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Ariane Web: Tribunal des conflits C4230, lecture du 10 janvier 2022

Décision n° C4230
10 janvier 2022
Tribunal des conflits

N° C4230




Lecture du lundi 10 janvier 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu, enregistrée à son secrétariat, l'expédition de la décision du 7 juillet 2021 par laquelle la Cour de cassation, statuant sur le pourvoi de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) contre le jugement rendu le 17 décembre 2020 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans le litige l'opposant à la société Alstom Transport SA, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistrés les 17 septembre et 3 novembre 2021, les mémoires produits par la RATP, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente pour connaître de la procédure de passation de l'accord-cadre en cause, la qualification de contrat administratif du marché public concerné résultant des dispositions mêmes de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 qui lui était applicable et, et en tout état de cause, la nature administrative de ce contrat se déduisant des clauses exorbitantes du droit commun qu'il comporte ;

Vu, enregistré le 26 octobre 2021, le mémoire produit par la société Alstom Transport SA, tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente pour connaître de la procédure de passation de l'accord-cadre en cause, le contrat dont la procédure de passation est contestée n'étant pas un contrat administratif par détermination de la loi mais un contrat de droit privé selon les critères jurisprudentiels de droit commun ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

Vu l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Maugüé, membre du Tribunal,

- les observations de la SCP Foussard, Froger pour la société Alstom Transport SA,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié pour la société RATP,

- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 26 juin 2018, la RATP, établissement public à caractère industriel et commercial agissant en qualité de coordonnateur d'un groupement de commandes conclu avec SNCF Mobilités, établissement public à caractère industriel et commercial auquel a succédé le 1er janvier 2020 la société SNCF Voyageurs, a lancé une procédure négociée avec mise en concurrence préalable pour la passation d'un accord-cadre à bons de commande relatif à l'étude et la fourniture de matériels roulants à destination de la ligne B du RER. La société Alstom Transport, invitée à participer aux négociations et qui a remis une offre finale le 22 juin 2019, a assigné la RATP devant le président du tribunal judiciaire de Paris en demandant l'annulation de toutes les décisions se rapportant à la procédure de passation et qu'il soit enjoint à la RATP et à SNCF Voyageurs de se conformer à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence. Par un jugement du 17 décembre 2020, le juge des référés précontractuels du tribunal judiciaire de Paris, après avoir écarté l'exception d'incompétence au profit du juge administratif, a adressé au groupement formé par la RATP et SNCF Voyageurs, s'il entendait poursuivre la procédure de passation, des injonctions relatives à la méthode d'analyse des offres et à l'information des candidats. Saisie d'un pourvoi de la RATP contre ce jugement, la Cour de cassation, estimant que ce litige soulevait une difficulté sérieuse, a saisi le Tribunal des conflits sur le fondement de l'article 35 du décret du 27 février 2015.

2. La passation et l'attribution des contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel qui, selon que le contrat revêtira un caractère administratif ou privé, doit être intentée devant le juge administratif ou devant le juge judiciaire. Il appartient au juge du référé précontractuel saisi de déterminer si, eu égard à la nature du contrat en cause, il l'a été à bon droit.

3. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, alors applicable : " Les marchés relevant de la présente ordonnance passés par des personnes publiques sont des contrats administratifs ".

4. Aux termes par ailleurs de l'article 28 de la même ordonnance : " I - Des groupements de commandes peuvent être constitués entre des acheteurs afin de passer conjointement un ou plusieurs marchés publics... / II. - La convention constitutive du groupement, signée par ses membres, définit les règles de fonctionnement du groupement. Elle peut confier à l'un ou plusieurs de ses membres la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l'exécution du marché public au nom et pour le compte des autres membres. / .... ".

5. Dans le cadre d'un groupement de commandes constitué entre des acheteurs publics et des acheteurs privés en vue de passer chacun un ou plusieurs marchés publics et confiant à l'un d'entre eux le soin de conduire la procédure de passation, et où, l'un des acheteurs membres du groupement étant une personne publique, le marché qu'il est susceptible de conclure sera un contrat administratif par application de l'article 3 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, le juge du référé précontractuel compétent pour connaître de la procédure est le juge administratif, sans préjudice de la compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges postérieurs à la conclusion de ceux de ces contrats qui revêtent un caractère de droit privé.

6. Le groupement mentionné au point 1, constitué en vue de la passation d'un marché par chaque membre du groupement, confie au coordonnateur du groupement le soin " de coordonner et organiser la passation du contrat (...) ". La RATP, membre de ce groupement, est un établissement public et les marchés qu'elle est susceptible de conclure sont des contrats administratifs. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le juge administratif est compétent pour connaître de la procédure de passation litigieuse.

7. Dès lors le présent litige ressortit à la compétence de la juridiction administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant la société Alstom Transport SA à la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP).

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Alstom Transport SA et à la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP).



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