Conseil d'État
N° 490949
ECLI:FR:CECHR:2025:490949.20250710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Hortense Naudascher, rapporteure
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP BOULLEZ, avocats
Lecture du jeudi 10 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 et 29 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a décidé de le regarder comme une personnalité politique au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que le courrier du président de l'Arcom lui faisant part du rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à l'Arcom de retirer, dans les dix jours, sa décision de le regarder comme une personnalité politique ;
3°) de prononcer une astreinte de 150 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Hortense Naudascher, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 8 novembre 2023, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a décidé de regarder M. A... B... comme une personnalité politique au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Par une décision du 13 décembre 2023, portée à la connaissance de M. B... par un courrier signé par son président, l'Arcom a rejeté le recours gracieux de M. B... contre cette décision. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'Arcom du 8 novembre 2023 ainsi que du courrier du président de l'Arcom.
2. En premier lieu, le courrier par lequel le président de l'Arcom se borne à porter à la connaissance M. B... le rejet par l'Arcom le 13 décembre 2023 de son recours gracieux et les motifs de cette décision ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. L'ensemble des moyens dirigés contre ce courrier ne peuvent par suite qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ". L'article 3-1 de la même loi dispose que : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, autorité publique indépendante, garantit l'exercice de la liberté de communication au public par voie électronique, dans les conditions définies par la présente loi. / (...) L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l'article 1er de la présente loi. (...) / L'autorité peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. / Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique selon les conditions de périodicité et de format que l'autorité détermine. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ".
4. Par ces dispositions, le législateur a confié à l'autorité de régulation la mission d'assurer la garantie, dans les médias audiovisuels, de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensée et d'opinion, notamment politiques. Cette autorité est tenue d'exercer pleinement sa mission, en veillant au respect de cet objectif par les services de radio et de télévision selon des modalités qu'il lui incombe, en l'état de la législation, de déterminer. Elle dispose, à cette fin, d'un large pouvoir d'appréciation pour fixer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les règles propres à assurer une présentation équilibrée de l'ensemble du débat politique national. Elle est également compétente à ce titre pour se prononcer sur l'identification des personnes devant être regardées comme des personnalités politiques, au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, et devant faire l'objet à ce titre d'un décompte de leurs temps d'intervention, lequel est communiqué chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement.
5. Eu égard à l'objet de la décision par laquelle l'Arcom a décidé de le regarder comme une personnalité politique, laquelle vise à assurer le respect de l'exigence de pluralisme, comme à ses effets, en ce qu'elle ne remet pas en cause la possibilité pour la personnalité ainsi désignée de s'exprimer dans les médias audiovisuels, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'incompatibilité des dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, en application desquelles elle a été prise, avec la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En troisième lieu, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 avec le droit au travail protégé par l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne peut qu'être écarté, ces stipulations ne produisant, en tout état de cause, pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne.
7. En quatrième lieu, en estimant que M. B... pouvait être regardé comme une personnalité politique au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 précité, compte tenu de ce qu'il a exercé d'importantes responsabilités au sein de diverses formations politiques, qu'il participe activement au débat politique national, notamment par ses prises de position publiques régulières sur divers sujets d'actualité, qu'il a déclaré son intention de peser sur les échéances électorales à venir, et qu'il préside un cercle de réflexion se donnant pour but de " préparer l'alternance politique ", l'Arcom n'a pas entaché sa décision d'une inexacte qualification juridique.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions de l'Arcom qu'il attaque. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
N° 490949
ECLI:FR:CECHR:2025:490949.20250710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Hortense Naudascher, rapporteure
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP BOULLEZ, avocats
Lecture du jeudi 10 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 et 29 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 8 novembre 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a décidé de le regarder comme une personnalité politique au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que le courrier du président de l'Arcom lui faisant part du rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à l'Arcom de retirer, dans les dix jours, sa décision de le regarder comme une personnalité politique ;
3°) de prononcer une astreinte de 150 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Hortense Naudascher, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boullez, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 8 novembre 2023, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a décidé de regarder M. A... B... comme une personnalité politique au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Par une décision du 13 décembre 2023, portée à la connaissance de M. B... par un courrier signé par son président, l'Arcom a rejeté le recours gracieux de M. B... contre cette décision. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'Arcom du 8 novembre 2023 ainsi que du courrier du président de l'Arcom.
2. En premier lieu, le courrier par lequel le président de l'Arcom se borne à porter à la connaissance M. B... le rejet par l'Arcom le 13 décembre 2023 de son recours gracieux et les motifs de cette décision ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. L'ensemble des moyens dirigés contre ce courrier ne peuvent par suite qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ". L'article 3-1 de la même loi dispose que : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, autorité publique indépendante, garantit l'exercice de la liberté de communication au public par voie électronique, dans les conditions définies par la présente loi. / (...) L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique garantit l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information et des programmes qui y concourent, sous réserve de l'article 1er de la présente loi. (...) / L'autorité peut adresser aux éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle des recommandations relatives au respect des principes énoncés dans la présente loi. Ces recommandations sont publiées au Journal officiel de la République française ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. / Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique selon les conditions de périodicité et de format que l'autorité détermine. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ".
4. Par ces dispositions, le législateur a confié à l'autorité de régulation la mission d'assurer la garantie, dans les médias audiovisuels, de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensée et d'opinion, notamment politiques. Cette autorité est tenue d'exercer pleinement sa mission, en veillant au respect de cet objectif par les services de radio et de télévision selon des modalités qu'il lui incombe, en l'état de la législation, de déterminer. Elle dispose, à cette fin, d'un large pouvoir d'appréciation pour fixer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les règles propres à assurer une présentation équilibrée de l'ensemble du débat politique national. Elle est également compétente à ce titre pour se prononcer sur l'identification des personnes devant être regardées comme des personnalités politiques, au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, et devant faire l'objet à ce titre d'un décompte de leurs temps d'intervention, lequel est communiqué chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement.
5. Eu égard à l'objet de la décision par laquelle l'Arcom a décidé de le regarder comme une personnalité politique, laquelle vise à assurer le respect de l'exigence de pluralisme, comme à ses effets, en ce qu'elle ne remet pas en cause la possibilité pour la personnalité ainsi désignée de s'exprimer dans les médias audiovisuels, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'incompatibilité des dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986, en application desquelles elle a été prise, avec la liberté d'expression protégée par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En troisième lieu, le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 avec le droit au travail protégé par l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne peut qu'être écarté, ces stipulations ne produisant, en tout état de cause, pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne.
7. En quatrième lieu, en estimant que M. B... pouvait être regardé comme une personnalité politique au sens et pour l'application du second alinéa de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 précité, compte tenu de ce qu'il a exercé d'importantes responsabilités au sein de diverses formations politiques, qu'il participe activement au débat politique national, notamment par ses prises de position publiques régulières sur divers sujets d'actualité, qu'il a déclaré son intention de peser sur les échéances électorales à venir, et qu'il préside un cercle de réflexion se donnant pour but de " préparer l'alternance politique ", l'Arcom n'a pas entaché sa décision d'une inexacte qualification juridique.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions de l'Arcom qu'il attaque. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.