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Ariane Web: Conseil d'État 507205, lecture du 10 décembre 2025, ECLI:FR:CECHS:2025:507205.20251210

Décision n° 507205
10 décembre 2025
Conseil d'État

N° 507205
ECLI:FR:CECHS:2025:507205.20251210
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
M. Hugo Bevort, rapporteur
SAIDANI, avocats


Lecture du mercredi 10 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 26 janvier et 2 février 2025 en vue de l'élection des conseillers municipaux et du conseiller communautaire dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), d'autre part, d'ordonner la tenue d'un nouveau scrutin et enfin, de prononcer l'inéligibilité de Mme F... D... pour une durée de trois ans. Par un jugement n° 2501659 du 11 juillet 2025, le tribunal administratif a rejeté sa protestation.

Par une requête et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 11 août et les 16 et 18 novembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hugo Bevort, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Cyrille Beaufils, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées les 26 janvier et 2 février 2025 en vue de la désignation des conseillers municipaux et du conseiller communautaire de la commune de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), la liste " Villeneuve d'abord, c'est notre direction " conduite par Mme D... a recueilli 49 % des suffrages exprimés et obtenu 30 sièges de conseillers municipaux et le siège de conseiller communautaire, la liste " Dignité, fierté et solidarité avec G... A... " conduite par M. A... a recueilli 38,75 % des suffrages exprimés et obtenu 7 sièges de conseillers municipaux, et la liste " Villeneuve notre ville " conduite par M. B... a recueilli 12,25 % des suffrages exprimés et s'est vu attribuer 2 sièges de conseillers municipaux. M. E... fait appel du jugement du 11 juillet 2025 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa protestation tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M. E..., le jugement attaqué est suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité des griefs :

3. Les griefs tirés de ce que des citoyens, en particulier M. E..., auraient fait l'objet de menaces, d'agressions verbales et de pressions, de ce qu'un démarchage communautaire et la diffusion par téléphone de messages diffamatoires auraient été organisés et de ce que des partisans de Mme D... auraient arraché des affiches des listes concurrentes, n'ont été invoqués pour la première fois devant le tribunal administratif qu'après l'expiration du délai de protestation de cinq jours prévu par l'article R. 119 du code électoral. Ces griefs, distincts de ceux invoqués dans ce délai, ne présentent pas un caractère d'ordre public. Ils sont, par suite, irrecevables.

En ce qui concerne le déroulement de la campagne électorale :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 106 du code électoral : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 ? ". S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de ces dispositions en ce qu'elles édictent des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par celles-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

5. Il résulte de l'instruction que Mme D... et ses colistiers ont organisé durant la campagne électorale, devant certaines écoles de la commune, une opération de distribution de friandises aux écoliers en présence d'une mascotte en forme de lion portant un vêtement à l'effigie de la candidate. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux conditions dans lesquelles elle a été effectuée, cette distribution, si elle ne peut être regardée comme dénuée de lien avec l'élection, ne caractérise pas l'exercice sur les électeurs de pressions de nature à altérer la sincérité du scrutin.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 51 du code électoral : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe. / En cas d'affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d'office des affiches. " Contrairement à ce que soutient M. E..., la mascotte arborant un t-shirt avec une inscription comportant le portrait et le slogan de campagne de Mme D... ne peut être regardée comme un affichage électoral qui contreviendrait à ces dispositions.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme D..., que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa protestation. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme que demande Mme D... au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., à Mme F... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.