Conseil d'État
N° 488613
ECLI:FR:CECHS:2025:488613.20251223
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Paul Levasseur, rapporteur
SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH, avocats
Lecture du mardi 23 décembre 2025
Vu la procédure suivante :
Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG, devenu O d'îles - eaux des îles de Guadeloupe) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC) à lui verser la somme de 14 390 006, 20 euros, correspondant à des livraisons d'eau potable pour la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018. Par un jugement n° 1900254 du 23 mars 2021, ce tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 21BX02693 du 28 juin 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la CAGSC, ramené à 14 217 661 euros la somme mise à sa charge et réformé ce jugement en ce qu'il a de contraire à cet arrêt.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 septembre et 28 décembre 2023 et le 28 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CAGSC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du SIAEAG la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du retrait le 1er janvier 2014 des communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut (Guadeloupe) du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG, devenu O d'îles - eaux des îles de Guadeloupe) lors de leur adhésion à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC), un désaccord est survenu entre ce syndicat et cette communauté d'agglomération sur les modalités du transfert des biens, ce qui a empêché la passation d'un contrat pour la fourniture en gros de l'eau destinée à alimenter en eau potable les habitants de ces trois communes. Le SIAEAG a néanmoins poursuivi ces livraisons et a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la CAGSC à lui verser la somme de 14 390 006, 20 euros correspondant à des livraisons pour la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018. Par un jugement du 23 mars 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande. La CAGSC se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 juin 2023 qui, sur son appel, a ramené la somme mise à sa charge à 14 217 661 euros, en tant que cet arrêt a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Sur l'engagement de la responsabilité pour enrichissement sans cause :
2. En cas de nullité d'un contrat ou en l'absence d'un tel contrat, le prestataire ou le fournisseur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Il appartient au juge administratif d'évaluer, au besoin en ordonnant une expertise sur ce point, les dépenses du prestataire ou du fournisseur qui ont été utiles à la personne publique. Les dépenses utiles comprennent, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire, les dépenses qui ont été directement engagées par le cocontractant pour la réalisation des fournitures, travaux ou prestations destinés à l'administration. Ne peut être prise en compte que la quote-part des frais généraux qui contribue à leur exécution et est à ce titre utile à la personne publique. Ne peuvent pas être regardés comme utilement exposés les frais financiers engagés par le prestataire ou le fournisseur.
3. L'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales dispose que " les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable ". Aux termes de l'article L. 5216-5 du même code : " I. - La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : / (...) 8° Eau ".
4. Il résulte de ces dispositions que la CAGSC était compétente en matière de distribution d'eau potable sur le territoire des communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut à compter de leur adhésion à cette communauté d'agglomération, soit le 1er janvier 2018. Or, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le SIAEAG a continué à fournir en eau potable ces trois communes au cours de la période litigieuse. Dès lors que la communauté d'agglomération ne pouvait ignorer l'existence de ces prestations indispensables à la continuité du service public, et malgré les initiatives qu'elle a engagées pour tenter d'assurer les prestations litigieuses en lieu et place du SIAEAG, c'est, en tout état de cause, sans erreur de qualification juridique des faits que la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé qu'elle avait consenti, au moins tacitement, à la poursuite des prestations assurées par le SIAEAG et qu'ainsi sa responsabilité pouvait être engagée envers ce dernier dans les conditions définies au point 2.
Sur la détermination du montant des dépenses utiles :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales : " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : / 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l'établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine (...) / 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis (...) entre la commune qui reprend la compétence et le syndicat de communes. (...) A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de retrait, comme en l'espèce, de la compétence transférée par une commune à un établissement public de coopération intercommunale, les biens qu'elle avait mis à disposition de cet établissement public sont réintégrés de plein droit dans son patrimoine, contrairement aux biens acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences, dont la réintégration dans le patrimoine de la commune n'intervient que lorsqu'elle conclut un accord avec cet établissement public pour leur répartition ou, à défaut, lorsque le représentant de l'Etat dans le département fixe cette répartition par arrêté. Par suite, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que les canalisations du réseau dit " secondaire " d'acheminement de l'eau potable aux abonnés qui avaient été précédemment mis à la disposition du SIAEAG par les communes concernées avaient été restituées à ces dernières lors de leur retrait du syndicat le 1er janvier 2014, l'intervention ultérieure des arrêtés préfectoraux en précisant la valeur nette comptable étant, à cet égard, sans incidence, et qu'elle en a déduit que les volumes d'eau non distribués à raison de fuites affectant ces canalisations n'avaient pas à être soustraits aux volumes d'eau mis à la charge de la CAGSC pour le calcul de l'indemnisation du SIAEAG.
