Conseil d'État
N° 488659
ECLI:FR:CECHS:2025:488659.20250724
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Stéphane Hoynck, président
M. David Gaudillère, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
Lecture du jeudi 24 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un nouveau mémoire et cinq mémoires en réplique, enregistrés le 30 septembre 2023, les 7 mars, 11 et 29 avril et 14 août 2024 et les 24 mars et 17 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tekimmo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juillet 2023 définissant les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification et modifiant l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles en interprétation suivantes :
- l'arrêté attaqué instaure-t-il une " profession réglementée " des professionnels du diagnostic immobilier au sens de l'article 3 paragraphe 1 point a) de la directive 2005/36/CE modifiée sur les professions réglementées '
- l'arrêté attaqué instaure-t-il un " régime d'autorisation " des professionnels du diagnostic immobilier au sens de l'article 4, point 6 de la directive " services " 2006/123/CE du 12 décembre 2006 '
- si la réponse est négative aux deux questions précédentes, l'arrêté attaqué instaure-t-il une " exigence " concernant les professionnels du diagnostic immobilier relevant de l'article 15, paragraphe 2, point d) de la directive " services " 2006/123/CE du 12 décembre 2006 '
- l'arrêté attaqué, en ce qu'il nie l'existence d'un lien de subordination du travailleur envers son employeur, sanctionnant le travailleur pour des faits qui ne sont pas de sa responsabilité mais de celle de son employeur, oblige le travailleur à intervalle de temps régulier à se soumettre à des procédures redondantes, impose un " tutorat " au travailleur expérimenté, est-il conforme à l'article 17 de la directive 2010/31/UE modifiée, interprété au regard de l'article 31 paragraphe 1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne '
- les annexes I et III de l'arrêté attaqué doivent-elles, en tant que programme sectoriel, se conformer à la norme NF EN ISO/CEI 17024, équivalente à la norme européenne harmonisée européenne EN ISO/CEI 17024 '
- dans l'affirmative, la procédure de surveillance définie à l'annexe I de l'arrêté attaqué consistant à contrôler l'assurance des entreprises ainsi que la qualité de leurs prestations (examen documentaire, visites sur site a posteriori), et instaurant des examens (visites sur site en compagnie d'un examinateur) de difficulté aléatoire non connue à l'avance, est-elle conforme à cette norme '
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;
- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
- la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 ;
- la directive (UE) 2018/958 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2025, présentée par la société Tekimmo ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article 17 de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments : " Les États membres font en sorte que la certification de la performance énergétique des bâtiments et l'inspection des systèmes de chauffage et des systèmes de climatisation soient exécutées de manière indépendante par des experts qualifiés et/ou agréés, qu'ils agissent en qualité de travailleurs indépendants ou qu'ils soient employés par des organismes publics ou des établissements privés. / Les experts sont agréés en tenant compte de leur compétence. / Les États membres mettent à la disposition du public des informations concernant la formation et les agréments. Ils veillent à ce que des listes régulièrement mises à jour d'experts qualifié et/ou agréés ou d'entreprises agréées proposant les services de ces experts soient mises à la disposition du public ".
2. D'autre part, l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation prévoit, en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, la réalisation d'un dossier de diagnostic technique, lequel est fourni par le vendeur. Ce dossier comprend notamment " 6° Le diagnostic de performance énergétique et, le cas échéant, l'audit énergétique prévus aux articles L. 126-26 et L. 126-28-1 du présent code ". L'article L. 271-6 du même code précise que ces documents sont établis par une personne présentant des garanties de compétence et disposant d'une organisation et de moyens appropriés, qui est tenue de souscrire une assurance. Cet article renvoie à un décret le soin de définir ses conditions et modalités d'application. Tout en renvoyant à des arrêtés des ministres chargés du logement, de la santé et de l'industrie le soin d'en préciser les modalités d'application, l'article R. 271-1 de ce code précise que, pour l'application de l'article L. 271-6, " il est recouru soit à une personne physique dont les compétences ont été certifiées par un organisme accrédité dans le domaine de la construction, soit à une personne morale employant des salariés ou constituée de personnes physiques qui disposent des compétences certifiées dans les mêmes conditions. / La certification des compétences est délivrée en fonction des connaissances techniques dans le domaine du bâtiment et de l'aptitude à établir les différents éléments composant le dossier de diagnostic technique. / Les organismes autorisés à délivrer la certification des compétences sont accrédités par un organisme signataire de l'accord européen multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation. L'accréditation est accordée en considération de l'organisation interne de l'organisme en cause, des exigences requises des personnes chargées des missions d'examinateur et de sa capacité à assurer la surveillance des organismes certifiés. Un organisme certificateur ne peut pas établir les documents qui doivent être établis dans les conditions prévues à l'article L. 271-6 (...) ". Par un arrêté du 20 juillet 2023, les ministres compétents ont défini les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification et modifié l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification. La société Tekimmo demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
3. En premier lieu, d'une part, il résulte des termes mêmes de l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation que le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à intervenir pour déterminer le niveau de compétence des opérateurs de diagnostic technique. Celui-ci pouvait donc, sur ce fondement, et conformément à l'article 17 de la directive 2010/31/UE précitée, établir en son article R. 271-1 du même code un dispositif de certification des diagnostiqueurs. D'autre part, les ministres signataires de l'arrêté attaqué pouvaient, pour s'assurer que les diagnostiqueurs remplissent les conditions exigées par l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation précitée, imposer que l'évaluation et le contrôle de ces compétences repose sur une formation initiale pour les candidats à une certification initiale et sur une formation continue pour les diagnostiqueurs déjà certifiés mais également que cette formation soit réalisée par des organismes certifiés répondant à des exigences définies par l'arrêté, et ce, alors même que les dispositions de l'article R. 271-1 du même code ne prévoiraient pas un tel dispositif. Il pouvait également prévoir que pendant le cycle de certification d'une durée de sept années, l'organisme de certification procède à un contrôle sur ouvrage et à une surveillance documentaire, notamment en contrôlant un échantillon de rapports établis par la personne certifiée, cette surveillance étant par ailleurs prévue par l'article 18 de la directive 2010/31/UE. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence, d'une part, en ce qu'il empiéterait sur la compétence du législateur et, d'autre part, en ce qu'il excéderait l'habilitation accordée aux ministres chargés du logement, de la santé et de l'industrie par le dernier alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation pour préciser les modalités d'application de ces dispositions doivent être écartés.
4. En second lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué organiserait un dispositif de contrôle de fiabilité des diagnostics indépendant qui nécessiterait une intervention du législateur pour en prévoir les modalités financières.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " (...) Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation (...) ". Le 5° de l'article 4 de l'arrêté attaqué dispose que : " L'accréditation des organismes de certification des diagnostiqueurs répond aux exigences relatives aux organismes certifiant les personnes physiques définies dans la norme NF EN ISO/CEI 17024 : 2012 et à celles figurant en annexes I et III du présent arrêté " et le 5° de l'article 4 du même arrêté dispose que : " L'accréditation des organismes de certification des organismes de formation répond aux exigences relatives aux organismes certifiant les services définies dans la norme NF EN ISO/CEI 17065 : 2012 et à celles figurant en annexes II et III du présent arrêté " (5° article 5). La société requérante soutient que l'arrêté méconnaît les exigences de l'article 17 précité et l'objectif d'accessibilité de la règle de droit dès lors que la norme NF EN ISO/IEC 17011 relative aux exigences générales pour les organismes d'accréditation procédant à l'accréditation d'organismes d'évaluation de la conformité n'est pas gratuitement accessible, que la norme NF EN/ISO/CEI 17000 ne l'est pas non plus alors que les normes NF EN ISO/CEI 17024 et NF EN ISO/CEI 17065 rendues d'application obligatoire par l'arrêté attaqué y renvoient, et enfin, dès lors que l'AFNOR n'autorise l'accès gratuit à ces deux dernières normes qu'aux seuls utilisateurs pouvant attester sur l'honneur avoir l'obligation d'accéder à la norme pour respecter une réglementation.
6. D'une part, il n'est pas établi par la société requérante que le défaut d'accès gratuit à la norme NF EN/ISO/IEC 17000 intitulée " Évaluation de la conformité - Vocabulaire et principe généraux " serait préjudiciable à la bonne compréhension des normes NF EN ISO/IEC 17024 et NF EN ISO/IEC 17065 dès lors que celles-ci intègrent de nombreuses définitions issues de cette norme. D'autre part, les dispositions de l'arrêté attaqué ne sont entrées en vigueur, en application de son article 7, qu'à compter du 1er juillet 2024, soit à une date à laquelle les normes 17024 et 17065 étaient gratuitement accessibles depuis le site internet de l'AFNOR aux personnes localisées sur le territoire français ayant créé un compte pour s'identifier. Enfin, l'arrêté attaqué ne rend pas d'application obligatoire la norme NF EN/ISO/IEC 17011. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les exigences de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 et l'objectif d'accessibilité de la règle de droit ne peut, par suite, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté attaqué, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits, dont les dispositions n'ont pas pour objet d'interdire l'application de normes autres que celles qui auraient fait l'objet d'une harmonisation au niveau de l'Union européenne.
8. En troisième lieu, la société requérante ne peut davantage utilement soutenir, par la voie de l'exception, que l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation précité, serait illégal en tant qu'il n'assure pas la traduction des documents élaborés en langue anglaise par l'association " European Cooperation for Accreditation ".
9. En quatrième lieu, les dispositions de l'arrêté attaqué ne comportent pas, contrairement à ce qui est soutenu, d'imprécisions qui les rendraient inintelligibles.
10. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 10 et 13 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, lesquels sont intégrés à la section 1 du chapitre III relative aux autorisations, sont inopérants dès lors que le dispositif de certification n'institue pas, par lui-même, un régime d'autorisation au sens de cette directive.
11. En sixième lieu, il résulte des dispositions du d) du paragraphe 2 de l'article 15 de la directive 2006/123/CE que celui-ci ne s'applique qu'aux dispositions nationales imposant des exigences qui ne relèvent pas des matières couvertes par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ou qui ne sont pas prévues dans d'autres instruments communautaires et qui réservent l'accès à l'activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l'activité. Or il résulte de la directive 2010/31/UE que la certification de la performance énergétique des bâtiments doit être exécutée par des experts qualifiés ou agréés au regard leur compétence. Par suite, les moyens soulevés par la société requérante tirés de la méconnaissance de l'article 15 de la directive 2006/123/CE et dirigés contre la procédure de certification en tant qu'elle concerne le contrôle de compétences des candidats et diagnostiqueurs en activité, doivent être regardés comme inopérants.
12. En septième lieu, le dispositif de certification tel qu'il est décrit par l'arrêté attaqué tend à fiabiliser les diagnostics de performance énergétique réalisés en application de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et répond par conséquent à l'intérêt général de protection de l'environnement et de la santé publique. Les exigences en termes de formation continue notamment par le biais d'un tutorat en milieu professionnel, les contrôles effectués au titre de la surveillance documentaire, y compris la vérification que l'opérateur est assuré, obligation au demeurant imposée par les dispositions de l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation, la procédure de contrôle sur ouvrage en cours de diagnostic ou après son élaboration, les examens prescrits dans le cadre du renouvellement de la certification, les qualifications exigées des examinateurs tout comme l'interdiction faite à l'opérateur d'être titulaire de plusieurs certificats dans le domaine du diagnostic de performance énergétique sont proportionnées aux objectifs poursuivis. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de ce que le dispositif de certification ne permettrait pas d'atteindre les objectifs poursuivis et, d'autre part, de ce que l'arrêté attaqué porterait une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre des diagnostiqueurs et des entreprises les employant et instaurerait, en méconnaissance des articles 59 de la directive 2005/36/CE et 7 de la directive 2018/958 et des articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des contraintes disproportionnées doivent être écartés.
13. En huitième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté de travailler consacrée à l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
14. En neuvième lieu, contrairement à ce que soutient la société Tekimmo, la procédure de certification ne porte atteinte ni à la dignité des diagnostiqueurs ni au droit de propriété des bénéficiaires de l'opération de diagnostic au domicile desquels un contrôle sur ouvrage impliquant la présence d'un examinateur serait effectué.
15. En dixième lieu, le II de l'article 7 de l'arrêté attaqué dispose que :
" II. - Pour tous les certificats de diagnostiqueurs délivrés antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté, à l'exception de ceux délivrés en application de l'arrêté du 16 octobre 2006 définissant les critères de certification des compétences des personnes physiques réalisant le diagnostic de performance énergétique ou l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique, et les critères d'accréditation des organismes de certification, la certification reste valide et conserve l'ancienneté acquise dans le cycle sous réserve du respect des exigences du présent arrêté à compter de son entrée en vigueur. (...) ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces dispositions n'ont pas pour effet d'invalider les certifications délivrées en application de l'arrêté du 16 octobre 2006, dès lors que l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification, et qui l'a abrogé, a prévu, en son article 11, la reconnaissance desdites certifications répondant aux exigences mentionnées dans l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 doit être écarté.
16. En onzième lieu, le paragraphe 5.1 de l'annexe I de l'arrêté attaqué prévoit la possibilité de soumettre une personne physique ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qualifiée dans son Etat membre d'origine pour l'activité de diagnostic, " aux examens, ou parties d'examen, nécessaires définis à la présente annexe, en cas de différence substantielle entre la formation exigée par l'annexe III du présent arrêté et la qualification professionnelle du prestataire. (...) ".
17. Il résulte du paragraphe 31 de la directive 2010/31/UE que les États membres doivent tenir compte de la directive 2005/36/CE en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des experts professionnels faisant l'objet de la directive. Aux termes de l'article 5 de cette directive : " 1. Sans préjudice de dispositions spécifiques du droit communautaire ni des articles 6 et 7 de la présente directive, les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services dans un autre État membre: / a) si le prestataire est légalement établi dans un État membre pour y exercer la même profession (ci-après dénommé "État membre d'établissement"), et / b) en cas de déplacement du prestataire, s'il a exercé cette profession dans l'État membre d'établissement pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent la prestation lorsque la profession n'y est pas réglementée. La condition exigeant l'exercice de la profession pendant deux ans n'est pas d'application si soit la profession soit la formation conduisant à la profession est réglementée ". L'article 7 de la même directive dispose que : " (...) 4. Lors de la première prestation de services, dans le cas de professions réglementées qui ont des implications en matière de santé ou de sécurité publiques et qui ne bénéficient pas d'une reconnaissance automatique en vertu du titre III, chapitre III, l'autorité compétente de l'État membre d'accueil peut procéder à une vérification des qualifications professionnelles du prestataire avant la première prestation de services. / Une telle vérification préalable n'est possible que si son objectif est d'éviter des dommages graves pour la santé ou la sécurité du bénéficiaire du service, du fait du manque de qualification professionnelle du prestataire, et dans la mesure où elle n'excède pas ce qui est nécessaire à cette fin. (...) En cas de différence substantielle entre les qualifications professionnelles du prestataire et la formation exigée dans l'État membre d'accueil, dans la mesure où cette différence est de nature à nuire à la santé ou à la sécurité publique, l'État membre d'accueil offre au prestataire la possibilité de démontrer qu'il a acquis les connaissances et compétences manquantes, notamment par une épreuve d'aptitude. (...) ". Il résulte de ces dispositions que n'est pas excessif et discriminatoire le fait de soumettre, le cas échéant, le prestataire, en fonction de son niveau de compétence technique préalablement évalué, aux examens ou parties d'examen nécessaires, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 12, que le dispositif de certification se justifie au regard des objectifs de protection de l'environnement et de santé publique.
18. En douzième lieu, la circonstance que la profession de diagnostiqueur immobilier ne serait pas mentionnée dans la liste des professions réglementées prévue aux articles 59 de la directive 2005/36/CE et 11 de la directive 2018/958/UE, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.
19. En dernier lieu et en tout état de cause, la société requérante ne démontre pas que le coût financier résultant de la procédure de certification serait dissuasif et disproportionné.
20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des règles invoquées, que la société Tekimmo n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté qu'elle attaque. Sa requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la société Tekimmo est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Tekimmo, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2025 où siégeaient :
M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et
M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Hoynck
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Juliette Dolley
N° 488659
ECLI:FR:CECHS:2025:488659.20250724
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Stéphane Hoynck, président
M. David Gaudillère, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
Lecture du jeudi 24 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, un nouveau mémoire et cinq mémoires en réplique, enregistrés le 30 septembre 2023, les 7 mars, 11 et 29 avril et 14 août 2024 et les 24 mars et 17 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Tekimmo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 juillet 2023 définissant les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification et modifiant l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles en interprétation suivantes :
- l'arrêté attaqué instaure-t-il une " profession réglementée " des professionnels du diagnostic immobilier au sens de l'article 3 paragraphe 1 point a) de la directive 2005/36/CE modifiée sur les professions réglementées '
- l'arrêté attaqué instaure-t-il un " régime d'autorisation " des professionnels du diagnostic immobilier au sens de l'article 4, point 6 de la directive " services " 2006/123/CE du 12 décembre 2006 '
- si la réponse est négative aux deux questions précédentes, l'arrêté attaqué instaure-t-il une " exigence " concernant les professionnels du diagnostic immobilier relevant de l'article 15, paragraphe 2, point d) de la directive " services " 2006/123/CE du 12 décembre 2006 '
- l'arrêté attaqué, en ce qu'il nie l'existence d'un lien de subordination du travailleur envers son employeur, sanctionnant le travailleur pour des faits qui ne sont pas de sa responsabilité mais de celle de son employeur, oblige le travailleur à intervalle de temps régulier à se soumettre à des procédures redondantes, impose un " tutorat " au travailleur expérimenté, est-il conforme à l'article 17 de la directive 2010/31/UE modifiée, interprété au regard de l'article 31 paragraphe 1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne '
- les annexes I et III de l'arrêté attaqué doivent-elles, en tant que programme sectoriel, se conformer à la norme NF EN ISO/CEI 17024, équivalente à la norme européenne harmonisée européenne EN ISO/CEI 17024 '
- dans l'affirmative, la procédure de surveillance définie à l'annexe I de l'arrêté attaqué consistant à contrôler l'assurance des entreprises ainsi que la qualité de leurs prestations (examen documentaire, visites sur site a posteriori), et instaurant des examens (visites sur site en compagnie d'un examinateur) de difficulté aléatoire non connue à l'avance, est-elle conforme à cette norme '
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 765/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 ;
- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;
- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
- la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 ;
- la directive (UE) 2018/958 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le décret n° 2008-1401 du 19 décembre 2008 ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. David Gaudillère, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2025, présentée par la société Tekimmo ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article 17 de la directive 2010/31/UE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments : " Les États membres font en sorte que la certification de la performance énergétique des bâtiments et l'inspection des systèmes de chauffage et des systèmes de climatisation soient exécutées de manière indépendante par des experts qualifiés et/ou agréés, qu'ils agissent en qualité de travailleurs indépendants ou qu'ils soient employés par des organismes publics ou des établissements privés. / Les experts sont agréés en tenant compte de leur compétence. / Les États membres mettent à la disposition du public des informations concernant la formation et les agréments. Ils veillent à ce que des listes régulièrement mises à jour d'experts qualifié et/ou agréés ou d'entreprises agréées proposant les services de ces experts soient mises à la disposition du public ".
2. D'autre part, l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation prévoit, en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, la réalisation d'un dossier de diagnostic technique, lequel est fourni par le vendeur. Ce dossier comprend notamment " 6° Le diagnostic de performance énergétique et, le cas échéant, l'audit énergétique prévus aux articles L. 126-26 et L. 126-28-1 du présent code ". L'article L. 271-6 du même code précise que ces documents sont établis par une personne présentant des garanties de compétence et disposant d'une organisation et de moyens appropriés, qui est tenue de souscrire une assurance. Cet article renvoie à un décret le soin de définir ses conditions et modalités d'application. Tout en renvoyant à des arrêtés des ministres chargés du logement, de la santé et de l'industrie le soin d'en préciser les modalités d'application, l'article R. 271-1 de ce code précise que, pour l'application de l'article L. 271-6, " il est recouru soit à une personne physique dont les compétences ont été certifiées par un organisme accrédité dans le domaine de la construction, soit à une personne morale employant des salariés ou constituée de personnes physiques qui disposent des compétences certifiées dans les mêmes conditions. / La certification des compétences est délivrée en fonction des connaissances techniques dans le domaine du bâtiment et de l'aptitude à établir les différents éléments composant le dossier de diagnostic technique. / Les organismes autorisés à délivrer la certification des compétences sont accrédités par un organisme signataire de l'accord européen multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation. L'accréditation est accordée en considération de l'organisation interne de l'organisme en cause, des exigences requises des personnes chargées des missions d'examinateur et de sa capacité à assurer la surveillance des organismes certifiés. Un organisme certificateur ne peut pas établir les documents qui doivent être établis dans les conditions prévues à l'article L. 271-6 (...) ". Par un arrêté du 20 juillet 2023, les ministres compétents ont défini les critères de certification des diagnostiqueurs intervenant dans le domaine du diagnostic de performance énergétique, de leurs organismes de formation et les exigences applicables aux organismes de certification et modifié l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification. La société Tekimmo demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
3. En premier lieu, d'une part, il résulte des termes mêmes de l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation que le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à intervenir pour déterminer le niveau de compétence des opérateurs de diagnostic technique. Celui-ci pouvait donc, sur ce fondement, et conformément à l'article 17 de la directive 2010/31/UE précitée, établir en son article R. 271-1 du même code un dispositif de certification des diagnostiqueurs. D'autre part, les ministres signataires de l'arrêté attaqué pouvaient, pour s'assurer que les diagnostiqueurs remplissent les conditions exigées par l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation précitée, imposer que l'évaluation et le contrôle de ces compétences repose sur une formation initiale pour les candidats à une certification initiale et sur une formation continue pour les diagnostiqueurs déjà certifiés mais également que cette formation soit réalisée par des organismes certifiés répondant à des exigences définies par l'arrêté, et ce, alors même que les dispositions de l'article R. 271-1 du même code ne prévoiraient pas un tel dispositif. Il pouvait également prévoir que pendant le cycle de certification d'une durée de sept années, l'organisme de certification procède à un contrôle sur ouvrage et à une surveillance documentaire, notamment en contrôlant un échantillon de rapports établis par la personne certifiée, cette surveillance étant par ailleurs prévue par l'article 18 de la directive 2010/31/UE. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence, d'une part, en ce qu'il empiéterait sur la compétence du législateur et, d'autre part, en ce qu'il excéderait l'habilitation accordée aux ministres chargés du logement, de la santé et de l'industrie par le dernier alinéa de l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation pour préciser les modalités d'application de ces dispositions doivent être écartés.
4. En second lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'arrêté attaqué organiserait un dispositif de contrôle de fiabilité des diagnostics indépendant qui nécessiterait une intervention du législateur pour en prévoir les modalités financières.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 relatif à la normalisation : " (...) Les normes rendues d'application obligatoire sont consultables gratuitement sur le site internet de l'Association française de normalisation (...) ". Le 5° de l'article 4 de l'arrêté attaqué dispose que : " L'accréditation des organismes de certification des diagnostiqueurs répond aux exigences relatives aux organismes certifiant les personnes physiques définies dans la norme NF EN ISO/CEI 17024 : 2012 et à celles figurant en annexes I et III du présent arrêté " et le 5° de l'article 4 du même arrêté dispose que : " L'accréditation des organismes de certification des organismes de formation répond aux exigences relatives aux organismes certifiant les services définies dans la norme NF EN ISO/CEI 17065 : 2012 et à celles figurant en annexes II et III du présent arrêté " (5° article 5). La société requérante soutient que l'arrêté méconnaît les exigences de l'article 17 précité et l'objectif d'accessibilité de la règle de droit dès lors que la norme NF EN ISO/IEC 17011 relative aux exigences générales pour les organismes d'accréditation procédant à l'accréditation d'organismes d'évaluation de la conformité n'est pas gratuitement accessible, que la norme NF EN/ISO/CEI 17000 ne l'est pas non plus alors que les normes NF EN ISO/CEI 17024 et NF EN ISO/CEI 17065 rendues d'application obligatoire par l'arrêté attaqué y renvoient, et enfin, dès lors que l'AFNOR n'autorise l'accès gratuit à ces deux dernières normes qu'aux seuls utilisateurs pouvant attester sur l'honneur avoir l'obligation d'accéder à la norme pour respecter une réglementation.
6. D'une part, il n'est pas établi par la société requérante que le défaut d'accès gratuit à la norme NF EN/ISO/IEC 17000 intitulée " Évaluation de la conformité - Vocabulaire et principe généraux " serait préjudiciable à la bonne compréhension des normes NF EN ISO/IEC 17024 et NF EN ISO/IEC 17065 dès lors que celles-ci intègrent de nombreuses définitions issues de cette norme. D'autre part, les dispositions de l'arrêté attaqué ne sont entrées en vigueur, en application de son article 7, qu'à compter du 1er juillet 2024, soit à une date à laquelle les normes 17024 et 17065 étaient gratuitement accessibles depuis le site internet de l'AFNOR aux personnes localisées sur le territoire français ayant créé un compte pour s'identifier. Enfin, l'arrêté attaqué ne rend pas d'application obligatoire la norme NF EN/ISO/IEC 17011. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les exigences de l'article 17 du décret du 16 juin 2009 et l'objectif d'accessibilité de la règle de droit ne peut, par suite, qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté attaqué, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 fixant les prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits, dont les dispositions n'ont pas pour objet d'interdire l'application de normes autres que celles qui auraient fait l'objet d'une harmonisation au niveau de l'Union européenne.
8. En troisième lieu, la société requérante ne peut davantage utilement soutenir, par la voie de l'exception, que l'article R. 271-1 du code de la construction et de l'habitation précité, serait illégal en tant qu'il n'assure pas la traduction des documents élaborés en langue anglaise par l'association " European Cooperation for Accreditation ".
9. En quatrième lieu, les dispositions de l'arrêté attaqué ne comportent pas, contrairement à ce qui est soutenu, d'imprécisions qui les rendraient inintelligibles.
10. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 10 et 13 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, lesquels sont intégrés à la section 1 du chapitre III relative aux autorisations, sont inopérants dès lors que le dispositif de certification n'institue pas, par lui-même, un régime d'autorisation au sens de cette directive.
11. En sixième lieu, il résulte des dispositions du d) du paragraphe 2 de l'article 15 de la directive 2006/123/CE que celui-ci ne s'applique qu'aux dispositions nationales imposant des exigences qui ne relèvent pas des matières couvertes par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ou qui ne sont pas prévues dans d'autres instruments communautaires et qui réservent l'accès à l'activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l'activité. Or il résulte de la directive 2010/31/UE que la certification de la performance énergétique des bâtiments doit être exécutée par des experts qualifiés ou agréés au regard leur compétence. Par suite, les moyens soulevés par la société requérante tirés de la méconnaissance de l'article 15 de la directive 2006/123/CE et dirigés contre la procédure de certification en tant qu'elle concerne le contrôle de compétences des candidats et diagnostiqueurs en activité, doivent être regardés comme inopérants.
12. En septième lieu, le dispositif de certification tel qu'il est décrit par l'arrêté attaqué tend à fiabiliser les diagnostics de performance énergétique réalisés en application de l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation et répond par conséquent à l'intérêt général de protection de l'environnement et de la santé publique. Les exigences en termes de formation continue notamment par le biais d'un tutorat en milieu professionnel, les contrôles effectués au titre de la surveillance documentaire, y compris la vérification que l'opérateur est assuré, obligation au demeurant imposée par les dispositions de l'article L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation, la procédure de contrôle sur ouvrage en cours de diagnostic ou après son élaboration, les examens prescrits dans le cadre du renouvellement de la certification, les qualifications exigées des examinateurs tout comme l'interdiction faite à l'opérateur d'être titulaire de plusieurs certificats dans le domaine du diagnostic de performance énergétique sont proportionnées aux objectifs poursuivis. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de ce que le dispositif de certification ne permettrait pas d'atteindre les objectifs poursuivis et, d'autre part, de ce que l'arrêté attaqué porterait une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre des diagnostiqueurs et des entreprises les employant et instaurerait, en méconnaissance des articles 59 de la directive 2005/36/CE et 7 de la directive 2018/958 et des articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des contraintes disproportionnées doivent être écartés.
13. En huitième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté de travailler consacrée à l'article 15 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
14. En neuvième lieu, contrairement à ce que soutient la société Tekimmo, la procédure de certification ne porte atteinte ni à la dignité des diagnostiqueurs ni au droit de propriété des bénéficiaires de l'opération de diagnostic au domicile desquels un contrôle sur ouvrage impliquant la présence d'un examinateur serait effectué.
