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Décision n° 491046
2 octobre 2025
Conseil d'État

N° 491046
ECLI:FR:CECHS:2025:491046.20251002
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
Mme Ségolène Cavaliere, rapporteure
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats


Lecture du jeudi 2 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir la décision référencée " 48 SI " du 7 juin 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, ainsi que les décisions référencées " 48 " portant retrait de points sur ce permis à la suite d'infractions commises les 12 octobre 2007, 10 janvier 2009 et 11 décembre 2009, ainsi que la décision de rejet née du silence gardé par le ministre sur son recours gracieux. Par un jugement n° 2203781 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif a annulé ces décisions et enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. A... les points retirés et de lui restituer, le cas échéant, son permis de conduire.

Par un pourvoi enregistré le 22 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. A... en première instance.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la route ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A... a commis les 7 octobre 2005, 12 octobre 2007, 10 janvier 2009, 11 décembre 2009 et 2 avril 2013 diverses infractions ayant entraîné le retrait de la totalité des points figurant au capital de son permis de conduire. Par une décision référencée " 48 SI " du 7 juin 2013 le ministre de l'intérieur a, de ce fait, constaté la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 27 novembre 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé la décision référencée " 48 SI " du 7 juin 2013, les décisions par lesquelles le ministre de l'intérieur a procédé à des retraits de points suite aux infractions commises les 12 octobre 2007, 10 janvier 2009 et 11 décembre 2009 ainsi que la décision de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur la demande de recours gracieux présentée par M. A... contre ces décisions et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de restituer à M. A... les points illégalement retirés et de prendre toute mesure utile pour, le cas échéant, lui restituer son permis de conduire dans un délai de deux mois.

2. Il résulte des dispositions du troisième alinéa du III de l'article R. 223-3 du code de la route que les décisions constatant l'invalidité du permis de conduire pour solde de points nul doivent être notifiées au titulaire du permis de conduire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au titulaire du permis de conduire et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le ministre de l'intérieur a produit l'avis de réception qui lui a été adressé à la suite de l'envoi postal à M. A... de la décision référencée " 48 SI ". Si ce document ne présente pas de façon apparente le jour et la date de présentation de ce courrier, ces informations ayant été occultées par un autocollant appliqué par les services postaux, la mention apparente sur ce document de l'année 2013 et l'indication de ce que le pli a été " avisé et non réclamé ", associé au relevé d'information intégrale également produit par le ministre qui fait état d'un accusé de réception d'une décision référencée " 48 SI " daté du 7 juin 2013, dont la référence est identique à celle figurant sur l'avis de réception, doivent être regardés comme suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière du pli adressé à M. A.... En outre, il ne peut être déduit de la circonstance que ces mentions aient été malencontreusement recouvertes sur l'avis de réception adressé à l'administration qu'elles ont été également occultées sur l'avis de passage délivré à M. A.... Par suite, en jugeant que la notification de la décision référencée " 48 SI " adressée à M. A... ne pouvait être regardée comme étant régulièrement intervenue, et en écartant, de ce fait, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur tirée de la tardiveté de la requête présentée par le requérant, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision référencée " 48 SI " du 7 juin 2013 du ministre de l'intérieur doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à l'intéressée en 2013. Le délai de recours contentieux ouvert contre cette décision et contre les décisions de retrait de point qui y sont mentionnées était ainsi expiré lorsque M. A... a, le 12 juillet 2022, introduit sa demande devant le tribunal administratif de Bordeaux. Cette demande tardive est ainsi irrecevable et ne peut qu'être rejetée.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 novembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Monsieur B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 11 septembre 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 2 octobre 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet