Conseil d'État
N° 494869
ECLI:FR:CECHR:2025:494869.20250710
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Alexandre Trémolière, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du jeudi 10 juillet 2025
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 494869, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juin et 5 septembre 2024 et le 21 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner avant-dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise destinée à objectiver les données économiques et financières relatives à l'appréciation du coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports (ART) ou de recueillir, sur le fondement de l'article R. 626-2 du même code, un avis technique afin de déterminer si la méthodologie mise en oeuvre par l'ART conduit à une sous-évaluation de ce coût ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ART n° 2023-052 du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports, ainsi que la note de présentation du traitement opéré dans les lignes directrices des éléments proposés dans la consultation publique relative à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports et l'application chiffrée illustrative à fin septembre 2023 publiés conjointement, ensemble la décision implicite par laquelle l'ART a rejeté son recours gracieux dirigé contre ces trois documents ;
3°) de mettre à la charge de l'ART une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 498095, par une requête sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 septembre, 24 décembre et 26 décembre 2024 ainsi que le 23 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner avant-dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise destinée à objectiver les données économiques et financières relatives à l'appréciation de son coût moyen pondéré du capital ou de recueillir, sur le fondement de l'article R. 626-2 du même code, un avis technique afin de déterminer si la méthodologie mise en oeuvre par l'ART conduit à une sous-évaluation de ce coût ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ART n° 2024-023 du 21 mars 2024 relative à la demande d'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er mai 2024, ainsi que la décision implicite par laquelle l'ART a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'ART de réexaminer sa proposition tarifaire dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'ART une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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3° Sous le n° 500666, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 21 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner avant-dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise destinée à objectiver les données économiques et financières relatives à l'appréciation de son coût moyen pondéré du capital ou de recueillir, sur le fondement de l'article R. 626-2 du même code, un avis technique afin de déterminer si la méthodologie mise en oeuvre par l'ART conduit à une sous-évaluation de ce coût ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ART n° 2024-054 du 11 juillet 2024 relative à la fixation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er septembre 2024, ainsi que la décision implicite par laquelle l'ART a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'ART de réexaminer sa proposition tarifaire dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'ART une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Celice, Texidor, Perier, avocat de la société Aéroports de Lyon ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 juin 2025, présentée par la société Aéroports de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Aéroports de Lyon, qui exploite les aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry, demande, sous le n° 494869, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'Autorité de régulation des transports (ART) du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant de sa compétence, ainsi que de la note de présentation du traitement opéré dans les lignes directrices des éléments proposés dans la consultation publique relative à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports et de l'application chiffrée illustrative à fin septembre 2023. Cette société demande également l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, sous le n° 498095, de la décision du 21 mars 2024 par laquelle l'ART, après avoir refusé une première fois d'homologuer la proposition de tarifs des redevances pour services rendus applicables à compter du 1er mai 2024, a refusé à nouveau d'homologuer la nouvelle proposition tarifaire qu'elle lui avait présentée en application du I de l'article L. 6327-2 et de l'article R. 6325-25 du code des transports et, d'autre part, sous le n° 500666, de la décision du 11 juillet 2024 par laquelle l'ART a, sur le fondement du III de l'article L. 6327-2 du même code, fixé les tarifs des redevances applicables aux aéroports de Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry à compter du 1er septembre 2024. La société Aéroports de Lyon demande enfin l'annulation des décisions par lesquelles l'ART a rejeté ses recours gracieux dirigés contre les trois décisions attaquées.
2. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le cadre juridique :
3. Aux termes de l'article L. 6325-1 du code des transports : " Les services publics aéroportuaires rendus sur les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus (...). / Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis sur un périmètre d'activités précisé par voie réglementaire pour chaque aérodrome, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital estimé à partir du modèle d'évaluation des actifs financiers, des données financières de marché disponibles et des paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service ". L'article R. 6325-20 du même code dispose : " L'exploitant d'aérodrome reçoit, compte tenu des éléments prévus par l'article R. 6325-19, une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur ce périmètre ".
4. Selon l'article L. 6327-1 du code des transports : " L'Autorité de régulation des transports est compétente pour les aérodromes dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l'une des cinq années civiles précédentes ainsi que pour les aérodromes faisant partie d'un système d'aérodromes au sens de l'article L. 6325-1 comprenant au moins un aérodrome dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l'une des cinq années civiles précédentes ". L'article L. 6327-2 du même code dispose : " I. - L'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l'article L. 6325-1 et leurs modulations, dans les délais et conditions prévus par voie réglementaire. / II. - Lorsque l'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs et leurs modulations, elle s'assure : / - du respect de la procédure de consultation des usagers fixée par voie réglementaire ; / - que les tarifs et leurs modulations respectent les règles générales applicables aux redevances et qu'ils sont non discriminatoires ; / - lorsqu'un contrat a été conclu en application de l'article L. 6325-2, du respect des conditions de l'évolution des tarifs prévues par le contrat ; / - en l'absence de contrat pris en application de l'article L. 6325-2, que l'exploitant d'aérodrome reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités mentionné à l'article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital calculé sur ce périmètre, que le produit global des redevances n'excède pas le coût des services rendus et que leur évolution, par rapport aux tarifs en vigueur, est modérée ". Aux termes de l'article L. 6327-3 du même code : " I. - En vue de l'élaboration d'un projet de contrat mentionné à l'article L. 6325-2, l'autorité compétente de l'Etat peut consulter l'Autorité de régulation des transports, qui émet un avis motivé sur un avant-projet de contrat dans un délai et des conditions prévus par voie réglementaire. / Dans son avis motivé, l'Autorité de régulation des transports se prononce notamment sur : (...) 2° Le coût moyen pondéré du capital retenu dans l'avant-projet de contrat ; (...). / L'autorité vérifie la juste rémunération des capitaux investis au regard des hypothèses d'investissement, de la qualité de service et de l'évolution des charges retenues dans l'avant-projet de contrat. (...) II. - Les projets de contrats mentionnés à l'article L. 6325-2 sont soumis à l'avis conforme de l'Autorité de régulation des transports dans un délai et des conditions prévus par voie réglementaire. / L'autorité se prononce sur : (...) 2° Le coût moyen pondéré du capital retenu par les parties au contrat ; (...). L'autorité vérifie la juste rémunération des capitaux investis au regard du programme d'investissements, des objectifs de qualité de service et des objectifs d'évolution des charges, tels qu'ils ont été retenus par les parties au contrat ".
