Conseil d'État
N° 492840
ECLI:FR:CECHR:2025:492840.20250710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Carole Hentzgen, rapporteure
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER;BALAT, avocats
Lecture du jeudi 10 juillet 2025
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 492840, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars, 24 juin, 4 octobre et 31 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours de Mme A... B..., l'a inscrite au tableau de cette section, à compter de cette même date, pour exercer en qualité de pharmacienne gérante de la pharmacie à usage intérieur de la clinique " Le Réconfort " à Saizy (Nièvre) ;
2°) de mettre à la charge solidaire du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 492900, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 24 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a inscrit Mme B... au tableau de la section H de l'ordre des pharmaciens pour exercer en qualité de pharmacienne gérante de la pharmacie à usage intérieur de la Clinique " Le Réconfort " ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2023-260 du 7 avril 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat du Conseil Central De La Section H De L'ordre National Des Pharmaciens, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et à Me Balat, avocat du syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires ;
Considérant ce qui suit :
1. Par des requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens et le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU) demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours hiérarchique de Mme B... contre la décision du conseil central de la section H du 13 décembre 2023, l'a inscrite au tableau de cette section.
Sur la recevabilité de la requête présentée par le SNPHPU :
2. Le SNPHPU, qui a pour objet, aux termes de ses statuts, la défense des intérêts professionnels des pharmaciens, des praticiens hospitaliers et des praticiens hospitaliers universitaires, justifie, eu égard à son objet social, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 4232-1 du code de la santé publique : " L'Ordre national des pharmaciens comporte sept sections dans lesquelles les pharmaciens sont répartis de la manière suivante : (...) Section H : pharmaciens exerçant dans les établissements de santé ou médico-sociaux (...) ". Aux termes de l'article L. 4222-4 du même code : " Après avoir examiné les titres et qualités du demandeur, le conseil régional de la section A ou le conseil central de la section B, C, D, E, G ou H de l'ordre soit accorde l'inscription au tableau, soit, si les garanties de compétence, de moralité et d'indépendance professionnelle ou les conditions prévues par la loi ne sont pas remplies, la refuse par une décision motivée écrite. (...) "
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5126-1 du code de la santé publique, relatif aux pharmacies à usage intérieur : " I. - Les pharmacies à usage intérieur répondent aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par l'établissement, service ou organisme dont elles relèvent, ou au sein d'un groupement hospitalier de territoire ou d'un groupement de coopération sanitaire dans lequel elles ont été constituées (...) ". L'article R. 5126-1 du même code fixe la liste des structures qui peuvent être autorisées à disposer d'une pharmacie à usage intérieur, au nombre desquelles les établissements de santé et plusieurs catégories d'établissements médico-sociaux, et l'article R. 5126-2 fixe les diplômes d'études spécialisées dont un pharmacien doit désormais, sauf dérogation, être titulaire pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur. Aux termes de ce dernier article dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, le pharmacien est titulaire soit : 1° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie hospitalière et des collectivités ; 2° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie industrielle et biomédicale ; 3° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie (...) ". Aux termes de l'article R. 5126-3 du même code : " I.- Par dérogation aux dispositions de l'article R. 5126-2, peut également exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, le pharmacien qui : / (...) 2° Après le 1er juin 2017 et jusqu'au 1er juin 2025 reprend un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur et justifie, à la date de la reprise, d'un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur, soit à temps plein soit à temps partiel, d'une durée équivalente à deux ans à temps plein sur la période des dix dernières années. II.- Les périodes de fonction en pharmacie à usage intérieur en qualité de faisant fonction d'interne, d'attaché associé, de praticien attaché associé ou d'assistant associé sont prises en compte au titre de la condition de durée minimale d'exercice de deux ans prévue aux 1° et 2° du I. "
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., d'une part, n'est pas titulaire d'un des diplômes d'études spécialisées exigé par les dispositions de l'article R. 5126-2 citées ci-dessus pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, et, d'autre part, ne remplit pas la condition dérogatoire prévue à l'article R. 5126-3 dès lors qu'elle ne justifie pas d'un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur d'une durée équivalente à deux ans à temps plein sur la période des dix dernières années.
6. Aux termes de l'article R. 1435-40 du code de la santé publique, issu du décret n° 2023-260 du 7 avril 2023 relatif au droit de dérogation du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) : " Le directeur général de l'agence régionale de santé peut déroger à des normes arrêtées par l'administration de l'Etat, prévues par le présent code ou par le code de l'action sociale et des familles, ou prises en application de l'un de ces deux codes, pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence dans les domaines suivants : / (...) 4° Les autorisations en matière de création et d'activités des établissements de santé, des installations mentionnées aux articles L. 6322-1 à L. 6322-3, ainsi que des établissements et services médico-sociaux mentionnés à l'article L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles (...) ". Aux termes de l'article R. 1435-41 du même code, qui fixe les conditions cumulatives dans lesquelles la compétence dérogatoire conférée au directeur général de l'ARS peut s'exercer : " La dérogation doit répondre aux conditions suivantes : / 1° Etre justifiée par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales ; / 2° Avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques et notamment aux financements accordés par l'agence régionale de santé ; / 3° Etre compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ; / 4° Ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou de la sécurité des personnes et des biens, à la qualité et à la sécurité des prises en charge, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé. "
7. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 20 juillet 2023, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 1435-40 citées au point précédent, le directeur général de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté a autorisé la pharmacie à usage intérieur de la Clinique " Le Réconfort ", établissement de santé placé sous son contrôle, " par dérogation aux articles R. 5126-2 et R. 5126-5 du code de la santé publique, (...) à fonctionner avec un pharmacien chargé de sa gérance ne répondant pas aux dispositions desdits articles (...) jusqu'au recrutement d'un pharmacien remplissant les conditions d'exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur (...) ". Pour contester la décision d'inscription de Mme B... au tableau de la section H, les requérants excipent de l'illégalité de cette décision.
8. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par la voie de l'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception d'illégalité n'est en outre recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. En l'espèce, dès lors que la décision du Conseil national de l'ordre des pharmaciens prononçant l'inscription de Mme B... au tableau de la section H pour exercer la gérance de la pharmacie à usage intérieur de la Clinique " Le Réconfort " se fonde nécessairement sur l'autorisation dérogatoire délivrée par le directeur général de l'ARS, laquelle a été prise spécialement, ainsi qu'il a été dit au point 7, en vue de permettre le recrutement d'un pharmacien chargé de la gérance de ce service sans justifier de l'ensemble des conditions requises, ces deux décisions forment ensemble une opération complexe. Par suite, l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de la décision du 20 juillet 2023 est recevable.
9. Les dispositions du 2° de l'article R. 1435-41 du code de la santé publique citées au point 6, si elles ouvrent la possibilité de déroger à des règles de forme ou de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques, ne sauraient permettre de s'affranchir de conditions de fond telles que celles posées par les dispositions citées au point 4 s'agissant de la possibilité pour un pharmacien d'exercer dans une pharmacie à usage intérieur. Par suite, la dérogation accordée à la pharmacie à usage intérieur de la clinique " Le Réconfort " par la décision du directeur général de l'ARS du 20 juillet 2023 afin de permettre le recrutement sans délai d'un pharmacien gérant, dans un contexte où toutes les démarches entreprises par la direction des ressources humaines de l'établissement pour recruter un pharmacien répondant aux conditions réglementaires sont restées infructueuses, n'entre pas dans le champ du 2° de l'article R. 1435-41 du code de la santé publique. Les requérants sont fondés à soutenir que cette décision est entachée, pour ce motif, d'illégalité.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que la décision 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a prononcé l'inscription de Mme B... au tableau de la section H, prise sur la base de la dérogation illégale du 20 juillet 2023, doit être annulée.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et de Mme B... les sommes que demandent le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens et le SNPHPU au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du 22 janvier 2024 du Conseil national de l'ordre des pharmaciens est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens, au syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers, au Conseil national de l'ordre des pharmaciens et à Mme A... B....
