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Décision n° 509430
5 décembre 2025
Conseil d'État

N° 509430
ECLI:FR:CEORD:2025:509430.20251205
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Mme S Von Coester, rapporteure
SCP LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER, LASSALLE-BYHET, avocats


Lecture du vendredi 5 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 et 21 novembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et l'Association française de kite et de wing demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 7 août 2025 de la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative portant création de la mention " activités de glisse aérotractée et disciplines associées " du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport, spécialité " éducateur sportif " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à leur verser à chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite compte tenu des risques pour les élèves et les tiers d'un exercice professionnel en mer de moniteurs stagiaires insuffisamment qualifiés et encadrés ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit en ce qu'il autorise les moniteurs stagiaires à sortir en mer avec des élèves débutants sans la présence de leur tuteur, en méconnaissance des exigences de sécurité et des dispositions des articles R. 212-4, R. 212-7 et R. 212-10-20 du code du sport ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que son article 4 relatif aux exigences préalables à l'entrée en formation prévoit la possibilité d'évaluer le candidat sur une partie seulement des capacités techniques requises ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit en ce que son article 9 relatif à la validation des acquis de l'expérience prévoit la possibilité, pour justifier de la maîtrise technique attendue pour la validation du bloc de compétences 3, d'évaluer le candidat sur une épreuve tirée au sort consistant à piloter un bateau tracteur, sans aucune démonstration en kitefoil ni en wingfoil.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 19 novembre 2025, la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.




Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et l'Association française de kite et de wing et, d'autre part, la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 24 novembre 2025, à 11 heures :

- Me Bouniol-Brochier, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et autre ;

- les représentants de la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a fixé la clôture de l'instruction au jeudi 27 novembre à 15h, puis au vendredi 28 novembre à midi ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2025, par lequel les associations requérantes maintiennent leurs conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2025, par lequel la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative maintient ses conclusions ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. Pour caractériser l'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté du 7 août 2025 de la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative portant création de la mention " activités de glisse aérotractée et disciplines associées " du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport, spécialité " éducateur sportif ", le Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et l'Association française de kite et de wing font valoir que la sortie en mer avec des élèves débutants sans l'accompagnement d'un tuteur, dans le cadre de la formation en alternance prévue par cet arrêté, de moniteurs stagiaires insuffisamment qualifiés présente des risques graves pour les intéressés, pour leurs élèves, pour les services de secours et pour les tiers évoluant en mer. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'aucun organisme n'est à ce jour habilité à proposer une formation en vue de la délivrance de cette mention du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport. Par ailleurs, si des tests d'évaluation préalables à l'entrée en formation ont été organisés en novembre 2025, les moniteurs stagiaires qui s'engageraient dans une telle formation seraient en tout état de cause soumis à la validation d'une formation théorique au sein d'un organisme habilité avant de pouvoir bénéficier d'une formation en alternance avec un exercice professionnel, si bien qu'aucun ne pourrait se trouver en situation d'accompagner des élèves en mer avant le printemps 2026. Par suite et dès lors que le recours pour excès de pouvoir introduit par les associations requérantes devrait pouvoir être jugé, au rapport de la deuxième chambre de la section du contentieux, avant le mois d'avril 2026, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie à la date de la présente ordonnance.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre condition requise en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, que la présente requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.







O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées et de l'Association française de kite et de wing est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat des moniteurs professionnels de glisses aérotractées, premier requérant dénommé, et à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Fait à Paris, le 5 décembre 2025
Signé : Suzanne von Coester