7. En deuxième lieu, afin de déterminer le montant de l'indemnité due par la CAGSC au SIAEAG, la cour administrative d'appel de Bordeaux a tenu compte au point 18 de son arrêt du coût d'achat de l'eau, de celui de sa potabilisation, de l'entretien de son réseau et de ses équipements et de la quote-part des frais généraux directement liée à cette livraison, à l'exception des frais financiers. Ainsi, contrairement à ce que soutient le pourvoi et malgré les références de l'arrêt à un prix facturé par le SIAEAG ou à un appauvrissement du syndicat, la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur d'autres dépenses que celles utilement engagées par ce syndicat au profit de la communauté d'agglomération et n'a donc pas entaché son arrêt, sur ce point, d'erreur de droit ou de contradiction de motifs. Enfin, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu'elle a jugé que le montant des dépenses utiles s'élevait à 0,80 euros / m³.
8. En revanche, en relevant que la CAGSC avait admis le bien-fondé du paiement de la redevance pour prélèvement d'eau dans le milieu naturel prévue à l'article L. 213-14-1 du code de l'environnement à hauteur de 936 781, 64 euros et en ne la déchargeant du paiement de cette redevance qu'à hauteur de la différence entre le montant réclamé par le SIAEAG, soit 1 109 126 euros, et celui auquel elle aurait acquiescé, soit 172 345 euros, alors que la communauté d'agglomération n'avait acquiescé à aucun montant et demandait la décharge intégrale du paiement de cette redevance, la cour administrative d'appel s'est méprise sur la portée des écritures de la CAGSC.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la CAGSC n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque qu'en tant que celui-ci statue sur l'indemnisation réclamée au titre de la redevance prévue à l'article L. 213 14-1 du code de l'environnement.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIAEAG la somme de 1 500 euros à verser à la CAGSC, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 juin 2023 est annulé en tant qu'il statue sur l'indemnisation réclamée au titre de la redevance prévue à l'article L. 213-14-1 du code de l'environnement.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le SIAEAG versera à la CAGSC une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la CAGSC est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe et au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (devenu O d'îles - eaux des îles de Guadeloupe).
Délibéré à l'issue de la séance du 11 décembre 2025 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.
Rendu le 23 décembre 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova
N° 488613
ECLI:FR:CECHS:2025:488613.20251223
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Paul Levasseur, rapporteur
SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH, avocats
Lecture du mardi 23 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG, devenu O d'îles - eaux des îles de Guadeloupe) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC) à lui verser la somme de 14 390 006, 20 euros, correspondant à des livraisons d'eau potable pour la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018. Par un jugement n° 1900254 du 23 mars 2021, ce tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 21BX02693 du 28 juin 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la CAGSC, ramené à 14 217 661 euros la somme mise à sa charge et réformé ce jugement en ce qu'il a de contraire à cet arrêt.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 septembre et 28 décembre 2023 et le 28 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CAGSC demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du SIAEAG la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite du retrait le 1er janvier 2014 des communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut (Guadeloupe) du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG, devenu O d'îles - eaux des îles de Guadeloupe) lors de leur adhésion à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC), un désaccord est survenu entre ce syndicat et cette communauté d'agglomération sur les modalités du transfert des biens, ce qui a empêché la passation d'un contrat pour la fourniture en gros de l'eau destinée à alimenter en eau potable les habitants de ces trois communes. Le SIAEAG a néanmoins poursuivi ces livraisons et a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la CAGSC à lui verser la somme de 14 390 006, 20 euros correspondant à des livraisons pour la période du 1er janvier 2014 à fin mars 2018. Par un jugement du 23 mars 2021, ce tribunal a fait droit à sa demande. La CAGSC se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 juin 2023 qui, sur son appel, a ramené la somme mise à sa charge à 14 217 661 euros, en tant que cet arrêt a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Sur l'engagement de la responsabilité pour enrichissement sans cause :
2. En cas de nullité d'un contrat ou en l'absence d'un tel contrat, le prestataire ou le fournisseur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Il appartient au juge administratif d'évaluer, au besoin en ordonnant une expertise sur ce point, les dépenses du prestataire ou du fournisseur qui ont été utiles à la personne publique. Les dépenses utiles comprennent, à l'exclusion de toute marge bénéficiaire, les dépenses qui ont été directement engagées par le cocontractant pour la réalisation des fournitures, travaux ou prestations destinés à l'administration. Ne peut être prise en compte que la quote-part des frais généraux qui contribue à leur exécution et est à ce titre utile à la personne publique. Ne peuvent pas être regardés comme utilement exposés les frais financiers engagés par le prestataire ou le fournisseur.
3. L'article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales dispose que " les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable ". Aux termes de l'article L. 5216-5 du même code : " I. - La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : / (...) 8° Eau ".
4. Il résulte de ces dispositions que la CAGSC était compétente en matière de distribution d'eau potable sur le territoire des communes de Capesterre-Belle-Eau, de Terre-de-Bas et de Terre-de-Haut à compter de leur adhésion à cette communauté d'agglomération, soit le 1er janvier 2018. Or, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le SIAEAG a continué à fournir en eau potable ces trois communes au cours de la période litigieuse. Dès lors que la communauté d'agglomération ne pouvait ignorer l'existence de ces prestations indispensables à la continuité du service public, et malgré les initiatives qu'elle a engagées pour tenter d'assurer les prestations litigieuses en lieu et place du SIAEAG, c'est, en tout état de cause, sans erreur de qualification juridique des faits que la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé qu'elle avait consenti, au moins tacitement, à la poursuite des prestations assurées par le SIAEAG et qu'ainsi sa responsabilité pouvait être engagée envers ce dernier dans les conditions définies au point 2.
Sur la détermination du montant des dépenses utiles :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5211-25-1 du code général des collectivités territoriales : " En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : / 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l'établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine (...) / 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis (...) entre la commune qui reprend la compétence et le syndicat de communes. (...) A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de retrait, comme en l'espèce, de la compétence transférée par une commune à un établissement public de coopération intercommunale, les biens qu'elle avait mis à disposition de cet établissement public sont réintégrés de plein droit dans son patrimoine, contrairement aux biens acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences, dont la réintégration dans le patrimoine de la commune n'intervient que lorsqu'elle conclut un accord avec cet établissement public pour leur répartition ou, à défaut, lorsque le représentant de l'Etat dans le département fixe cette répartition par arrêté. Par suite, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que les canalisations du réseau dit " secondaire " d'acheminement de l'eau potable aux abonnés qui avaient été précédemment mis à la disposition du SIAEAG par les communes concernées avaient été restituées à ces dernières lors de leur retrait du syndicat le 1er janvier 2014, l'intervention ultérieure des arrêtés préfectoraux en précisant la valeur nette comptable étant, à cet égard, sans incidence, et qu'elle en a déduit que les volumes d'eau non distribués à raison de fuites affectant ces canalisations n'avaient pas à être soustraits aux volumes d'eau mis à la charge de la CAGSC pour le calcul de l'indemnisation du SIAEAG.
7. En deuxième lieu, afin de déterminer le montant de l'indemnité due par la CAGSC au SIAEAG, la cour administrative d'appel de Bordeaux a tenu compte au point 18 de son arrêt du coût d'achat de l'eau, de celui de sa potabilisation, de l'entretien de son réseau et de ses équipements et de la quote-part des frais généraux directement liée à cette livraison, à l'exception des frais financiers. Ainsi, contrairement à ce que soutient le pourvoi et malgré les références de l'arrêt à un prix facturé par le SIAEAG ou à un appauvrissement du syndicat, la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur d'autres dépenses que celles utilement engagées par ce syndicat au profit de la communauté d'agglomération et n'a donc pas entaché son arrêt, sur ce point, d'erreur de droit ou de contradiction de motifs. Enfin, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation qu'elle a jugé que le montant des dépenses utiles s'élevait à 0,80 euros / m³.
8. En revanche, en relevant que la CAGSC avait admis le bien-fondé du paiement de la redevance pour prélèvement d'eau dans le milieu naturel prévue à l'article L. 213-14-1 du code de l'environnement à hauteur de 936 781, 64 euros et en ne la déchargeant du paiement de cette redevance qu'à hauteur de la différence entre le montant réclamé par le SIAEAG, soit 1 109 126 euros, et celui auquel elle aurait acquiescé, soit 172 345 euros, alors que la communauté d'agglomération n'avait acquiescé à aucun montant et demandait la décharge intégrale du paiement de cette redevance, la cour administrative d'appel s'est méprise sur la portée des écritures de la CAGSC.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la CAGSC n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque qu'en tant que celui-ci statue sur l'indemnisation réclamée au titre de la redevance prévue à l'article L. 213 14-1 du code de l'environnement.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIAEAG la somme de 1 500 euros à verser à la CAGSC, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 juin 2023 est annulé en tant qu'il statue sur l'indemnisation réclamée au titre de la redevance prévue à l'article L. 213-14-1 du code de l'environnement.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le SIAEAG versera à la CAGSC une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la CAGSC est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe et au syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (devenu O d'îles - eaux des îles de Guadeloupe).
Délibéré à l'issue de la séance du 11 décembre 2025 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.
Rendu le 23 décembre 2025.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova