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Ariane Web: Conseil d'État 495120, lecture du 15 octobre 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:495120.20251015

Décision n° 495120
15 octobre 2025
Conseil d'État

N° 495120
ECLI:FR:CECHS:2025:495120.20251015
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Benoît Chatard, rapporteur
BARDOUL, avocats


Lecture du mercredi 15 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société d'études et de réalisation de constructions outre-mer (SERCOM) a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge du prélèvement forfaitaire non libératoire et des contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2100221 du 12 mai 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22BX01822 du 16 avril 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SERCOM contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 12 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SERCOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoît Chatard, auditeur,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bardoul, avocat de la société d'études et de réalisation de constructions outre-mer (SERCOM) ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'études et de réalisation de constructions outre-mer (SERCOM), par une assemblée générale extraordinaire du 17 octobre 2016, a décidé de procéder à une réduction de son capital social, composé de 500 parts, par voie de rachat de 158 de ces parts suivi de leur annulation. Le prix de rachat de ces parts a été imputé, d'une part, sur le capital social, d'autre part, sur un compte de réserves distribuables. Cette opération a été placée sous le régime fiscal des plus-values prévu au 6° de l'article 112 du code général des impôts. À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a requalifié l'opération comme procédant d'une distribution de revenus et a assujetti la société au prélèvement forfaitaire non libératoire de 21 % prévu à l'article 117 quater du même code et aux contributions sociales. La SERCOM se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 avril 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 12 mai 2022 du tribunal administratif de la Martinique rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article 112 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'article 88 de la loi de finances rectificative pour 2014 du 29 décembre 2014 : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : / 1° Les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d'apports ou de primes d'émission. Toutefois, une répartition n'est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis. / (...) / 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable. (...) ". Il résulte des dispositions du 6° de l'article 112 précité que, depuis le 1er janvier 2015, les sommes ou valeurs reçues par les actionnaires ou associés au titre du rachat de leurs actions ou parts sociales par la société émettrice sont imposées selon le régime des plus-values de cession. Sont sans incidence à cet égard le motif du rachat et la circonstance que ce rachat serait financé sur les bénéfices et réserves autres que la réserve légale.

3. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que les sommes perçues par les associés personnes physiques de la SERCOM à l'occasion du rachat par cette dernière de leurs parts présentaient le caractère de revenus distribués relevant du régime fiscal prévu au 1° de l'article 112 du code général des impôts aux motifs, inopérants, que cette réduction de capital n'était pas motivée par des pertes et s'était traduite par une répartition au profit des associés, sans répartition préalable des réserves autres que la réserve légale, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la SERCOM est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. Eu égard à ce qui a été dit au point 3 et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la SERCOM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge du prélèvement forfaitaire non libératoire et des contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros à verser à la SERCOM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 avril 2024 et le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2022 sont annulés.
Article 2 : La SERCOM est déchargée du prélèvement forfaitaire non libératoire et des contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à la SERCOM la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société d'études et de réalisation de constructions outre-mer et à la ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 septembre 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Benoît Chatard, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 octobre 2025.


La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Benoît Chatard
Le secrétaire :
Signé : M. Gilles Ho
La République mande et ordonne à la ministre de l'action et des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :