Discours de Didier-Roland Tabuteau au CESE [1]
Après la liberté et avant la fraternité, pour suivre l'ordre des termes de notre devise, mais je dirais plutôt avec la liberté et la fraternité, l'égalité est au cœur de la sécurité sociale.
La sécurité sociale vise par nature à rétablir, dans toute la mesure du possible, une égalité devant les risques de la vie.
Elle est née dans le souffle de « l’esprit de Philadelphie[1] », pour reprendre le titre du bel essai d'Alain Supiot, elle s’est inscrite dans le mouvement de l'État-providence et de la construction de protection sociale dans le monde, mais elle est aussi, par ses caractéristiques, une œuvre profondément française.
Elle concrétise le programme « Les jours heureux » du Conseil national de la résistance du 15 mars 1944, qui avait pour ambition d’« instaurer, dès la libération du territoire, un ordre social plus juste » et se fixait pour objectifs le rétablissement des grandes libertés, « le respect de la personne humaine » et « l'égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ».
S'interroger sur la question de l'égalité en ce domaine, c'est d'abord revenir à l'essence de la mission de la sécurité sociale.
L’exposé des motifs de l'ordonnance du 4 octobre 1945 la présente ainsi : La sécurité sociale « trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, (elle) répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l'incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d'infériorité »[2].
Réduire « l'incertitude du lendemain » ouvre la voie en 1945 à la protection contre la maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles, les allocations familiales et les régimes de retraite. Depuis 2020, l'accompagnement de la perte d'autonomie a été autonomisé dans une branche spécifique.
En dépit de son origine professionnelle, de son enracinement sur des caisses établies sur la base des métiers, la sécurité sociale n'a en effet eu de cesse de viser l’universalité.
Au regard de l'objectif d'égalité qu'elle poursuit depuis l'origine, l'analyse de la sécurité sociale me semble appeler une approche en deux temps.
D'abord pour mettre en exergue la rupture historique que constitue son avènement par rapport aux autres formes canoniques de protection contre les risques de la vie : la charité et l'assurance (I).
Ensuite pour souligner les avancées réalisées en son sein pour la protection de tous mais aussi pour rappeler les inégalités pour lesquelles son œuvre reste encore à parfaire (II).
I. D’abord donc, la Sécurité sociale marque une rupture historique avec les autres formes canoniques de protection contre les risques de la vie: la charité et l'assurance
Face aux risques de la vie, la richesse individuelle est depuis toujours l'antidote le plus efficace.
Mais deux voies complémentaires ont été dessinées par les sociétés pour ceux qui ne bénéficiaient pas de la fortune : la charité ou la bienfaisance d'un côté, le mutualisme et l'assurance de l'autre.
L’idée de protection sociale, de protection collective contre les risques de la vie s’est développée sur une logique radicalement différente.
En France, une rupture décisive est réalisée avec la constitution du 24 juin 1793.
En reconnaissant une « dette sacrée » de la Nation envers les « citoyens malheureux », la Révolution substitue au geste charitable un véritable droit, porteur d’une égalité sociale inédite.
Ce tournant fonde une solidarité désormais liée à l’action publique.
Il s’agit d’instaurer une égalité entre les individus sans passer par des corps intermédiaires.
Pourtant, devant la résistance de nombreux corps, ou des promoteurs d’une prévoyance strictement individuelle, l’État se désengage très vite et ce retrait persiste en France tout au long du XIXe siècle.
Il faut attendre la IIIe République et ses grandes lois d'assistance, notamment sur l'assistance médicale gratuite en 1893[3] puis les lois sur les assurances sociales des années 1930[4], dans le sillon du retour dans la République de l'Alsace et la Lorraine qui connaissent les lois bismarckiennes depuis les années 1880, pour que le mouvement s'amorce véritablement dans notre pays.
Ce retard français est d’autant plus préjudiciable que les solidarités traditionnelles, notamment familiales et locales, cette « famille Providence » décrite par Robert Castel[5], s’effritent sous l’effet de l’industrialisation et de l’exode rural.
Il reste que la doctrine de la « dette sacrée » et des secours publics a vraisemblablement irrigué les réflexions autour de l’État social, qui a été conceptualisé en 1850 par Lorenz von Stein dans une étude consacrée au mouvement social en France depuis la Révolution[6].
En s’érigeant à l’échelle nationale, l’assistance sociale a préparé l’avènement d’une égalité plus ambitieuse : celle de tous les citoyens, dans un système structuré pour couvrir les risques de l’existence, à l’origine de la sécurité sociale.
