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Ariane Web: Tribunal des conflits C3863, lecture du 9 juillet 2012

Décision n° C3863
9 juillet 2012
Tribunal des conflits

N° C3863


M. Gallet, président
M. Edmond Honorat, rapporteur
M. Sarcelet, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 9 juillet 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, enregistrée à son secrétariat le 16 décembre 2011, l'expédition du jugement du 14 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi d'une demande du Centre médical chirurgical obstétrical (CMCO) Côte d'Opale tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de la commission de recours amiable de l'Union régionale des caisses d'assurance maladie (URCAM) de la région Nord Pas-de-Calais d'annuler la décision de son directeur refusant de prendre en charge l'astreinte des anesthésistes-réanimateurs du CMCO Côte d'Opale, à ce que ces anesthésistes-réanimateurs soient autorisés à adhérer à un contrat conforme au contrat type prévu par la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes du 12 janvier 2005 leur permettant de percevoir une rémunération individuelle de 150 euros par période d'astreinte opérationnelle de 12 heures assurées les nuits, week-ends et jours fériés et à ce qu'il soit enjoint à l'URCAM de la région Nord Pas-de-Calais de prendre toute mesure permettant la conclusion de ce contrat dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, avec effet au 9 juin 2005, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'arrêt du 30 avril 2008 par lequel la cour d'appel de Douai a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ;

Vu, enregistré le 24 février 2012, le mémoire présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître du litige ; il soutient qu'en vertu de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, les litiges auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale relèvent, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 142-3 du même code, de la compétence des tribunaux des affaires de sécurité sociale sauf s'ils relèvent, par leur nature, d'un autre contentieux ; que le litige opposant le CMCO Côte d'Opale à l'URCAM de la région Nord Pas-de-Calais est relatif à la prise en charge par l'assurance-maladie de prestations de soins mises en oeuvre par certains établissements de santé privé ; que, même si la prise en charge de soins s'est faite sur la base d'une convention conclue en application de l'article L. 183-1-1 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, un tel litige se rapporte à l'application de législations et de réglementations de sécurité sociale et ne relève pas, par sa nature, d'un autre contentieux ;

Vu les pièces dont il résulte que la saisine du Tribunal a été communiquée au CMCO Côte d'Opale et à l'URCAM de la région Nord Pas-de-Calais, qui n'ont pas produit de mémoire ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu le code de la sécurité sociale ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edmond Honorat, membre du Tribunal,
- les conclusions de M. Jean-Dominique Sarcelet, commissaire du gouvernement ;




Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale./ Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 142-2 du même code, les litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale sont portés devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et, en appel, devant la cour d'appel ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 183-1-1 du code de la sécurité sociale, alors applicable : " Les unions régionales des caisses d'assurance maladie peuvent passer des contrats avec des réseaux de professionnels de santé conventionnés exerçant à titre libéral dans une aire géographique définie./ (...) Les engagements de ces réseaux de professionnels de santé et les objectifs quantifiés associés peuvent porter sur l'évaluation et l'amélioration des pratiques des professionnels concernés, la mise en oeuvre des références médicales, la gestion du dossier du patient ou la mise en oeuvre d'actions de prévention et de dépistage./ Le contrat prévoit le montant des financements alloués à la structure en contrepartie de ces engagements ainsi que les conditions dans lesquelles les actions font l'objet d'une évaluation./ (...) Ces contrats sont approuvés par le collège des directeurs de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie(...). Lorsque ces contrats portent sur des domaines mentionnés dans les conventions nationales mentionnées à l'article L. 162-14-1, ils doivent être conformes aux objectifs fixés par ces conventions (...) " ; qu'en vertu de l'article 2.3.1 de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes, conclue le 12 janvier 2005 entre l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie et certaines des organisations les plus représentatives de médecins, approuvée le 3 février 2005 et applicable au présent litige, les chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs assurant la prise en charge des urgences au sein des établissements privés de santé autorisés à faire fonctionner une unité ou un service d'urgence, peuvent adhérer à des contrats conformes au contrat-type prévu à l'annexe 8.5 de cette convention ; que l'annexe 8. 5 de la convention prévoit que ces contrats, concernant l'organisation des pratiques professionnelles relatives à la prise en charge des urgences, sont passés entre le réseau des chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs exerçant dans le cadre de services d'urgence d'un établissement privé de santé et l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (URCAM) ; que, dans le cadre de ces contrats, les professionnels de santé s'engagent à respecter certaines obligations, notamment à assurer des astreintes de 12 heures les nuits, week-ends et jours fériés, et reçoivent, en contrepartie , une rémunération individuelle de 150 euros par période d'astreinte ;

Considérant que les contrats passés, en application de l'article L. 183-1-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 2.3.1 de la convention nationale du 12 janvier 2005, entre les réseaux de chirurgiens et d'anesthésistes-réanimateurs exerçant dans le cadre de services d'urgences d'établissements privés de santé et les URCAM, sont conclus entre des personnes de droit privé ; que ces contrats, alors même qu'ils reproduisent les termes d'une convention-type annexée à la convention nationale passée entre l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie, établissement public administratif, et une ou plusieurs des organisations les plus représentatives de médecins, et qu'ils doivent être approuvés par cet établissement public, ne peuvent pas être regardés comme passés pour le compte d'un organisme de droit public dès lors qu'ils interviennent à la seule initiative des co-contractants ; qu'ils constituent ainsi des contrats de droit privé ; que constitue de même un acte de droit privé, le refus d'une URCAM de passer un tel contrat avec un réseau de chirurgiens et d'anesthésistes réanimateurs ; que, par suite, les différends auxquels donnent lieu la conclusion ou l'exécution de tels contrats ne relèvent pas, par leur nature, d'un contentieux autre que celui de la sécurité sociale ; qu'ils doivent, dès lors, être portés devant les juridictions judiciaires de sécurité sociale et non devant les juridictions administratives ;

Considérant que le litige qui oppose le Centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale à l'URCAM de la région Nord Pas-de-Calais porte sur le refus de l'union régionale de conclure un contrat en application de l'article L. 183-1-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 2.3.1 de la convention nationale du 12 janvier 2005 permettant au réseau d'anesthésistes-réanimateurs du centre médical de bénéficier d'une rémunération individuelle des astreintes effectuées dans le cadre du service d'urgence fonctionnant au sein de cet établissement privé de santé ; qu'un tel litige relève de la compétence des juridictions judiciaires ;





D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige qui oppose le Centre médical chirurgical obstétrical Côte d'Opale à l'Union régionale des caisses d'assurance maladie de la région Nord Pas-de-Calais.

Article 2 : L'arrêt du 30 avril 2008 de la cour d'appel de Douai est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Lille est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 14 décembre 2011.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.