Conseil d'État
N° 506299
ECLI:FR:CEORD:2025:506299.20250721
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Pierre Collin, rapporteur
SCP GUÉRIN - GOUGEON, avocats
Lecture du lundi 21 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Par un déféré présenté sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-3 du code de justice administrative, le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions du maire de La Courneuve d'apposer sur le fronton de l'hôtel de ville une banderole aux couleurs du drapeau palestinien et sur laquelle figure l'inscription " Gaza stop au génocide " et de distribuer des fanions portant le même motif et, d'autre part, d'enjoindre au maire de La Courneuve de retirer ladite banderole et de faire cesser la distribution de fanions. Par une ordonnance n° 2511099 du 2 juillet 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, suspendu l'exécution des décisions contestées et, d'autre part, enjoint au maire de retirer la banderole et de faire cesser la distribution des fanions, sans délai.
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de La Courneuve demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 554-3 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 2 juillet 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter le déféré introduit par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant le tribunal administratif de Montreuil ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge des référés a méconnu son office en prononçant la suspension de la décision litigieuse sur la base de critères propres à la procédure de référé suspension et non à la procédure de déféré préfectoral ;
- le juge des référés aurait dû relever d'office l'irrecevabilité du déféré préfectoral du fait de l'absence de production d'une copie du recours en annulation des décisions litigieuses ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil s'est fondé à tort sur ce qu'étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées les moyens tirés l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'absence d'un intérêt public local et d'une atteinte à la neutralité de l'administration dès lors que, d'une part, ces deux premiers moyens sont inopérants et, d'autre part, les décisions litigieuses ne remettent pas en cause le principe de neutralité du service public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de La Courneuve et, d'autre part, le préfet de la Seine-Saint-Denis ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 juillet 2025, à 16 heures :
- Me Gougeon, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la commune de la Courneuve ;
- les représentants de la commune de La Courneuve ;
- les représentants du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. En application du premier alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Aux termes du troisième alinéa de cet article, reproduit à l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension (...) ". Aux termes du cinquième alinéa de ce même article, repris à l'article L. 554-3 du code de justice administrative : " Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures. "
2. Par une ordonnance du 2 juillet 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, sur déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis introduit sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 554-3 du code de justice administrative, suspendu l'exécution des décisions du maire de La Courneuve d'apposer sur le fronton de l'hôtel de ville une banderole aux couleurs du drapeau palestinien sur laquelle figure l'inscription " Gaza stop au génocide " et de distribuer aux habitants de la commune des fanions reproduisant le même motif. La commune de La Courneuve relève appel de cette ordonnance.
3. Le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques.
4. Si la commune de La Courneuve soutient que l'affichage de la banderole et la distribution des fanions en litige auraient pour seul objet de manifester la solidarité de la commune et de ses habitants aux populations civiles de la bande de Gaza, dans un but exclusivement humanitaire, il résulte du recours aux couleurs du drapeau palestinien et des termes mêmes inscrits sur cette banderole et ces fanions ainsi que des propos diffusés par le maire sur les réseaux sociaux pour expliquer l'objet de cette démarche que la commune a entendu exprimer, au moyen de ces outils de communication, une prise de position de nature politique au sujet d'un conflit en cours. Le principe de neutralité des services public s'oppose, ainsi qu'il est dit au point précédent, à ce qu'une telle prise de position puisse s'exprimer par un affichage sur un bâtiment public.
5. Une telle atteinte grave à la neutralité des services publics suffisant à justifier la suspension de l'exécution des décisions en litige du maire de La Courneuve, la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, sur un déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis qui, contrairement à ce qui est soutenu, était assorti d'une requête au fond, prononcé cette suspension.
6. Il résulte de ce qui précède que l'appel de la commune de La Courneuve doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de la commune de La Courneuve est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de La Courneuve et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Fait à Paris, le 21 juillet 2025
Signé : Pierre Collin
N° 506299
ECLI:FR:CEORD:2025:506299.20250721
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Pierre Collin, rapporteur
SCP GUÉRIN - GOUGEON, avocats
Lecture du lundi 21 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un déféré présenté sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-3 du code de justice administrative, le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de suspendre l'exécution des décisions du maire de La Courneuve d'apposer sur le fronton de l'hôtel de ville une banderole aux couleurs du drapeau palestinien et sur laquelle figure l'inscription " Gaza stop au génocide " et de distribuer des fanions portant le même motif et, d'autre part, d'enjoindre au maire de La Courneuve de retirer ladite banderole et de faire cesser la distribution de fanions. Par une ordonnance n° 2511099 du 2 juillet 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, suspendu l'exécution des décisions contestées et, d'autre part, enjoint au maire de retirer la banderole et de faire cesser la distribution des fanions, sans délai.
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de La Courneuve demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 554-3 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 2 juillet 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter le déféré introduit par le préfet de la Seine-Saint-Denis devant le tribunal administratif de Montreuil ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge des référés a méconnu son office en prononçant la suspension de la décision litigieuse sur la base de critères propres à la procédure de référé suspension et non à la procédure de déféré préfectoral ;
- le juge des référés aurait dû relever d'office l'irrecevabilité du déféré préfectoral du fait de l'absence de production d'une copie du recours en annulation des décisions litigieuses ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil s'est fondé à tort sur ce qu'étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées les moyens tirés l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'absence d'un intérêt public local et d'une atteinte à la neutralité de l'administration dès lors que, d'une part, ces deux premiers moyens sont inopérants et, d'autre part, les décisions litigieuses ne remettent pas en cause le principe de neutralité du service public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2025, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune de La Courneuve et, d'autre part, le préfet de la Seine-Saint-Denis ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 18 juillet 2025, à 16 heures :
- Me Gougeon, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la commune de la Courneuve ;
- les représentants de la commune de La Courneuve ;
- les représentants du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. En application du premier alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Aux termes du troisième alinéa de cet article, reproduit à l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension (...) ". Aux termes du cinquième alinéa de ce même article, repris à l'article L. 554-3 du code de justice administrative : " Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, ou à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures. "
2. Par une ordonnance du 2 juillet 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, sur déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis introduit sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 554-3 du code de justice administrative, suspendu l'exécution des décisions du maire de La Courneuve d'apposer sur le fronton de l'hôtel de ville une banderole aux couleurs du drapeau palestinien sur laquelle figure l'inscription " Gaza stop au génocide " et de distribuer aux habitants de la commune des fanions reproduisant le même motif. La commune de La Courneuve relève appel de cette ordonnance.
3. Le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques.
4. Si la commune de La Courneuve soutient que l'affichage de la banderole et la distribution des fanions en litige auraient pour seul objet de manifester la solidarité de la commune et de ses habitants aux populations civiles de la bande de Gaza, dans un but exclusivement humanitaire, il résulte du recours aux couleurs du drapeau palestinien et des termes mêmes inscrits sur cette banderole et ces fanions ainsi que des propos diffusés par le maire sur les réseaux sociaux pour expliquer l'objet de cette démarche que la commune a entendu exprimer, au moyen de ces outils de communication, une prise de position de nature politique au sujet d'un conflit en cours. Le principe de neutralité des services public s'oppose, ainsi qu'il est dit au point précédent, à ce qu'une telle prise de position puisse s'exprimer par un affichage sur un bâtiment public.
5. Une telle atteinte grave à la neutralité des services publics suffisant à justifier la suspension de l'exécution des décisions en litige du maire de La Courneuve, la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, sur un déféré du préfet de la Seine-Saint-Denis qui, contrairement à ce qui est soutenu, était assorti d'une requête au fond, prononcé cette suspension.
6. Il résulte de ce qui précède que l'appel de la commune de La Courneuve doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de la commune de La Courneuve est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de La Courneuve et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Fait à Paris, le 21 juillet 2025
Signé : Pierre Collin