Conseil d'État
N° 506861
ECLI:FR:CEORD:2025:506861.20250807
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
PASCUAL, avocats
Lecture du jeudi 7 août 2025
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le groupement " La Jeune B... F... ", M. D... A... et M. C... E... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret du 12 juin 2025 portant dissolution du groupement de fait " La Jeune B... " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le décret attaqué ;
- la condition d'urgence est satisfaite, dès lors que l'atteinte portée à la liberté d'association par la dissolution d'un groupement de fait ou d'une association est en principe constitutive d'une situation d'urgence et qu'en l'espèce, l'exécution du décret porte une atteinte certaine à la liberté d'association, à la liberté de manifester et à la liberté d'expression en faisant obstacle à la poursuite des activités de la Jeune B... et en empêchant des associations, syndicats et partis politiques de bénéficier de son service d'ordre pour leurs événements ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ;
- ce décret repose sur des faits qui sont matériellement inexacts, non imputables au groupement et inopérants, et en tout état de cause insusceptibles de caractériser des provocations à des agissements violents ;
- la " Jeune B... " ne participe pas, ne revendique pas et ne légitime pas les actions violentes ;
- en particulier, " La Jeune B... " ne valorise ni ne glorifie le recours à la violence comme moyen d'action, ne dispose d'un service d'ordre que pour s'assurer que les manifestations se passent bien et n'organise des formations d'autodéfense que marginalement, pour apprendre à ses membres à se protéger d'éventuelles agressions ;
- la page " Antifa Squads-Rescue Page ", qui impute à tort des agissements à la " Jeune B... ", n'est pas l'organe de communication de ce groupement, lequel n'a jamais revendiqué ou assumé de provocation à des agissements violents à l'encontre de " groupes adverses " ;
- le floutage des visages des membres de la " Jeune B... " dans les publications sur les réseaux sociaux ne relève pas d'une logique de clandestinité mais de protection ;
- le grief tiré de la commission d'agissements violents par des membres du groupement, d'une part, repose sur des allégations non étayées, sur des faits matériellement erronés ou sur des faits n'ayant donné lieu à aucune condamnation, et d'autre part, est en tout état de cause inopérant en l'absence de provocation du groupement à commettre des violences ou des dégradations et par suite, de tout lien de causalité entre ces agissements et l'action ou le discours de la " Jeune B... " ;
- la mesure de dissolution est illégale en ce qu'elle n'est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la finalité de la sauvegarde de l'ordre public et à la gravité des atteintes susceptibles d'être portées à l'ordre public ;
- le décret contesté méconnaît les stipulations des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il constitue une ingérence dans les droits protégés par ces stipulations qui n'est ni justifiée ni proportionnée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité intérieure ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens [...] ". En application de l'article L. 212-1-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ".
4. Par un décret du 12 juin 2025, pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, le groupement " La Jeune B... " a été dissout. Par la présente requête, ce groupement, M. A... et M. E... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de ce décret.
5. Si l'atteinte qui est nécessairement portée à la liberté d'association par l'exécution d'un décret prononçant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait est, en principe, constitutive d'une situation d'urgence, il en va toutefois autrement dans les circonstances particulières de l'espèce et à la date à laquelle est rendue la présente ordonnance, eu égard, d'une part, au fait que l'association n'a présenté la présente requête tendant à la suspension du décret litigieux, en date du 12 juin 2025, que le 3 août 2025, soit près de deux mois après l'adoption de ce décret, et d'autre part, au fait que la 10ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat sera en mesure d'inscrire la requête en annulation introduite par les requérants au rôle d'une formation de jugement sous trois mois. Si les requérants font valoir que l'exécution du décret fait obstacle à la poursuite par la " Jeune B... " de ses activités mais aussi empêche les organisations qui souhaiteraient y avoir recours de bénéficier du concours de son " service d'ordre " pour assurer la sécurité de leurs propres événements et manifestations, ces seuls éléments ne sont pas en l'espèce de nature à caractériser une situation d'urgence, au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution du décret soit suspendue.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux, que la requête de " La Jeune B... F... " et autres, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de " La Jeune B... F... " et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au groupement " La Jeune B... F... ", représentée par M. D... A..., premier requérant dénommé.
Copie en sera adressée pour information au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 7 août 2025
Signé : Emilie Bokdam-Tognetti
N° 506861
ECLI:FR:CEORD:2025:506861.20250807
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
PASCUAL, avocats
Lecture du jeudi 7 août 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le groupement " La Jeune B... F... ", M. D... A... et M. C... E... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret du 12 juin 2025 portant dissolution du groupement de fait " La Jeune B... " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le décret attaqué ;
- la condition d'urgence est satisfaite, dès lors que l'atteinte portée à la liberté d'association par la dissolution d'un groupement de fait ou d'une association est en principe constitutive d'une situation d'urgence et qu'en l'espèce, l'exécution du décret porte une atteinte certaine à la liberté d'association, à la liberté de manifester et à la liberté d'expression en faisant obstacle à la poursuite des activités de la Jeune B... et en empêchant des associations, syndicats et partis politiques de bénéficier de son service d'ordre pour leurs événements ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ;
- ce décret repose sur des faits qui sont matériellement inexacts, non imputables au groupement et inopérants, et en tout état de cause insusceptibles de caractériser des provocations à des agissements violents ;
- la " Jeune B... " ne participe pas, ne revendique pas et ne légitime pas les actions violentes ;
- en particulier, " La Jeune B... " ne valorise ni ne glorifie le recours à la violence comme moyen d'action, ne dispose d'un service d'ordre que pour s'assurer que les manifestations se passent bien et n'organise des formations d'autodéfense que marginalement, pour apprendre à ses membres à se protéger d'éventuelles agressions ;
- la page " Antifa Squads-Rescue Page ", qui impute à tort des agissements à la " Jeune B... ", n'est pas l'organe de communication de ce groupement, lequel n'a jamais revendiqué ou assumé de provocation à des agissements violents à l'encontre de " groupes adverses " ;
- le floutage des visages des membres de la " Jeune B... " dans les publications sur les réseaux sociaux ne relève pas d'une logique de clandestinité mais de protection ;
- le grief tiré de la commission d'agissements violents par des membres du groupement, d'une part, repose sur des allégations non étayées, sur des faits matériellement erronés ou sur des faits n'ayant donné lieu à aucune condamnation, et d'autre part, est en tout état de cause inopérant en l'absence de provocation du groupement à commettre des violences ou des dégradations et par suite, de tout lien de causalité entre ces agissements et l'action ou le discours de la " Jeune B... " ;
- la mesure de dissolution est illégale en ce qu'elle n'est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la finalité de la sauvegarde de l'ordre public et à la gravité des atteintes susceptibles d'être portées à l'ordre public ;
- le décret contesté méconnaît les stipulations des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il constitue une ingérence dans les droits protégés par ces stipulations qui n'est ni justifiée ni proportionnée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité intérieure ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens [...] ". En application de l'article L. 212-1-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 212-1, sont imputables à une association ou à un groupement de fait les agissements mentionnés au même article L. 212-1 commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement, dès lors que leurs dirigeants, bien qu'informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ".
4. Par un décret du 12 juin 2025, pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, le groupement " La Jeune B... " a été dissout. Par la présente requête, ce groupement, M. A... et M. E... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de ce décret.
5. Si l'atteinte qui est nécessairement portée à la liberté d'association par l'exécution d'un décret prononçant la dissolution d'une association ou d'un groupement de fait est, en principe, constitutive d'une situation d'urgence, il en va toutefois autrement dans les circonstances particulières de l'espèce et à la date à laquelle est rendue la présente ordonnance, eu égard, d'une part, au fait que l'association n'a présenté la présente requête tendant à la suspension du décret litigieux, en date du 12 juin 2025, que le 3 août 2025, soit près de deux mois après l'adoption de ce décret, et d'autre part, au fait que la 10ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat sera en mesure d'inscrire la requête en annulation introduite par les requérants au rôle d'une formation de jugement sous trois mois. Si les requérants font valoir que l'exécution du décret fait obstacle à la poursuite par la " Jeune B... " de ses activités mais aussi empêche les organisations qui souhaiteraient y avoir recours de bénéficier du concours de son " service d'ordre " pour assurer la sécurité de leurs propres événements et manifestations, ces seuls éléments ne sont pas en l'espèce de nature à caractériser une situation d'urgence, au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution du décret soit suspendue.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux, que la requête de " La Jeune B... F... " et autres, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de " La Jeune B... F... " et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au groupement " La Jeune B... F... ", représentée par M. D... A..., premier requérant dénommé.
Copie en sera adressée pour information au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 7 août 2025
Signé : Emilie Bokdam-Tognetti