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Ariane Web: Conseil d'État 469075, lecture du 5 septembre 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:469075.20250905

Décision n° 469075
5 septembre 2025
Conseil d'État

N° 469075
ECLI:FR:CECHS:2025:469075.20250905
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Philippe Bachschmidt, rapporteur
SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats


Lecture du vendredi 5 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision du 20 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de la société Sumitomo Chemical Agro Europe tendant à l'annulation du jugement n° 2109262 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, après avoir annulé la décision du 8 août 2021 du directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) dans la seule mesure où elle lui refuse la communication du point 2.2. d'un rapport d'équivalence technique, a annulé l'article 3 de ce jugement et sursis à statuer sur les conclusions de la société Sumitomo Chemical Agro Europe relatives à la communication des extraits du rapport d'équivalence technique de l'ANSES qui ne lui ont pas été communiqués jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes :

1. Lorsque l'autorité nationale compétente, qui a été saisie d'une demande d'autorisation de mise sur le marché d'un produit biocide avant le 1er septembre 2013 et qui, en application de l'article 91 du règlement 528/2012, a instruit cette demande sur le fondement des dispositions nationales transposant la directive 98/8/CE est, postérieurement à la délivrance de cette autorisation, saisie par un tiers d'une demande d'accès à des informations relatives au produit biocide qu'elle a autorisé et à la substance active qu'il contient, notamment à son équivalence technique avec une substance active autorisée, cette autorité doit-elle examiner cette demande d'accès au regard des règles de confidentialité prévues par les dispositions nationales transposant l'article 19 de la directive 98/8/CE ou de celles prévues par les articles 66 et 67 du règlement 528/2012 '

2. Si une telle demande d'accès est régie par la directive 98/8/CE, dont l'article 19 s'applique sans préjudice de la directive 2003/4 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 :

- le k) du paragraphe 3 de cet article, qui prévoit qu'une fois l'autorisation de mise sur le marché du produit biocide accordée, la confidentialité ne s'applique en aucun cas aux " méthodes d'analyses visées à l'article 5, paragraphe 1, point c) ", permet-il au demandeur d'obtenir toute information détaillée relative à ces méthodes, y compris si sa divulgation est susceptible de mettre en cause le secret des affaires, ou seulement des informations générales relatives à la nature de ces méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu'elles ont permis de tirer '

- les " données physiques et chimiques concernant la substance active et le produit biocide ", qui ne peuvent rester confidentielles une fois l'autorisation accordée en vertu du f) du paragraphe 3 de l'article 19, permettent-elles au demandeur d'exiger la communication de données détaillées relatives à la composition de la substance active ou du produit biocide, même susceptibles de révéler directement ou indirectement des procédés de fabrication '

3. Si, à l'inverse, une telle demande d'accès est régie par le règlement 528/2012 :

- le législateur de l'Union a-t-il entendu, par les articles 66 et 67 de ce règlement, qui ne font pas référence à la directive 2003/4, définir un régime spécifique et exhaustif de communication au public des informations relatives aux produits biocides et à leurs substances actives et, ainsi, écarter les dispositions de la directive 2003/4 en tant qu'elles prévoient, d'une part, que le secret des affaires ne peut s'opposer à la communication des informations relatives à des émissions dans l'environnement et, d'autre part, que si la divulgation d'autres informations relatives à l'environnement est susceptible de porter atteinte aux intérêts commerciaux d'une entreprise, l'autorité administrative compétente doit, préalablement à un éventuel refus de communication, mettre en balance l'intérêt de cette entreprise et l'intérêt du public '

- la communication d'un rapport d'évaluation de l'équivalence technique entre une substance active approuvée et la substance active que contient un produit biocide, élaboré à l'occasion d'une demande d'autorisation de mise sur le marché de ce produit, est-elle régie par le point e) du paragraphe 3 de l'article 67 du règlement 528/2012, qui prévoit la publicité du rapport d'évaluation des substances actives approuvées sauf traitement confidentiel sollicité par le demandeur, par le point b) du paragraphe 4 de ce même article, qui prévoit la publicité du rapport d'évaluation d'un produit biocide autorisé sauf traitement confidentiel sollicité par le demandeur, ou par d'autres règles '

- le point j) du paragraphe 3 de l'article 66 du règlement 528/2012, qui prévoit qu'une fois l'autorisation de mise sur le marché d'un produit biocide accordée, l'accès aux " méthodes d'analyse visées à l'article 19, paragraphe 1, point c) " n'est " en aucun cas refusé ", permet-il d'obtenir toute information détaillée relative à ces méthodes, y compris si sa divulgation est susceptible de mettre en cause le secret des affaires, ou seulement des informations générales relatives à la nature de ces méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu'elles ont permis de tirer '

- le h) du paragraphe 1 de l'article 67 du même règlement, qui prévoit qu'à partir de la date d'approbation d'une substance active, sont mises gratuitement à la disposition du public les " méthodes d'analyse visées à l'annexe II (...) titre 2, section 4.2 ", doit-il être interprété comme renvoyant en réalité aux dispositions de la section 4.3 du titre 2 de l'annexe II auxquelles il faisait référence avant l'intervention du règlement délégué de la Commission du 19 octobre 2020 modifiant les annexes II et III du règlement ' S'il y a lieu d'interpréter ces dispositions comme renvoyant aux dispositions aujourd'hui en vigueur de la section 4.2. du titre 2 de l'annexe II, et à supposer que ces dispositions soient applicables à une substance active qui n'a pas fait l'objet d'une approbation mais qui est reconnue comme techniquement équivalente à une substance active approuvée, la communicabilité de principe des " méthodes analytiques permettant l'analyse du microorganisme tel qu'il est fabriqué " mentionnées à cette section 4.2 permet-elle au demandeur d'obtenir toute information détaillée relative à ces méthodes, y compris si sa divulgation est susceptible de mettre en cause le secret des affaires, ou seulement des informations générales relatives à la nature de ces méthodes et, le cas échéant, aux conclusions qu'elles ont permis de tirer '

4. Enfin, si les dispositions de la directive 2003/4 s'appliquent au présent litige, la qualification " d'informations ayant trait à des émissions dans l'environnement " au sens du paragraphe 2 de l'article 4 de cette directive, qui inclut les indications concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu de ces émissions, ainsi que les données relatives à leurs incidences, à plus ou moins long terme, sur l'environnement, est-elle susceptible de s'appliquer aux informations produites ou reçues par l'autorité compétente dans le cadre de l'examen de l'équivalence technique d'une substance active avec une substance active approuvée, ou ne peut-elle s'appliquer qu'aux informations relatives au produit biocide dans lequel une telle substance est contenue, dès lors que c'est ce produit, dans tous ses composants, qui est émis dans l'environnement, et non la seule substance active '


Par un arrêt C- 809/23 du 20 mars 2025, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 7 juillet 2025 la société Sumitomo Chemical Agro Europe reprend les conclusions de son pourvoi par les mêmes moyens.

Cet arrêt a été communiqué à la société Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires (CERA) et à l'ANSES, qui n'ont pas produit de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 20 décembre 2023 ;


Vu :
- le règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 ;
- la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 ;
- la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 ;
- l'arrêt C-442/14 du 23 novembre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'arrêt C- 809/23 du 20 mars 2025 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Société Sumitomo Chemical Agro Europe, au Cabinet François Pinet, avocat de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cera sas france ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sumitomo Chemical Agro Europe commercialise un produit biocide destiné à lutter contre les moustiques, dénommé " Vectobac ", dont la substance active est le Bacillus Thuringiensis israelensis, sérotype H14, souche AM65-52 (BtiAM65-52), substance qui a été inscrite par la directive n° 2011/78/UE du 20 septembre 2011 sur la liste des substances actives de l'annexe I de la directive n° 98/8/CE du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides, remplacée depuis le 1er septembre 2013 par le règlement (UE) n° 528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides. La société Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires (CERA) a déposé le 30 août 2013 auprès de l'administration des demandes d'autorisation de mise sur le marché national de trois produits biocides ayant la même finalité, dénommés " Aquabac XT ", " Aquabac DF3000 " et " Aquabac200G ", dont la substance active est le même bacille de même sérotype, mais dont la souche est BMP 144 (Bti-BMP 144), laquelle n'est pas inscrite sur la liste des substances autorisées au niveau européen. Ces autorisations ont été délivrées par trois décisions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) du 19 août 2019, sur le fondement d'un rapport d'évaluation qui conclut à l'équivalence technique des substances actives Bti-BMP 144 et Bti-AM65-52. La société requérante, qui conteste cette équivalence technique, a demandé à l'ANSES de lui communiquer ce rapport d'évaluation. Par un courriel du 9 avril 2021, l'ANSES a transmis les pages 1, 2 et 23, correspondant à la page de garde, au sommaire et à une conclusion sous forme de tableau, mais a refusé la communication des autres parties, au motif qu'elles comportent des informations techniques couvertes par le secret des affaires.

2. La société Sumitomo Chemical Agro Europe a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le refus de l'ANSES de lui communiquer l'intégralité du rapport mentionné au point 1. Elle s'est pourvue en cassation contre l'article 3 du jugement du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Melun qui, après avoir annulé la décision du 8 août 2021 du directeur général de l'ANSES dans la mesure où elle lui refuse la communication du point 2.2 du rapport d'évaluation figurant aux pages 21 et 22, a rejeté le surplus de ses conclusions. Par un arrêt du 20 décembre 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir annulé l'article 3 de ce jugement, a sursis à statuer dans l'attente que la Cour de justice de l'Union européenne se prononce sur les questions qu'il lui a renvoyées à titre préjudiciel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Par son arrêt C- 809/23 du 20 mars 2025 statuant sur ces questions préjudicielles, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, en premier lieu, que : " les articles 96 et 97 du règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides, tel que modifié par le règlement (UE) n° 334/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, doivent être interprétés en ce sens qu'une demande d'accès aux informations relatives à une substance active contenue dans un produit biocide autorisé et, notamment, à son équivalence technique avec une substance active approuvée, qui a été introduite après la date à laquelle ce règlement est devenu applicable, doit être appréciée au regard des dispositions dudit règlement, quand bien même une telle demande concerne un produit biocide autorisé conformément à la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides ou, le cas échéant, en vertu du même règlement sur le fondement d'une équivalence technique établie par une autorité compétente désignée conformément à l'article 26 de cette directive ".

4. Il s'ensuit que, dès lors que la demande de la société Sumitomo Chemical Agro Europe d'accès aux informations relatives à l'équivalence technique entre la substance active approuvée Bti-AM65-52 et la substance active Bti-BMP 144 que contient le produit biocide de la société CERA, figurant dans un document élaboré à l'occasion d'une demande d'autorisation de mise sur le marché de ce produit, a été formulée le 11 février 2021, soit postérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2013, du règlement (UE) n° 528/2012 du 22 mai 2012, c'est au regard des dispositions de ce dernier qu'elle doit être examinée, alors même qu'elle concerne un produit biocide autorisé sur le fondement de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998.

5. En deuxième lieu, la Cour de justice de l'Union européenne a également dit pour droit que : " L'article 66, paragraphe 3, sous j), du règlement n° 528/2012, tel que modifié par le règlement n° 334/2014, doit être interprété en ce sens que : une fois l'autorisation de mise sur le marché d'un produit biocide accordée, l'autorité compétente ne peut refuser l'accès sollicité aux informations relatives aux méthodes d'analyse qui ont permis d'établir l'équivalence technique des substances actives contenues dans ce produit. Ces informations doivent être précises et complètes, mais ne s'étendent pas aux résultats ou aux conclusions obtenus à la suite de l'application de ces méthodes ".

6. Il s'ensuit qu'est communicable la partie I du rapport objet du litige consacrée à la méthodologie utilisée par l'ANSES pour déterminer si la substance active contenue dans les produits " Aquabac ", qui est le Bacillus Thuringiensis israelensis, sérotype H14, souche BMP 144, est techniquement équivalente à la substance active Bacillus Thuringiensis israelensis, sérotype H14, souche AM65-52 (BtiAM65-52), substance active ayant déjà fait l'objet d'une approbation au niveau européen.

7. En troisième lieu, la Cour de justice de l'Union européenne a aussi dit pour droit que : " L'article 67, paragraphe 1, sous h), l'article 67, paragraphe 3, sous e), et l'article 67, paragraphe 4, sous b), du règlement no 528/2012, tel que modifié par le règlement no 334/2014, doivent être interprétés en ce sens que : ne relève pas du champ d'application de ces dispositions la communication d'un rapport établissant l'équivalence technique entre une substance active contenue dans un produit biocide autorisé et une substance active approuvée, élaboré par l'autorité compétente d'un État membre à l'occasion de l'instruction d'une demande d'autorisation de mise sur le marché de ce produit ".

8. Il s'ensuit que la publicité du rapport d'équivalence technique objet du litige n'est pas régie par ces dispositions.

9. En quatrième lieu, la Cour de justice de l'Union européenne a encore dit pour droit que : " l'article 66 du règlement no 528/2012, tel que modifié par le règlement no 334/2014, doit être interprété en ce sens que : il ne définit pas un régime spécifique et exhaustif d'accès aux informations détenues par les autorités compétentes d'un État membre relatives aux produits biocides et, notamment, à l'équivalence technique entre la substance active contenue et une substance active approuvée, de nature à exclure l'application, par ces autorités, des dispositions nationales qui transposent l'article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil ".

10. Il s'ensuit que la communication du rapport d'équivalence objet du litige est soumise aux dispositions des articles L. 124-1, L. 124-2 et L. 124-3 du code de l'environnement, qui transposent la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil et prévoient que toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques, dans les conditions définies par les dispositions du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. L'article L. 124-4 de ce dernier code prévoit à cet égard que l'autorité publique peut rejeter la demande de communication d'une information relative à l'environnement lorsque cette communication porterait atteinte au secret des affaires, " après avoir apprécié l'intérêt d'une communication ". L'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration précise que ne sont communicables qu'à la personne intéressée les documents administratifs dont la communication porterait atteinte au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielle. Cependant, en application de l'article L. 311-7 du même code, lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions.

11. S'agissant de la première sous-partie de la partie II du rapport d'équivalence technique, qui met en oeuvre la méthodologie exposée dans la partie I, doit être regardée comme étant de nature à porter atteinte au secret des affaires, car révélant de manière directe ou indirecte la composition détaillée ou les processus de fabrication de la substance étudiée, la communication des sous-parties 2.1.5., qui décrit le processus de fabrication, 2.1.6., qui analyse la teneur en substance active dans les produits biocides en cause, 2.1.7., en tant qu'elle décrit le procédé de fabrication, 2.1.8., qui compare la composition de cinq lots des produits biocides en cause, 2.1.9. et 2.1.10., en tant qu'elles présentent les résultats permettant d'établir l'équivalence technique des substances actives contenues dans le produit fabriqué. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communication au public de ces informations présenterait, du point de vue de la préservation de l'environnement, un intérêt justifiant qu'elles soient communiquées en dépit du secret des affaires, sur le fondement du premier alinéa du I de l'article L. 124-4 du code de l'environnement. Par ailleurs, dans la sous-partie 2.1.1., est de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée la communication à un tiers de l'identité et des coordonnées de la personne physique désignée comme contact.

12. En cinquième lieu, la Cour de justice de l'Union européenne, en dernier lieu, a dit pour droit que : " L'article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que : la notion d'" informations relatives à des émissions dans l'environnement ", au sens de cette disposition, n'est, en principe, pas susceptible de s'appliquer aux informations figurant dans un rapport établi par l'autorité compétente d'un État membre à la suite de l'évaluation de l'équivalence technique d'une substance active, contenue dans un produit biocide autorisé, avec une substance active approuvée ".

13. Il ne ressort pas de l'examen de la version non occultée du rapport d'équivalence technique objet du présent litige, communiqué au Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, qu'il comporte des informations relatives à des émissions dans l'environnement, de telles " émissions dans l'environnement " devant être entendues, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a dit pour droit dans son arrêt C-442/14 du 23 novembre 2016, comme le rejet de produits ou de substances, pour autant que ce rejet soit effectif ou prévisible dans des conditions normales ou réalistes d'utilisation et les " informations ", au sens de ces dispositions, concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu des " émissions dans l'environnement " ainsi que les données relatives aux incidences, à plus ou moins long terme, de ces émissions sur l'environnement.

14. Il résulte de tout ce qui précède que ne peut être regardée comme étant de nature à porter atteinte au secret des affaires au sens de l'article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration et ne relève d'aucune des exceptions prévues à l'article L. 124-4 du code de l'environnement, la communication de la partie I du rapport d'évaluation, qui conclut à l'équivalence technique des substances actives Bti-BMP 144 et Bti-AM65-52, ainsi que des sous-parties 2.1.1. " Identité et coordonnées du demandeur et du fabricant de la substance active ", après occultation de l'identité et des coordonnées de la personne contact, 2.1.2. " Localisation de l'usine ", 2.1.3. " Nom du micro-organisme actif ", 2.1.4. " Culture collection and CIPAC numbers ", 2.1.7. " Identité des toxines/métabolites pertinents, résidus de fermentation et contaminants " après occultation des informations relatives au procédé de fabrication, 2.1.9 " Méthodes d'analyse pour l'identification de micro-organisme pur actif dans le micro-organisme actif tel que fabriqué " et 2.1.10 " Méthodes d'analyse pour la détermination des impuretés et toxines, résidus de fermentations et contaminants dans le micro-organisme actif tel que fabriqué ", après occultation pour ces deux dernières sous-parties des résultats obtenus.

15. Le rapport d'évaluation de l'ANSES qui conclut à l'équivalence technique des substances actives Bti-BMP 144 et Bti-AM65-52 ayant été produit en cours d'instance, avec les occultations mentionnées au point 14, et communiqué à la société Sumitomo Chemical Agro Europe, la demande de cette dernière tendant à l'annulation de la décision de l'ANSES refusant de lui communiquer l'intégralité de ce rapport est devenue sans objet. Il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation ni, par voie de conséquence, sur ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ANSES la somme de 3 000 euros à verser à la société Sumitomo Chemical Agro Europe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Sumitomo Chemical Agro Europe, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Sumitomo Chemical Agro Europe tendant à l'annulation de la décision de l'ANSES refusant de lui communiquer l'intégralité de son rapport d'évaluation qui conclut à l'équivalence technique des substances actives Bti-BMP 144 et Bti-AM65-52.
Article 2 : L'ANSES versera la somme de 3 000 euros à la société Sumitomo Chemical Agro Europe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Sumitomo Chemical Agro Europe est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de l'ANSES et de la société CERA présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Sumitomo Chemical Agro Europe, à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, à la société Compagnie européenne de réalisations antiparasitaires et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2025 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 5 septembre 2025.

Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville