'activité professionnelle de l'intéressé a été prise au regard de l'intérêt qui s'attache à la sauvegarde de la sécurité des patients, afin de l'obliger à suivre une remise à niveau. L'intéressé se borne à exposer des considérations générales concernant ses patients et leurs éventuelles difficultés à trouver un autre médecin traitant. Il n'apporte pas, en outre, d'éléments permettant d'apprécier concrètement la gravité des effets de la mesure sur sa situation compte tenu de la durée de la suspension et de son niveau de ressources antérieur. Dans ces conditions, il ne justifie pas, en l'état de l'instruction et alors, en outre, que la mesure contestée a été notifiée le 5 mai dernier, que son exécution porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public ou à sa situation. Dès lors, la condition d'urgence de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut pas être regardée comme satisfaite.
5. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'apprécier le sérieux des moyens allégués, de rejeter la requête de M. B..., y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en recourant à la procédure de l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.
Fait à Paris, le 9 juillet 2025
Signé : Olivier Yeznikian
N° 505670
ECLI:FR:CEORD:2025:505670.20250709
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
YOUNES, avocats
Lecture du mercredi 9 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision du 24 avril 2025 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins l'a suspendu du droit d'exercer la médecine pour insuffisance professionnelle pour une durée de dix-huit mois et l'a astreint à une obligation de formation consistant à suivre un enseignement et à obtenir un diplôme universitaire de remise à niveau en médecine générale du type DESIU (diplôme d'études supérieures inter universitaires) " des connaissances à la pratique quotidienne en médecine " et à suivre une formation de remise à niveau sous la forme d'un stage de 120 journées, ou 240 demi-journées, de stage chez un maître de stage des universités en médecine générale ;
2°) d'enjoindre à la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins, d'une part, de notifier la décision d'annulation au conseil départemental de la Ville de Paris et au conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des médecins ainsi qu'au directeur de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France et, d'autre part, d'informer la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et le directeur de la mutualité sociale agricole d'Ile-de-France de la présente annulation ;
3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée, d'une part, le contraint à fermer son cabinet, entraînant une perte de chance d'un diagnostic ou d'un traitement pour sa patientèle en zone d'intervention prioritaire, notamment s'agissant des affections longues et, d'autre part, le prive de ses revenus professionnels ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'a pas reçu de convocation afin d'assister et de faire valoir ses observations écrites ou orales à la séance de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre de médecins, en méconnaissance des articles R. 4224-3-1 et R. 4124-2-7 du code de la santé publique ;
- faute de comporter les éléments de fait et de droit lui permettant de connaître les raisons qui ont conduit à sa suspension, la décision est insuffisamment motivée et a été prise en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle méconnaît les droits de la défense et le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas pu utilement critiquer l'avis du collège d'experts et qu'il n'était pas assisté d'un avocat ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle a été prise en contradiction avec l'avis du collège d'experts, qui ne conclut pas à une insuffisance professionnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications apportées par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
3. Par une décision du 5 mai 2025, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a suspendu M. B..., médecin généraliste dont le cabinet est installé à Paris (19ème), du droit d'exercer la médecine pour une durée de dix-huit mois, en raison d'une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine par l'intéressé et l'a astreint à une obligation de formation consistant à suivre un enseignement et à obtenir un diplôme universitaire de remise à niveau en médecine générale.
4. Pour justifier de l'urgence qui s'attache à la suspension de cette décision, M. B... fait état, d'une part, du nécessaire suivi de sa patientèle dont notamment une partie est prise en charge au titre d'une affection de longue durée et de la faible densité médicale dans l'arrondissement de Paris où il exerce, de la protection des droits sociaux de nombreux patients ainsi que, d'autre part, de la perte de ressources au regard de ses charges professionnelles et personnelles. Toutefois, la suspension temporaire de l'activité professionnelle de l'intéressé a été prise au regard de l'intérêt qui s'attache à la sauvegarde de la sécurité des patients, afin de l'obliger à suivre une remise à niveau. L'intéressé se borne à exposer des considérations générales concernant ses patients et leurs éventuelles difficultés à trouver un autre médecin traitant. Il n'apporte pas, en outre, d'éléments permettant d'apprécier concrètement la gravité des effets de la mesure sur sa situation compte tenu de la durée de la suspension et de son niveau de ressources antérieur. Dans ces conditions, il ne justifie pas, en l'état de l'instruction et alors, en outre, que la mesure contestée a été notifiée le 5 mai dernier, que son exécution porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public ou à sa situation. Dès lors, la condition d'urgence de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut pas être regardée comme satisfaite.
5. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'apprécier le sérieux des moyens allégués, de rejeter la requête de M. B..., y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en recourant à la procédure de l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des médecins.
Fait à Paris, le 9 juillet 2025
Signé : Olivier Yeznikian