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Ariane Web: Conseil d'État 506644, lecture du 28 octobre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:506644.20251028

Décision n° 506644
28 octobre 2025
Conseil d'État

N° 506644
ECLI:FR:CECHR:2025:506644.20251028
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Philippe Bachschmidt, rapporteur
SCP SPINOSI, avocats


Lecture du mardi 28 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des avocats pénalistes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2025-620 du 8 juillet 2025 relatif aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée, à l'anonymat des personnels de l'administration pénitentiaire et modifiant le code pénitentiaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénitentiaire ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de l'Association des avocats pénalistes et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Conseil national des barreaux ;



Considérant ce qui suit :

1. L'article 61 de la loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic, modifiant le code pénitentiaire, a prévu la possibilité d'affecter certains détenus dans des quartiers particuliers aménagés dans certains établissements pénitentiaires, dits quartiers de lutte contre la criminalité organisée, et renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir ses conditions d'application. L'Association des avocats pénalistes demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 juillet 2025 relatif aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée, à l'anonymat des personnels de l'administration pénitentiaire et modifiant le code pénitentiaire, qui a été pris pour l'application de ces dispositions législatives.

Sur l'intervention :

2. Eu égard à la nature et à l'objet du litige, le Conseil national des barreaux justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la requête :

En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :

3. Lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il avait soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. Il ressort des pièces produites par le Premier ministre et soumises au débat contradictoire que le texte du décret attaqué publié au Journal officiel ne diffère pas du texte adopté par la section de l'intérieur du Conseil d'Etat. Par suite, le moyen tiré de ce que les règles de consultation préalable du Conseil d'Etat auraient été méconnues doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 224-5 du code pénitentiaire, issu de la loi du 13 juin 2025 : " A titre exceptionnel, afin de prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, quelles que soient les finalités et les formes de ces derniers, les personnes majeures détenues pour des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du code de procédure pénale peuvent, sur décision du ministre de la justice, être affectées dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, après avis du juge de l'application des peines compétent s'il s'agit d'une personne condamnée. S'il s'agit d'une personne prévenue, mise en examen ou accusée, il ne peut être procédé à l'affectation qu'après information du magistrat chargé de l'enquête ou de l'instruction et qu'à défaut d'opposition de sa part dans un délai de huit jours à compter de la réception de cette information ".

5. L'article L. 224-6 du même code, issu de la même loi, dispose que : " La décision d'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée doit être motivée et n'intervient qu'après une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne intéressée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. / Cette décision est valable pour une durée d'un an. Elle est renouvelable dans les mêmes conditions (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 224-7 du même code, issu de la même loi : " La décision d'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée ne porte pas atteinte à l'exercice des droits des personnes détenues prévus au livre III du présent code, sous réserve des aménagements qu'imposent les impératifs de sécurité et des restrictions prévues à la présente section ".

S'agissant des motifs de placement en quartier de lutte contre la criminalité organisée et de la procédure contradictoire préalable au placement :

7. Selon l'article R. 224-38 du code pénitentiaire, résultant du décret attaqué : " (...) La procédure contradictoire prévue à l'article L. 224-6 n'intervient qu'après le recueil, dans un délai de huit jours à compter de la réception de cette information, de l'avis du juge de l'application des peines ou à défaut d'opposition, dans le même délai, du magistrat chargé du dossier de la procédure. / Le chef de l'établissement pénitentiaire informe la personne détenue par écrit des motifs invoqués pour son placement dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. / Il l'informe également du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations écrites ou orales. Ce délai ne saurait être inférieur à soixante-douze heures à partir du moment où la personne détenue est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure. / Cette consultation peut avoir lieu en présence d'un avocat si elle en fait la demande. Les documents ou informations dont la communication pourrait porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires sont occultés ou retirés du dossier de la procédure avant cette consultation. (...) / Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de l'avocat, sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. / Le chef de l'établissement pénitentiaire transmet l'ensemble de ces éléments, accompagné de ses observations, au directeur interrégional des services pénitentiaires. Celui-ci joint son avis à l'ensemble de ces pièces avant de les transmettre au garde des sceaux, ministre de la justice. / La décision motivée de placement est notifiée sans délai à la personne détenue par le chef de l'établissement pénitentiaire ". Selon l'association requérante, ces dispositions seraient, en particulier, illégales faute de comporter des précisions sur les motifs pouvant justifier le placement d'un détenu dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée et de prévoir des garanties procédurales suffisantes.

8. En premier lieu, il résulte de l'article L. 224-5 du code pénitentiaire que le placement d'un détenu dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, prévu à titre exceptionnel, vise à prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées. Sont concernées les personnes détenues pour des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale, c'est-à-dire qui relèvent ou ont relevé de la procédure spéciale applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits mentionnés à ces articles. Il résulte de ces dispositions législatives que la décision d'affectation d'un détenu dans un tel quartier, qui doit être motivée en vertu de l'article L. 224-6 du code pénitentiaire, doit être fondée sur des motifs tenant aux liens du détenu avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées dont il y a lieu de prévenir la poursuite ou l'établissement.