N° 492840
ECLI:FR:CECHR:2025:492840.20250710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Carole Hentzgen, rapporteure
M. Maxime Boutron, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER;BALAT, avocats
Lecture du jeudi 10 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 492840, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars, 24 juin, 4 octobre et 31 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours de Mme A... B..., l'a inscrite au tableau de cette section, à compter de cette même date, pour exercer en qualité de pharmacienne gérante de la pharmacie à usage intérieur de la clinique " Le Réconfort " à Saizy (Nièvre) ;
2°) de mettre à la charge solidaire du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et de Mme B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 492900, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mars et 24 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a inscrit Mme B... au tableau de la section H de l'ordre des pharmaciens pour exercer en qualité de pharmacienne gérante de la pharmacie à usage intérieur de la Clinique " Le Réconfort " ;
2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2023-260 du 7 avril 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Richard, avocat du Conseil Central De La Section H De L'ordre National Des Pharmaciens, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et à Me Balat, avocat du syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires ;
Considérant ce qui suit :
1. Par des requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens et le syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU) demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, sur recours hiérarchique de Mme B... contre la décision du conseil central de la section H du 13 décembre 2023, l'a inscrite au tableau de cette section.
Sur la recevabilité de la requête présentée par le SNPHPU :
2. Le SNPHPU, qui a pour objet, aux termes de ses statuts, la défense des intérêts professionnels des pharmaciens, des praticiens hospitaliers et des praticiens hospitaliers universitaires, justifie, eu égard à son objet social, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
Sur la légalité de la décision attaquée :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 4232-1 du code de la santé publique : " L'Ordre national des pharmaciens comporte sept sections dans lesquelles les pharmaciens sont répartis de la manière suivante : (...) Section H : pharmaciens exerçant dans les établissements de santé ou médico-sociaux (...) ". Aux termes de l'article L. 4222-4 du même code : " Après avoir examiné les titres et qualités du demandeur, le conseil régional de la section A ou le conseil central de la section B, C, D, E, G ou H de l'ordre soit accorde l'inscription au tableau, soit, si les garanties de compétence, de moralité et d'indépendance professionnelle ou les conditions prévues par la loi ne sont pas remplies, la refuse par une décision motivée écrite. (...) "
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5126-1 du code de la santé publique, relatif aux pharmacies à usage intérieur : " I. - Les pharmacies à usage intérieur répondent aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par l'établissement, service ou organisme dont elles relèvent, ou au sein d'un groupement hospitalier de territoire ou d'un groupement de coopération sanitaire dans lequel elles ont été constituées (...) ". L'article R. 5126-1 du même code fixe la liste des structures qui peuvent être autorisées à disposer d'une pharmacie à usage intérieur, au nombre desquelles les établissements de santé et plusieurs catégories d'établissements médico-sociaux, et l'article R. 5126-2 fixe les diplômes d'études spécialisées dont un pharmacien doit désormais, sauf dérogation, être titulaire pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur. Aux termes de ce dernier article dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, le pharmacien est titulaire soit : 1° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie hospitalière et des collectivités ; 2° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie industrielle et biomédicale ; 3° Du diplôme d'études spécialisées de pharmacie (...) ". Aux termes de l'article R. 5126-3 du même code : " I.- Par dérogation aux dispositions de l'article R. 5126-2, peut également exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, le pharmacien qui : / (...) 2° Après le 1er juin 2017 et jusqu'au 1er juin 2025 reprend un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur et justifie, à la date de la reprise, d'un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur, soit à temps plein soit à temps partiel, d'une durée équivalente à deux ans à temps plein sur la période des dix dernières années. II.- Les périodes de fonction en pharmacie à usage intérieur en qualité de faisant fonction d'interne, d'attaché associé, de praticien attaché associé ou d'assistant associé sont prises en compte au titre de la condition de durée minimale d'exercice de deux ans prévue aux 1° et 2° du I. "
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., d'une part, n'est pas titulaire d'un des diplômes d'études spécialisées exigé par les dispositions de l'article R. 5126-2 citées ci-dessus pour exercer au sein d'une pharmacie à usage intérieur, et, d'autre part, ne remplit pas la condition dérogatoire prévue à l'article R. 5126-3 dès lors qu'elle ne justifie pas d'un exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur d'une durée équivalente à deux ans à temps plein sur la période des dix dernières années.
