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Ariane Web: Conseil d'État 492924, lecture du 23 octobre 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:492924.20251023

Décision n° 492924
23 octobre 2025
Conseil d'État

N° 492924
ECLI:FR:CECHS:2025:492924.20251023
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
Mme Liza Bellulo, rapporteure
HAAS, avocats


Lecture du jeudi 23 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 4 août 2022 et 9 février 2023 par lesquels le maire de la commune de Montriond (Haute-Savoie) a accordé à la société Charm in France un permis de construire et un permis de construire modificatif pour la réalisation d'un chalet de trois logements.

Par un jugement n° 2206067-2206423 du 20 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Par une ordonnance n° 24LY00183 du 25 mars 2024, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi de M. B... enregistré le 19 janvier 2024 au greffe de cette cour.

Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2024, Mme D... B..., M. A... B... et Mme C... B... F... déclarent reprendre l'instance engagée par M. B..., décédé le 3 juin 2024.

Par ce pourvoi et ce mémoire, Mme B... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 2023 ;

2 °) de mettre à la charge de la commune de Montriond et de la société Charm in France 3 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de Mme B... et autres, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la commune de Montriond et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la SARL Charm in France ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par deux arrêtés des 4 août 2020 et 9 février 2023, le maire de Montriond (Haute-Savoie) a accordé à la SARL Charm in France un permis de construire et un permis de construire modificatif pour la réalisation d'un chalet de trois logements. M. B..., voisin du projet, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés. Par un jugement du 20 novembre 2023, contre lequel les ayants-droits de M. B..., décédé, se pourvoient en cassation, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale.

3. Le tribunal administratif, après avoir relevé que les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé par la communauté de communes du Haut-Chablais le 13 septembre 2022 applicables en zone UH, où se trouve le terrain d'assiette du projet, prévoient désormais que les constructions doivent s'implanter en retrait minimum de 1.90 m des chemins ruraux, s'est fondé sur le plan de masse produit à l'appui de la demande de permis de construire modificatif, dont il ressort que la distance de 1.90 mètre entre le bâtiment et le chemin rural est respectée, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des règles d'implantation de la construction. Il a, par conséquent, estimé que le vice affectant sur ce point le permis de construire initial au regard des règles d'implantation du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Montriond alors en vigueur avait été régularisé et, par suite, écarté comme inopérant le même moyen dirigé contre ce permis. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a commis aucune erreur de droit.

4. En deuxième lieu, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal du Haut-Chablais avait pu légalement édicter des règles d'implantation des constructions distinctes vis-à-vis des voies ouvertes à la circulation générale d'une part et des voies privées non ouvertes à la circulation, des chemins ruraux et des limites séparatives d'autre part, et en écartant pour ce motif le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces dispositions.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article UA11-0 du règlement du plan local d'urbanisme de Montriond applicable à la date de délivrance du permis de construire initial : " Les divers modes d'occupation et utilisation du sol ne doivent pas, par leur implantation ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ainsi qu'aux perspectives urbaines ou monumentales. "

6. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions reproduites au point 5, le tribunal administratif, qui a constaté l'intérêt des paysages naturels de montagne et de forêt dans lesquels s'insère le projet, a relevé que, s'agissant d'un chalet R+2 d'une hauteur de 9 mètres, dans un style architectural imitant les chalets traditionnels, et implantée en bordure de la voie publique entre des chalets d'au moins un étage, il ne leur portait pas atteinte. En statuant ainsi, le tribunal administratif n'a pas dénaturé les faits.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué.

8. La commune de Montriond et de la société Charm in France n'étant pas les parties perdantes, les conclusions des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et autres les sommes que la société Charm in France et la commune de Montriond demandent au titre du même article.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B... et autres est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montriond et de la société Charm in France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme D... B..., première requérante dénommée, à la commune de Montriond et à la société Charm in France.


Délibéré à l'issue de la séance du 25 septembre 2025 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et Mme Liza Bellulo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 23 octobre 2025.


Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
La rapporteure :
Signé : Mme Liza Bellulo
Le secrétaire :
Signé : M. Guillaume Auge