Tribunal des conflits
N° C4352
Publié au recueil Lebon
M. Philippe Mollard, président
M. Philippe Flores, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du lundi 6 octobre 2025
Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 mai 2025, l’expédition de l’arrêt du 16 mai 2025 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, saisie d’un appel contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice en date du 16 mai 2023, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider de la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour connaître des conclusions de M. G... tendant à la condamnation indemnitaire de M. F... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. . Philippe Flores, membre du Tribunal,
les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
M. G... a été engagé le 28 février 2017 en qualité de régisseur, agent contractuel de droit public, par l’association syndicale autorisée des propriétaires du Cap Martin, qui constitue un établissement public à caractère administratif soumis aux dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004.
Invoquant ses conditions de travail et en particulier des difficultés relationnelles et des propos méprisants de la part du délégué de l’association, M. F..., M. G... a saisi l’inspection du travail le 25 septembre 2017. Il a saisi le 16 octobre 2017, la juridiction prud’homale d’une demande tendant à obtenir la condamnation de son employeur et de M. F... au paiement de dommages-intérêts au titre du harcèlement subi.
M. G... a également contesté devant le conseil de prud’hommes son licenciement intervenu le 18 mai 2018 pour des faits de négligences fautives et d’insubordination.
Se fondant sur les dispositions de l’article 24 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, le conseil des prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de M. G.... Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif de demandes tendant, d’une part, à la condamnation de M. F... au paiement de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et, d’autre part, à la condamnation de l’association syndicale autorisée des propriétaires du cap Martin à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral outre diverses sommes au titre de la rupture de la relation de travail. Par jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M. G.... Par arrêt du 16 mai 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté les conclusions de M. G... en tant qu’elles contestent le rejet par le jugement du tribunal administratif de Nice de ses conclusions à fin d’annulation de l’avertissement du 16 février 2018 et de son licenciement du 18 mai 2018, annulé le jugement en ce qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. G... en ce qu’elles étaient dirigées à l’encontre de l’association syndicale, condamné l’association syndicale à payer à M. G... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des faits de harcèlement moral et sursis à statuer sur les conclusions de M. G... tendant à la condamnation de M. F... jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour statuer sur celles-ci.
Dans le cas où un dommage a été causé à un tiers par la faute personnelle d’un agent public, il appartient à la victime de rechercher la responsabilité personnelle de l’agent public devant les tribunaux judiciaires alors que, dans le cas où le dommage a été causé par la faute du service, la victime doit rechercher la responsabilité de l’administration devant les juridictions administratives.
Dans le cas où le dommage a été causé par une faute qui, bien que personnelle, n’est pas dépourvue de tout lien avec le service, la victime peut demander à être indemnisée de la totalité du préjudice subi soit à l’administration, devant les juridictions administratives, soit à l’agent responsable, devant les tribunaux judiciaires. Elle peut aussi, dans le respect du principe de réparation intégrale du préjudice subi, saisir le juge judiciaire d’une demande recherchant la responsabilité personnelle de l’agent public, pour la réparation d’une partie de son préjudice, et saisir le juge administratif d’une demande recherchant la responsabilité de la personne publique pour une autre partie.
M. G... se plaint de la répétition de reproches et de dénigrements dont il a été l’objet de la part du directeur de l’association syndicale et de la défiance quotidienne dont celui-ci a fait montre à son égard. Les faits de harcèlement moral imputés par M. G... à son supérieur hiérarchique, M. F..., trouvent leur origine dans une éventuelle faute commise à l’occasion de la relation de travail qui, bien que personnelle, n'est pas dépourvue de tout lien avec le service.
Les conclusions de M. G..., en ce qu’elles tendent à la condamnation indemnitaire personnelle de M. F..., à raison de la faute personnelle qu’il aurait commise relèvent de la compétence du juge judiciaire. Il appartiendra seulement à ce dernier, s’il estime devoir allouer une indemnité à M. G... en réparation du préjudice dont il se prévaut, de veiller à ce que l’intéressé n’obtienne pas une réparation supérieure à la valeur du préjudice subi du fait de la faute commise en tenant compte de l’indemnité de 3 000 euros prononcée par la cour administrative d’appel de Marseille.
D E C I D E :
---------------
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de M. G... en ce qu’elles tendent à la condamnation indemnitaire de M. F....
Article 2 : Le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 14 février 2019 est déclaré nul et non avenu en tant qu’il a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des conclusions de M. G... en ce qu’elles étaient dirigées contre M. F....
Article 3 : La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant le conseil de prud’hommes de Nice.
Article 4 : La présente décision sera notifiée M. G..., M. E... et à l’association syndicale autorisée des copropriétaires du Cap-Martin.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2025 où siégeaient :
M. Philippe Mollard, conseiller à la Cour de cassation, président du Tribunal des conflits ; M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, conseillers d’Etat ; Mme Frédérique Agostini, M. Philippe Flores, M. François Ancel, conseillers à la Cour de cassation.
Lu en séance publique le 6 octobre 2025.
Le président :
Le rapporteur :
La secrétaire :
N° C4352
Publié au recueil Lebon
M. Philippe Mollard, président
M. Philippe Flores, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
Lecture du lundi 6 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 19 mai 2025, l’expédition de l’arrêt du 16 mai 2025 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, saisie d’un appel contre le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice en date du 16 mai 2023, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider de la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour connaître des conclusions de M. G... tendant à la condamnation indemnitaire de M. F... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. . Philippe Flores, membre du Tribunal,
les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
M. G... a été engagé le 28 février 2017 en qualité de régisseur, agent contractuel de droit public, par l’association syndicale autorisée des propriétaires du Cap Martin, qui constitue un établissement public à caractère administratif soumis aux dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004.
Invoquant ses conditions de travail et en particulier des difficultés relationnelles et des propos méprisants de la part du délégué de l’association, M. F..., M. G... a saisi l’inspection du travail le 25 septembre 2017. Il a saisi le 16 octobre 2017, la juridiction prud’homale d’une demande tendant à obtenir la condamnation de son employeur et de M. F... au paiement de dommages-intérêts au titre du harcèlement subi.
M. G... a également contesté devant le conseil de prud’hommes son licenciement intervenu le 18 mai 2018 pour des faits de négligences fautives et d’insubordination.
Se fondant sur les dispositions de l’article 24 de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, le conseil des prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de M. G.... Ce dernier a alors saisi le tribunal administratif de demandes tendant, d’une part, à la condamnation de M. F... au paiement de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et, d’autre part, à la condamnation de l’association syndicale autorisée des propriétaires du cap Martin à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral outre diverses sommes au titre de la rupture de la relation de travail. Par jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de M. G.... Par arrêt du 16 mai 2025, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté les conclusions de M. G... en tant qu’elles contestent le rejet par le jugement du tribunal administratif de Nice de ses conclusions à fin d’annulation de l’avertissement du 16 février 2018 et de son licenciement du 18 mai 2018, annulé le jugement en ce qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. G... en ce qu’elles étaient dirigées à l’encontre de l’association syndicale, condamné l’association syndicale à payer à M. G... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des faits de harcèlement moral et sursis à statuer sur les conclusions de M. G... tendant à la condamnation de M. F... jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l’ordre de juridiction compétent pour statuer sur celles-ci.
Dans le cas où un dommage a été causé à un tiers par la faute personnelle d’un agent public, il appartient à la victime de rechercher la responsabilité personnelle de l’agent public devant les tribunaux judiciaires alors que, dans le cas où le dommage a été causé par la faute du service, la victime doit rechercher la responsabilité de l’administration devant les juridictions administratives.
Dans le cas où le dommage a été causé par une faute qui, bien que personnelle, n’est pas dépourvue de tout lien avec le service, la victime peut demander à être indemnisée de la totalité du préjudice subi soit à l’administration, devant les juridictions administratives, soit à l’agent responsable, devant les tribunaux judiciaires. Elle peut aussi, dans le respect du principe de réparation intégrale du préjudice subi, saisir le juge judiciaire d’une demande recherchant la responsabilité personnelle de l’agent public, pour la réparation d’une partie de son préjudice, et saisir le juge administratif d’une demande recherchant la responsabilité de la personne publique pour une autre partie.
M. G... se plaint de la répétition de reproches et de dénigrements dont il a été l’objet de la part du directeur de l’association syndicale et de la défiance quotidienne dont celui-ci a fait montre à son égard. Les faits de harcèlement moral imputés par M. G... à son supérieur hiérarchique, M. F..., trouvent leur origine dans une éventuelle faute commise à l’occasion de la relation de travail qui, bien que personnelle, n'est pas dépourvue de tout lien avec le service.
Les conclusions de M. G..., en ce qu’elles tendent à la condamnation indemnitaire personnelle de M. F..., à raison de la faute personnelle qu’il aurait commise relèvent de la compétence du juge judiciaire. Il appartiendra seulement à ce dernier, s’il estime devoir allouer une indemnité à M. G... en réparation du préjudice dont il se prévaut, de veiller à ce que l’intéressé n’obtienne pas une réparation supérieure à la valeur du préjudice subi du fait de la faute commise en tenant compte de l’indemnité de 3 000 euros prononcée par la cour administrative d’appel de Marseille.
D E C I D E :
---------------
Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de M. G... en ce qu’elles tendent à la condamnation indemnitaire de M. F....
Article 2 : Le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 14 février 2019 est déclaré nul et non avenu en tant qu’il a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître des conclusions de M. G... en ce qu’elles étaient dirigées contre M. F....
Article 3 : La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant le conseil de prud’hommes de Nice.
Article 4 : La présente décision sera notifiée M. G..., M. E... et à l’association syndicale autorisée des copropriétaires du Cap-Martin.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 septembre 2025 où siégeaient :
M. Philippe Mollard, conseiller à la Cour de cassation, président du Tribunal des conflits ; M. Jacques-Henri Stahl, M. Pierre Collin, Mme Isabelle de Silva, M. Nicolas Boulouis, conseillers d’Etat ; Mme Frédérique Agostini, M. Philippe Flores, M. François Ancel, conseillers à la Cour de cassation.
Lu en séance publique le 6 octobre 2025.
Le président :
Le rapporteur :
La secrétaire :