15. En dixième lieu, le II de l'article 7 de l'arrêté attaqué dispose que :
" II. - Pour tous les certificats de diagnostiqueurs délivrés antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent arrêté, à l'exception de ceux délivrés en application de l'arrêté du 16 octobre 2006 définissant les critères de certification des compétences des personnes physiques réalisant le diagnostic de performance énergétique ou l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique, et les critères d'accréditation des organismes de certification, la certification reste valide et conserve l'ancienneté acquise dans le cycle sous réserve du respect des exigences du présent arrêté à compter de son entrée en vigueur. (...) ". Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces dispositions n'ont pas pour effet d'invalider les certifications délivrées en application de l'arrêté du 16 octobre 2006, dès lors que l'arrêté du 24 décembre 2021 définissant les critères de certification des opérateurs de diagnostic technique et des organismes de formation et d'accréditation des organismes de certification, et qui l'a abrogé, a prévu, en son article 11, la reconnaissance desdites certifications répondant aux exigences mentionnées dans l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 doit être écarté.
16. En onzième lieu, le paragraphe 5.1 de l'annexe I de l'arrêté attaqué prévoit la possibilité de soumettre une personne physique ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qualifiée dans son Etat membre d'origine pour l'activité de diagnostic, " aux examens, ou parties d'examen, nécessaires définis à la présente annexe, en cas de différence substantielle entre la formation exigée par l'annexe III du présent arrêté et la qualification professionnelle du prestataire. (...) ".
17. Il résulte du paragraphe 31 de la directive 2010/31/UE que les États membres doivent tenir compte de la directive 2005/36/CE en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des experts professionnels faisant l'objet de la directive. Aux termes de l'article 5 de cette directive : " 1. Sans préjudice de dispositions spécifiques du droit communautaire ni des articles 6 et 7 de la présente directive, les États membres ne peuvent restreindre, pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles, la libre prestation de services dans un autre État membre: / a) si le prestataire est légalement établi dans un État membre pour y exercer la même profession (ci-après dénommé "État membre d'établissement"), et / b) en cas de déplacement du prestataire, s'il a exercé cette profession dans l'État membre d'établissement pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent la prestation lorsque la profession n'y est pas réglementée. La condition exigeant l'exercice de la profession pendant deux ans n'est pas d'application si soit la profession soit la formation conduisant à la profession est réglementée ". L'article 7 de la même directive dispose que : " (...) 4. Lors de la première prestation de services, dans le cas de professions réglementées qui ont des implications en matière de santé ou de sécurité publiques et qui ne bénéficient pas d'une reconnaissance automatique en vertu du titre III, chapitre III, l'autorité compétente de l'État membre d'accueil peut procéder à une vérification des qualifications professionnelles du prestataire avant la première prestation de services. / Une telle vérification préalable n'est possible que si son objectif est d'éviter des dommages graves pour la santé ou la sécurité du bénéficiaire du service, du fait du manque de qualification professionnelle du prestataire, et dans la mesure où elle n'excède pas ce qui est nécessaire à cette fin. (...) En cas de différence substantielle entre les qualifications professionnelles du prestataire et la formation exigée dans l'État membre d'accueil, dans la mesure où cette différence est de nature à nuire à la santé ou à la sécurité publique, l'État membre d'accueil offre au prestataire la possibilité de démontrer qu'il a acquis les connaissances et compétences manquantes, notamment par une épreuve d'aptitude. (...) ". Il résulte de ces dispositions que n'est pas excessif et discriminatoire le fait de soumettre, le cas échéant, le prestataire, en fonction de son niveau de compétence technique préalablement évalué, aux examens ou parties d'examen nécessaires, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 12, que le dispositif de certification se justifie au regard des objectifs de protection de l'environnement et de santé publique.
18. En douzième lieu, la circonstance que la profession de diagnostiqueur immobilier ne serait pas mentionnée dans la liste des professions réglementées prévue aux articles 59 de la directive 2005/36/CE et 11 de la directive 2018/958/UE, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.
19. En dernier lieu et en tout état de cause, la société requérante ne démontre pas que le coût financier résultant de la procédure de certification serait dissuasif et disproportionné.
20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre de questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des règles invoquées, que la société Tekimmo n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté qu'elle attaque. Sa requête doit donc être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Tekimmo est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Tekimmo, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Délibéré à l'issue de la séance du 19 juin 2025 où siégeaient :
M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et
M. David Gaudillère, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Hoynck
Le rapporteur :
Signé : M. David Gaudillère
La secrétaire :
Signé : Mme Juliette Dolley