6. Aux termes de l'article R. 1435-40 du code de la santé publique, issu du décret n° 2023-260 du 7 avril 2023 relatif au droit de dérogation du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) : " Le directeur général de l'agence régionale de santé peut déroger à des normes arrêtées par l'administration de l'Etat, prévues par le présent code ou par le code de l'action sociale et des familles, ou prises en application de l'un de ces deux codes, pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence dans les domaines suivants : / (...) 4° Les autorisations en matière de création et d'activités des établissements de santé, des installations mentionnées aux articles L. 6322-1 à L. 6322-3, ainsi que des établissements et services médico-sociaux mentionnés à l'article L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles (...) ". Aux termes de l'article R. 1435-41 du même code, qui fixe les conditions cumulatives dans lesquelles la compétence dérogatoire conférée au directeur général de l'ARS peut s'exercer : " La dérogation doit répondre aux conditions suivantes : / 1° Etre justifiée par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales ; / 2° Avoir pour effet d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques et notamment aux financements accordés par l'agence régionale de santé ; / 3° Etre compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ; / 4° Ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou de la sécurité des personnes et des biens, à la qualité et à la sécurité des prises en charge, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé. "
7. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 20 juillet 2023, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 1435-40 citées au point précédent, le directeur général de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté a autorisé la pharmacie à usage intérieur de la Clinique " Le Réconfort ", établissement de santé placé sous son contrôle, " par dérogation aux articles R. 5126-2 et R. 5126-5 du code de la santé publique, (...) à fonctionner avec un pharmacien chargé de sa gérance ne répondant pas aux dispositions desdits articles (...) jusqu'au recrutement d'un pharmacien remplissant les conditions d'exercice au sein d'une pharmacie à usage intérieur (...) ". Pour contester la décision d'inscription de Mme B... au tableau de la section H, les requérants excipent de l'illégalité de cette décision.
8. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par la voie de l'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception d'illégalité n'est en outre recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte. En l'espèce, dès lors que la décision du Conseil national de l'ordre des pharmaciens prononçant l'inscription de Mme B... au tableau de la section H pour exercer la gérance de la pharmacie à usage intérieur de la Clinique " Le Réconfort " se fonde nécessairement sur l'autorisation dérogatoire délivrée par le directeur général de l'ARS, laquelle a été prise spécialement, ainsi qu'il a été dit au point 7, en vue de permettre le recrutement d'un pharmacien chargé de la gérance de ce service sans justifier de l'ensemble des conditions requises, ces deux décisions forment ensemble une opération complexe. Par suite, l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de la décision du 20 juillet 2023 est recevable.
9. Les dispositions du 2° de l'article R. 1435-41 du code de la santé publique citées au point 6, si elles ouvrent la possibilité de déroger à des règles de forme ou de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques, ne sauraient permettre de s'affranchir de conditions de fond telles que celles posées par les dispositions citées au point 4 s'agissant de la possibilité pour un pharmacien d'exercer dans une pharmacie à usage intérieur. Par suite, la dérogation accordée à la pharmacie à usage intérieur de la clinique " Le Réconfort " par la décision du directeur général de l'ARS du 20 juillet 2023 afin de permettre le recrutement sans délai d'un pharmacien gérant, dans un contexte où toutes les démarches entreprises par la direction des ressources humaines de l'établissement pour recruter un pharmacien répondant aux conditions réglementaires sont restées infructueuses, n'entre pas dans le champ du 2° de l'article R. 1435-41 du code de la santé publique. Les requérants sont fondés à soutenir que cette décision est entachée, pour ce motif, d'illégalité.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, que la décision 22 janvier 2024 par laquelle le Conseil national de l'ordre des pharmaciens a prononcé l'inscription de Mme B... au tableau de la section H, prise sur la base de la dérogation illégale du 20 juillet 2023, doit être annulée.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pharmaciens et de Mme B... les sommes que demandent le conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens et le SNPHPU au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du 22 janvier 2024 du Conseil national de l'ordre des pharmaciens est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au conseil central de la section H de l'ordre national des pharmaciens, au syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers, au Conseil national de l'ordre des pharmaciens et à Mme A... B....