9. A la différence de l'affectation d'un détenu dans un quartier spécifique, prévue par l'article L. 224-1 du code pénitentiaire, dans le but de préserver le maintien du bon ordre de l'établissement ou la sécurité publique, soit en unité pour personnes détenues violentes, définie par l'article R. 224-2 de ce code, soit dans un quartier de prise en charge de la radicalisation, défini par l'article R. 224-13 de ce code, la finalité de l'affectation en quartier de lutte contre la criminalité organisée, qui constitue, comme les quartiers spécifiques, un quartier sécurisé au sens du code pénitentiaire, est entièrement déterminée par la loi, le Conseil constitutionnel ayant au demeurant jugé, par sa décision n° 2025-885 DC du 12 juin 2025, que la loi a défini les motifs de placement avec une précision suffisante. Par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué serait illégal comme insuffisamment précis quant aux motifs permettant l'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée ne peuvent qu'être écartés.

10. En deuxième lieu, il résulte des articles L. 224-5 et L. 224-6 du code pénitentiaire que la décision d'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, prise pour une durée d'un an et renouvelable suivant la même procédure, ne peut intervenir, d'une part, qu'après avis du juge de l'application des peines compétent, si le détenu est une personne condamnée, ou en l'absence d'opposition du magistrat chargé de l'enquête ou de l'instruction, si le détenu est une personne prévenue, et, d'autre part, qu'après une procédure contradictoire au cours de laquelle le détenu, qui peut être assisté par un avocat, peut présenter ses observations, écrites ou orales. L'article R. 224-38 du code, résultant du décret attaqué, précise le déroulement de cette procédure contradictoire, en prévoyant que le chef d'établissement doit informer le juge de l'application des peines ou le magistrat chargé de l'enquête ou de l'instruction, que la procédure contradictoire ne peut être engagée qu'après le recueil, dans un certain délai, de l'avis ou de l'absence d'opposition de ces magistrats, que le chef d'établissement informe le détenu des motifs invoqués pour la décision envisagée ainsi que du déroulement de la procédure et du délai dont il dispose pour préparer ses observations écrites ou orales, que ce délai ne saurait être inférieur à soixante-douze heures à compter du moment où le détenu est mis en mesure de consulter les éléments de la procédure, le cas échéant en présence de son avocat, que le détenu peut être assisté par un avocat et que ses observations écrites ou orales sont jointes à la procédure. En précisant ainsi le déroulement de la procédure contradictoire prévue par la loi, le décret attaqué a pris les mesures nécessaires à l'application de la loi et édicté des garanties suffisantes, en permettant notamment la prise en compte des observations formulées par le détenu avant l'intervention de la décision de placement.

11. En troisième lieu, si, dans le cadre de cette procédure contradictoire, l'article R. 224-38 du code pénitentiaire, issu du décret attaqué, prévoit que certains documents ou informations sont occultés ou retirés du dossier de la procédure avant sa consultation par la personne détenue, dans le cas où leur communication est de nature à porte atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires, de telles occultations ou soustractions ne peuvent légalement intervenir, sous le contrôle du juge administratif, que dans la seule mesure nécessaire à la prévention du risque d'atteinte à la sécurité des personnes et des établissements. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le décret attaqué porterait une atteinte illégale au caractère contradictoire de la procédure prévue par la loi, aux droits de la défense ou au droit à un recours effectif ne peuvent qu'être écartés.

S'agissant de la prise en compte de l'état de santé des détenus :

12. Selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il découle de ces stipulations que l'état de santé d'un détenu doit être pris en compte dans la décision de le maintenir dans un régime restrictif et sécurisé de détention.

13. Aux termes de l'article L. 322-1 du code pénitentiaire, applicable aux détenus affectés en quartier de lutte contre la criminalité organisée en vertu de l'article L. 224-7 du même code, cité au point 6 : " La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l'ensemble de la population. / L'état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur entrée en détention et pendant leur détention (...) ". Aux termes de l'article R. 212-6 du même code : " Lors de son arrivée en détention, chaque personne détenue bénéficie d'un examen médical dans les plus brefs délais ". Aux termes de l'article R. 212-17 du même code : " A l'issue d'une phase d'accueil et d'observation pluridisciplinaire, qui ne peut excéder trois semaines, les informations relatives à la personnalité, l'état de santé et la dangerosité de chaque personne détenue sont consignées par écrit, dans un bilan de personnalité ". En outre, en cas de renouvellement du placement dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, lequel est décidé selon la même procédure que la décision de placement initial, l'article R. 224-39 du même code dispose que : " Le chef de l'établissement pénitentiaire sollicite à l'appui de ses observations l'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement ". Il résulte de ces dispositions que l'état de santé du détenu, que celui-ci peut en tout état de cause faire valoir dans ses observations au cours de la procédure contradictoire organisée par l'article R. 224-38 du code pénitentiaire, doit être pris en compte au stade de son placement initial dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée comme à l'occasion du renouvellement d'un tel placement. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

S'agissant des relations des détenus avec leur famille :

14. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il découle de ces stipulations que doivent être fixées avec une précision suffisante les circonstances et conditions permettant aux autorités compétentes d'affecter un détenu dans une unité de détention particulièrement sécurisée, en particulier les motifs, liés à la prévention et à la sécurité, susceptibles de justifier l'imposition d'un tel régime de détention, afin d'éviter tout risque d'arbitraire et toute violation du droit au respect de la vie familiale du détenu, eu égard aux conséquences que peut avoir un tel régime sur les visites que les membres de sa famille sont susceptibles de lui rendre en prison, alors que les détenus doivent pouvoir, sous réserve des limitations inhérentes à la détention, continuer à jouir des droits garantis par la convention.

15. Il résulte de l'article L. 224-7 du code pénitentiaire, cité au point 6, que les détenus placés en quartier de lutte contre la criminalité organisée bénéficient des droits des personnes détenues prévus par le code pénitentiaire, en particulier du droit au maintien des relations avec les membres de leur famille, défini par les articles L. 341-1 et suivants du même code, sous réserve des aménagements qu'imposent les impératifs de sécurité et des restrictions propres au régime de ces quartiers, concernant notamment, eu égard à la finalité de ce régime particulier de détention visant à prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, les modalités des visites familiales, l'absence d'accès aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux ainsi que les restrictions d'accès à la correspondance téléphonique, dans les conditions fixées par l'article L. 224-8 et par les articles R. 224-34 et R.224-37 du code pénitentiaire. Les aménagements ainsi apportés aux droits des personnes détenues, eu égard à la finalité du placement dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, sont adaptés et justifiés à l'objectif poursuivi par de telles mesures de placement. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le droit au respect de la vie familiale des personnes détenues, protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

S'agissant des autres droits des détenus :

16. En vertu de l'article L. 224-7 du code pénitentiaire, ainsi qu'il a été dit, les personnes affectées dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée bénéficient des droits reconnus à tous les détenus sous réserve des aménagements qu'imposent les impératifs de sécurité et des restrictions prévues par le régime de détention dans un tel quartier.

17. Les articles R. 224-29 à R. 224-37 du même code précisent les restrictions mentionnées au point précédent. En particulier, aux termes de l'article R. 224-9 de ce code : " Les personnes détenues participent aux activités individuelles ou collectives proposées. Elles ont accès au travail dans les conditions définies au présent code, à l'exception du service général. / L'exercice de ces activités et du culte, ainsi que l'accès à la promenade et au travail, s'effectuent par unité d'hébergement. Ils s'effectuent séparément des autres personnes détenues de l'unité chaque fois que des impératifs de sécurité l'exigent. / Les personnes détenues bénéficient d'au moins une heure quotidienne de promenade à l'air libre. / Elles conservent leurs droits à l'information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique et à l'utilisation de leur compte nominatif, sous réserve des restrictions prévues par l'article L. 224-8 et par la présente section et des aménagements qu'imposent les impératifs de sécurité ou du maintien du bon ordre de l'établissement ".

18. Les restrictions aux droits des détenus résultant des dispositions mentionnées au point précédent, prises sur le fondement de l'article L. 224-7 du code pénitentiaire, sont justifiées par la finalité des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, qui visent à prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, sans qu'il y soit porté, eu égard à cette finalité, d'atteinte excessive. En outre, si le chef d'établissement peut prendre, sous le contrôle du juge administratif, des mesures supplémentaires, celles-ci doivent alors être justifiées par des impératifs de sécurité ou de maintien du bon ordre dans l'établissement. Par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le principe de sécurité juridique ou n'encadrerait pas de façon suffisante les restrictions susceptibles d'être apportées à l'exercice de leurs droits par les personnes détenues placées dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée doivent, en tout état de cause, être écartés.

S'agissant des autres moyens :

19. D'une part, le décret attaqué définissant les conditions d'application des dispositions législatives régissant le placement de certains détenus dans un type de quartier particulier au sein des établissements pénitentiaires, il ne peut être utilement soutenu qu'il méconnaîtrait le principe d'égalité entre les personnes détenues, notamment entre celles détenues dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée et celles détenues dans d'autres quartiers sécurisés.

20. D'autre part, dès lors que le décret attaqué n'instaure aucun traitement de données à caractère personnel, il ne peut être utilement soutenu qu'il méconnaîtrait les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, celles du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ou les objectifs de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données.

21. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque. Sa requête, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit, par suite, être rejetée.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du Conseil national des barreaux est admise.
Article 2 : La requête de l'Association des avocats pénalistes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Association des avocats pénalistes, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et au Conseil national des barreaux.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 octobre 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 octobre 2025.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Thamila Mouloud



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