Conseil d'État
N° 491911
ECLI:FR:CECHS:2025:491911.20250723
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Hadrien Tissandier, rapporteur
SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats
Lecture du mercredi 23 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 15 septembre 2020 par laquelle le consul général de France à Pondichéry et B... l'a radiée du registre des Français établis hors de France, ensemble la décision du 7 décembre 2020 rejetant son recours hiérarchique, et d'ordonner sa réinscription au registre des Français à l'étranger sous un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2107930 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23PA01326 du 19 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 février et 19 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2003 1377 du 31 décembre 2003 relatif au registre des français établis hors de France ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 15 septembre 2020, la consule générale de France à Pondichéry et B... a prononcé la radiation de Mme B... du registre des Français établis hors de France, ainsi que sa radiation de la liste électorale consulaire. Le 19 novembre 2020, Mme A... a formé auprès de l'ambassadeur de France en Inde un recours contre celle de ces décisions prononçant sa radiation du registre des Français établis hors de France, qui a été lui-même expressément rejeté par une décision du 7 décembre 2020. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation des décisions du 15 septembre 2020 et du 7 décembre 2020. Sa demande a été rejetée par un jugement du 20 janvier 2023 dont elle a relevé appel. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 19 octobre 2023 ayant rejeté son appel contre ce jugement.
2. Le décret du 31 décembre 2003 relatif à l'inscription au registre des Français établis hors de France dispose, en son article 1er, que : " L'expression Français établi hors de France désigne toute personne de nationalité française ayant sa résidence habituelle dans une circonscription consulaire telle que prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires susvisée et définie par arrêté du ministre des affaires étrangères. ". Aux termes du I de son article 2 : " Tout Français établi hors de France peut demander son inscription au registre des Français établis hors de France au chef de poste consulaire territorialement compétent. (...) ". Son article 3 dispose que : " L'inscription au registre des Français établis hors de France est une mesure d'information. / Nul ne peut en être exclu s'il remplit les conditions prévues par le présent décret (...) ". Enfin, aux termes du III de son article 13 : " III. - La radiation d'un Français du registre des Français établis hors de France est effectuée soit à sa demande écrite, soit sur décision du chef de poste consulaire lorsqu'il constate que le Français ne réside plus dans la circonscription consulaire ou que la condition de nationalité française n'est plus remplie ou que l'inscription a été effectuée sur le fondement de fausses informations. (...) ".
3. Pour l'application des dispositions citées ci-dessus relatives à la condition de nationalité française, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus ou le retrait de l'inscription au registre.
4. Pour rejeter la demande de Mme A... tendant à l'annulation des décisions contestée, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que, dès lors qu'elle avait fait l'objet d'un refus de certificat de nationalité française opposé par le directeur des services de greffe du tribunal judiciaire de Paris, décision contre laquelle elle ne justifiait pas avoir exercé devant la juridiction civile compétente un recours, l'autorité consulaire se trouvait en situation de compétence liée pour procéder à sa radiation du registre des Français établis hors de France et de la liste électorale consulaire. En statuant de la sorte, alors que le certificat de nationalité n'étant que l'un des moyens de preuve de la nationalité française, il lui appartenait d'apprécier si, au vu des justificatifs éventuellement présentés par l'intéressée, l'administration pouvait faire état d'un doute suffisant sur sa nationalité, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 juillet 2025 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.
Rendu le 23 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Hadrien Tissandier
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy
N° 491911
ECLI:FR:CECHS:2025:491911.20250723
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Hadrien Tissandier, rapporteur
SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats
Lecture du mercredi 23 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 15 septembre 2020 par laquelle le consul général de France à Pondichéry et B... l'a radiée du registre des Français établis hors de France, ensemble la décision du 7 décembre 2020 rejetant son recours hiérarchique, et d'ordonner sa réinscription au registre des Français à l'étranger sous un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2107930 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23PA01326 du 19 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 février et 19 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2003 1377 du 31 décembre 2003 relatif au registre des français établis hors de France ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions du 15 septembre 2020, la consule générale de France à Pondichéry et B... a prononcé la radiation de Mme B... du registre des Français établis hors de France, ainsi que sa radiation de la liste électorale consulaire. Le 19 novembre 2020, Mme A... a formé auprès de l'ambassadeur de France en Inde un recours contre celle de ces décisions prononçant sa radiation du registre des Français établis hors de France, qui a été lui-même expressément rejeté par une décision du 7 décembre 2020. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation des décisions du 15 septembre 2020 et du 7 décembre 2020. Sa demande a été rejetée par un jugement du 20 janvier 2023 dont elle a relevé appel. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 19 octobre 2023 ayant rejeté son appel contre ce jugement.
2. Le décret du 31 décembre 2003 relatif à l'inscription au registre des Français établis hors de France dispose, en son article 1er, que : " L'expression Français établi hors de France désigne toute personne de nationalité française ayant sa résidence habituelle dans une circonscription consulaire telle que prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires susvisée et définie par arrêté du ministre des affaires étrangères. ". Aux termes du I de son article 2 : " Tout Français établi hors de France peut demander son inscription au registre des Français établis hors de France au chef de poste consulaire territorialement compétent. (...) ". Son article 3 dispose que : " L'inscription au registre des Français établis hors de France est une mesure d'information. / Nul ne peut en être exclu s'il remplit les conditions prévues par le présent décret (...) ". Enfin, aux termes du III de son article 13 : " III. - La radiation d'un Français du registre des Français établis hors de France est effectuée soit à sa demande écrite, soit sur décision du chef de poste consulaire lorsqu'il constate que le Français ne réside plus dans la circonscription consulaire ou que la condition de nationalité française n'est plus remplie ou que l'inscription a été effectuée sur le fondement de fausses informations. (...) ".
3. Pour l'application des dispositions citées ci-dessus relatives à la condition de nationalité française, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus ou le retrait de l'inscription au registre.
4. Pour rejeter la demande de Mme A... tendant à l'annulation des décisions contestée, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que, dès lors qu'elle avait fait l'objet d'un refus de certificat de nationalité française opposé par le directeur des services de greffe du tribunal judiciaire de Paris, décision contre laquelle elle ne justifiait pas avoir exercé devant la juridiction civile compétente un recours, l'autorité consulaire se trouvait en situation de compétence liée pour procéder à sa radiation du registre des Français établis hors de France et de la liste électorale consulaire. En statuant de la sorte, alors que le certificat de nationalité n'étant que l'un des moyens de preuve de la nationalité française, il lui appartenait d'apprécier si, au vu des justificatifs éventuellement présentés par l'intéressée, l'administration pouvait faire état d'un doute suffisant sur sa nationalité, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme A... à verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 octobre 2023 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Délibéré à l'issue de la séance du 16 juillet 2025 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; Mme Anne Courrèges, conseillère d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.
Rendu le 23 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Hadrien Tissandier
La secrétaire :
Signé : Mme Sandrine Mendy