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Ariane Web: Conseil d'État 508001, lecture du 12 septembre 2025, ECLI:FR:CEORD:2025:508001.20250912

Décision n° 508001
12 septembre 2025
Conseil d'État

N° 508001
ECLI:FR:CEORD:2025:508001.20250912
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Samy DJEMAOUN, avocats


Lecture du vendredi 12 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 30 mai 2025 du préfet du Val-de-Marne portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il est renvoyé et de mettre fin à la mesure de rétention administrative dont il fait l'objet, ainsi que d'enjoindre, à titre principal, au préfet territorialement compétent de lui délivrer, à titre provisoire, un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours. Par une ordonnance n° 2525196 du 5 septembre 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 et 10 septembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté préfectoral du 30 mai 2025, ou, à tout le moins, de juger que l'obligation de quitter le territoire français édictée le 30 mai 2025 est devenue inexécutable du fait de circonstances postérieures à son édiction ;

3°) de faire droit à sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité en ce que le juge des référés du tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français était devenue inexécutable en raison de circonstances nouvelles ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il est placé en rétention et que son éloignement du territoire français à destination du Maroc, prévu le 15 septembre 2025, est imminente ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit à une vie privée et familiale normale ainsi qu'à l'intérêt supérieur de son enfant ;
- les éléments dont il a fait état font apparaître un changement de circonstances de droit ou de fait intervenu postérieurement à la mesure d'éloignement et permettent d'établir que les modalités selon lesquelles il est procédé à son exécution emportent des effets excédant ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., ressortissant turc, né le 22 octobre 1978 au Maroc, réside en France régulièrement de manière non discontinue, selon ses déclarations, depuis 1978, sur le fondement de titres de séjour " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 30 mai 2025, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Il a été placé en rétention administrative et son éloignement est prévu à la date du 15 septembre 2025. Par une ordonnance n° 2523703 du 25 août 2025, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté, pour tardiveté, sa demande tenant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté préfectoral du 30 mai 2025. L'arrêté du 16 août 2025 par lequel le préfet de police avait prononcé son interdiction de retour sur ce territoire pour 36 mois a, par ailleurs, été annulé par un jugement n° 2523705 du 1er septembre 2025 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris. M. B... relève appel de l'ordonnance n° 2525196 du 5 septembre 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté préfectoral du 30 mai 2025 et à ce qu'il ordonne diverses mesures d'injonction.

3. Il appartient à l'étranger qui entend contester une obligation de quitter le territoire français lorsqu'elle est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence, de saisir le juge administratif sur le fondement des dispositions des articles L. 614-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une demande tendant à leur annulation, assortie le cas échéant de conclusions à fin d'injonction. Cette procédure particulière est exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative. Il en va autrement, dans le cas où les modalités selon lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle mesure relative à l'éloignement forcé d'un étranger emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette mesure et après que le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèdent ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution.

4. M. B... entend se prévaloir, devant le juge du référé, de deux circonstances nouvelles survenues après que le juge de l'excès de pouvoir a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du 30 mai 2025 tirées, pour l'une, de ce que le juge des enfants aurait accepté de procéder à un aménagement pour l'année à venir des modalités de son droit de visite à l'égard de son fils de six ans, lui permettant de le voir non plus seulement une fois par mois mais une fois tous les quinze jours et, pour l'autre, de ce que la décision préfectorale du 16 août 2025 portant interdiction de retour sur le territoire français a été annulée par un jugement du 1er septembre 2025. Toutefois, aucun de ces changements de circonstances n'est en lien avec les modalités d'exécution de la mesure relative à son éloignement forcée, l'éventuelle modification du régime du droit de visite renvoyant seulement à la légalité de l'arrêté du 30 mai 2025 lui-même sur lequel le tribunal administratif de Paris s'est déjà prononcé et l'annulation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ne faisant aucunement obstacle à son éloignement.

5. M. B... ne fait valoir en appel aucune autre circonstance de fait ou de droit permettant de constater que les modalités selon lesquelles il doit être procédé à l'exécution de la mesure relative à son éloignement forcé emporterait des effets qui, en raison de tels changements, excèderaient ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution. Il n'apporte ainsi, à l'appui de son appel, aucun élément nouveau qui serait, à la date de la présente ordonnance, propre à remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation à laquelle s'est livré le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Fait à Paris, le 12 septembre 2025
Signé : Olivier Yeznikian