C’est l’ambition politique du programme du Conseil national de la Résistance, adopté le 15 mars 1944, « Les jours heureux », qui pose le principe d’un « plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence ».
A tous les citoyens !
A. C’est l’émergence d’une protection égalitaire d’une originalité radicale qui se distingue d’abord de la charité et de la philanthropie
Elle s’en distingue car elle ne dépend ni de la richesse d’un donateur ni de son bon cœur.
Elle fonde des droits objectifs dont l'application ne dépend pas des personnes ou des organisations qui la délivrent.
L’égalité s’incarne dans des règles publiques, opposables, qui se distinguent fondamentalement d’une logique de bienfaisance subjective.
Il ne s’agit pas seulement de faire face aux risques mais également de détacher l’aide de la personne qui la donne, de mettre fin à une relation de dépendance d’autant plus douloureuse qu’elle est discrétionnaire, aléatoire et peut être vitale.
Le sort de ses bénéficiaires ne procède pas de l'appréciation que le donateur, la congrégation, l'entreprise, l'association ou la fondation se fait de leur degré de misère, de leurs qualités ou de leurs défauts, de leurs besoins ou de leurs intentions.
Ce droit social objectif procède de leur appartenance à la collectivité, à celle des cotisants d'un régime social, à celle des usagers d'un service public, à celle des membres de la collectivité nationale ou résidant en France.
L’article L. 111-1 qui ouvre le code de la sécurité sociale le rappelle solennellement : « La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale ».
Si la protection sociale vient s'ajouter aux mécanismes toujours indispensables de la bienfaisance, elle rompt également avec la logique assurancielle, incarnée par les sociétés de secours mutuels au XIXe siècle et précédemment par les guildes ou les jurandes.
B. La sécurité sociale représente, en effet, une protection égalitaire qui s’inscrit dans un paradigme technique qui la distingue par deux caractères essentiels de la démarche assurancielle, c’est sa seconde originalité
Elle présente d’abord un caractère obligatoire.
Elle se finance ensuite par une contribution qui est indépendante des risques courus par le bénéficiaire.
Elle est en ce sens en rupture avec l’assurance qui répond à une démarche facultative et dont la tarification en fonction du risque est le principe cardinal.
C’est aussi sans doute sur l'obligation d'affiliation à la sécurité sociale que la tension entre la liberté et l'égalité est la plus forte[7]. L'obligation est en effet la condition sine qua non de l'égalité devant la sécurité sociale comme de l'égalité au sein de la sécurité sociale.
Et cette égalité se matérialise tant dans les modalités d’accès aux prestations que dans la participation à leur financement.
L’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale proclame s'agissant de la santé que : « La protection contre le risque et les conséquences de la maladie est assurée à chacun, indépendamment de son âge et de son état de santé ». Il ajoute : « Chacun contribue, en fonction de ses ressources, au financement de cette protection ».
Pour la retraite, le même article précise que si le système de retraite « assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu'ils ont tirés de leur activité », les assurés doivent bénéficier « d'un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent ».
Ce modèle de mutualisation fondé sur l’obligation et l’indépendance du risque s’est progressivement élargi.
A l’égalité entre cotisants d'un même régime[8], s'est ajoutée l’égalité des contributeurs via l’impôt, singulièrement depuis la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991[9].
Les modalités de gestion ont suivi cette même tendance au renforcement de la place des pouvoirs publics, notamment avec les ordonnances Jeanneney de 1967[10], et bien sûr lors de la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1996[11] qui signe l’entrée solennelle du Parlement sur le champ de la sécurité sociale.
Certaines prestations essentielles, comme les allocations familiales ou la protection maladie, s’adressent désormais à tous les résidents en situation régulière[12], indépendamment de leur nationalité ou de leur statut professionnel.
La sécurité sociale est ainsi devenue l’expression d’une égalité à plusieurs niveaux, entre travailleurs, entre citoyens, entre résidents, dans une transfiguration des logiques initiales de la dette sacrée, des lois bismarckiennes ou du rapport Beveridge.
Comme l'a écrit dans un article lumineux Jean-Jacques Dupeyroux en 1960 : « lorsque la société, c'est-à-dire l'État, accepte de prendre à sa charge le poids des risques qui menacent individuellement les membres de la communauté, un droit nouveau fait alors son apparition, le « droit à la sécurité sociale » »[13].
II. J’en viens maintenant aux enjeux contemporains de la sécurité sociale pour garantir légalité devant les risques de la vie
L’objectif d’universalité de la sécurité sociale vise fondamentalement à garantir une égalité en droit devant les risques de la vie.
L’assurance maladie, d’abord généralisée, devenue universelle avec la CMU[14] en 2000 puis avec la PUMA[15] en 2016, en est l’illustration : elle repose sur une solidarité élargie, entre malades et bien-portants, entre riches et pauvres.
Et on peut noter, à cet égard que, de manière générale, plus un système de protection sociale réunit d’individus, plus la solidarité qu’il institue peut être forte.
Mais chacun sait que les conditions de vie, le contexte socioculturel et économique produisent des inégalités que les dispositifs d'égalité en droit ne suffisent pas à surmonter.
La sécurité sociale s'est progressivement enrichie de règles visant à mieux assurer l'égalité réelle. Elle reste pour autant toujours confrontée à de profondes inégalités.
Dans le temps imparti, qu'il me soit permis d'évoquer quatre des défis qui se présentent à elle.
A. D’abord, celui permanent des inégalités de ressources
Imaginée pour être « la garantie donnée à chacun qu’en toute circonstance, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes », selon les termes de l’exposé des motifs de l'ordonnance du 4 octobre 1945, la sécurité sociale assure aujourd’hui une part significative de la redistribution verticale réalisée par les politiques publiques.
Elle se traduit notamment par des prestations sous conditions de ressources qui visent à corriger les inégalités de fait et contribuer à garantir aux plus défavorisés des « moyens convenables d'existence », au sens du 11e alinéa du Préambule de 1946.
Les prestations familiales en sont bien évidemment l'exemple le plus topique.
A titre d’exemple, elles ont, combinées avec le quotient familial et les minima sociaux, pour effet de réduire le rapport interdécile des distributions de niveau de vie de 10 à 5 pour les couples avec trois enfants ou plus[16].
Mais les autres branches concourent également à la réduction des inégalités de ressources. En matière d'assurance vieillesse, le minimum contributif permet d'accroître les pensions de retraite des cotisants aux revenus les plus modestes.
L'assurance-maladie elle-même, si elle repose sur une solidarité fondamentale entre les malades et les bien portants, se traduit également par des transferts de ressources des plus aisés vers les plus défavorisés[17].
B. Deuxième défi : les inégalités provenant des déséquilibres démographiques
L'absence d'universalité de l'assurance vieillesse a, dès l'origine, posé la question des déséquilibres démographiques, certains régimes ayant de moins en moins de cotisants et de plus en plus de retraités, d'autres au contraire protégeant une population d’actifs jeunes et n'ayant proportionnellement que peu de charges de pensions.
L'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale traduit la solidarité mise en place entre les régimes d’assurance vieillesse : une compensation démographique est établie aux fins de « remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes au titre des droits propres ».
Mais le même mécanisme existe entre le régime général et le régime des salariés agricoles en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Au-delà de la réduction des inégalités, de telles règles garantissent la solidité des régimes de sécurité sociale en élargissant les champs de la solidarité et en l'inscrivant dans la durée quelles que soient les évolutions des effectifs professionnels de chaque régime.
Et le défi est sans doute renouvelé aujourd'hui pour garantir une égalité de droits entre les générations.
L'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale proclame : « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations ».
La sécurité sociale est, à n’en pas douter, par la solidarité qu’elle concrétise entre tous les membres de la collectivité nationale, le système le plus solide et les réformes qui accompagnent son évolution doivent garantir aux plus jeunes qu’ils seront, comme leurs aînés, mis à l'abri de l'incertitude du lendemain lorsque leurs vieux jours seront venus.
C.Troisième défi, majeur, les inégalités entre les femmes et les hommes
Réduire ces inégalités ancrées dans les structures les plus profondes de la société est une ambition majeure de la sécurité sociale.
L’article L. 111-2-1 déjà cité ajoute : « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité (…) au sein de chaque génération, notamment par l'égalité entre les femmes et les hommes ».
On sait combien les inégalités entre les femmes et les hommes affectent les droits ouverts auprès des régimes de sécurité sociale.
Les pensions de retraite des femmes sont en moyenne aujourd'hui inférieures de plus de 40 % à celles des hommes[18], en raison notamment de métiers moins bien rémunérés mais également de périodes d'inactivité ou de temps partiel plus longues pendant la carrière.
Des mesures, comme l'octroi de trimestres de cotisation retraite pour chaque enfant, essayent de compenser les désavantages qui résultent pour les femmes des conditions d'emploi et de vie familiale.
Pour autant, ces inégalités restent très marquées et appellent des efforts sans cesse renouvelés.
D. Dernier défi, les inégalités d’accès aux services
En matière de santé, « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne » selon le premier article du code de la santé publique[19].
La protection universelle maladie doit en être le levier financier. Pourtant, la prise en charge des frais de santé ne suffit pas à garantir à chacun l'accès aux services de santé.
Les disparités territoriales constatées dans l'offre de soins comme les pratiques tarifaires en médecine de ville, sont à l'origine de fortes inégalités dans l'accès aux services de santé. Les politiques publiques tendent à y remédier et les textes en portent la marque.
Ainsi, les conventions médicales peuvent comporter des stipulations faisant participer les médecins à la « réduction des inégalités territoriales dans l'accès aux soins »[20] et les dotations populationnelles pour les hôpitaux ont pour vocation de « réduire progressivement les inégalités dans l’allocation des ressources régionales »[21].
Dans un autre domaine, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a pour mission de « garantir l'équité, notamment territoriale » mais aussi de « veiller à l'égalité de traitement des demandes de droits et de prestations de soutien à l'autonomie »[22].
À travers la problématique de l'accès aux services, c'est la question du lien entre la sécurité sociale et nombre de politiques publiques qui est ainsi posée.
Conclusion
Pour terminer ce propos, évidemment lapidaire sur un sujet aussi complexe et essentiel, permettez-moi trois considérations.
Je voudrais d'abord souligner que la sécurité sociale est un service public même si le code de la sécurité sociale n’utilise que rarement cette expression. On la trouve seulement, pour la partie législative du code, dans trois articles consacrés à la « convention-cadre de performance du service public de la sécurité sociale »[23].
Je me permets d’ajouter que le Conseil d’État reconnait depuis longtemps le caractère de service public de la sécurité sociale[24], quelle que soit la nature juridique des organismes qui en ont la charge[25].
La genèse de la sécurité sociale explique sans doute cette timidité du législateur. La sécurité sociale s’est inscrite dans le champ de la démocratie sociale et la notion de service public renvoyait à l'action des pouvoirs publics et donc de l'État, à distance duquel la sécurité sociale devait demeurer pour bien de ses acteurs.
Pourtant, indépendamment de ses modalités de gestion, la sécurité sociale est un immense et admirable service public.
Une deuxième remarque pour insister sur la dualité de la question de l'égalité en matière de sécurité sociale.
Il s’agit comme pour tout service public de garantir l'égalité d'accès et de traitement de toutes celles et tous ceux qui en relèvent.
C'est l'égalité devant la sécurité sociale.
Mais il s'agit également de contribuer à réduire les inégalités que connaît notre société. Inégalités de ressources mais également inégalités sociales de santé. Les inégalités les plus radicales ne sont-elles pas celles liées à la maladie ?
C'est l'égalité par la sécurité sociale.
Pour terminer, je voudrais souligner combien la question de l'égalité en matière sociale dépasse la seule sécurité sociale. Il faut toujours revenir à la question originelle : comment protéger contre les risques de la vie ?
Et dans cette réflexion, il me paraît dès lors indispensable d'intégrer l'éducation, comme la Révolution avait placé au cœur des ambitions de la République les secours publics mais aussi l'instruction publique.
L’éducation est, sans doute, la protection la plus efficace contre les risques de la vie.
Le groupe consultatif présidé par Michelle Bachelet pour le Bureau international du travail et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) intégrait d’ailleurs, en 2011, les politiques de l’éducation dans le socle universel de protection sociale qu’il proposait[26].
Ainsi, en protégeant contre les aléas de la vie, la sécurité sociale ne fait pas que réparer des injustices et réduire des inégalités.
Elle apaise les tensions, elle garantit à chacun une forme de sécurité dans un monde incertain.
Elle rend possible un rapport serein à la collectivité, à la chose publique, c’est-à-dire étymologiquement à la République.
Et une société qui protège est une société qui peut débattre démocratiquement sans se déchirer, vivre ensemble sans peur, coexister sans violence. En cela, l’égalité portée par la sécurité sociale est bien plus qu’un principe. Elle est un socle sur lequel peut reposer depuis 80 ans une citoyenneté vivante.