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 novembre 2023 :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 6327-2 et L. 6327-3 du code des transports, citées au point 4, que l'ART doit, pour homologuer ou fixer le tarif des redevances aéroportuaires ou se prononcer sur l'avant-projet ou le projet de contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 6325-2 du même code, apprécier si l'exploitant reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre de ses activités régulées, en tenant compte en particulier du coût moyen pondéré du capital. Par la décision attaquée, l'ART a entendu déterminer et faire connaître à l'avance la méthodologie qu'elle entend mettre en oeuvre, sauf circonstances particulières, pour apprécier ce coût, sans ajouter à ces dispositions législatives. Eu égard aux prérogatives qu'elle tient des dispositions des articles L. 6327-2 et L. 6327-3 du code des transports, l'ART avait compétence pour ainsi établir, sous forme de lignes directrices, cette méthodologie. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'ART pour prendre la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. " Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont la faculté, pour concevoir une réforme ou élaborer un projet ou un acte qui relèvent de leur compétence, de procéder à la consultation du public, notamment sur un site internet. Lorsqu'une autorité administrative organise, sans y être tenue, une telle consultation, elle doit y procéder dans des conditions régulières. Il incombe en particulier à l'autorité administrative qui organise une consultation dans les cas qui relèvent de l'article L. 131-1 du code des relations du public et de l'administration d'en déterminer les règles d'organisation conformément aux dispositions de cet article et dans le respect des principes d'égalité et d'impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère. L'autorité administrative doit notamment mettre à disposition des personnes concernées une information claire et suffisante sur l'objet de la consultation et ses modalités afin de leur permettre de donner utilement leur opinion, leur laisser un délai raisonnable pour y participer et veiller à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. A l'issue d'une telle consultation, cette autorité n'est pas tenue de répondre aux observations formulées et conserve la faculté d'apporter au projet toutes les modifications qui lui paraissent utiles, quelle qu'en soit l'importance, sans être dans l'obligation de procéder à une nouvelle consultation.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'avant d'adopter les lignes directrices litigieuses, l'ART a mené une consultation publique du 18 avril au 18 juin 2023, en mettant à disposition un document intitulé " Appréciation des niveaux de CMPC des périmètres régulés des aéroports " qui exposait l'objet de la consultation, les différentes options soumises dans le cadre de celle-ci ainsi que celles qu'elle privilégiait et les conséquences découlant de chacune d'entre elles. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ART, qui n'était pas tenue de mettre à disposition du public l'ensemble des documents à partir desquels elle avait élaboré le document soumis à la consultation, n'aurait pas mis à la disposition des personnes concernées une information suffisante afin de leur permettre de donner utilement leur opinion. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'ART conservait la faculté d'apporter au projet, après consultation, toutes les modifications qui lui paraissaient utiles. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté, ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance par cette procédure des objectifs du paragraphe 5 de l'article 6 de la directive 2009/12/CE sur les redevances aéroportuaires, qui visent à ce que, lorsqu'il existe dans le droit national une procédure obligatoire d'approbation des redevances aéroportuaires, les procédures, conditions et critères appliqués soient transparents.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Il résulte des dispositions de l'article L. 6325-1 et du II de l'article L. 6327-2 du code des transports, citées aux points 3 et 4, qu'il appartient à l'ART, lorsqu'elle homologue ou fixe le tarif des redevances aéroportuaires perçues par l'exploitant d'un aérodrome qui n'a pas conclu un contrat de régulation économique, de permettre à cet exploitant de recevoir une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre des activités régulées. A cette fin, elle doit estimer le coût moyen pondéré du capital à partir du modèle d'évaluation des actifs financiers, des données financières de marché disponibles et des paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables.
9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée se fonde sur le modèle d'évaluation des actifs financiers mentionné à l'article L. 6325-1 du code des transports et qu'elle précise, pour chacun des paramètres de ce modèle, les données que l'Autorité entend prendre en compte. Pour apprécier le taux sans risque, l'ART retient comme référence la moyenne historique, sur une période de cinq ans des rendements des obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans, en se réservant la possibilité de tenir compte de la moyenne des taux d'emprunt sur une période d'un an lorsque les conditions historiques divergent significativement des conditions de marché de très court terme ou anticipées, et en procédant à des contrôles de cohérence qui prennent notamment en compte les taux à terme. En ce qui concerne la détermination de la prime de risque de marché, il ressort des pièces du dossier que le choix de se fonder sur des données historiques de marché sur une très longue période et la source de ces données, retenus par l'Autorité, sont communs à de nombreux régulateurs économiques européens et que le recours à la moyenne des moyennes arithmétique et géométrique permet de limiter les incidences des différences d'approche envisageables pour le calcul de ce paramètre. En outre, les lignes directrices litigieuses énoncent les critères retenus pour établir un échantillon d'opérateurs comparables afin de déterminer le " bêta des fonds propres ", qui correspond à la sensibilité de la valeur de l'actif par rapport aux fluctuations du marché des actions, sans que la requérante ne conteste sérieusement ni les critères retenus ni leur inexacte application. Il ressort des pièces du dossier que, ce faisant et en l'absence d'aérodromes présentant des caractéristiques identiques, l'ART a entendu intégrer dans la mise en oeuvre du modèle d'évaluation des actifs financiers, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 6325-1 du code des transports, les paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables. Enfin, si la société requérante soutient que, pour déterminer le coût de la dette et le levier financier, l'ART aurait dû écarter l'approche normative, fondée sur les rendements historiques d'obligations d'entreprises ayant un profil de risque comparable et sur les leviers observés sur un échantillon d'aéroports comparables, au profit d'une approche effective, fondée sur ses coûts d'endettement et sur son levier financier réels, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'approche, classique en matière de régulation économique, retenue par l'Autorité, vise à refléter le coût représentatif d'une stratégie d'endettement efficace, et, d'autre part, il ressort des termes de la décision attaquée que, dans l'hypothèse où les taux effectifs de la dette de l'opérateur seraient significativement plus élevés que ceux estimés à partir des données de marché, une estimation du coût effectif de la dette pourrait être prise en compte, après une analyse spécifique de ses besoins de financement.
10. En retenant de telles modalités de calcul des différents paramètres du modèle d'évaluation des actifs financiers pour la détermination du coût moyen pondéré du capital, l'Autorité a entendu déterminer, conformément aux dispositions du code des transports citées aux points 3 et 4, le coût moyen pondéré du capital de manière à permettre, sur le périmètre régulé de chaque opérateur, une juste rémunération des capitaux investis. La société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'Autorité aurait, ce faisant, entaché ses lignes directrices d'illégalité. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la méthode retenue pour la fixation du coût moyen pondéré du capital serait illégale en ce qu'elle aurait pour effet, en combinant ces différents paramètres, de le sous-estimer, ni qu'elle méconnaîtrait les principes et les règles applicables aux redevances pour services rendus.
11. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que la décision attaquée serait intervenue tardivement au regard de la date à laquelle elle a convoqué la commission consultative économique compétente pour les aérodromes qu'elle gère en vue de l'examen de la nouvelle proposition tarifaire qu'elle entendait appliquer à partir du 1er mai 2024, la société requérante n'apporte, en tout état de cause, pas d'éléments de nature à établir que l'absence de dispositions transitoires dans les lignes directrices litigieuses conduirait à méconnaître le principe de sécurité juridique. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. Enfin, la société requérante ne peut utilement soutenir que les lignes directrices attaquées méconnaîtraient le principe d'intelligibilité de la norme, ni, en tout état de cause, que la décision litigieuse méconnaîtrait les objectifs de l'article 7 de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 21 mars 2024 :
En ce qui concerne la légalité externe :
13. La décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 1261-2 du code des transports. Par suite, la société requérante, qui ne peut utilement soutenir à cet égard que la décision litigieuse méconnaîtrait les objectifs de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait insuffisamment motivée.
En ce qui concerne la légalité interne :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société Aéroports de Lyon n'est, en tout état de cause, pas fondée, pour demander l'annulation de la décision du 21 mars 2024, à se prévaloir de l'illégalité de la décision du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports.
15. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si la décision du 9 novembre 2023 a été publiée le 4 décembre 2023 sur le site internet de l'ART, la société requérante n'avait, à cette date, déposé aucune demande d'homologation de ses nouveaux tarifs auprès de l'Autorité. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que ces lignes directrices auraient été appliquées à une procédure d'homologation en cours ne peut qu'être écarté.
16. En troisième lieu, il ressort des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 6325-1 et du II de l'article L. 6327-2 du code des transports, citées aux points 3 et 4, que, lorsqu'elle homologue les tarifs des redevances aéroportuaires qui lui sont soumis par le gestionnaire d'aérodromes qui n'a pas conclu avec l'Etat le contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 6325-2 du même code, il appartient à l'ART de permettre la juste rémunération des capitaux investis par ce gestionnaire sur le périmètre régulé et, à cet effet, d'apprécier, au regard des données disponibles, le coût moyen pondéré du capital afin de se prononcer sur le niveau des tarifs des redevances pour services rendus qui seront applicables au cours de la période tarifaire annuelle concernée. Dès lors, la société Aéroports de Lyon ne peut sérieusement soutenir qu'en refusant d'homologuer les tarifs qu'elle lui avait présentés au motif que sa proposition reposait sur un taux de rémunération des capitaux investis supérieur au coût moyen pondéré du capital, l'ART aurait méconnu ces dispositions du code des transports, les règles relatives aux redevances pour service rendu ou les principes de continuité et de mutabilité du service public.
17. En dernier lieu, pour refuser d'homologuer la proposition tarifaire de la société Aéroports de Lyon, l'ART a relevé que cette proposition n'était pas de nature à assurer une juste rémunération des capitaux investis dès lors qu'elle reposait sur un niveau du taux de retour sur les capitaux investis, par ailleurs sous-estimé, supérieur au coût moyen pondéré du capital, qui était en outre surestimé. Elle a en outre retenu que le taux de retour sur les capitaux investis s'était établi, pour le périmètre régulé, à plus de 15 % pour l'exercice 2022 et était estimé à un niveau comparable pour 2023. Il ressort des pièces du dossier que, si la société Aéroports de Lyon soutient que ces appréciations sont inexactes, elle se borne à critiquer les principes méthodologiques retenus par l'Autorité pour déterminer le coût moyen pondéré du capital et porter une appréciation sur le taux de rémunération des capitaux investis, notamment le fait d'avoir procédé à une évaluation au regard des seules données relatives à la période tarifaire concernée sans tenir compte des effets de la crise sanitaire, et ne conteste pas les circonstances énoncées par la décision litigieuse qui fondent l'appréciation par l'ART du taux de retour des capitaux investis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'ART en refusant d'homologuer la proposition tarifaire ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 juillet 2024 :
En ce qui concerne la légalité externe :
18. En premier lieu, aucune disposition du code des transports n'impose à l'ART, lorsqu'elle fixe le tarif des redevances aéroportuaires en application du III de l'article L. 6527-2 de ce code, de recueillir l'avis de la commission consultative économique de l'aérodrome. Par suite, la société Aéroports de Lyon ne peut utilement soutenir que l'ART aurait, en organisant une consultation préalablement à l'adoption de sa décision, méconnu les dispositions des articles R. 6325-18 et D. 6325-75 du code des transports ou, en tout état de cause, les objectifs de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009.
19. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant d'adopter la décision attaquée, l'ART a procédé à une consultation des usagers des aéroports concernés du 28 mai au 14 juin 2024 et que, outre la méthodologie publiée par l'Autorité qui exposait les critères de fixation du coût moyen pondéré du capital au sein de la fourchette résultant de la mise en oeuvre des différents paramètres énoncés dans ses lignes directrices, les documents accompagnant cette consultation précisaient l'ensemble des éléments de fait et de droit que l'ART entendait prendre en compte. De plus, à l'issue de la consultation, l'Autorité a modifié plusieurs éléments de la décision envisagée afin de tenir compte des observations recueillies. Par suite, la société Aéroports de Lyon n'est pas fondée à soutenir que l'ART aurait, en fixant les tarifs des redevances, méconnu les dispositions de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration.
En ce qui concerne la légalité interne :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les moyens tirés de l'illégalité de la décision du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'ART ne peuvent qu'être écartés. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 et 17 que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation qui auraient été commises par cette Autorité en déterminant le niveau des redevances au regard d'une juste rémunération des capitaux investis appréciée en s'assurant que, pour la prochaine période tarifaire, le taux de retour sur les capitaux investis soit égal au coût moyen pondéré du capital, doivent de même être écartés.
21. En deuxième lieu, la société Aéroport de Lyon soutient que la fixation des redevances aéroportuaires par l'ART serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation à raison de la sous-évaluation du coût moyen pondéré du capital et de la surévaluation du taux de retour sur les capitaux investis.
22. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, pour fixer à 4,9 % le coût moyen pondéré du capital au sein du périmètre régulé des aérodromes gérés par la société Aéroports de Lyon, l'ART a fixé le taux sans risque, le coût de la dette, le levier financier, la prime de risque de marché, le " bêta des fonds propres " et le coût des fonds propres en appliquant les principes et en utilisant les données mentionnées dans sa méthodologie. Si la société requérante critique la manière dont chacun de ces indicateurs a été déterminé, elle se borne à contester les choix méthodologiques de l'Autorité, sans remettre en cause la manière dont ils ont été mis en oeuvre, ni établir que les données financières utilisées seraient erronées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'ART en fixant le coût moyen pondéré du capital au sein du périmètre régulé des aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry doit être écarté.
23. D'autre part, si la société Aéroports de Lyon soutient que la décision litigieuse repose, pour évaluer le taux de retour sur les capitaux investis, sur des prévisions de trafic et de revenus des parcs de stationnement ainsi que sur une estimation de la réalisation des investissements erronées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle elle a adopté la décision attaquée, l'ART aurait procédé à des appréciations manifestement inexactes. Par suite, le moyen doit être écarté.
24. En troisième lieu, pour la prise en compte dans le tarif des redevances aéroportuaires, prévue au deuxième alinéa de l'article L. 6325-1 du code des transports, des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service, l'article R. 6325-13 du même code dispose : " Peuvent être prises en compte pour la détermination du montant des redevances, outre les dépenses correspondant à des investissements déjà réalisés, les dépenses engagées pour la construction d'infrastructures ou d'installations aéroportuaires. / Lorsque leur importance le justifie et dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile, peuvent également être prises en compte pour la détermination du montant des redevances des dépenses futures liées à la construction de certaines infrastructures ou installations dont le début des travaux est prévu dans un délai maximal de cinq ans. La personne chargée de la fixation des tarifs des redevances prévue par l'article R. 6325-17 identifie préalablement l'opération, précise son coût prévisionnel, la programmation des travaux correspondants et l'échéance de la mise en service. Elle réalise une étude sur l'impact économique prévisionnel d'un tel dispositif tarifaire pour les usagers et pour l'aérodrome ".
25. En vue de préfinancer, en dépit de la baisse du tarif des redevances, une partie du projet de réaménagement du terminal 2 de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry et de sa jetée dont la mise en service est prévue en 2026, l'ART a, par la décision litigieuse, en application des dispositions citées au point précédent, instauré une redevance temporaire de préfinancement dont le montant prévisionnel pour la période tarifaire 2024-2025 était estimé à 12,7 millions d'euros. D'une part, si la société Aéroports de Lyon soutient qu'en instaurant cette redevance, l'ART aurait méconnu les principes relatifs à la détermination du montant des redevances pour service rendu, le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en instaurant, pour cette finalité et selon ces modalités mentionnées, une redevance temporaire de préfinancement l'Autorité, qui n'était pas tenue d'assurer au cours de la période tarifaire concernée le préfinancement de l'intégralité des investissements envisagés, aurait, au regard du montant total de ces investissements, commis une erreur manifeste d'appréciation.
26. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'ART à l'encontre de la requête n° 494869, ni d'ordonner une expertise en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ou de recueillir un avis technique en application des dispositions de l'article R. 626-2 du même code, les requêtes présentées par la société Aéroports de Lyon doivent être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la société Aéroports de Lyon sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroports de Lyon et à l'Autorité de régulation des transports.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 juin 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 10 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard
N° 494869
ECLI:FR:CECHR:2025:494869.20250710
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Alexandre Trémolière, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du jeudi 10 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 494869, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juin et 5 septembre 2024 et le 21 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner avant-dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise destinée à objectiver les données économiques et financières relatives à l'appréciation du coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports (ART) ou de recueillir, sur le fondement de l'article R. 626-2 du même code, un avis technique afin de déterminer si la méthodologie mise en oeuvre par l'ART conduit à une sous-évaluation de ce coût ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ART n° 2023-052 du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports, ainsi que la note de présentation du traitement opéré dans les lignes directrices des éléments proposés dans la consultation publique relative à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports et l'application chiffrée illustrative à fin septembre 2023 publiés conjointement, ensemble la décision implicite par laquelle l'ART a rejeté son recours gracieux dirigé contre ces trois documents ;
3°) de mettre à la charge de l'ART une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 498095, par une requête sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 septembre, 24 décembre et 26 décembre 2024 ainsi que le 23 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner avant-dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise destinée à objectiver les données économiques et financières relatives à l'appréciation de son coût moyen pondéré du capital ou de recueillir, sur le fondement de l'article R. 626-2 du même code, un avis technique afin de déterminer si la méthodologie mise en oeuvre par l'ART conduit à une sous-évaluation de ce coût ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ART n° 2024-023 du 21 mars 2024 relative à la demande d'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er mai 2024, ainsi que la décision implicite par laquelle l'ART a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'ART de réexaminer sa proposition tarifaire dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'ART une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le n° 500666, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 janvier et 21 mai 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Aéroports de Lyon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner avant-dire droit, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, une expertise destinée à objectiver les données économiques et financières relatives à l'appréciation de son coût moyen pondéré du capital ou de recueillir, sur le fondement de l'article R. 626-2 du même code, un avis technique afin de déterminer si la méthodologie mise en oeuvre par l'ART conduit à une sous-évaluation de ce coût ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'ART n° 2024-054 du 11 juillet 2024 relative à la fixation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint Exupéry à compter du 1er septembre 2024, ainsi que la décision implicite par laquelle l'ART a rejeté son recours gracieux dirigé contre cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'ART de réexaminer sa proposition tarifaire dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'ART une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Celice, Texidor, Perier, avocat de la société Aéroports de Lyon ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 juin 2025, présentée par la société Aéroports de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Aéroports de Lyon, qui exploite les aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry, demande, sous le n° 494869, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'Autorité de régulation des transports (ART) du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant de sa compétence, ainsi que de la note de présentation du traitement opéré dans les lignes directrices des éléments proposés dans la consultation publique relative à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports et de l'application chiffrée illustrative à fin septembre 2023. Cette société demande également l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, sous le n° 498095, de la décision du 21 mars 2024 par laquelle l'ART, après avoir refusé une première fois d'homologuer la proposition de tarifs des redevances pour services rendus applicables à compter du 1er mai 2024, a refusé à nouveau d'homologuer la nouvelle proposition tarifaire qu'elle lui avait présentée en application du I de l'article L. 6327-2 et de l'article R. 6325-25 du code des transports et, d'autre part, sous le n° 500666, de la décision du 11 juillet 2024 par laquelle l'ART a, sur le fondement du III de l'article L. 6327-2 du même code, fixé les tarifs des redevances applicables aux aéroports de Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry à compter du 1er septembre 2024. La société Aéroports de Lyon demande enfin l'annulation des décisions par lesquelles l'ART a rejeté ses recours gracieux dirigés contre les trois décisions attaquées.
2. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur le cadre juridique :
3. Aux termes de l'article L. 6325-1 du code des transports : " Les services publics aéroportuaires rendus sur les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus (...). / Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis sur un périmètre d'activités précisé par voie réglementaire pour chaque aérodrome, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital estimé à partir du modèle d'évaluation des actifs financiers, des données financières de marché disponibles et des paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service ". L'article R. 6325-20 du même code dispose : " L'exploitant d'aérodrome reçoit, compte tenu des éléments prévus par l'article R. 6325-19, une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur ce périmètre ".
4. Selon l'article L. 6327-1 du code des transports : " L'Autorité de régulation des transports est compétente pour les aérodromes dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l'une des cinq années civiles précédentes ainsi que pour les aérodromes faisant partie d'un système d'aérodromes au sens de l'article L. 6325-1 comprenant au moins un aérodrome dont le trafic annuel a dépassé cinq millions de passagers lors de l'une des cinq années civiles précédentes ". L'article L. 6327-2 du même code dispose : " I. - L'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs des redevances pour services rendus mentionnées à l'article L. 6325-1 et leurs modulations, dans les délais et conditions prévus par voie réglementaire. / II. - Lorsque l'Autorité de régulation des transports homologue les tarifs et leurs modulations, elle s'assure : / - du respect de la procédure de consultation des usagers fixée par voie réglementaire ; / - que les tarifs et leurs modulations respectent les règles générales applicables aux redevances et qu'ils sont non discriminatoires ; / - lorsqu'un contrat a été conclu en application de l'article L. 6325-2, du respect des conditions de l'évolution des tarifs prévues par le contrat ; / - en l'absence de contrat pris en application de l'article L. 6325-2, que l'exploitant d'aérodrome reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre d'activités mentionné à l'article L. 6325-1, appréciée au regard du coût moyen pondéré du capital calculé sur ce périmètre, que le produit global des redevances n'excède pas le coût des services rendus et que leur évolution, par rapport aux tarifs en vigueur, est modérée ". Aux termes de l'article L. 6327-3 du même code : " I. - En vue de l'élaboration d'un projet de contrat mentionné à l'article L. 6325-2, l'autorité compétente de l'Etat peut consulter l'Autorité de régulation des transports, qui émet un avis motivé sur un avant-projet de contrat dans un délai et des conditions prévus par voie réglementaire. / Dans son avis motivé, l'Autorité de régulation des transports se prononce notamment sur : (...) 2° Le coût moyen pondéré du capital retenu dans l'avant-projet de contrat ; (...). / L'autorité vérifie la juste rémunération des capitaux investis au regard des hypothèses d'investissement, de la qualité de service et de l'évolution des charges retenues dans l'avant-projet de contrat. (...) II. - Les projets de contrats mentionnés à l'article L. 6325-2 sont soumis à l'avis conforme de l'Autorité de régulation des transports dans un délai et des conditions prévus par voie réglementaire. / L'autorité se prononce sur : (...) 2° Le coût moyen pondéré du capital retenu par les parties au contrat ; (...). L'autorité vérifie la juste rémunération des capitaux investis au regard du programme d'investissements, des objectifs de qualité de service et des objectifs d'évolution des charges, tels qu'ils ont été retenus par les parties au contrat ".
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 novembre 2023 :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 6327-2 et L. 6327-3 du code des transports, citées au point 4, que l'ART doit, pour homologuer ou fixer le tarif des redevances aéroportuaires ou se prononcer sur l'avant-projet ou le projet de contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 6325-2 du même code, apprécier si l'exploitant reçoit une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre de ses activités régulées, en tenant compte en particulier du coût moyen pondéré du capital. Par la décision attaquée, l'ART a entendu déterminer et faire connaître à l'avance la méthodologie qu'elle entend mettre en oeuvre, sauf circonstances particulières, pour apprécier ce coût, sans ajouter à ces dispositions législatives. Eu égard aux prérogatives qu'elle tient des dispositions des articles L. 6327-2 et L. 6327-3 du code des transports, l'ART avait compétence pour ainsi établir, sous forme de lignes directrices, cette méthodologie. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'ART pour prendre la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. " Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont la faculté, pour concevoir une réforme ou élaborer un projet ou un acte qui relèvent de leur compétence, de procéder à la consultation du public, notamment sur un site internet. Lorsqu'une autorité administrative organise, sans y être tenue, une telle consultation, elle doit y procéder dans des conditions régulières. Il incombe en particulier à l'autorité administrative qui organise une consultation dans les cas qui relèvent de l'article L. 131-1 du code des relations du public et de l'administration d'en déterminer les règles d'organisation conformément aux dispositions de cet article et dans le respect des principes d'égalité et d'impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère. L'autorité administrative doit notamment mettre à disposition des personnes concernées une information claire et suffisante sur l'objet de la consultation et ses modalités afin de leur permettre de donner utilement leur opinion, leur laisser un délai raisonnable pour y participer et veiller à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics. A l'issue d'une telle consultation, cette autorité n'est pas tenue de répondre aux observations formulées et conserve la faculté d'apporter au projet toutes les modifications qui lui paraissent utiles, quelle qu'en soit l'importance, sans être dans l'obligation de procéder à une nouvelle consultation.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'avant d'adopter les lignes directrices litigieuses, l'ART a mené une consultation publique du 18 avril au 18 juin 2023, en mettant à disposition un document intitulé " Appréciation des niveaux de CMPC des périmètres régulés des aéroports " qui exposait l'objet de la consultation, les différentes options soumises dans le cadre de celle-ci ainsi que celles qu'elle privilégiait et les conséquences découlant de chacune d'entre elles. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ART, qui n'était pas tenue de mettre à disposition du public l'ensemble des documents à partir desquels elle avait élaboré le document soumis à la consultation, n'aurait pas mis à la disposition des personnes concernées une information suffisante afin de leur permettre de donner utilement leur opinion. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'ART conservait la faculté d'apporter au projet, après consultation, toutes les modifications qui lui paraissaient utiles. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté, ainsi que, en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance par cette procédure des objectifs du paragraphe 5 de l'article 6 de la directive 2009/12/CE sur les redevances aéroportuaires, qui visent à ce que, lorsqu'il existe dans le droit national une procédure obligatoire d'approbation des redevances aéroportuaires, les procédures, conditions et critères appliqués soient transparents.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Il résulte des dispositions de l'article L. 6325-1 et du II de l'article L. 6327-2 du code des transports, citées aux points 3 et 4, qu'il appartient à l'ART, lorsqu'elle homologue ou fixe le tarif des redevances aéroportuaires perçues par l'exploitant d'un aérodrome qui n'a pas conclu un contrat de régulation économique, de permettre à cet exploitant de recevoir une juste rémunération des capitaux investis sur le périmètre des activités régulées. A cette fin, elle doit estimer le coût moyen pondéré du capital à partir du modèle d'évaluation des actifs financiers, des données financières de marché disponibles et des paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables.
9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée se fonde sur le modèle d'évaluation des actifs financiers mentionné à l'article L. 6325-1 du code des transports et qu'elle précise, pour chacun des paramètres de ce modèle, les données que l'Autorité entend prendre en compte. Pour apprécier le taux sans risque, l'ART retient comme référence la moyenne historique, sur une période de cinq ans des rendements des obligations assimilables du Trésor (OAT) à dix ans, en se réservant la possibilité de tenir compte de la moyenne des taux d'emprunt sur une période d'un an lorsque les conditions historiques divergent significativement des conditions de marché de très court terme ou anticipées, et en procédant à des contrôles de cohérence qui prennent notamment en compte les taux à terme. En ce qui concerne la détermination de la prime de risque de marché, il ressort des pièces du dossier que le choix de se fonder sur des données historiques de marché sur une très longue période et la source de ces données, retenus par l'Autorité, sont communs à de nombreux régulateurs économiques européens et que le recours à la moyenne des moyennes arithmétique et géométrique permet de limiter les incidences des différences d'approche envisageables pour le calcul de ce paramètre. En outre, les lignes directrices litigieuses énoncent les critères retenus pour établir un échantillon d'opérateurs comparables afin de déterminer le " bêta des fonds propres ", qui correspond à la sensibilité de la valeur de l'actif par rapport aux fluctuations du marché des actions, sans que la requérante ne conteste sérieusement ni les critères retenus ni leur inexacte application. Il ressort des pièces du dossier que, ce faisant et en l'absence d'aérodromes présentant des caractéristiques identiques, l'ART a entendu intégrer dans la mise en oeuvre du modèle d'évaluation des actifs financiers, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 6325-1 du code des transports, les paramètres pris en compte pour les entreprises exerçant des activités comparables. Enfin, si la société requérante soutient que, pour déterminer le coût de la dette et le levier financier, l'ART aurait dû écarter l'approche normative, fondée sur les rendements historiques d'obligations d'entreprises ayant un profil de risque comparable et sur les leviers observés sur un échantillon d'aéroports comparables, au profit d'une approche effective, fondée sur ses coûts d'endettement et sur son levier financier réels, d'une part, il ressort des pièces du dossier que l'approche, classique en matière de régulation économique, retenue par l'Autorité, vise à refléter le coût représentatif d'une stratégie d'endettement efficace, et, d'autre part, il ressort des termes de la décision attaquée que, dans l'hypothèse où les taux effectifs de la dette de l'opérateur seraient significativement plus élevés que ceux estimés à partir des données de marché, une estimation du coût effectif de la dette pourrait être prise en compte, après une analyse spécifique de ses besoins de financement.
10. En retenant de telles modalités de calcul des différents paramètres du modèle d'évaluation des actifs financiers pour la détermination du coût moyen pondéré du capital, l'Autorité a entendu déterminer, conformément aux dispositions du code des transports citées aux points 3 et 4, le coût moyen pondéré du capital de manière à permettre, sur le périmètre régulé de chaque opérateur, une juste rémunération des capitaux investis. La société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'Autorité aurait, ce faisant, entaché ses lignes directrices d'illégalité. Elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la méthode retenue pour la fixation du coût moyen pondéré du capital serait illégale en ce qu'elle aurait pour effet, en combinant ces différents paramètres, de le sous-estimer, ni qu'elle méconnaîtrait les principes et les règles applicables aux redevances pour services rendus.
11. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que la décision attaquée serait intervenue tardivement au regard de la date à laquelle elle a convoqué la commission consultative économique compétente pour les aérodromes qu'elle gère en vue de l'examen de la nouvelle proposition tarifaire qu'elle entendait appliquer à partir du 1er mai 2024, la société requérante n'apporte, en tout état de cause, pas d'éléments de nature à établir que l'absence de dispositions transitoires dans les lignes directrices litigieuses conduirait à méconnaître le principe de sécurité juridique. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. Enfin, la société requérante ne peut utilement soutenir que les lignes directrices attaquées méconnaîtraient le principe d'intelligibilité de la norme, ni, en tout état de cause, que la décision litigieuse méconnaîtrait les objectifs de l'article 7 de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 21 mars 2024 :
En ce qui concerne la légalité externe :
13. La décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 1261-2 du code des transports. Par suite, la société requérante, qui ne peut utilement soutenir à cet égard que la décision litigieuse méconnaîtrait les objectifs de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires, n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait insuffisamment motivée.
En ce qui concerne la légalité interne :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société Aéroports de Lyon n'est, en tout état de cause, pas fondée, pour demander l'annulation de la décision du 21 mars 2024, à se prévaloir de l'illégalité de la décision du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'Autorité de régulation des transports.
15. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si la décision du 9 novembre 2023 a été publiée le 4 décembre 2023 sur le site internet de l'ART, la société requérante n'avait, à cette date, déposé aucune demande d'homologation de ses nouveaux tarifs auprès de l'Autorité. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que ces lignes directrices auraient été appliquées à une procédure d'homologation en cours ne peut qu'être écarté.
16. En troisième lieu, il ressort des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 6325-1 et du II de l'article L. 6327-2 du code des transports, citées aux points 3 et 4, que, lorsqu'elle homologue les tarifs des redevances aéroportuaires qui lui sont soumis par le gestionnaire d'aérodromes qui n'a pas conclu avec l'Etat le contrat pluriannuel mentionné à l'article L. 6325-2 du même code, il appartient à l'ART de permettre la juste rémunération des capitaux investis par ce gestionnaire sur le périmètre régulé et, à cet effet, d'apprécier, au regard des données disponibles, le coût moyen pondéré du capital afin de se prononcer sur le niveau des tarifs des redevances pour services rendus qui seront applicables au cours de la période tarifaire annuelle concernée. Dès lors, la société Aéroports de Lyon ne peut sérieusement soutenir qu'en refusant d'homologuer les tarifs qu'elle lui avait présentés au motif que sa proposition reposait sur un taux de rémunération des capitaux investis supérieur au coût moyen pondéré du capital, l'ART aurait méconnu ces dispositions du code des transports, les règles relatives aux redevances pour service rendu ou les principes de continuité et de mutabilité du service public.
17. En dernier lieu, pour refuser d'homologuer la proposition tarifaire de la société Aéroports de Lyon, l'ART a relevé que cette proposition n'était pas de nature à assurer une juste rémunération des capitaux investis dès lors qu'elle reposait sur un niveau du taux de retour sur les capitaux investis, par ailleurs sous-estimé, supérieur au coût moyen pondéré du capital, qui était en outre surestimé. Elle a en outre retenu que le taux de retour sur les capitaux investis s'était établi, pour le périmètre régulé, à plus de 15 % pour l'exercice 2022 et était estimé à un niveau comparable pour 2023. Il ressort des pièces du dossier que, si la société Aéroports de Lyon soutient que ces appréciations sont inexactes, elle se borne à critiquer les principes méthodologiques retenus par l'Autorité pour déterminer le coût moyen pondéré du capital et porter une appréciation sur le taux de rémunération des capitaux investis, notamment le fait d'avoir procédé à une évaluation au regard des seules données relatives à la période tarifaire concernée sans tenir compte des effets de la crise sanitaire, et ne conteste pas les circonstances énoncées par la décision litigieuse qui fondent l'appréciation par l'ART du taux de retour des capitaux investis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'ART en refusant d'homologuer la proposition tarifaire ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 juillet 2024 :
En ce qui concerne la légalité externe :
18. En premier lieu, aucune disposition du code des transports n'impose à l'ART, lorsqu'elle fixe le tarif des redevances aéroportuaires en application du III de l'article L. 6527-2 de ce code, de recueillir l'avis de la commission consultative économique de l'aérodrome. Par suite, la société Aéroports de Lyon ne peut utilement soutenir que l'ART aurait, en organisant une consultation préalablement à l'adoption de sa décision, méconnu les dispositions des articles R. 6325-18 et D. 6325-75 du code des transports ou, en tout état de cause, les objectifs de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009.
19. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant d'adopter la décision attaquée, l'ART a procédé à une consultation des usagers des aéroports concernés du 28 mai au 14 juin 2024 et que, outre la méthodologie publiée par l'Autorité qui exposait les critères de fixation du coût moyen pondéré du capital au sein de la fourchette résultant de la mise en oeuvre des différents paramètres énoncés dans ses lignes directrices, les documents accompagnant cette consultation précisaient l'ensemble des éléments de fait et de droit que l'ART entendait prendre en compte. De plus, à l'issue de la consultation, l'Autorité a modifié plusieurs éléments de la décision envisagée afin de tenir compte des observations recueillies. Par suite, la société Aéroports de Lyon n'est pas fondée à soutenir que l'ART aurait, en fixant les tarifs des redevances, méconnu les dispositions de l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration.
En ce qui concerne la légalité interne :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les moyens tirés de l'illégalité de la décision du 9 novembre 2023 portant adoption de lignes directrices relatives à l'appréciation des niveaux de coût moyen pondéré du capital des périmètres régulés des aéroports relevant du champ de compétence de l'ART ne peuvent qu'être écartés. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 et 17 que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation qui auraient été commises par cette Autorité en déterminant le niveau des redevances au regard d'une juste rémunération des capitaux investis appréciée en s'assurant que, pour la prochaine période tarifaire, le taux de retour sur les capitaux investis soit égal au coût moyen pondéré du capital, doivent de même être écartés.
21. En deuxième lieu, la société Aéroport de Lyon soutient que la fixation des redevances aéroportuaires par l'ART serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation à raison de la sous-évaluation du coût moyen pondéré du capital et de la surévaluation du taux de retour sur les capitaux investis.
22. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, pour fixer à 4,9 % le coût moyen pondéré du capital au sein du périmètre régulé des aérodromes gérés par la société Aéroports de Lyon, l'ART a fixé le taux sans risque, le coût de la dette, le levier financier, la prime de risque de marché, le " bêta des fonds propres " et le coût des fonds propres en appliquant les principes et en utilisant les données mentionnées dans sa méthodologie. Si la société requérante critique la manière dont chacun de ces indicateurs a été déterminé, elle se borne à contester les choix méthodologiques de l'Autorité, sans remettre en cause la manière dont ils ont été mis en oeuvre, ni établir que les données financières utilisées seraient erronées. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise l'ART en fixant le coût moyen pondéré du capital au sein du périmètre régulé des aérodromes de Lyon-Bron et Lyon-Saint-Exupéry doit être écarté.
23. D'autre part, si la société Aéroports de Lyon soutient que la décision litigieuse repose, pour évaluer le taux de retour sur les capitaux investis, sur des prévisions de trafic et de revenus des parcs de stationnement ainsi que sur une estimation de la réalisation des investissements erronées, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle elle a adopté la décision attaquée, l'ART aurait procédé à des appréciations manifestement inexactes. Par suite, le moyen doit être écarté.
24. En troisième lieu, pour la prise en compte dans le tarif des redevances aéroportuaires, prévue au deuxième alinéa de l'article L. 6325-1 du code des transports, des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service, l'article R. 6325-13 du même code dispose : " Peuvent être prises en compte pour la détermination du montant des redevances, outre les dépenses correspondant à des investissements déjà réalisés, les dépenses engagées pour la construction d'infrastructures ou d'installations aéroportuaires. / Lorsque leur importance le justifie et dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile, peuvent également être prises en compte pour la détermination du montant des redevances des dépenses futures liées à la construction de certaines infrastructures ou installations dont le début des travaux est prévu dans un délai maximal de cinq ans. La personne chargée de la fixation des tarifs des redevances prévue par l'article R. 6325-17 identifie préalablement l'opération, précise son coût prévisionnel, la programmation des travaux correspondants et l'échéance de la mise en service. Elle réalise une étude sur l'impact économique prévisionnel d'un tel dispositif tarifaire pour les usagers et pour l'aérodrome ".
25. En vue de préfinancer, en dépit de la baisse du tarif des redevances, une partie du projet de réaménagement du terminal 2 de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry et de sa jetée dont la mise en service est prévue en 2026, l'ART a, par la décision litigieuse, en application des dispositions citées au point précédent, instauré une redevance temporaire de préfinancement dont le montant prévisionnel pour la période tarifaire 2024-2025 était estimé à 12,7 millions d'euros. D'une part, si la société Aéroports de Lyon soutient qu'en instaurant cette redevance, l'ART aurait méconnu les principes relatifs à la détermination du montant des redevances pour service rendu, le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en instaurant, pour cette finalité et selon ces modalités mentionnées, une redevance temporaire de préfinancement l'Autorité, qui n'était pas tenue d'assurer au cours de la période tarifaire concernée le préfinancement de l'intégralité des investissements envisagés, aurait, au regard du montant total de ces investissements, commis une erreur manifeste d'appréciation.
26. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'ART à l'encontre de la requête n° 494869, ni d'ordonner une expertise en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ou de recueillir un avis technique en application des dispositions de l'article R. 626-2 du même code, les requêtes présentées par la société Aéroports de Lyon doivent être rejetées, y compris leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la société Aéroports de Lyon sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Aéroports de Lyon et à l'Autorité de régulation des transports.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 juin 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 10 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Trémolière
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard