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Décision n° 494453
2 octobre 2025
Conseil d'État

N° 494453
ECLI:FR:CECHS:2025:494453.20251002
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
Mme Ségolène Cavaliere, rapporteure


Lecture du jeudi 2 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique rétablissant ses droits à conduire acquis en France en tant qu'elle rejette sa demande d'échange de son permis de conduire britannique pour la conduite des véhicules de catégorie A, C1, D1, BE, C1E, D1E, f, k, l, n, p, q contre un permis de conduire français, ainsi que la décision du 17 février 2022 rejetant son recours gracieux, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui restituer son permis de conduire britannique ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer un permis de conduire français portant la mention de ces catégories, enfin de lui verser les sommes de 20 300 euros et 5 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement n° 2203228 du 19 mars 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a annulé la décision du 21 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'elle rejette la demande de M. B... d'échange de son permis de conduire britannique contre un permis de conduire français s'agissant des catégories A, C1, D1, BE, C1E, D1E, f, k, l, n, p et q, annulé la décision de rejet de son recours gracieux, enjoint au préfet de procéder à cet échange dans un délai de trois mois, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un pourvoi, enregistré le 21 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement en tant qu'il porte sur la demande d'échange du permis de conduire britannique de M. B... s'agissant des catégories A, f, k, l, n, p et q.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 ;
- le code de la route ;
- l'arrêté du 9 février 1998 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen ;
- l'arrêté du 3 avril 2019 relatif aux permis de conduire délivrés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B... a obtenu le 26 juin 1987 un permis de conduire français, dont il a obtenu l'échange contre un permis de conduire britannique le 22 novembre 1996. Saisi d'une nouvelle demande d'échange de ce permis de conduire britannique, le préfet de la Loire-Atlantique lui a délivré le 21 octobre 2021 un permis de conduire français portant mention des seules catégories B, AM, A1 et B1. Par un jugement du 19 mars 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision en tant qu'elle porte sur les catégories A, C1, D1, BE, C1E, D1E, f, k, l, n, p et q et enjoint au préfet de procéder à l'échange dans un délai de trois mois. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il porte sur les catégories A, f, k, l, n, p et q.

2. Aux termes de l'article R. 222-2 du code de la route : " Toute personne ayant sa résidence normale en France, titulaire d'un permis de conduire national délivré par un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, en cours de validité dans cet Etat, peut, sans qu'elle soit tenue de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3, l'échanger contre le permis de conduire français selon les modalités définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 3 avril 2019 relatif aux permis de conduire délivrés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord : " Les personnes ayant acquis leur résidence normale en France au plus tard à la date de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne sans accord, et titulaires d'un permis de conduire délivré par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, voient ce permis reconnu sur le territoire français dans les conditions fixées à l'article 2 de l'arrêté du 8 février 1999 susvisé. / Les autres dispositions de l'arrêté du 8 février 1999 susvisé leur sont également applicables ". Aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 9 février 1998 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'Espace économique européen : " Avant tout échange du permis de conduire, l'autorité administrative compétente s'assure de l'authenticité du titre de conduite dernièrement délivré et de la réalité et de la validité des droits à conduire./ (...) / Si l'autorité étrangère confirme l'absence de droits à conduire du titulaire ou si le titre présenté n'est pas le dernier délivré, l'échange est refusé et le titre de conduite est retiré par l'autorité administrative compétente, qui saisit le procureur de la République en le lui transmettant. "

3. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point précédent qu'il appartient à l'autorité saisie d'une demande de permis de conduire de s'assurer notamment de la réalité et de la validité des droits à conduire. Il suit de là qu'en annulant la décision prise sur la demande de M. B... en ce qui concerne la catégorie A, dont le préfet soutenait devant lui que les autorités britanniques sollicitées par ses soins lui avait indiqué que la mention sur le permis soumis à échange résultait d'une erreur administrative qu'elles avaient commise, sans rechercher si un tel motif n'était pas de nature à justifier cette décision, le tribunal administratif a commis une erreur de droit qui justifie, dans cette mesure, l'annulation de son jugement.

4. En second lieu, il résulte des termes même de l'article R. 221-4 du code de la route qui énumère les différentes catégories de permis de conduire, qu'elles ne prévoient pas de catégories équivalentes aux catégories f, k, l, n, p et q figurant sur le permis de conduire britannique soumis à l'échange, et dont il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'elles sont assorties d'un des codes supérieurs à 100 qui sont au nombre des " codes nationaux valables uniquement en circulation sur le territoire de l'Etat qui a délivré le permis " au sens de l'annexe 1 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire. Il suit de là que c'est par une erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que le préfet ne pouvait refuser la demande d'échange de permis de conduire en tant qu'elle porte sur ces catégories.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il se prononce sur la décision litigieuse en tant qu'elle porte sur catégories A, f, k, l, n, p et q.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il été dit ci-dessus, les autorités britanniques, saisies dans le cadre de la demande d'échange du permis britannique de M. B..., ont indiqué que la mention sur celui-ci de la catégorie A résultait d'une erreur administrative de leur part. Une telle indication non contredite, était de nature à justifier le refus de la demande d'échange en tant qu'elle portait sur cette catégorie, M. B... n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique rejetant sa demande d'échange de permis de conduire en tant qu'elle porte sur cette catégorie ainsi que, dans cette mesure, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

8. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision litigieuse en tant qu'elle rejette sa demande d'échange de son permis de conduire britannique s'agissant des catégories f, k, l, n, p et q ni, dans cette mesure, de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

9. Les conclusions à fins d'injonction présentées par M. B... en tant qu'elles portent sur la délivrance d'un permis de conduire français comportant les catégories A, f, k, l, n, p et q ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 19 mars 2024 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il statue sur la demande d'échange du permis de conduire britannique de M. B... contre un permis de conduire français, s'agissant des catégories A, f, k, l, n, p et q.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 21 octobre 2021 du préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il refuse l'échange de son permis de conduire britannique contre un permis de conduire français s'agissant des catégories A, f, k, l, n, p et q, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, dans cette mesure, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder à l'échange de son permis pour ces catégories sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....