C’est pourquoi l’égalité doit être pensée à la fois comme origine et comme horizon. Tel était l’idéal des ordonnances d’octobre 1945 et du Préambule de 1946 : refonder la société sur l’idée de justice sociale, où la citoyenneté ne se limite pas à des droits civils et politiques, mais s’enracine dans une solidarité gage de protection.
Ainsi comprise, l’égalité ne nivelle pas : elle élève. Elle ne fige pas : elle libère. Et elle fait de la protection sociale non pas un simple filet de sécurité, mais un pilier de la République.
Références
[1] A. Supiot, L'esprit de Philadelphie, La justice sociale face au marché total, Le Seuil, 2010.
[2] « Exposé des motifs accompagnant la demande d’avis n° 507 sur le projet d’organisation de la Sécurité sociale, dépôt du 5 juillet 1945 à l’Assemblée constituante provisoire », Bulletin de liaison du Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 14, p. 59.
[3] Loi du 15 juillet 1893 sur l’assistance médicale gratuite.
[4] Loi du 5 avr. 1928 sur les assurances sociales ; loi du 30 avr. 1930 modifiant et complétant la loi du 5 avr. 1928 sur les assurances sociales.
[5] R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995.
[6] L. von Stein, Geschichte des sozialen Bewegung in Frankreich von 1789 vis unsere Tage, 1850 ; F.-X Merrien, R. Parchet. A. Kernen, L’Etat social. Une perspective internationale, Armand Colin, 2005.
[7] R. Lafore, « Le principe d’égalité dans la Sécurité sociale : incertitudes et ambiguïtés de sa construction contentieuse », Le droit ouvrier, n° 816, 2016.
[8] CE, 17 novembre 1997, Syndicats des médecins libéraux et autres, nos 181622, 181623, A.
[9] Loi de finances pour 1991 (n° 90-1168 du 29 décembre 1990).
[10] Ordonnances : n° 67-706 du 21 août 1967 relative à l'organisation administrative et financière de la sécurité sociale ; n° 67-707 du 21 août 1967 portant modification du livre v du code de la sante publique relatif a la pharmacie, de diverses dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux prestations et de la loi n° 66-419 du 18 juin 1966 relative à certains accidents du travail et maladies professionnelles ; n° 67-708 du 21 août 1967 relative aux prestations familiales ; n ° 67-709 du 21 août 1967 portant généralisation des assurances sociales volontaires pour la couverture du risque maladie et des charges de la maternité.
[11] Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale ; loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
[12] Loi n° 78-2 du 2 janvier 1978 relative à la généralisation de la sécurité sociale ; articles L 111-1, L 512-1, L 512-2 et D 512-1 du code de la sécurité sociale.
[13] J.-J. Dupeyroux, « Quelques réflexions sur le droit à la sécurité sociale », Droit social, n° 5, mai 1960.
[14] Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.
[15] Loi n° 2015- 1702 du 21 décembre 2015 de financement de la Sécurité sociale pour 2016.
[16] Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale. 2024, projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, annexe 1 famille, p. 83.
[17] L'assurance-maladie publique contribue fortement à la réduction des inégalités de revenus, Etudes et résultats, DREES, février 2022, n° 1220.
[18] Observatoire des inégalités, « Comment rendre le système de retraite moins inégalitaire ? Six principes de base », Analyse, 16 février 2023.
[19] Article L. 1110-1 du CSP ; voir également les articles L. 1110-3 et L. 1110-5 du CSP.
[20] Article L. 162-5 du CSS.
[21] Articles L. 162-22-8-2 et L. 162-22-18 du CSS.
[22] Article L. 223-5 du CSS.
[23] Articles L. 114-23, L. 114-24 et L. 114-25 du CSS
[24] CE, 12 juin 1959, Berche, Lebon 364 ; AJDA 1959. 251, concl. Mayras ; CE 6 oct. 1971, Clinique Bachaumont, Dr. Soc. 1972. 345.
[25] Caractère privé des organismes de base, régulièrement confirmé : CE sect., 13 déc. 1963, Syndicat des praticiens de l’art dentaire du département du Nord et Sieur Malin, Lebon 623 ; CE, 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection », Lebon, p. 417, D. 1939.3.65, concl. Latournerie, n. Pépy ; RDP, 1938.830, concl. Latournerie.
[26] Socle de protection sociale pour une mondialisation juste et inclusive, rapport du groupe consultatif présidé par Michelle Bachelet, mis en place par le Bureau international du travail avec la collaboration de l’OMS, 2011.